Parfois il m'est utile de le dire !

                                                                                                          Oh! Colombe, transmets mon salut d...

Une décision américaine d’interdire l’accès aux dirigeants palestiniens à l’ONU

Introduction

La décision de l’administration Trump d’interdire aux représentants palestiniens l’accès au territoire américain, et par conséquent au siège des Nations Unies à New York, soulève de sérieuses questions politiques, diplomatiques et juridiques. Cette mesure, présentée comme un prolongement de la doctrine « America First », est perçue par de nombreux observateurs comme une atteinte directe au droit international, au rôle de l’ONU et à la crédibilité des États-Unis en tant que médiateur dans le conflit israélo-palestinien.


Une atteinte au rôle des États-Unis comme pays hôte de l’ONU

Le siège de l’ONU à New York bénéficie d’un statut juridique particulier. En vertu de l’Accord de siège conclu en 1947 entre l’ONU et les États-Unis, le pays hôte s’engage à faciliter l’accès des représentants de tous les États membres et observateurs accrédités, indépendamment des relations bilatérales. En refusant des visas aux responsables palestiniens, Washington viole potentiellement ses obligations internationales et met en cause la neutralité de l’ONU en tant que forum universel.


Conséquences politiques et diplomatiques

Cette décision fragilise la position des États-Unis comme médiateur crédible dans le processus de paix au Moyen-Orient. Elle envoie trois signaux majeurs à la communauté internationale :

  1. Que Washington n’est plus un intermédiaire impartial dans le dossier israélo-palestinien.
  2. Que le recours à une solution à deux États, déjà affaibli, perd encore davantage de crédibilité.
  3. Que la politique étrangère américaine est alignée de manière quasi inconditionnelle sur le gouvernement israélien actuel, au détriment du multilatéralisme.

De plus, un précédent dangereux est créé : si le pays hôte de l’ONU peut décider unilatéralement qui peut ou non accéder à l’organisation, l’indépendance et l’efficacité de celle-ci sont gravement compromises.


Options juridiques et diplomatiques pour la Palestine

Face à cette situation, plusieurs mécanismes peuvent être envisagés par l’Autorité palestinienne et ses alliés :

  • Transfert temporaire de l’Assemblée générale à Genève ou Vienne, comme cela avait été le cas en 1988.
  • Mobilisation d’une coalition d’États pour soutenir une motion contre la décision américaine (Afrique du Sud, Brésil, Indonésie, Espagne, Irlande, etc.).
  • Activation du Comité des relations avec le pays hôte, chargé d’examiner toute violation de l’Accord de siège.
  • Saisine du Secrétaire général et arbitrage international, voire demande d’un avis consultatif à la Cour internationale de Justice sur les obligations des États-Unis.

L’impact sur l’image des États-Unis et d’Israël

Au lieu de renforcer leur position, les États-Unis et Israël risquent un isolement accru.

  • Pour Washington, cette mesure accentue l’image d’un acteur partial, instrumentalisant l’ONU pour ses intérêts politiques internes.
  • Pour Israël, elle ne fait que renforcer la perception d’un État qui, malgré ses violations répétées du droit international (colonisation, blocus, recours disproportionné à la force), cherche à étouffer toute contestation légale ou diplomatique.

Ainsi, loin de marginaliser la cause palestinienne, cette décision pourrait conduire à une reconnaissance accrue de la Palestine sur la scène internationale.


Dimension morale et humanitaire

Au-delà des enjeux institutionnels, cette mesure témoigne d’un cynisme préoccupant. Elle nie le droit d’un peuple à faire entendre sa voix dans les enceintes multilatérales et participe indirectement à la légitimation de politiques d’occupation et de colonisation largement condamnées par la communauté internationale. Refuser aux Palestiniens l’accès à l’ONU équivaut à leur dénier un espace de représentation, renforçant leur marginalisation politique et diplomatique.


Conclusion

En refusant des visas aux dirigeants palestiniens, l’administration Trump a franchi une ligne rouge, transformant le siège de l’ONU en instrument de chantage politique. Cette décision affaiblit la crédibilité des États-Unis, mine le rôle de l’ONU et ouvre la voie à une contestation accrue du monopole diplomatique américain sur le processus de paix au Proche-Orient.

La solution durable au conflit israélo-palestinien ne passera pas par l’exclusion ou la délégitimation, mais par le respect du droit international, la reconnaissance mutuelle et la recherche d’une paix juste et équilibrée.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/


 


Le 7 octobre, Gaza et la guerre des récits : vérité, mémoire et dignité humaine

 

Le 7 octobre 2023, le monde a basculé. L’attaque du Hamas contre Israël a causé la mort de centaines de civils, provoqué des prises d’otages et révélé l’impréparation d’une armée réputée invincible. Un traumatisme immense pour la société israélienne, et une horreur indéniable pour tous ceux qui défendent la dignité humaine. Mais ce drame, au lieu d’ouvrir la voie à une réflexion universelle sur la sécurité, la justice et la paix, a été figé en récit sacré. Un récit présenté comme indiscutable, brandi comme un talisman politique et médiatique, et utilisé comme justification à une guerre qui a plongé Gaza dans l’abîme.

Gaza sous les bombes : du droit de riposte au châtiment collectif

Depuis ce jour, Gaza meurt. Plus de 30 000 morts, dont une majorité de femmes et d’enfants. Des hôpitaux détruits, 80 % des immeubles rasés, une famine organisée par le blocus. Cette réalité, documentée par Amnesty International, Human Rights Watch, l’ONU et de nombreux journalistes, ne peut être balayée d’un revers de main. Nous ne sommes plus dans la logique de la « riposte » mais dans celle du châtiment collectif, prohibé par le droit international humanitaire. On peut discuter des mots — crime de guerre, nettoyage ethnique, génocide — mais on ne peut pas nier les faits : la population palestinienne est prise pour cible en tant que telle.

Le silence des élites face à Gaza

On peut aussi s’étonner du silence assourdissant de ceux qui, hier encore, se mobilisaient avec fracas pour d’autres causes. Un migrant disparu en Méditerranée, une étoile de David tracée sur un mur, une polémique sur les réseaux sociaux : autant d’événements qui déclenchaient tribunes, campagnes et hashtags. Mais face à la catastrophe humanitaire de Gaza, ces mêmes voix se taisent ou hésitent. Cette indignation sélective interroge : pourquoi certaines vies semblent-elles compter davantage que d’autres dans l’espace public occidental ? La hiérarchie des souffrances fragilise non seulement la cohérence morale de nos sociétés, mais aussi la crédibilité du discours universel des droits humains.

Guerre des récits : Israël, Hamas et le piège des mémoires concurrentes

La guerre des récits est au cœur du problème. D’un côté, un Israël qui érige le 7 octobre en « deuxième Shoah », interdisant toute nuance et assimilant toute critique de sa politique à de l’antisémitisme. De l’autre, certains discours qui minimisent la douleur des victimes israéliennes en invoquant exclusivement Gaza. Ces deux postures sont des impasses. Aucune mémoire ne devrait être utilisée comme arme politique : la Shoah n’autorise pas l’écrasement de Gaza, et l’indignation face aux crimes israéliens ne justifie pas le terrorisme.

La responsabilité des médias et du droit international

Dans ce climat, la responsabilité des médias et des intellectuels est immense. Nommer les faits, relayer les enquêtes des ONG, rappeler les règles du droit international : voilà ce qui devrait primer. Or, trop souvent, la couverture médiatique cède à la peur de « mal nommer » ou de « heurter ». Cette prudence, qui se traduit par une invisibilisation des victimes palestiniennes, participe à l’impunité. Car ne pas dire, c’est déjà cautionner.

Conclusion : une dignité indivisible

L’histoire n’absout pas, elle oblige. Elle oblige à ne pas répéter sous d’autres formes les logiques d’oppression, à ne pas punir des enfants pour les crimes de leurs dirigeants, à ne pas hiérarchiser les morts. Ceux qui croient défendre Israël en justifiant la mort de milliers de Palestiniens n’assurent ni sa sécurité ni son avenir. Ils enferment toute une région dans une spirale de haine qui prépare d’autres drames, d’autres 7 octobre.

La vie humaine est indivisible. Chaque enfant israélien tué le 7 octobre et chaque enfant palestinien enterré sous les gravats de Gaza méritent la même compassion, la même mémoire, la même justice.

Quand un attentat islamiste est commis, on demande aux musulmans du monde de le condamner, mais personne ne demande aux juifs de se désolidariser ou de condamner ce qu’il se passe en ce moment à Gaza...
Qui ne dit mot consent

Le 7 octobre doit être commémoré, mais pas instrumentalisé. Gaza doit être secourue, mais pas effacée des récits. Aucune tragédie, aussi réelle soit-elle, ne peut en justifier une autre.


Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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Résilience ou anesthésie morale ? Quand Israël danse sur les ruines de Gaza.


 On nous parle de fractures internes, de mémoire traumatique et de vitalité collective. Mais derrière le mythe de la résilience israélienne, il y a une société qui a intégré l’horreur dans sa normalité et qui, en occultant les Palestiniens, transforme l’indifférence en vertu. Cet article dénonce le récit victimaire israélien, l’endoctrinement et l’effacement systématique des Palestiniens de l’horizon moral. Quand la « joie d’être soi » devient un alibi pour justifier l’inhumain.


On voudrait nous faire croire que la société israélienne vit dans la complexité, dans la contradiction, dans une tension noble entre mémoire et désir de vie. On nous raconte l’histoire de ces pères et fils qui débattent stratégie militaire, de ces amis qui s’imposent de regarder les massacres pour se rappeler « contre qui » ils se battent, de ces foules qui remplissent Salons de café, pelouses et plages malgré la guerre. On cite Deleuze pour donner une dimension philosophique à ce « vivre ensemble » : la joie d’être soi, l’élan collectif qui résiste à l’abomination.

Mais arrêtons l’hypocrisie. Cette soi-disant vitalité, cette « joie d’être ensemble », cette insistance sur les cafés et les plages, n’est pas la preuve d’une grandeur morale. C’est la marque d’une anesthésie. Car derrière cette façade de normalité, derrière cette capacité à continuer de vivre, il y a un prix : l’effacement total des Palestiniens de l’horizon moral israélien.


Une société qui s’habitue à l’horreur

On nous parle des traumatismes du 7 octobre, des doutes stratégiques des soldats, des fractures internes. Mais jamais des milliers de civils écrasés sous les bombes à Gaza. Jamais des familles réduites à chercher de l’eau potable, à enterrer leurs enfants dans le sable, à survivre dans des ruines. Dans ce récit, la vie israélienne est multiple, riche, traversée de contradictions. La vie palestinienne, elle, n’existe pas. Elle est gommée, occultée, comme si elle n’avait jamais compté.

Aucun État internationalement reconnu – et encore moins une démocratie – n'a infligé d'atrocités aussi vastes et systématiques à des civils totalement sans défense : bébés, enfants, mères, médecins, journalistes, etc., tous anéantis avec des armes de nouvelle génération dans l'une des cages les plus surpeuplées du monde, appelée « le Labo ». Ce cocktail est tout simplement sans précédent. --- Soit dit en passant, sous le régime nazi, c'étaient principalement les unités SS Totenkopf et la division Totenkopf qui faisaient le sale boulot.

Ce n'est pas le cas à Gaza. Ici, ce sont les soldats de Tsahal – hommes et femmes, citoyens ordinaires, un échantillon représentatif de la société israélienne. Des jeunes femmes tireuses d'élite, tirant des balles dans la tête d'enfants ou de femmes enceintes…

Voilà le cœur du problème : une société capable de rire sur la plage pendant que des bombes tombent à quelques kilomètres, et qui érige cette capacité à « vivre malgré tout » en vertu, alors qu’elle n’est que la banalisation de l’inacceptable.

 La résilience érigée en vertu, mais fondée sur le déni

Qu’on ne s’y trompe pas : la « résilience » dont on nous parle n’est pas neutre. Elle s’appuie sur une hiérarchie des vies. On se souvient jusqu’à la nausée du 7 octobre, on brandit le traumatisme comme une identité, mais on refuse obstinément de voir les traumatismes infligés en retour. On glorifie la mémoire sélective, mais on invisibilise la souffrance voisine.

Et c’est là que la rhétorique devient obscène : on cite Deleuze, on convoque la philosophie pour justifier une société qui, par son silence, par sa normalisation du massacre, s’est habituée à l’inhumain. On transforme un peuple occupé et bombardé en décor lointain, en bruit de fond.


La vraie « joie d’être soi » ?

La vraie « joie d’être soi » ne peut pas se construire sur l’écrasement d’un autre. La joie de Tel-Aviv, les cafés bondés, les concerts, les plages, tout cela n’est pas un pied de nez à la barbarie. C’est une manière de rendre invisible la barbarie qu’on inflige. C’est un aveuglement collectif, une anesthésie morale qui se fait passer pour résistance.

On s’indigne du retour de l’antisémitisme en Europe, on se lamente de l’isolement diplomatique, mais on ne s’interroge jamais sur la cause : l’incapacité à reconnaître l’autre comme humain. Tant que les Palestiniens ne seront pas vus comme des êtres humains, tant que leur souffrance sera effacée des récits israéliens et occidentaux, il n’y aura pas de paix, pas de vérité, pas de justice.


Une société endoctrinée par sa propre normalité

On dit : « Les Israéliens sont endoctrinés par le sionisme. » Ce n’est pas faux. Mais l’endoctrinement le plus insidieux n’est pas seulement idéologique. Il est quotidien. Il est dans le fait de croire que la normalité israélienne est une normalité universelle. Qu’il est normal de siroter un café à Tel-Aviv pendant que Gaza brûle. Qu’il est normal de rire sur la plage pendant que des enfants palestiniens sont ensevelis sous les gravats. Qu’il est normal de faire passer cette anesthésie pour une vertu.

Je reconnais que les Israéliens sont endoctrinés. Je n'irai pas jusqu'à les qualifier de victimes. Victimes de quoi ? De jouer sur la plage et de savourer du « houmous » en regardant Gaza bombardée pour le plaisir ? Mais ils sont endoctrinés au détriment du programme sioniste, on leur apprend que leur traumatisme historique leur donne droit à tout ce qui est nécessaire pour accéder aux terres où vivent d'autres, coûte que coûte.

Jusqu'où les fascistes israéliens peuvent-ils aller ? Extermination massive, famine massive. Le statut de victime sans fin a expiré.

On se sert des souffrances, tout à fait réelles, des Palestiniens de Gaza et des injustices et violences commises en Cisjordanie comme une excellente occasion de crier sa haine, et ceux qui braillent ne s'intéressent pas aux Palestiniens, qu'on ne voit pas comme des êtres humains et qu'on méprise.

Il faut tenir compte de ce qui n'est pas ni vrai ni rationnel, la haine, le désir de torturer et d'assassiner, l' immoralité et l'absurde fièrement revendiquées, le mépris de tout ce qui n'est pas Européen, regardé comme un enfant ou une bête, toujours irresponsable. Ce n'est ni vrai ni rationnel, mais ces idées et ces émotions sont réelles. Des idées absurdes peuvent être des forces historiques.

Voilà la vraie perversion : faire de l’aveuglement une force, de l’indifférence une sagesse, de l’oubli une identité nationale.


Conclusion : la normalité comme complicité

On peut multiplier les récits, montrer les divisions, les débats, les fractures au sein de la société israélienne. Mais si tout cela se fait sur fond d’effacement de l’autre, si tout cela se fait en invisibilisant la souffrance palestinienne, alors il ne s’agit pas de complexité, mais de mensonge.

La vérité est brutale : Israël a réussi à se construire une identité collective où la joie et la fête coexistent avec la guerre et l’occupation — non pas par grandeur morale, mais par anesthésie volontaire. Et tant que cette anesthésie sera célébrée comme une vertu, l’abomination pourra continuer, sans fin.


Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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Pourquoi le Hamas n’est pas un groupe terroriste :

 

Une lecture anticoloniale et juridique

Mes grands-parents ont connu l’épreuve de la colonisation française. Dépossédés de leurs terres, chassés de leurs fermes, dépouillés de leurs troupeaux, ils ont résisté avec les moyens du bord, avant d’être brutalement réduits au silence. Leur combat disait une chose simple et universelle : aucun peuple colonisé n’accepte de bon gré la soumission.

Aujourd’hui, l’histoire se répète sous nos yeux, en Palestine. À longueur de plateaux télé et de dépêches officielles, on qualifie le Hamas de « groupe terroriste ». Mais cette étiquette ne repose sur aucun fondement du droit international. Elle relève d’une stratégie politique et médiatique, destinée à masquer l’essentiel : la Palestine est un pays occupé, et son peuple a le droit de résister.


Un cadre juridique clair : l’ONU n’a jamais classé le Hamas comme terroriste

Contrairement à ce que répètent certains gouvernements (États-Unis, Union européenne, Canada, Australie), l’Organisation des Nations Unies n’a jamais inscrit le Hamas sur une liste de groupes terroristes.

La raison est simple : depuis 1967, Israël est reconnu comme une puissance occupante. La bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est sont soumis à une occupation militaire.

Or, selon le droit international humanitaire – les Conventions de Genève, les résolutions de l’ONU et la jurisprudence de la Cour pénale internationale – les peuples sous occupation disposent d’un droit légitime à la résistance, y compris armée, tant que les lois de la guerre sont respectées.

À ce titre, la résistance palestinienne – sous toutes ses formes – relève davantage d’un mouvement de libération nationale que du terrorisme.   . 


L’usage politique de l’étiquette « terroriste »

Pourquoi alors persister à qualifier le Hamas de terroriste ? Parce que cette qualification sert des objectifs précis :

  1. Étouffer le débat sur l’occupation coloniale et la politique d’apartheid imposée aux Palestiniens.
  2. Justifier les bombardements massifs et le siège inhumain de Gaza.
  3. Criminaliser toutes les formes de résistance, même pacifiques : ONG, journalistes, étudiants, militants.

Comme le rappelle la philosophe américaine Judith Butler, « la résistance armée sous occupation ne peut être réduite au terrorisme ». Le cœur du problème, ce n’est pas le Hamas, mais bien l’occupation elle-même. Aucune légitimité. Le gros mensonge, la manipulation du public, commence là. Comme le rappelle Francesca Albanese, juriste de l’ONU, le 6 septembre 2023, Gaza restait un territoire occupé au regard du droit international. Le blocus est un acte de guerre. Les Gazaouis avaient le droit de se défendre. Israël avait depuis 1967 et la résolution 242, le devoir de se retirer de Gaza. 


Une lutte dénaturée par l’islamisation de la résistance

Historiquement, la cause palestinienne a d’abord été portée par l’OLP, mouvement laïque et anticolonial. Mais Israël a laissé croître le Hamas, islamisant la résistance afin de la transformer en guerre de religion.

Ce changement de narration a deux effets majeurs :

  • Marginaliser les chrétiens palestiniens, pourtant acteurs historiques de la résistance.
  • Détourner l’attention du problème central – la dépossession coloniale – pour le transformer en conflit civilisationnel opposant « l’Occident » à « l’islam ».

Cette manipulation narrative permet de présenter la lutte palestinienne comme un danger religieux, plutôt que comme ce qu’elle est réellement : une lutte anticoloniale et universelle.


Un combat qui résonne avec toutes les luttes anticoloniales

Ce qui se joue en Palestine n’est pas isolé. C’est le prolongement des luttes qui ont marqué l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine au XXe siècle : des peuples dominés se levant pour recouvrer leur souveraineté.

Tout comme les Algériens face à la France, les Vietnamiens face aux États-Unis, ou encore les peuples d’Amérique latine face aux dictatures, les Palestiniens portent une cause légitime et universelle.

L’ONU, faut-il le rappeler, n’a jamais reconnu Israël comme puissance souveraine sur Gaza ou la Cisjordanie. Sans frontières définies, l’« entité sioniste » reste dans une illégitimité juridique que les bombes ne peuvent effacer.


Conclusion : remettre le problème au bon endroit

Qualifier le Hamas de « groupe terroriste » est un abus de langage. C’est une arme de propagande qui permet de délégitimer la résistance palestinienne, de masquer l’occupation et de prolonger l’apartheid.

La vérité est plus simple, et plus dérangeante pour certains :

  • La Palestine est occupée illégalement.
  • Les Palestiniens ont le droit naturel, juridique et universel de résister.
  • Leur combat n’est pas religieux : il est anticolonial.

Ce fut un choc profond pour les personnes âgées, qui n'avaient pas appris à l'école qu'Israël était un État colonial, et que le 7 octobre n'était que la réponse logique à l'oppression coloniale. Ils n'avaient pas le mythe brisé devant les yeux, ni la honte d'avoir accepté la tromperie.

Comme mes grands-parents hier face à la colonisation, les Palestiniens aujourd’hui ne se couchent pas devant l’injustice. Leur lutte est celle de tous les peuples qui refusent l’asservissement.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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Gaza saigne. Gaza brûle. Gaza hurle. Netanyahou détruit la paix et le monde regarde.

 

On nous répète qu’Israël se défend. Mensonge. Israël massacre. Israël écrase. Israël détruit.

Assez d’hypocrisie. Assez de faux-semblants. Ce qui se déroule à Gaza n’est pas une guerre, c’est une punition collective, un massacre organisé, une destruction méthodique d’un peuple déjà brisé par dix-sept années de siège. On peut bien parler de « légitime défense », on peut bien invoquer « la lutte contre le terrorisme », les meurtres quasi-quotidiens de palestinien(ne)s désarmé(e)s etc…) ne sont que des injonctions Talmudiques et les faits sont clairs : le Hamas n’est pas anéanti. Tsahal ne combat pas le Hamas, il est même incapable de le localiser. Tsahal massacre des civils. Des enfants, des mères, des vieillards. Des hôpitaux rasés. Des quartiers entiers transformés en cendres. C’est cela, la réalité.

On nous dit que c’est une « guerre ».

Non. C’est un blocus transformé en boucherie. C’est une prison à ciel ouvert depuis 17 ans, transformée en charnier. C’est un génocide lent, qui avance sous nos yeux.

Des milliers de morts, dont une écrasante majorité de femmes et d’enfants. Des quartiers rasés, des hôpitaux détruits, des familles entières pulvérisées sous les bombes. Voilà la réalité nue, voilà ce qu’on appelle aujourd’hui « sécurité ».

Mais ce bain de sang n’est pas né du hasard. Il s’inscrit dans une logique de longue durée. Ben Gourion, en 1937, le disait sans détour : « L’acceptation du partage ne nous engage pas à renoncer à la Transjordanie ; on n’exige pas qu’à l’avenir nous ne nous étendions pas au-delà des frontières du partage. »  L’expansion était déjà planifiée, bien avant 1948, bien avant la Shoah. Et cette expansion est toujours à l’œuvre, inscrite noir sur blanc dans la charte du Likoud, qui revendique la souveraineté israélienne « du fleuve à la mer.

Hypocrisie suprême : on accuse les Palestiniens de vouloir détruire Israël quand ils reprennent ce même slogan pour revendiquer la liberté et l’égalité, c’est Israël qui, depuis toujours, l’applique par la colonisation, le blocus, l’expulsion.

Cette logique de domination prend aujourd’hui un visage effroyable. Le ministre israélien Israël Katz propose de construire une « ville humanitaire » sur les ruines de Rafah, pour y enfermer 600 000 déplacés palestiniens. Une ville sous contrôle militaire, sans droit de sortie, sans avenir. Une  ville ?

 Gaza est déjà Theresienstadt sous les bombes.

Non : une cage. Et comment ne pas entendre dans ce projet l’écho sinistre de Theresienstadt, ce ghetto « vitrine » que les nazis avaient présenté comme un camp modèle pour tromper le monde ?

Le parallèle est glaçant : on repeint les murs de la prison pour mieux cacher l’horreur.

Et même à l’intérieur d’Israël, les fissures sont visibles. Des soldats de réserve, revenus de Gaza, ont écrit à la justice militaire pour dénoncer des ordres illégaux, couverts, selon leurs mots, « d’un drapeau noir ». Quand les militaires eux-mêmes redoutent d’être complices de crimes de guerre, c’est que la ligne rouge n’a pas seulement été franchie : elle a été piétinée.

Quant au gouvernement Netanyahou, il ne défend pas Israël : il sacrifie ses otages, ignore ses généraux, méprise ses services de renseignement, et enferme son propre peuple dans une logique suicidaire. Ce n’est pas la sécurité qu’il recherche, mais la survie politique, le maintien d’un pouvoir corrompu, au prix du sang palestinien et de l’isolement international d’Israël.

Et que fait Netanyahou en très sioniste menteur atavisme (ce n'est pas une insulte mais une définition) ? Il sacrifie les otages. Il sacrifie son peuple. Il ne défend pas Israël : il l’entraîne dans l’abîme. Sa politique n’apporte ni paix, ni sécurité, ni avenir. Elle ne produit qu’une chose : la haine, génération après génération.

Et l’Occident ? Il regarde. Les États-Unis, surtout, cautionnent, financent, arment. Ils parlent de paix tout en livrant des bombes. Ils parlent de droit tout en fermant les yeux sur la violation systématique des conventions internationales. Cette complicité n’est plus du silence : c’est une co-responsabilité.

Alors arrêtons. Arrêtons de parler de « guerre ». Arrêtons de répéter que « les Palestiniens refusent la paix » alors qu’on les enferme depuis soixante-quinze ans dans le déni et la dépossession. Arrêtons de prétendre qu’Israël « n’a pas le choix » quand tout démontre le contraire. Ce propos, répété jusqu'à plus soif par tous les colonialistes sionistes.

La vérité est brutale mais incontournable : Ce fut un choc profond pour les personnes âgées, qui n'avaient pas appris à l'école qu'Israël était un État colonial, et que le 7 octobre n'était que la réponse logique à l'oppression coloniale. Ils n'avaient pas le mythe brisé devant les yeux, ni la honte d'avoir accepté la tromperie. on ne construit pas la paix sur des ruines et des charniers. On ne peut pas enfermer deux millions d’êtres humains dans une enclave bombardée et affamée, puis s’étonner qu’ils résistent. On ne peut pas parler de démocratie en Israël quand une partie de la population vit sous occupation et blocus permanents. On ne peut pas invoquer la mémoire de l’Holocauste pour justifier une oppression, quand cette mémoire devrait être le rappel le plus fort que jamais plus un peuple ne doit subir l’humiliation, l’exil et l’effacement.

Il faut avoir le courage de nommer l’injustice. Gaza n’est pas une menace : c’est une blessure. Et tant qu’elle sera laissée béante, tant qu’on préférera bombarder plutôt que négocier, coloniser plutôt que reconnaître, affamer plutôt que libérer, il n’y aura ni paix, ni sécurité, ni avenir.

Il est temps de dire haut et fort : assez de mensonges, assez de massacres, assez d’hypocrisie. La dignité humaine n’est pas une option. Elle est un droit universel. Et aujourd’hui, elle exige de crier : plus jamais ça, pour quiconque, et surtout pas pour Gaza.

Gaza est le miroir du monde. Si nous acceptons qu’un peuple soit traité ainsi, alors nous acceptons que notre humanité s’effondre. Si nous tolérons ces crimes, alors nous renonçons à tout ce qui fonde la dignité humaine.

Aujourd’hui, il ne reste qu’un mot à dire, un mot à crier, un mot à écrire partout :
Assez.


Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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Maroc : crépuscule d’un roi fantôme, impasse d’un Makhzen

 

« Le Maroc traverse une atmosphère de fin de règne : un roi absent, une société bâillonnée, une économie en panne et une monarchie qui s’aligne sur Israël au mépris de son peuple. Entre répression, pauvreté et isolement diplomatique, le Makhzen craque de toutes parts. La succession de Mohammed VI, déjà sous influence étrangère, ne promet pas un renouveau mais la prolongation d’un système à l’agonie. »

 Il règne une atmosphère de fin de règne à Rabat, écrit le journal français Le Monde


Il flotte sur Rabat un parfum de fin de cycle. Les signes d’essoufflement du régime de Mohammed VI ne sont plus de simples murmures de salons : ils s’étalent à la une des journaux étrangers, se discutent dans les chancelleries et s’imposent jusque dans les ruelles populaires où l’amertume du quotidien se confond avec la colère politique. Le Maroc makhzénien vacille, non parce qu’une opposition révolutionnaire l’assaille de l’extérieur, mais parce qu’il pourrit de l’intérieur.

Un système en bout de course

Le règne de Mohammed VI, longtemps auréolé de modernisme de façade, se réduit aujourd’hui à une caricature : un monarque absent, retranché dans ses palais, laissant derrière lui une économie exsangue, une jeunesse désabusée et une société bâillonnée. L’obsession sécuritaire a transformé le pays en une prison à ciel ouvert : un post Facebook, une vidéo critique ou une caricature valent la geôle. Les prisons regorgent de voix étouffées.

Le Maroc d’aujourd’hui, c’est une prison à ciel ouvert. Les journalistes croupissent derrière les barreaux, les militants se taisent ou s’exilent, les citoyens s’autocensurent sur Facebook de peur de finir en cellule. Les mythes du « roi moderniste » ont volé en éclats. La modernité makhzénienne, c’est la censure, la misère et la répression.

Sur le plan économique, même constat : un pays qui pourrait nourrir sa population mais qui la condamne à la pénurie, à l’endettement et à la dépendance extérieure. Un pays riche en ressources, mais ruiné par une dynastie prédatrice.

Sur le plan économique, le tableau est tout aussi désastreux. Les pénuries récurrentes, la dépendance alimentaire et énergétique, l’accaparement des richesses par une oligarchie prédatrice alimentent une rage sociale latente. Un pays potentiellement riche qui condamne ses citoyens à la pauvreté : voilà le paradoxe marocain.

Israël, nouveau copropriétaire du royaume

Mais c’est sur le plan diplomatique que la rupture est la plus flagrante. En signant des accords militaires et sécuritaires inédits avec Israël, Mohammed VI a franchi une ligne rouge historique. Cette normalisation, présentée comme un coup de génie diplomatique, se révèle en réalité être une mise sous tutelle. Le Maroc n’est plus seulement un protectorat français camouflé : il est devenu une copropriété israélienne.

Le vrai scandale, celui qui marque un tournant, c’est l’alliance avec Israël. Le roi a vendu ce qui restait de souveraineté sur l’autel d’une normalisation honteuse. Ce n’est plus une « coopération », c’est une cogérance. Les investisseurs israéliens avancent leurs pions, les militaires voient leurs bases infiltrées, et l’armée marocaine, jadis pilier du régime, ronge son frein.

Le roi tranche désormais en faveur de Tel-Aviv, et non plus en faveur de son peuple. Résultat : rancunes au sein de la Cour, défiance dans les casernes, colère dans la rue. Le Maroc est devenu un protectorat israélien maquillé en monarchie.

Les conséquences sont explosives : infiltration dans les secteurs stratégiques, présence d’investisseurs israéliens dans des domaines naguère réservés au Makhzen, rumeurs insistantes sur une influence grandissante dans les sphères militaires. L’armée, longtemps cantonnée à son rôle de gardienne de la stabilité interne, voit ses prérogatives grignotées et ses frustrations s’accumuler.

La monarchie face à son dilemme

Deux camps s’affrontent désormais au sommet. D’un côté, le roi et son cercle rapproché, décidés à renforcer l’alliance israélienne, quitte à hypothéquer ce qui reste de souveraineté. De l’autre, les gardiens de la tradition makhzénienne, inquiets de voir l’équilibre interne se fissurer. Pour eux, la perspective d’un « Hassan III » ne suscite pas l’adhésion, mais la crainte d’une succession artificielle, imposée de l’extérieur. Deux camps s’opposent désormais : le cercle du roi, accroché à son alliance israélienne comme à une bouée de sauvetage, et les gardiens de l’orthodoxie makhzénienne, qui sentent que l’édifice s’effrite. La perspective d’un « Hassan III » n’excite personne. La succession n’est plus un héritage dynastique, c’est un plan de survie dicté par des parrains étrangers.

Et pendant ce temps, le peuple observe. Les Marocains ne sont pas dupes : ils voient le contraste obscène entre la signature d’accords militaires avec Israël et les massacres en cours à Gaza. Ils comprennent que leur roi a choisi son camp, et que ce camp n’est pas le leur.

Car la question n’est plus seulement celle de la fin de règne de Mohammed VI : c’est celle de la viabilité même de la dynastie alaouite. Chaque compromis concédé à Tel-Aviv, chaque recul social, chaque injustice non réparée alimente le ressentiment populaire.

Une impasse historique

Ce système, construit par Lyautey, entretenu par la France et recyclé par Mohammed VI, touche à ses limites. Les Marocains ne croient plus aux mythes d’une monarchie providentielle. Ils voient les contradictions flagrantes : un roi qui signe avec Israël pendant que Gaza est sous les bombes, un régime qui prêche la légitimité religieuse mais brade la souveraineté politique, un pouvoir qui se dit réformateur mais gouverne par la répression.

Ce régime tient par la peur, par la police et par les réseaux d’affaires. Mais combien de temps encore ? Chaque jour, la fracture s’élargit : entre un pouvoir fantomatique et une société qui étouffe, entre un roi absent et un peuple abandonné, entre une monarchie soumise et une jeunesse en quête de dignité.

La fin de règne n’est pas une hypothèse, c’est une évidence. La seule inconnue, c’est le moment et l’étincelle. Ce ne sera peut-être pas demain, mais ce ne sera pas dans un siècle non plus. Le Makhzen a beau se croire éternel, il n’est qu’un colosse fissuré, prêt à s’effondrer au premier choc.

L’histoire est implacable : les dynasties qui survivent ne le doivent pas à leur carnet d’adresses, mais à leur capacité d’incarner un peuple. Or la monarchie marocaine n’incarne plus rien. Elle survit par inertie, par la peur et par l’appui extérieur. Mais jusqu’à quand ?

Quitte ou double

La monarchie marocaine joue son avenir sur une carte dangereuse : tenir grâce à une cogérance israélienne, au prix d’une fracture irréversible avec son peuple et son environnement arabe. C’est une fuite en avant, une stratégie du court terme qui hypothèque l’avenir.

Le Maroc n’est pas encore au bord du gouffre. Mais il s’avance, inexorablement, vers son crépuscule monarchique. Comme toujours dans l’histoire, la fin viendra par là où on ne l’attend pas : une révolte sociale, une fracture au sein de l’armée, une étincelle que la répression ne pourra pas éteindre.

L’illusion a vécu. Le Makhzen n’est plus une citadelle imprenable, mais une forteresse fissurée. Les Marocains, eux, ne sont pas dupes : ils savent que leur destin ne peut pas indéfiniment se confondre avec les caprices d’un monarque absent et les intérêts d’un allié encombrant.

Le Maroc joue sa survie politique sur une carte minée. Soit la monarchie accepte une mutation radicale, réelle, et rend des comptes à son peuple. Soit elle persiste dans la fuite en avant israélienne et l’autocratie policière. Mais dans ce cas, l’histoire est écrite : elle finira comme toutes les monarchies déconnectées, balayée par sa propre arrogance

Le choix est clair : ou bien la monarchie accepte une mutation radicale, ou bien elle sombrera dans le gouffre de sa propre arrogance.

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Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

Bernard Lugan n’écrit pas l’histoire de l’Algérie, il écrit contre elle

 

Lugan un Historien sur commande ne “lit” pas l’histoire de l’Algérie, il la découpe à l’emporte-pièce pour la rendre compatible avec une vision idéologique. C’est moins un travail d’historien qu’une chronique politique polémique, relayée par un contexte de rivalité maroco-algérienne.

Dans une récente chronique commandée par la presse marocaine, le polémiste français Bernard Lugan prétend éclairer l’histoire de la guerre d’indépendance algérienne à travers le prisme de la « crise berbériste ». Mais au lieu d’une analyse historique, nous assistons à une démonstration idéologique : Lugan ne raconte pas, il accuse. Il n’analyse pas les sources, il empile des faits épars pour les transformer en arme polémique. Mais derrière l’apparat académique se dessine moins une analyse historique qu’une construction polémique, où l’empilement d’anecdotes sert un récit simplificateur, calibré pour un lectorat friand de «vérités qui dérangent».

Le goût des vérités simples

Personne ne nie la réalité de la crise berbériste de 1949 au sein du PPA-MTLD, ni l’existence de tensions internes sur la question identitaire. Mais Lugan se contente d’aligner des épisodes connus – congrès de 1947, divisions au sein du FLN, rivalités entre chefs. Tout cela est réel. Mais au lieu d’en faire un objet de réflexion, il s’en sert pour construire une histoire réduite à une opposition brutale : d’un côté des « Berbères » qui auraient mené l’essentiel de la guerre contre la France, de l’autre des « arabo-islamistes » accusés d’avoir confisqué le pouvoir et trahi leurs compagnons de lutte.

L’absence de critique documentaire transforme ce qui devrait être une réflexion en une succession de signaux faibles, exploités pour conforter une thèse préconçue

Ce schéma simpliste flatte un certain goût du public pour les « vérités qui dérangent », ces raccourcis séduisants qui donnent l’impression de briser un tabou. Mais l’histoire n’est pas un spectacle. Elle exige nuance, contextualisation, et surtout honnêteté dans le traitement des sources. Or, ces qualités brillent ici par leur absence.

Une lecture manichéenne

Présenter Abane Ramdane, Amirouche, Krim Belkacem ou Aït Ahmed comme les représentants exclusifs d’un camp « berbère » est trompeur. Ces figures, bien que kabyles, se définissaient avant tout comme nationalistes algériens. Leur combat ne se réduisait pas à la revendication identitaire, mais à une cause commune : l’indépendance et la souveraineté de l’Algérie.

Le cœur de l’argumentation repose sur une dichotomie grossière : d’un côté des « Berbères » supposément véritables acteurs de la lutte armée, de l’autre des « arabo-islamistes » accusés de confiscation identitaire. Or, l’histoire du nationalisme algérien ne se réduit pas à ce duel binaire. Les figures citées se sont toujours définies avant tout comme nationalistes algériens. Leur combat ne se limitait pas à la revendication berbère, mais s’inscrivait dans un projet plus large d’indépendance et de souveraineté. En somme, il gomme la complexité pour servir une thèse déjà écrite.

 

Une instrumentalisation politique

L’article s’inscrit aussi dans un contexte précis : celui d’une rivalité persistante entre le Maroc et l’Algérie. Commandé par une presse marocaine, le texte trouve son utilité dans la mise en avant des fractures internes algériennes. Réduire l’histoire nationale à une querelle ethno-identitaire revient à alimenter une guerre des récits où la science historique se met au service de stratégies géopolitiques.

Il faut aussi regarder du côté du commanditaire. Que la presse marocaine publie ce récit n’est pas un hasard. Depuis des décennies, le Maroc et l’Algérie s’affrontent sur le terrain mémoriel autant que diplomatique. Mettre en avant les divisions identitaires algériennes, suggérer que l’Algérie est une construction fragile, c’est participer à une guerre des récits au service d’une rivalité politique bien actuelle.

Bernard Lugan, connu pour ses positions « iconoclastes », joue ici un rôle utile : offrir une version apparemment savante d’un discours qui affaiblit l’adversaire. Mais un historien ne devrait pas se prêter à ce jeu d’instrumentalisation

Ce que Lugan occulte

Plusieurs dimensions essentielles disparaissent de ce récit :

  • La diversité des trajectoires militantes, où Arabophones et Berbérophones se sont engagés côte à côte contre la colonisation.
  • Le rôle de la France coloniale, qui a cherché à exploiter les clivages identitaires pour fragiliser le mouvement national.
  • La complexité même du nationalisme algérien, traversé par des débats idéologiques, sociaux et régionaux, bien au-delà de la seule question linguistique.

Ce qui est passé sous silence

En mettant toute la lumière sur la fracture « berbères contre arabes », Lugan laisse dans l’ombre plusieurs dimensions essentielles :

  • La participation des populations arabophones, pourtant décisives dans la lutte armée.
  • La stratégie coloniale française, qui a constamment cherché à exploiter les divisions identitaires pour affaiblir le mouvement national.
  • Le caractère collectif de la guerre, où les appartenances régionales et linguistiques ont été transcendées par une cause partagée.

Omettre ces aspects, c’est tronquer l’histoire.

L’histoire comme champ de bataille

Au fond, Lugan ne propose pas une relecture historique, mais une accusation politique. Son récit vise moins à comprendre le passé qu’à nourrir un présent conflictuel. La guerre d’indépendance devient une matière première pour opposer Kabyles et Arabes, et par ricochet affaiblir l’idée d’une nation algérienne unie.

Mais l’histoire n’appartient pas aux polémistes. Elle appartient aux chercheurs, aux témoins, aux archives. Elle est faite de nuances, de contradictions, de débats. Elle ne se découpe pas à l’emporte-pièce pour être servie à un lectorat en quête de drames simplifiés.

Pour une histoire qui éclaire, pas qui divise

Réduire l’Algérie à une querelle entre « Berbères » et « Arabes », c’est faire injure à la vérité historique et à la mémoire de la guerre d’indépendance. L’histoire de ce pays ne se résume pas à ses fractures, mais à la force d’un combat collectif. Ceux qui, comme Bernard Lugan, préfèrent l’accusation à l’analyse ne livrent pas de l’histoire : ils fabriquent un récit idéologique. Or l’Algérie n’est pas une construction fragile ; elle est le fruit d’une lutte partagée, et c’est dans cette pluralité assumée que réside sa véritable identité.

L’Algérie n’a pas besoin qu’on la réduise à ses fractures. Elle a besoin qu’on reconnaisse la diversité de ses mémoires, la pluralité de ses langues et de ses trajectoires, et qu’on restitue la complexité de son chemin vers l’indépendance. La guerre de libération fut une œuvre collective, portée par des hommes et des femmes de toutes origines. Plutôt que de l’instrumentaliser, il est temps de la comprendre. C’est ce qu’on attend d’un historien honnête

Conclusion

Lugan n’écrit pas l’histoire, il la met en accusation. En réduisant le FLN à un appareil « arabo-islamiste » dominateur et les Berbères à des victimes flouées, il adopte une lecture manichéenne, déconnectée de la richesse du réel. L’historien se transforme en chroniqueur polémiste, livrant une version taillée sur mesure pour un public amateur de tragédies simplifiées et de clivages figés.

L’histoire algérienne mérite mieux que ce récit à l’emporte-pièce. Elle appelle un travail patient de contextualisation, une confrontation des sources, une attention aux nuances. Loin des raccourcis identitaires, l’historiographie sérieuse rappelle que la guerre d’indépendance fut une œuvre collective, portée par des femmes et des hommes de toutes régions, de toutes sensibilités. Lugan, lui, préfère la polémique à la complexité. C’est son droit, mais ce n’est pas de l’histoire.

Donc, l’Algérie est bien loin des pronostics de l’historien de commande, en effet, il faut bien que ce dernier doit besogner pour justifier les subsides et des feuilles de route anti-algériennes glissées dans la fente de la presse du Makhzen qui en raffole, dont la dignité à jamais mise en berne, pour avoir la possibilité de virées prépayées à la Mamounia de Marrakech !

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/