Le 7 octobre
2023, le monde a basculé. L’attaque du Hamas contre Israël a causé la mort de
centaines de civils, provoqué des prises d’otages et révélé l’impréparation
d’une armée réputée invincible. Un traumatisme immense pour la société
israélienne, et une horreur indéniable pour tous ceux qui défendent la dignité
humaine. Mais ce drame, au lieu d’ouvrir la voie à une réflexion universelle
sur la sécurité, la justice et la paix, a été figé en récit sacré. Un récit
présenté comme indiscutable, brandi comme un talisman politique et médiatique,
et utilisé comme justification à une guerre qui a plongé Gaza dans l’abîme.
Gaza sous les bombes : du
droit de riposte au châtiment collectif
Depuis ce
jour, Gaza meurt. Plus de 30 000 morts, dont une majorité de femmes et
d’enfants. Des hôpitaux détruits, 80 % des immeubles rasés, une famine
organisée par le blocus. Cette réalité, documentée par Amnesty International,
Human Rights Watch, l’ONU et de nombreux journalistes, ne peut être balayée
d’un revers de main. Nous ne sommes plus dans la logique de la « riposte » mais
dans celle du châtiment collectif, prohibé par le droit international
humanitaire. On peut discuter des mots — crime de guerre, nettoyage ethnique,
génocide — mais on ne peut pas nier les faits : la population palestinienne est
prise pour cible en tant que telle.
Le silence des élites face à
Gaza
On peut
aussi s’étonner du silence assourdissant de ceux qui, hier encore, se mobilisaient
avec fracas pour d’autres causes. Un migrant disparu en Méditerranée, une
étoile de David tracée sur un mur, une polémique sur les réseaux sociaux :
autant d’événements qui déclenchaient tribunes, campagnes et hashtags. Mais
face à la catastrophe humanitaire de Gaza, ces mêmes voix se taisent ou
hésitent. Cette indignation sélective interroge : pourquoi certaines vies
semblent-elles compter davantage que d’autres dans l’espace public occidental ?
La hiérarchie des souffrances fragilise non seulement la cohérence morale de
nos sociétés, mais aussi la crédibilité du discours universel des droits
humains.
Guerre des récits : Israël,
Hamas et le piège des mémoires concurrentes
La guerre
des récits est au cœur du problème. D’un côté, un Israël qui érige le 7 octobre
en « deuxième Shoah », interdisant toute nuance et assimilant toute critique de
sa politique à de l’antisémitisme. De l’autre, certains discours qui minimisent
la douleur des victimes israéliennes en invoquant exclusivement Gaza. Ces deux postures
sont des impasses. Aucune mémoire ne devrait être utilisée comme arme
politique : la Shoah n’autorise pas l’écrasement de Gaza, et l’indignation
face aux crimes israéliens ne justifie pas le terrorisme.
La responsabilité des médias
et du droit international
Dans ce
climat, la responsabilité des médias et des intellectuels est immense. Nommer
les faits, relayer les enquêtes des ONG, rappeler les règles du droit
international : voilà ce qui devrait primer. Or, trop souvent, la couverture
médiatique cède à la peur de « mal nommer » ou de « heurter ». Cette prudence,
qui se traduit par une invisibilisation des victimes palestiniennes, participe
à l’impunité. Car ne pas dire, c’est déjà cautionner.
Conclusion : une dignité
indivisible
L’histoire
n’absout pas, elle oblige. Elle oblige à ne pas répéter sous d’autres formes
les logiques d’oppression, à ne pas punir des enfants pour les crimes de leurs
dirigeants, à ne pas hiérarchiser les morts. Ceux qui croient défendre Israël
en justifiant la mort de milliers de Palestiniens n’assurent ni sa sécurité ni
son avenir. Ils enferment toute une région dans une spirale de haine qui
prépare d’autres drames, d’autres 7 octobre.
La vie
humaine est indivisible. Chaque enfant israélien tué le 7 octobre et chaque
enfant palestinien enterré sous les gravats de Gaza méritent la même
compassion, la même mémoire, la même justice.
Quand un attentat islamiste est commis, on
demande aux musulmans du monde de le condamner, mais personne ne demande aux
juifs de se désolidariser ou de condamner ce qu’il se passe en ce moment à
Gaza...
Qui ne dit mot consent
Le 7 octobre
doit être commémoré, mais pas instrumentalisé. Gaza doit être secourue, mais
pas effacée des récits. Aucune tragédie, aussi réelle soit-elle, ne peut en
justifier une autre.
Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme
ça. »
https://kadertahri.blogspot.com/

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