Le
Rassemblement national se félicite d’une prétendue victoire parlementaire :
l’adoption symbolique d’une résolution visant à dénoncer les accords
migratoires de 1968 entre la France et l’Algérie. En réalité, cette opération
n’a rien d’une avancée politique ; elle n’est qu’une démonstration de
communication, une mise en scène du pouvoir destinée à faire oublier son
impuissance réelle.
Le texte
triomphaliste publié dans la presse d’extrême droite n’en fait pas mystère :
peu importe la portée juridique — inexistante — de la résolution, l’essentiel
est de faire croire que Marine Le Pen et son camp “agissent”, là
où le reste de la classe politique serait paralysé. C’est là toute la mécanique
populiste : transformer un non-événement institutionnel en victoire symbolique,
pour nourrir le récit du “peuple trahi par les élites”.
Une victoire sans effet, une illusion de
souveraineté
Les accords
franco-algériens de 1968 ont déjà été révisés plusieurs fois (1985, 1994,
2001). Les dénoncer unilatéralement serait contraire au droit international. Ce
vote n’a donc aucune conséquence juridique, puisqu’il relève d’une
relation diplomatique bilatérale. Le RN le sait parfaitement.
Mais la vérité juridique n’intéresse pas le RN : seul compte l’effet de scène,
l’image d’une France “reprenant le contrôle” face à un adversaire fantasmé,
l’Algérie.
Cette
stratégie est ancienne : fabriquer des victoires symboliques pour masquer la
vacuité programmatique. Derrière les effets de manche, rien ne vient
répondre aux véritables enjeux migratoires, économiques ou sociaux. Le RN n’a pas de politique, seulement
des ennemis.
Le peuple instrumentalisé
Le texte
triomphaliste évoque une population “à 72 % favorable au rejet” des accords,
sans jamais citer de source. C’est une technique bien rodée : faire parler “le
peuple” à la place du peuple.
Le RN se présente comme le porte-voix des “vrais Français”, mais c’est lui qui
sélectionne, interprète, et simplifie leurs colères pour les transformer en
consentement à la peur.
Réduire la
complexité sociale à un chiffre creux, c’est refuser la politique pour lui
substituer une émotion dirigée : la rancune.
Le “pays réel” dont parle l’extrême droite n’existe que dans son imaginaire. Le
vrai pays, lui, est pluriel, traversé de solidarités, de débats, de
contradictions — tout ce que le RN méprise.
Le “front républicain” : cible stratégique du
RN
L’auteur de
cet article se réjouit de “l’effritement du front républicain”. Ce n’est pas
anodin : depuis des années, l’extrême droite mène une offensive culturelle pour
banaliser son discours et dissoudre les réflexes antifascistes.
Le RN cherche moins à gagner des élections qu’à faire perdre la mémoire. Son
objectif : que voter avec lui ne paraisse plus scandaleux, que “l’interdit de
la peste brune” tombe enfin.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : ce qu’il appelle “désunion des têtes molles” est en réalité la fragilisation du socle démocratique. Le “front républicain” n’est pas un réflexe partisan ; c’est une ligne de défense contre la haine comme principe politique. L’attaquer, c’est fragiliser l’idée même de République.
La revanche coloniale travestie en patriotisme
Au cœur de
cette rhétorique se niche un autre poison : le ressentiment postcolonial.
En s’attaquant aux accords de 1968, le RN ravive le mythe d’une France
“humiliée” par l’Algérie, d’une relation inégale à renverser. C’est le vieux
rêve d’une revanche sur l’histoire.
Ce discours n’a rien à voir avec la souveraineté : il relève du fantasme
impérial blessé.
L’Algérie y devient le miroir commode de toutes les frustrations françaises :
la désindustrialisation, la précarité, la peur du déclin.
Plutôt que d’en affronter les causes structurelles, le RN préfère désigner un
coupable extérieur — étranger, musulman, ancien colonisé.
Réaffirmer une autre idée de la République
Face à ce
théâtre d’ombres, notre tâche militante est claire : réaffirmer une
République sociale, antiraciste et universaliste.
Non pas une République du rejet, mais une République du lien.
Non pas une souveraineté du repli, mais une souveraineté du partage.
Les
relations entre la France et l’Algérie sont une question politique, historique
et humaine — pas une obsession identitaire. Les immigrés algériens ont
contribué à construire la France contemporaine, dans les usines, les hôpitaux,
les quartiers populaires. Les traiter en menace, c’est insulter notre propre
histoire.
Conclusion : refuser la victoire du mensonge
Le RN n’a
remporté aucune victoire politique. Il a simplement réussi à imposer son récit
: celui d’un pays cerné, trahi, assiégé.
Notre réponse doit être à la hauteur : démonter ce récit, point par point, sans
jamais céder à sa logique de peur.
Loin d’être
un instrument de souveraineté, la dénonciation unilatérale de l’accord franco-algérien
de 1968 serait, une rupture illégale, diplomatiquement risquée et politiquement
inefficace, qui risquerait d’ouvrir plus de portes qu’elle n’en fermerait
Ce n’est pas une France contre l’Algérie, mais une France avec tous ceux qui,
d’ici et de là-bas, continuent de croire à la justice et à la fraternité.
A/Kader
Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. » https://kadertahri.blogspot.com/
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