À la veille
du vote du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental, toute la presse marocaine annonce déjà une “victoire
historique” du plan d’autonomie. Mais derrière le récit triomphal, le droit
international, lui, reste inchangé.
Ce que dit réellement le droit international
Depuis
l’avis consultatif rendu le 16 octobre 1975 par la Cour
internationale de Justice (CIJ), la position du droit international est
claire :
“Il
n’existe aucun lien juridique de souveraineté entre le Royaume du Maroc et le
territoire du Sahara occidental.” [1]
Autrement
dit, le Sahara occidental reste un territoire non autonome soumis au
processus de décolonisation des Nations unies. La CIJ a rappelé que seul
le peuple sahraoui a le droit de décider de son avenir — par un
processus d’autodétermination librement exprimé.
Le vote
attendu au Conseil de sécurité ne modifie pas ce cadre : ni une résolution de
prorogation de la MINURSO, ni une formulation “favorable à l’autonomie” ne
peuvent, à elles seules, changer le statut juridique du territoire.
Une résolution politique, pas un changement de
souveraineté
Le projet de résolution porté par les États-Unis,
souvent désignés comme « porte-plume », reprend une formule déjà
utilisée :
“Le plan
d’autonomie marocain est sérieux, crédible et réaliste, et constitue une base
pour parvenir à une solution.” [2]
Mais “base
de solution” ≠ “reconnaissance de souveraineté”.
Le Conseil encourage une négociation politique entre les parties (Maroc,
Front Polisario, Algérie, Mauritanie) ; il ne tranche pas la question de
souveraineté.
Même les
passages vantés comme « prééminence du plan d’autonomie » n’ont qu’une valeur
politique : ils reflètent une tendance diplomatique, non une décision
juridique.
Le mythe du
vote acquis
La presse
Marocaine affirme que “neuf voix sont assurées” et que “le texte
passera sans veto”. Or, cette certitude relève de la spéculation.
Les votes du Conseil dépendent souvent d’amendements de dernière minute,
d’équilibres régionaux et d’échanges bilatéraux :
- La Russie a demandé à “rééquilibrer”
certains passages jugés trop favorables à Rabat ;
- La Chine continue d’appeler à “une
solution politique mutuellement acceptable” ;
- Le Guyana, la Slovénie ou le
Pakistan
restent prudents malgré des pressions diplomatiques.
Même les
pays européens, traditionnellement proches du Maroc, insistent sur la formule
d’“une solution juste, durable et mutuellement acceptable”. [3]
Ce langage de compromis, volontairement flou, permet d’éviter de se prononcer
sur la souveraineté.
Quand la
communication précède la diplomatie
Pourquoi
proclamer une victoire avant même le vote ?
Parce qu’en diplomatie interne, le symbole prime sur la procédure. La
communication triomphaliste vise à :
- Rassurer l’opinion publique
marocaine, en
lui présentant la cause nationale comme déjà gagnée ;
- Façonner la perception
internationale, en
créant l’illusion d’un consensus ;
- Désamorcer les critiques
internes
(notamment sur les lenteurs du processus politique).
Mais ce
discours ne résiste pas à l’examen juridique. Les Nations unies n’ont jamais
reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, et la MINURSO
reste mandatée pour superviser un processus d’autodétermination.
Politique ≠
juridique
“Un texte
diplomatique peut féliciter un plan sans changer la loi internationale. Le
droit n’obéit pas au communiqué de presse.”
Confondre appui
politique et reconnaissance juridique revient à travestir le rôle du
Conseil de sécurité.
Les résolutions onusiennes sont souvent des compromis de langage ; leur portée
symbolique est forte, mais leur effet juridique reste limité tant que le
peuple concerné n’a pas exprimé sa volonté.
Un texte qui
«met en avant» l’autonomie comme base de négociation n’est pas une
reconnaissance de souveraineté. Le Conseil produit souvent des formulations
politiques (encourager «une solution basée sur l’autonomie», «encourager les
propositions constructives», etc.) — cela oriente le processus, mais ne
remplace pas les procédures juridiques d’un changement de statut. Il existe
une grande différence entre préconiser/encourager le plan marocain comme
cadre de discussions et reconnaitre la souveraineté marocaine sur le
territoire
Conclusion :
une prudence nécessaire
Le Maroc a
le droit crié victoire pour son plan d’autonomie ; c’est une proposition
politique qui cache une colonisation. Mais parler de “marocanité consacrée”
avant même le vote relève d’un wishful thinking diplomatique.
Avant de
proclamer une “victoire”, il faudrait rappeler :
- que le processus onusien est
toujours fondé sur l’autodétermination,
- que le statut final du
territoire n’a jamais été tranché,
- et qu’aucune résolution du
Conseil n’a jamais reconnu explicitement la souveraineté marocaine.
Le véritable
test ne sera pas
le vote du jour, mais la capacité du Conseil et du Secrétariat général à relancer
un processus crédible de négociation directe entre les parties.
A/Kader
Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. » https://kadertahri.blogspot.com/
Sources
[1] Cour internationale de Justice, Western Sahara – Advisory Opinion,
16 octobre 1975.
[2] Le Monde Afrique, “Les États-Unis défendent à l’ONU l’autonomie sous
souveraineté marocaine”, 29 octobre 2025.
[3] Security Council Report, “Western Sahara: Draft Resolution and
Member Positions”, octobre 2025.
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