Une modeste réponse Algérienne à la France qui refuse
de se regarder en face. À force de refuser d’assumer son histoire coloniale,
une partie de la France en vient à accuser l’Algérie d’être responsable de sa
mauvaise conscience. Sous couvert d’universalisme, certains intellectuels
ressuscitent la vieille arrogance coloniale : celle du maître lassé de sa
propre culpabilité. Cette tribune répond, point par point, à ce discours du
renversement et du mépris.
On croyait
que les temps avaient changé. Mais non : dans certains cercles parisiens, le
colonisateur fatigué continue de se présenter comme une victime.
Certaines presses formulent que le
messianisme universaliste se retourne contre la France” pour nous dépeindre une
France prisonnière d’une culpabilité coloniale et l’Algérien comme un
bénéficiaire ingrat d’avantages immérités. Ainsi donc, la colonisation
deviendrait un fardeau moral pour le colonisateur ? Quelle plaisanterie
cruelle.
Car ce discours n’est rien d’autre qu’un blanchiment moral : transformer la
responsabilité historique en malaise existentiel.
On nous
parle d’universalisme républicain, mais c’est toujours celui du dominant.
L’universel, dans leur récit, reste européen, blanc, français.
Le reste du monde n’y est toléré que s’il s’y conforme.
Ce “messianisme” dont parle la presse c’est celui de la France persuadée
qu’elle doit sauver le monde — hier par la “civilisation”,
aujourd’hui par la “rééducation morale”.
Mais
l’Algérie n’a pas besoin d’un sauveur, encore moins d’un psychanalyste.
Ce qu’elle exige, c’est le respect, pas la confession permanente du
colonisateur en quête d’absolution.
La presse dénonce les accords franco-algériens de 1968
comme une “injustice”, une “exception”.
Elle feint d’oublier qu’ils furent le prolongement d’une relation asymétrique :
un peuple pillé pendant plus d’un siècle, une économie détruite, une société
fracturée.
Ces accords ne sont pas des faveurs ; ils sont une reconnaissance minimale
d’une dette morale et humaine.
Ce n’est pas
un privilège d’obtenir le droit de vivre dignement là où l’on a contribué à
reconstruire.
C’est un dû.
Mais la France préfère parler de “privilège” pour ne pas parler de responsabilité.
Quand la
presse évoque les “malaise identitaires” ou “violences” associées
aux Algériens, il ne fait que raviver une vieille peur : la peur du colonisé
visible.
Le drapeau algérien brandi dans les rues, les cris de joie lors d’un match, la
fierté d’une diaspora — tout cela est perçu comme une menace.
Mais ce n’est pas l’Algérien qui provoque la tension : c’est la mémoire
refoulée d’une France incapable d’accepter sa défaite coloniale. Là où cette
presse voit “hostilité”, nous voyons mémoire et dignité.
On nous répète
que “la France se repent trop”.
Mais de quelle repentance parle-t-on ?
Aucune reconnaissance officielle des massacres de Sétif, Guelma ou Kherrata.
Aucune excuse pour les enfumades, les spoliations, les tortures.
Aucune réparation, ni symbolique ni matérielle.
Alors de
quoi parle-t-on ?
La France n’a pas trop demandé pardon — elle ne l’a jamais fait. Et
l’Algérie n’attend pas des larmes, mais du respect.
Nous n’avons pas besoin que la France se regarde pleurer, mais qu’elle cesse
de travestir l’histoire
La France ne s’est jamais excusée — elle s’est justifiée pour refuser de
distinguer entre le pardon et la vérité.
Depuis 1962,
la France ne parle pas à l’Algérie — elle parle d’elle-même à travers
elle : sa nostalgie, sa culpabilité, son identité en crise.
Or l’Algérie
n’est ni un miroir ni une thérapie nationale.
C’est un pays souverain, fier, et lassé d’être le fantôme moral de la
République.
Ce texte dit
tout haut ce que d’autres pensent tout bas : la France n’a jamais accepté la
fin de sa domination.
Elle parle d’égalité mais rêve de hiérarchie.
Elle parle de mémoire mais exige l’amnésie des autres.
Nous,
Algériens, n’attendons ni compassion ni repentance.
Nous demandons l’égalité dans la vérité, la reconnaissance sans
condescendance, la mémoire sans mensonge.
L’Algérie ne
vit pas dans le passé : c’est la France qui s’y accroche, de peur de regarder
l’avenir sans son ancienne supériorité.
Ceux qui
écrivent ces textes croient nous instruire. Ils veulent “rééduquer” le peuple
français à aimer moins sa culpabilité et plus sa grandeur.
Mais nous, Algériens, ne leur demandons qu’une chose : qu’ils cessent de
nous expliquer qui nous sommes.
L’Algérie
n’est ni un miroir de la France, ni son laboratoire moral.
C’est un pays libre, debout, souverain.
Et chaque fois que la France essaiera de nous réduire à un symbole de sa crise
identitaire, elle trouvera face à elle une vérité qui dérange Et si vous
persistez à confondre notre mémoire avec votre malaise, sachez ceci :
le peuple qui s’est libéré sans attendre votre bénédiction ne réclamera jamais
votre absolution.
A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. » https://kadertahri.blogspot.com/
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