« Le Maroc traverse une atmosphère de fin de règne
: un roi absent, une société bâillonnée, une économie en panne et une monarchie
qui s’aligne sur Israël au mépris de son peuple. Entre répression, pauvreté et
isolement diplomatique, le Makhzen craque de toutes parts. La succession de
Mohammed VI, déjà sous influence étrangère, ne promet pas un renouveau mais
la prolongation d’un système à l’agonie. »
Il règne une atmosphère de fin de règne à Rabat,
écrit le journal français Le Monde.
Il flotte sur Rabat un parfum de fin de
cycle. Les signes d’essoufflement du régime de Mohammed VI ne sont plus de
simples murmures de salons : ils s’étalent à la une des journaux étrangers, se
discutent dans les chancelleries et s’imposent jusque dans les ruelles
populaires où l’amertume du quotidien se confond avec la colère politique. Le
Maroc makhzénien vacille, non parce qu’une opposition révolutionnaire
l’assaille de l’extérieur, mais parce qu’il pourrit de l’intérieur.
Un système en bout de course
Le règne de Mohammed VI, longtemps
auréolé de modernisme de façade, se réduit aujourd’hui à une caricature : un
monarque absent, retranché dans ses palais, laissant derrière lui une économie
exsangue, une jeunesse désabusée et une société bâillonnée. L’obsession
sécuritaire a transformé le pays en une prison à ciel ouvert : un post
Facebook, une vidéo critique ou une caricature valent la geôle. Les prisons
regorgent de voix étouffées.
Le Maroc d’aujourd’hui, c’est une prison
à ciel ouvert. Les journalistes croupissent derrière les barreaux, les
militants se taisent ou s’exilent, les citoyens s’autocensurent sur Facebook de
peur de finir en cellule. Les mythes du « roi moderniste » ont volé en éclats.
La modernité makhzénienne, c’est la censure, la misère et la répression.
Sur le plan économique, même constat :
un pays qui pourrait nourrir sa population mais qui la condamne à la pénurie, à
l’endettement et à la dépendance extérieure. Un pays riche en ressources, mais
ruiné par une dynastie prédatrice.
Sur le plan économique, le tableau est
tout aussi désastreux. Les pénuries récurrentes, la dépendance alimentaire et
énergétique, l’accaparement des richesses par une oligarchie prédatrice
alimentent une rage sociale latente. Un pays potentiellement riche qui condamne
ses citoyens à la pauvreté : voilà le paradoxe marocain.
Israël, nouveau copropriétaire du
royaume
Mais c’est sur le plan diplomatique que
la rupture est la plus flagrante. En signant des accords militaires et sécuritaires
inédits avec Israël, Mohammed VI a franchi une ligne rouge historique. Cette
normalisation, présentée comme un coup de génie diplomatique, se révèle en
réalité être une mise sous tutelle. Le Maroc n’est plus seulement un
protectorat français camouflé : il est devenu une copropriété israélienne.
Le vrai scandale, celui qui marque un
tournant, c’est l’alliance avec Israël. Le roi a vendu ce qui restait de
souveraineté sur l’autel d’une normalisation honteuse. Ce n’est plus une «
coopération », c’est une cogérance. Les investisseurs israéliens avancent leurs
pions, les militaires voient leurs bases infiltrées, et l’armée marocaine,
jadis pilier du régime, ronge son frein.
Le roi tranche désormais en faveur de
Tel-Aviv, et non plus en faveur de son peuple. Résultat : rancunes au sein de
la Cour, défiance dans les casernes, colère dans la rue. Le Maroc est devenu un
protectorat israélien maquillé en monarchie.
Les conséquences sont explosives :
infiltration dans les secteurs stratégiques, présence d’investisseurs
israéliens dans des domaines naguère réservés au Makhzen, rumeurs insistantes
sur une influence grandissante dans les sphères militaires. L’armée, longtemps
cantonnée à son rôle de gardienne de la stabilité interne, voit ses
prérogatives grignotées et ses frustrations s’accumuler.
La monarchie face à son dilemme
Deux camps s’affrontent désormais au
sommet. D’un côté, le roi et son cercle rapproché, décidés à renforcer
l’alliance israélienne, quitte à hypothéquer ce qui reste de souveraineté. De
l’autre, les gardiens de la tradition makhzénienne, inquiets de voir
l’équilibre interne se fissurer. Pour eux, la perspective d’un « Hassan III »
ne suscite pas l’adhésion, mais la crainte d’une succession artificielle,
imposée de l’extérieur. Deux camps s’opposent désormais : le cercle du roi,
accroché à son alliance israélienne comme à une bouée de sauvetage, et les
gardiens de l’orthodoxie makhzénienne, qui sentent que l’édifice s’effrite. La
perspective d’un « Hassan III » n’excite personne. La succession n’est plus un
héritage dynastique, c’est un plan de survie dicté par des parrains étrangers.
Et pendant ce temps, le peuple observe.
Les Marocains ne sont pas dupes : ils voient le contraste obscène entre la
signature d’accords militaires avec Israël et les massacres en cours à Gaza.
Ils comprennent que leur roi a choisi son camp, et que ce camp n’est pas le
leur.
Car la question n’est plus seulement
celle de la fin de règne de Mohammed VI : c’est celle de la viabilité même de
la dynastie alaouite. Chaque compromis concédé à Tel-Aviv, chaque recul social,
chaque injustice non réparée alimente le ressentiment populaire.
Une impasse historique
Ce système, construit par Lyautey,
entretenu par la France et recyclé par Mohammed VI, touche à ses limites. Les Marocains
ne croient plus aux mythes d’une monarchie providentielle. Ils voient les
contradictions flagrantes : un roi qui signe avec Israël pendant que Gaza est
sous les bombes, un régime qui prêche la légitimité religieuse mais brade la
souveraineté politique, un pouvoir qui se dit réformateur mais gouverne par la
répression.
Ce régime tient par la peur, par la
police et par les réseaux d’affaires. Mais combien de temps encore ? Chaque
jour, la fracture s’élargit : entre un pouvoir fantomatique et une société qui
étouffe, entre un roi absent et un peuple abandonné, entre une monarchie
soumise et une jeunesse en quête de dignité.
La fin de règne n’est pas une hypothèse,
c’est une évidence. La seule inconnue, c’est le moment et l’étincelle. Ce ne
sera peut-être pas demain, mais ce ne sera pas dans un siècle non plus. Le
Makhzen a beau se croire éternel, il n’est qu’un colosse fissuré, prêt à
s’effondrer au premier choc.
L’histoire est implacable : les
dynasties qui survivent ne le doivent pas à leur carnet d’adresses, mais à leur
capacité d’incarner un peuple. Or la monarchie marocaine n’incarne plus rien.
Elle survit par inertie, par la peur et par l’appui extérieur. Mais jusqu’à
quand ?
Quitte ou double
La monarchie marocaine joue son avenir
sur une carte dangereuse : tenir grâce à une cogérance israélienne, au prix
d’une fracture irréversible avec son peuple et son environnement arabe. C’est
une fuite en avant, une stratégie du court terme qui hypothèque l’avenir.
Le Maroc n’est pas encore au bord du
gouffre. Mais il s’avance, inexorablement, vers son crépuscule monarchique.
Comme toujours dans l’histoire, la fin viendra par là où on ne l’attend pas :
une révolte sociale, une fracture au sein de l’armée, une étincelle que la
répression ne pourra pas éteindre.
L’illusion a vécu. Le Makhzen n’est plus
une citadelle imprenable, mais une forteresse fissurée. Les Marocains, eux, ne
sont pas dupes : ils savent que leur destin ne peut pas indéfiniment se
confondre avec les caprices d’un monarque absent et les intérêts d’un allié
encombrant.
Le Maroc joue sa survie politique sur
une carte minée. Soit la monarchie accepte une mutation radicale, réelle, et
rend des comptes à son peuple. Soit elle persiste dans la fuite en avant
israélienne et l’autocratie policière. Mais dans ce cas, l’histoire est écrite
: elle finira comme toutes les monarchies déconnectées, balayée par sa propre
arrogance
Le choix est clair : ou bien la
monarchie accepte une mutation radicale, ou bien elle sombrera dans le gouffre
de sa propre arrogance.
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Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme
ça. »
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