Parfois il m'est utile de le dire !

                                                                                                          Oh! Colombe, transmets mon salut d...

Voilà qu’un « Allah Akbar » en voiture folle retentissait sur l’île d’Oléron

L’attaque commise sur l’Île d’Oléron a immédiatement suscité un déferlement de déclarations politiques. Avant même que l’identité de l’auteur, ses motivations ou son état psychologique soient établis, le mot « attentat » circulait déjà partout. Certains responsables parlaient de « menace islamiste », d’autres dénonçaient « l’angélisme » de leurs adversaires. Une chose est sûre : la course à l’interprétation a devancé l’enquête.

Ce réflexe n’est pas nouveau. Il témoigne d’un glissement structurel du débat public : l’émotion instantanée se substitue à la compréhension, et l’événement tragique devient outil de communication politique. Dans ce théâtre de l’immédiat, l’information n’est plus un processus mais un réflexe, et chaque drame devient le carburant d’une bataille culturelle préexistante.

Pourtant, la réalité de ces actes violents est complexe. Elle concerne à la fois : la circulation de discours extrémistes afin de réduire ces situations au seul facteur religieux ou identitaire, et encore plus la dramatisation médiatique comme mode de pensée ; c’est répondre à la complexité par un slogan, et donc laisser intactes les causes profondes.

Pendant que les plateaux télé s’affolent autour de l'« insécurité »,  pour faire intervenir ses chroniqueurs impartiaux qui assureront que le pire est avenir, et que c’est de la faute des Français : voilà ce qui arrive lorsqu’on reconnaît la Palestine !

Alors que d’autres faits, eux bien établis, passent sous silence : la précarité étudiante qui explose, la pénurie médicale, la fragilisation de l’école, l’épuisement des soignants, l’isolement en Ehpad, la perte de pouvoir d’achat, les inégalités territoriales. Ce sont pourtant ces fractures sociales-là qui structurent durablement le malaise français.

La question n’est donc pas seulement « qui est responsable de cette attaque ? », mais dans quel climat politique elle s’inscrit.

Un climat où la peur devient langage politique fréquent et le citoyen est sommé de choisir un camp avant même de comprendre.

Des faits divers qui tombent bien, pour l’extrême droite parce que ce qui se joue désormais dépasse Oléron

« Je veux adresser toutes mes pensées aux personnes blessées ce matin sur l’île d’Oléron, victimes d’une attaque d’une violence inouïe. » (Yaël Braun-Pivet, qui a eu des mots moins durs pour Israël qui commet un génocide)

« Aujourd’hui, la situation est telle que nous voyons émerger des djihadistes partout en France. » (Éric Zemmour)

« La menace islamiste sur notre pays n’a jamais été aussi forte […] mais c’est une guerre qu’il vous faut mener, ici et maintenant. Demain, il sera trop tard, notre pays a déjà payé un trop lourd tribut à l’islamisme. » (Sébastien Chenu)

Ce qui est choquant, c’est que ces politiques, trois minutes après l’évènement, annoncent déjà que c’est un attentat, et communiquent en ce sens sur les réseaux sociaux, avec un discours des plus terrorisants. Aucun début d’enquête, peu importe, « ils le savent déjà ». 

 Mais il est bon, bien sûr de rappeler que concernant cet attentat, qu’il s'agit en fait d’une fiction politique de certaines forces politiques, qui arrivent t à construire leur stratégie autour du thème de l’islamisme et l’immigration, présentée méthodiquement comme l’origine directe ou indirecte de tous les maux de la société française, et surtout qu’il s’agit également d'un événement en lien avec le Grand Remplacement.  

Ainsi donc, je dois dire bravo aux Français de souche, ayant Vercingétorix comme ancêtre (comme Zemmour), mais presque tous issus de l'immigration. Dans les médias, certains se prennent pour Napoléon, mais ils sont plus nombreux à se croire de souche, de qui, de quoi et depuis quand ?

A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »  
https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

 

 

 

 

Le polémiste Éric Zemmour dans son Art d’Injurier son Propre Miroir

Zemmour ne combat pas l’immigration : il combat son reflet. Son obsession identitaire n’est pas un programme politique, mais une fuite permanente hors de lui-même. La France réelle, diverse et vivante, il la nie pour se réfugier dans une caricature historique où il espère se blanchir symboliquement de ses propres origines. C’est moins du patriotisme que de l’auto-dénégation en direct.

Il y a des gens qui se cherchent. Zemmour, lui, s’est trouvé — et il n’a pas aimé ce qu’il a vu. Voilà pourquoi il passe son temps à se réinventer en gardien de la « vraie » France.

Fils d’immigrés juifs berbères d’Algérie, il est la preuve vivante de la capacité française à accueillir, éduquer, transmettre. Et pourtant, de toute évidence, il vit cette réalité comme une menace. Alors il bâti autour de lui une armure idéologique de chevalier de la « pureté nationale », persuadé que la France s’effondre dès que quelqu’un prononce un prénom qui n’était pas au calendrier en 1820.

Ce n’est pas du patriotisme. C’est du blanchiment symbolique.
Un délire de purification autobiographique.

Car ce qu’il hait chez « les autres », c’est ce qu’il reconnaît trop bien en lui-même. Son discours sur « l’invasion », « le remplacement » et « la décadence » n’est pas un projet : c’est une panique. C’est le tremblement d’un homme qui refuse de ressembler à son propre arbre généalogique.

Zemmour n’aime pas la France : il aime une momie de France. Une France empaillée, version musée départemental, où tout est étiqueté, figé, mort. Une France sans Brassens (trop anarchiste), sans Camus (trop algérien), sans Cioran (trop étranger), sans Montand (trop communiste), Sans Ferrat (trop français) sans Cléo de 5 à 7, sans Raï  et sans Coran dans les taxis, sans couscous dans les cantines — bref, sans tout ce qui fait une France vivante.

Il défend une nation imaginaire, où Louis XIV serait sur BFM et où les villages avec l’Eglise au centre, seraient tous des cartes postales de l’Office du tourisme, La France réelle, elle, fait du bruit, change, vit. Et Zemmour ne supporte pas le vivant.

En vérité, sa croisade identitaire n’est pas la défense d’une culture menacée — mais l’étouffement anxieux de sa propre histoire. Zemmour ne veut pas fermer la porte aux nouveaux venus : il essaie de la claquer sur son passé. Une France qu’il prétend sauver, mais qu’il n’a jamais acceptée telle qu’elle est.

Lors d’un échange virulent avec l’imam de la mosquée des Bleuets à Marseille, Éric Zemmour s’aventure dans le terrain miné de la colonisation : de l’accusation ouverte de « pillage des ressources algériennes » à la mise en cause de la « reconnaissance » due, il révèle – sans l’avouer – ce qui le travaille. Non pas un débat historique, mais une guerre contre lui-même.

 

L’épisode vaut le détour : l’imam marseillais, que Zemmour interpelle sur X comme « Monsieur l’imam », affirme que « l’Algérie n’a pas divorcé de la France, elle s’en est libérée après 132 ans d’occupation, de pillages et de massacres ».  

Réponse immédiate de Zemmour : « Votre commentaire dit beaucoup sur votre ignorance historique et votre esprit de revanche ». La pilule est double : d’un côté, la mise en cause impudente de la violence coloniale et du « vol des ressources » ; de l’autre, un homme qui, né d’immigrés, refuse qu’on lui rappelle que l’histoire qu’il défend n’a rien d’innocent.

Zemmour ne répond pas à l’imam sur les faits : il crie à l’imposture. Mais ce qu’il ne veut pas voir, c’est que son propre héritage familial et culturel est le miroir exact de ce qu’il prétend éradiquer. Autrement dit : la réussite issue de l’immigration le dérange tant qu’il préfère devenir son ennemie.

En brandissant la colonisation comme un quasi acte fondateur de la « dette » occultée de la France, l’imam met en lumière ce que Zemmour veut taire : que l’ordre qu’il prétend restaurer repose sur des ignorances, des concessions, des emprunts, des exils. Que la France qu’il fantasme n’a jamais été pure ; qu’elle doit, depuis toujours, autant à l’étranger qu’à elle-même.

Zemmour s’imagine protecteur de la France « sauvage », mais il tombe dans un réflexe inverse : celui de celui qui, pour se faire aimer, rejette ce qu’il est. Il préfère hurler contre « l’islamisation », « l’immigration », « l’invasion » plutôt que d’admettre que sa librairie est faite aussi d’Apollinaire, de Cioran, de Brassens métissé, de migrants devenus français. Il érige la frontière symbolique, il fabrique l’ennemi intérieur — mais c’est lui qui est à l’intérieur.

Son lit est fait d’archives et de ruines. Il vit la France comme un musée en chiottes, un décor figé. Et quand on lui rappelle que cette « France » d’homogénéité n’a jamais existé, il s’emporte. Il accuse, il détourne, il menace. Il n’a pas l’amour de la France : il a la peur de son propre reflet.

Ainsi, l’affaire de Marseille n’est pas un simple échange polémique entre religieux et polémiste : c’est un moment de vérité. Un homme qui refuse ses origines, qui projette son malaise sur les nouveaux venus, qui intime à la France d’être ce qu’elle ne fut jamais — et qui s’emporte quand on lui oppose les faits.

En somme : Zemmour est l’enfant d’une France ouverte qu’il passe sa vie à vouloir refermer. Il n’y a rien de plus tragique que celui qui veut détruire ce qu’il est devenu — encore moins quand il crie qu’il veut le sauver.

Lorsque Éric Zemmour affirme que « la France n’a pas pillé l’Algérie » parce qu’« on ne pille pas des marécages », il ne décrit pas l’histoire : il la dissout. Il remplace les documents, les archives, les témoignages, par une posture. Ce qu’il combat n’est pas l’Algérie — mais la part d’Algérie qu’il refuse en lui.

« La France n’a pas pillé l’Algérie : on ne pille pas des marécages et des étangs. »
dit Zemmour.

Or, dès 1841, le général Bugeaud — gouverneur général de l’Algérie — écrivait noir sur blanc à ses officiers :

« Il faut ravager les champs, brûler les villages, enlever les troupeaux.
La conquête de l’Algérie sera une guerre d’extermination. »
(Lettre du 15 avril 1841, Archives militaires de Vincennes)

On ne ravage pas des étangs. On détruit des sociétés humaines.

Quand Zemmour rit, Michelet, lui, ne riait pas.
Dans Le Peuple (1846), il décrivait la colonisation comme :

« Une violence froide, administrative, calculée, qui prend et appelle cela civilisation. »

Même la Chambre des Députés le reconnaissait :
la loi du 26 juillet 1873 (dite loi Warnier) avait pour but déclaré de :

« Détruire la propriété collective indigène pour transférer la terre aux colons. »
(Journal Officiel, séance du 14 juin 1873)

On ne réorganise pas juridiquement des étangs. On exproprie des cultivateurs.

Et quand Zemmour dit : « Aujourd’hui l’Algérie nous envahit, c’est un pays ennemi »,
il ne parle pas d’actualité. Il récite presque mot pour mot le gouverneur Tirman, en 1881 :

« Il faut empêcher l’indigène d’être chez lui chez nous. »
(Discours au Sénat, 1881)

Ce qu’il nomme « invasion », c’est en réalité l’ordre ancien qui revient frapper à la porte de la mémoire. Car l’Algérie n’a pas oublié. Et la France officielle non plus.

En 1937, alors que l’on débat de l’accès à la citoyenneté des « sujets algériens », Jules Ferry (père de l’école républicaine) déclarait :

« Nous avons créé en Algérie une société à deux étages. La justice commande de reconnaître l’injustice. »  (Débats parlementaires, Chambre des députés)

Même l’État français reconnaissait la hiérarchie coloniale.
Zemmour, lui, la nie — non par ignorance, mais par nécessité.

Car s’il admet la violence, il doit affronter ce que cette histoire dit de lui.

La loi du 26 juillet 1873, dite Loi Warnier, est explicite : elle vise à abolir les terres collectives pour les transférer aux colons
Elle transforme la propriété en arme.

Comme l’historien Charles-Robert Ageron l’a montré :

« La colonisation fut d’abord une entreprise de spoliation foncière systématique. »³

Ce n’est pas un débat. C’est un fait documenté.

L’autre mensonge implicite dans le récit zemmourien est l’idée qu’avant 1830, l’Algérie aurait été un désert intellectuel. Pourtant, le colonel Eugène Daumas, administrateur français, reconnaissait en 1853 :

« L’instruction primaire était beaucoup plus répandue en Algérie qu’on ne le croit généralement. »⁴

Les grandes villes — Alger, Miliana, Mascara, Oran, Bejaia, Tlemcen, Constantine — disposaient de réseaux de médersa, msid et zaouïa où l’on apprenait lecture, écriture et jurisprudence religieuse. Le notable algérien Hamdane Ben Othman Khodja en témoignait déjà en 1833 :

« La lecture du Coran fait partie de la vie ordinaire de la cité. »⁵

Zemmour dit : « Il n’y avait rien. »
Les archives disent : Il y avait des écoles.

Son discours n’est pas une analyse. C’est un rideau. Un rideau pour ne pas voir Bugeaud, Saint-Arnaud, les enfumades, les séquestres, les déportations, la famine de 1867, les spoliations cadastrales, les populations déplacées, les terres classées « vacantes » parce que volées.

Un rideau pour ne pas voir que l’histoire coloniale et l’histoire familiale se croisent dans son nom, son visage, son lieu d’origine.

Zemmour n’attaque pas l’Algérie. Il attaque la part algérienne qu’il porte malgré lui. Il ne parle pas de la France. Il parle de ce qu’il voudrait ne plus être. Et c’est cela, précisément, qui rend son discours aussi bruyant. Plus on fuit, plus on hurle.                                                 Ainsi donc, je dois dire bravo aux Français de souche, ayant Vercingétorix comme ancêtre (Zemmour), mais presque tous issus de l'immigration. Dans les médias, notre Zemmour et certains se prennent pour Napoléon, mais ils sont plus nombreux à se croire de souche, de qui, de quoi et depuis quand ?

A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »  
https://kadertahri.blogspot.com/

NOTES  

  1. Thomas-Robert Bugeaud, Lettre du 15 avril 1841, Service Historique de la Défense (Vincennes).
  2. Journal Officiel, Débats parlementaires, séance du 14 juin 1873 (Loi Warnier).
  3. Charles-Robert Ageron, Histoire de l’Algérie contemporaine (1830-1871) (Paris : PUF, 1964), 54–63.
  4. Eugène Daumas, Mœurs et coutumes de l’Algérie (Paris : Firmin-Didot, 1853), 212.
  5. Hamdane Ben Othman Khodja, Le Miroir, ou Tableau historique et statistique de la Régence d’Alger (Paris : Béthune et Plon, 1833), 89–92.
  6. Louis Tirman, Discours au Sénat, Compte rendu intégral, 1881.

 

France/Encore un attentat désignant des coupables imaginaires :

Jean G., un automobiliste de 35 ans résidant sur l’île charentaise, a volontairement foncé pendant 35 minutes sur les passants, hier. Deux de ses victimes sont en urgence absolue. Il a mis le feu à sa Honda Civic avant son interpellation, dans laquelle une bonbonne de gaz aurait été présente. Et il aurait évoqué en garde à vue sa conversion récente à l’islam.

Cette triste affaire conforte l’idée que le cri de ralliement de tous les tarés, dépassées, dégénérés, décérébrés, haineux est : « Islam » Voilà qui a le mérite d’être clair, Oui, toujours sidéré de ceux qui se prétendent extrémiste, leur argumentation principale , c’est l’Islam !

Ce qui s'est produit à Oléron est une tragédie. Rien ni personne ne doit en minimiser la gravité. Mais la manière dont certains médias et acteurs politiques se sont empressés de s'en emparer ne relève pas de l'information : elle relève de la propagande. Avant même que les faits ne soient établis, avant même que l'enquête n'éclaire les causes — psychiques, sociales, personnelles — de l'acte commis, un récit était déjà prêt. Ce récit, toujours le même, attribue immédiatement la violence à une appartenance religieuse supposée, et transforme un individu en étendard d'une haine collective fantasmée.

Cette mécanique n'a rien d'innocent. Elle n'analyse pas : elle accuse. Elle ne cherche pas à comprendre : elle désigne des ennemis. Elle ne vise pas à protéger la société : elle l'abîme en l'opposant à elle-même. Derrière la prétendue "lucidité" de ceux qui prétendent enfin "dire les choses", il y a en réalité une intention politique claire : installer l'idée que des millions de citoyens seraient suspects par nature, qu'ils devraient se justifier, s'excuser, se distinguer en permanence de crimes qu'ils n'ont pas commis et ne cautionnent pas.

C'est cela, la véritable manipulation. Faire croire qu'un fait isolé révèle une essence. Faire croire qu'une religion se résume à ses défigurations. Faire croire que la barbarie parle au nom de tous ceux qui prient. Et surtout, faire croire que le danger est partout, que la peur est la seule boussole, que la cohésion sociale n'est plus possible.

Ce qui menace aujourd'hui cette société, ce ne sont pas seulement les actes violents : ce sont les discours qui prétendent les expliquer en réduisant la complexité du monde à des oppositions grossières. Ce sont les récits qui, sous couvert de lucidité, fracturent encore davantage le lien fragile qui nous unit. L'extrême droite ne cherche pas à comprendre ce qui produit la violence : elle cherche à l'exploiter.

Il y a un choix. Soit céder à ceux qui profitent de chaque drame pour élargir le champ de la haine. Soit tenir, fermement, une ligne de raison, de droit, de justice. Non pas pour nier la violence, mais pour la combattre en refusant la désignation de boucs émissaires. Non pas pour atténuer la responsabilité individuelle, mais pour empêcher qu'elle ne devienne un prétexte à la stigmatisation collective.

Face au choc, la tentation de la simplification est grande. Mais la simplification est le terreau de la division, et la division est le carburant de ceux qui rêvent d'une société brisée. Ce n’est pas l’islam qui menace, c’est l’usage que certains font de la peur.

A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
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Les enfumades d’Algérie, un crime colonial systémique

 

Parmi les épisodes les plus effacés de l’histoire coloniale française, les enfumades occupent une place sombre et révélatrice. Elles ne relèvent ni de bavures, ni d’excès isolés, mais d’une méthode militaire réfléchie, assumée, revendiquée et enseignée comme stratégie de conquête. Leur but était clair : anéantir les populations civiles algériennes, briser leur capacité de résistance, en faisant de la terreur une arme politique. Les deux enfumades de Sebih, perpétrées à Debboussa, une région située entre les communes de Sobha et Ain Mrane (Nord-ouest de Chlef), figurent parmi les plus grands massacres et crimes contre l'humanité 

Une guerre coloniale fondée sur l’extermination : Lorsque la France envahit l’Algérie en 1830, elle ne se contente pas d’une conquête militaire. La colonisation implique la dépossession des terres, la mise au pas des structures politiques traditionnelles, l’imposition d’un ordre racial et économique. Face à la résistance populaire menée par l’Émir Abdelkader, les autorités françaises théorisent une guerre « totale », visant non seulement les combattants, mais l’ensemble de la population.

Le maréchal Thomas Bugeaud, gouverneur général de l’Algérie à partir de 1840, résume sans détour cette logique :

« Il faut faire la guerre arabesque : brûler les récoltes, vider les silos, prendre les femmes, les enfants, les vieillards. »

Il développe — et généralise — l'usage de la terre brûlée, du pillage, du massacre, et des confinements forcés. C’est à lui que revient le célèbre ordre donné à ses officiers :

« S’ils se retirent dans leurs cavernes, fumez-les à outrance, comme des renards ! »

Les civils algériens sont littéralement comparés à des nuisibles que l’on extermine.

Eugène Cavaignac : l’organisateur de la première enfumade : La première enfumade documentée est ordonnée par le général Eugène Cavaignac en juin 1844 dans la région de Chlef. Des familles entières de la tribu de Bani Sebih, également connue sous le nom de Sbehas ou Sebih, — femmes, enfants, vieillards — s’étaient réfugiées dans des grottes pour échapper aux troupes françaises.

Le maréchal François Canrobert, acteur et témoin direct, décrit la scène avec une froideur glaçante :

« On pétarda l’entrée de la grotte, on y accumula des fagots. Le soir, le feu fut allumé »

Le lendemain, quelques Sbéhas se présentaient, demandant grâce, leurs compagnons, les femmes, les enfants, étaient morts. »Ce n’est pas un dérapage : c’est une exécution collective.

L’enfumade de Dahra : un massacre assumé : Un an plus tard, en 1845, le colonel Aimable Pélissier — futur maréchal de France — ordonne l’enfumade de la tribu des Ouled Riah dans les grottes du Dahra. Les soldats bloquent les issues, allument des feux, alimentent la fumée toute la nuit.

 

Les récits contemporains parlent de centaines, voire près d’un millier de morts. L’historien Christian Pitois témoigne :

« Entendre les gémissements des hommes, des femmes, des enfants ; Voir les animaux et les humains entassés, asphyxiés, mêlés dans la même agonie…Le matin, un spectacle hideux frappa les assaillants. »

Ce sont des civils. Ce sont des familles. Ce sont des êtres humains conscients de leur propre mort.

Une politique, pas un accident : Les enfumades ne sont ni ponctuelles ni improvisées. On en recense plusieurs dizaines durant les années 1840–1850, notamment à Laghouat en 1852. Elles répondent à une doctrine militaire assumée :
Faire mourir par suffocation les populations qui refusent la domination coloniale.

Aujourd’hui, de nombreux historiens — dont Sylvie Thénault, Olivier Le Cour Grandmaison, Gilbert Meynier, Pierre Vidal-Naquet — qualifient ces enfumades de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité, au sens où elles visaient l’extermination de groupes civils en tant que tels.

Une mémoire encore disputée : En 2023, l’avenue Bugeaud à Paris a été débaptisée. Ce geste marque une reconnaissance timide mais essentielle : l’héritage colonial ne peut plus être masqué sous des statues et des noms de rue.

Cependant, les programmes scolaires abordent encore ce chapitre comme un « épisode » parmi d’autres.
Or il ne s’agit pas d’un détail.
Il s’agit d’un crime fondateur de la présence française en Algérie.

Dire, nommer, reconnaître : Les enfumades ne sont pas qu’un fait historique : elles sont une trace vive dans la mémoire algérienne, une douleur transmise, une preuve que la colonisation n’a jamais été une « œuvre civilisatrice », mais une entreprise de domination violente, structurée par le racisme et la déshumanisation. Reconnaître cela, ce n’est pas accuser les peuples, mais dévoiler les systèmes.

Ces actes ne sont pas des « bavures » : ils sont l’expression du racisme colonial, d’une guerre visant autant les populations que les combattants.
Aujourd’hui encore, la France hésite à nommer ces faits pour ce qu’ils sont : des crimes contre l’humanité

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Le mythe du “privilège algérien”: Fatigués de votre culpabilité ? Nous, fatigués de votre arrogance.

Une modeste réponse Algérienne à la France qui refuse de se regarder en face. À force de refuser d’assumer son histoire coloniale, une partie de la France en vient à accuser l’Algérie d’être responsable de sa mauvaise conscience. Sous couvert d’universalisme, certains intellectuels ressuscitent la vieille arrogance coloniale : celle du maître lassé de sa propre culpabilité. Cette tribune répond, point par point, à ce discours du renversement et du mépris.

On croyait que les temps avaient changé. Mais non : dans certains cercles parisiens, le colonisateur fatigué continue de se présenter comme une victime.
Certaines presses formulent que  le messianisme universaliste se retourne contre la France” pour nous dépeindre une France prisonnière d’une culpabilité coloniale et l’Algérien comme un bénéficiaire ingrat d’avantages immérités. Ainsi donc, la colonisation deviendrait un fardeau moral pour le colonisateur ? Quelle plaisanterie cruelle.
Car ce discours n’est rien d’autre qu’un blanchiment moral : transformer la responsabilité historique en malaise existentiel.

On nous parle d’universalisme républicain, mais c’est toujours celui du dominant.
L’universel, dans leur récit, reste européen, blanc, français.
Le reste du monde n’y est toléré que s’il s’y conforme.
Ce “messianisme” dont parle la presse c’est celui de la France persuadée qu’elle doit sauver le monde — hier par la “civilisation”, aujourd’hui par la “rééducation morale”.

Mais l’Algérie n’a pas besoin d’un sauveur, encore moins d’un psychanalyste.
Ce qu’elle exige, c’est le respect, pas la confession permanente du colonisateur en quête d’absolution.

La presse dénonce les accords franco-algériens de 1968 comme une “injustice”, une “exception”.
Elle feint d’oublier qu’ils furent le prolongement d’une relation asymétrique : un peuple pillé pendant plus d’un siècle, une économie détruite, une société fracturée.
Ces accords ne sont pas des faveurs ; ils sont une reconnaissance minimale d’une dette morale et humaine.

Ce n’est pas un privilège d’obtenir le droit de vivre dignement là où l’on a contribué à reconstruire.
C’est un dû.
Mais la France préfère parler de “privilège” pour ne pas parler de responsabilité.

Quand la presse évoque les “malaise identitaires” ou “violences” associées aux Algériens, il ne fait que raviver une vieille peur : la peur du colonisé visible.
Le drapeau algérien brandi dans les rues, les cris de joie lors d’un match, la fierté d’une diaspora — tout cela est perçu comme une menace.
Mais ce n’est pas l’Algérien qui provoque la tension : c’est la mémoire refoulée d’une France incapable d’accepter sa défaite coloniale. Là où cette presse voit “hostilité”, nous voyons mémoire et dignité.

 

On nous répète que “la France se repent trop”.
Mais de quelle repentance parle-t-on ?
Aucune reconnaissance officielle des massacres de Sétif, Guelma ou Kherrata.
Aucune excuse pour les enfumades, les spoliations, les tortures.
Aucune réparation, ni symbolique ni matérielle.

Alors de quoi parle-t-on ?
La France n’a pas trop demandé pardon — elle ne l’a jamais fait. Et l’Algérie n’attend pas des larmes, mais du respect.
Nous n’avons pas besoin que la France se regarde pleurer, mais qu’elle cesse de travestir l’histoire
La France ne s’est jamais excusée — elle s’est justifiée pour refuser de distinguer entre le pardon et la vérité.

Depuis 1962, la France ne parle pas à l’Algérie — elle parle d’elle-même à travers elle : sa nostalgie, sa culpabilité, son identité en crise.

Or l’Algérie n’est ni un miroir ni une thérapie nationale.
C’est un pays souverain, fier, et lassé d’être le fantôme moral de la République.

Ce texte dit tout haut ce que d’autres pensent tout bas : la France n’a jamais accepté la fin de sa domination.
Elle parle d’égalité mais rêve de hiérarchie.
Elle parle de mémoire mais exige l’amnésie des autres.

Nous, Algériens, n’attendons ni compassion ni repentance.
Nous demandons l’égalité dans la vérité, la reconnaissance sans condescendance, la mémoire sans mensonge.

L’Algérie ne vit pas dans le passé : c’est la France qui s’y accroche, de peur de regarder l’avenir sans son ancienne supériorité.

Ceux qui écrivent ces textes croient nous instruire. Ils veulent “rééduquer” le peuple français à aimer moins sa culpabilité et plus sa grandeur.
Mais nous, Algériens, ne leur demandons qu’une chose : qu’ils cessent de nous expliquer qui nous sommes.

L’Algérie n’est ni un miroir de la France, ni son laboratoire moral.
C’est un pays libre, debout, souverain.
Et chaque fois que la France essaiera de nous réduire à un symbole de sa crise identitaire, elle trouvera face à elle une vérité qui dérange Et si vous persistez à confondre notre mémoire avec votre malaise, sachez ceci :
le peuple qui s’est libéré sans attendre votre bénédiction ne réclamera jamais votre absolution.


A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
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Un texte servile déguisé en analyse géopolitique

Sous des apparences d’article d’analyse, le texte intitulé « La diplomatie d’orfèvre du Maroc » se révèle être une véritable opération de communication politique en faveur du régime marocain. , écrit dans un registre laudatif, presque hagiographique, à l’égard du Maroc, bien sûr on trouve comme d’habitude du mauvais et du plus mauvais, encore une coulée compassionnelle et fausse, totalement hypocrite du haut vers le bas. Pour parvenir à faire passer ce mensonge, il faut taper sur un bouc émissaire, peu importe lequel. Ici, c'est l’Algérie qui a le rôle. Mais  le ridicule se trouve dans «La "diplomatie d'orfèvre" du Maroc» ?

Le choix des mots, la structure du récit et la sélection des sources trahissent une intention claire : transformer un simple vote du Conseil de sécurité en une victoire historique du Maroc, tout en jetant le discrédit sur l’Algérie et le Front Polisario.
Ce texte n’analyse pas la diplomatie : il la célèbre. Il ne rend pas compte d’un événement : il en fabrique le récit glorieux. Et, ce faisant, il participe à la vaste entreprise de normalisation médiatique d’une occupation territoriale toujours illégale au regard du droit international.

Dès le titre, le ton est donné : « diplomatie d’orfèvre », « conquête », « moment historique ». Ces expressions n’appartiennent pas au vocabulaire de la géopolitique, mais à celui de la propagande. On y sent l’admiration aveugle, la fascination pour le pouvoir, le goût du spectaculaire. Le Maroc devient un artisan de génie, l’ONU un théâtre de sa réussite.
Mais de quelle réussite parle-t-on ?

Le Conseil de sécurité n’a nullement « validé » le plan d’autonomie marocain — il s’est borné à prendre note d’un projet, sans lui donner force de loi. La résolution en question, si elle existe dans ces termes, n’a aucune portée juridique contraignante : elle ne change rien au statut du Sahara occidental, territoire toujours considéré par l’ONU comme non autonome, c’est-à-dire à décoloniser.

L’écrit transforme donc un simple glissement diplomatique en triomphe politique. C’est là toute l’astuce du discours : substituer la rhétorique du succès à la réalité du statu quo, maquiller une situation bloquée en conquête éclatante. En d’autres termes, vendre de la diplomatie comme on vend un produit de luxe — avec du vernis, du prestige et du vide.

En face, l’Algérie n’a droit qu’à la caricature : celle du voisin boudeur, vexé, campé dans ses positions. Le texte multiplie les insinuations : « coup dur pour l’Algérie », « refus de voter », « pression algérienne ». On dépeint un pays crispé, isolé, obstiné. Nulle part l’auteur ne reconnaît que l’Algérie défend une position de principe, fondée sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes — une position partagée par de nombreuses nations du Sud et par la jurisprudence internationale.
Quant au Front Polisario, il n’apparaît qu’à la marge, réduit à un rôle d’agité incapable de comprendre la “réalité”. On efface les décennies de lutte, les exils, la répression, les résolutions onusiennes jamais appliquées. En une phrase, l’auteur évacue tout un peuple. Ce n’est pas de l’analyse, c’est du mépris.

Cette asymétrie de traitement n’est pas innocente : elle traduit un biais idéologique pro-marocain profondément ancré dans une partie des médias français. Elle s’inscrit dans la continuité d’une narration qui, depuis des années, cherche à criminaliser la position algérienne tout en présentant Rabat comme un partenaire “modéré”, “occidental”, “visionnaire”. Le fond n’a rien de diplomatique — il est politique, et même géopolitique : il s’agit de légitimer un allié et d’isoler un rival.

Le plus grave reste la falsification du cadre juridique. L’article suggère que la résolution “entérine” le plan d’autonomie marocain. Or, aucune instance onusienne n’a jamais validé la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Le droit international reste clair :

le Sahara est un territoire non autonome dont le peuple doit décider librement du futur par référendum — référendum que le Maroc refuse obstinément depuis 1991.

En glorifiant Rabat pour avoir “conquis l’ONU”, l’auteur nie la réalité du conflit, les résolutions existantes et les souffrances humaines qui en découlent. Il substitue à la rigueur du droit la narration du vainqueur. Il transforme un processus de colonisation en réussite diplomatique. Ce glissement lexical est plus qu’un mensonge : c’est une violence symbolique, une insulte à la mémoire du peuple sahraoui et à la dignité des Algériens solidaires de sa cause.

Ce texte ne s’inscrit pas dans la tradition du journalisme critique. Il s’apparente plutôt à une chronique de cour, écrite par un auteur que ses “diverses fonctions” ont habitué à la complaisance vis-à-vis du pouvoir marocain. Il ne cherche pas à informer, mais à influencer ; non à analyser, mais à orienter l’opinion publique.
Le lecteur averti y reconnaîtra une rhétorique bien rodée : admiration de façade, vocabulaire diplomatique, citations d’experts européens pour légitimer un point de vue, et disqualification subtile de la partie adverse. Ce procédé n’a rien de neuf : c’est la vieille recette du soft power marocain, reprise ici avec zèle par un journaliste qui se prend pour un chroniqueur d’histoire alors qu’il n’est que le scribe d’une narration d’État.

Face à de telles entreprises d’enfumage, la vigilance s’impose. L’Algérie, ses intellectuels, sa diaspora et tous ceux qui croient encore à la vérité du droit international doivent répondre par la clarté du discours, la rigueur de l’analyse et le courage de la parole libre.
Non, l’ONU n’a pas légitimé le plan marocain.
Non, le Sahara occidental n’est pas marocaine.
Non, le combat du peuple sahraoui n’est pas une lubie d’un autre temps.
C’est une lutte pour la justice, la liberté et la souveraineté — des valeurs que l’Algérie, fidèle à son histoire anticoloniale, continuera de défendre malgré les campagnes médiatiques et les manipulations diplomatiques.

En définitive, cet article n’est pas un fait journalistique, mais un symptôme : celui d’une guerre médiatique et symbolique qui se joue autour du Sahara occidental. Le Maroc mène une bataille d’image ; certains médias européens, complaisants ou intéressés, lui prêtent leur plume.
Mais la vérité, elle, résiste. Elle réside dans les textes de l’ONU, dans la voix du peuple sahraoui, dans la constance d’une Algérie qui refuse de se taire face à l’injustice.
Tant que des journalistes continueront à travestir la colonisation en diplomatie, il faudra des voix pour leur rappeler qu’un mensonge répété mille fois ne devient pas une vérité — et qu’aucune “diplomatie d’orfèvre” ne saurait polir le visage d’une occupation.

L'art de la diplomatie, c'est celui de l'équilibre.

Que les extrémistes s’indignent et s’indignent, mais surtout qu’ils foutent la paix à l’Algérie, car elle s’en fiche royalement de leurs états d’âme. Nous savons tous que lorsqu’il s’agit de l’Algérie, la plupart des Français sont tout sauf rationnels. .  

A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »  
https://kadertahri.blogspot.com/