« Quand la force devient l’unique langage, la vérité se
tait et l’humanité s’efface. »
Dans
l’étroite bande de Gaza, la guerre a cessé d’être un conflit pour devenir un
miroir. Miroir de notre impuissance collective, de la déshumanisation
ordinaire, et du courage silencieux de ceux qui résistent à l’effacement. Cette
tribune rend hommage aux victimes civiles, à la dignité d’un peuple enfermé, et
à la faillite morale d’une époque qui laisse mourir sous ses yeux.
Gaza, une tragédie universelle
Il existe
des lieux qui deviennent des symboles au-delà de leur géographie. Gaza,
aujourd’hui, en est un. Dans cette bande de terre minuscule où s’entassent des
millions de vies, le monde assiste, impuissant ou complice, à une lente
destruction, celle d’un peuple pris au piège de l’histoire et de la
géopolitique. Sous les bombes, dans la faim et la peur, Gaza nous renvoie à nos
contradictions : celle d’un monde qui se dit civilisé mais qui tolère
l’inacceptable.
Depuis trop
longtemps, Gaza n’est perçue qu’à travers des chiffres : tant de morts, tant de
blessés, tant de bâtiments détruits. Mais derrière ces nombres, il y a des
visages. Des enfants qui rêvaient d’école, des mères qui enfouissent leurs fils
sans tombe, des médecins opérant à mains nues, des familles qui survivent dans
le vacarme de la guerre.
Chaque ruine porte un nom, chaque silence une prière.
La dignité comme ultime résistance
Quand tout
s’effondre, il ne reste qu’un seul territoire à défendre : celui de la dignité.
Résister, dans Gaza assiégée, n’est pas un slogan : c’est un réflexe vital.
Ce n’est pas une exaltation de la guerre, mais le refus obstiné de disparaître
sans laisser de trace. Face à la puissance d’une armée surarmée, un peuple
désarmé tente simplement de rester humain.
Les murs qui
entourent Gaza ne contiennent pas seulement ses habitants : ils enferment aussi
la conscience de ceux qui les ont construits. Car l’occupation ne tue pas
seulement des corps, elle étouffe des âmes, elle pervertit la morale.
L’asymétrie est totale, mais la dignité ne se mesure pas à la force des armes —
elle se mesure à la capacité de continuer à espérer, même au bord du gouffre.
La guerre des récits
La bataille
de Gaza n’est pas seulement militaire ; elle est aussi narrative.
Les mots, ici, tuent ou sauvent. Le pouvoir des armes se double de celui des
images et des récits. Celui qui bombarde parle de “riposte légitime”,
celui qui souffre est qualifié de “terroriste”.
Ainsi, la réalité se déforme, la souffrance se banalise, et la vérité devient
la première victime du conflit.
Aujourd’hui, le colonisateur au lieu
de se reprocher d’être à la mauvaise place dans l’histoire, il reproche à la
résistance et à son peuple d’avoir osé faire l’inévitable pour recouvrer leurs
droits.
Aujourd’hui, nous constatons que la
glorification des héros de Gaza n’est pas notre droit. Elle nous rappelle
plutôt, à nous-mêmes comme à l’ennemi, que la vie, riche en expériences, ne
comporte qu’un nombre limité de choix majeurs.
Croire que la bataille de Gaza se
terminera par une reddition épargnant à Israël le châtiment qu’il mérite, c’est
une fois de plus une lecture erronée de l’histoire. Mais le temps seul est
riche d’enseignements pour ceux qui souhaitent apprendre !
La tragédie d’un peuple encerclé
A Gaza, le
colonisateur est supérieur en nombre, en armement, en tactique. Les civils sont
encerclés, incapables d’échapper au feu sauf par des galeries qu’ils ont
creusées ou qui existaient déjà.
Devant cette écrasante supériorité, il ne reste que la guérilla qualifiée de “terrorisme”
par ceux qui détiennent le pouvoir. Pour les civils encerclés, les morts
s’accumulent sous les bombes ; la maladie et la faim faucheront encore des
vies. Certains choisissent de mourir en emportant un adversaire — acte tragique
qui, pour eux, est la dernière réponse à un génocide programmé. Et pourtant,
paradoxalement, plus on cherche à réduire une population par la violence, plus
la détermination de ceux qui résistent grandit : leur moral s’affermit à mesure
que celui des agresseurs s’érode, car la longue durée transforme la puissance
en vulnérabilité.
Au-delà de
la suprématie militaire, le colon contrôle les moyens de communication : il
peut allonger ses victoires, minimiser ses défaites, et affirmer qu’il ne perd
pas d’hommes. Pourtant ces hôpitaux se remplissent en cachette et l’ordre
militaire est de taire les pertes. L’armée qui occupe doit paraître invincible,
féroce et inhumaine, tel est la doctrine du colonisateur.
Ce constat
n’est pas une métaphore : c’est une photographie de l’histoire qui s’écrit sous
nos yeux. Il dévoile la logique du désespoir, la mécanique de la domination et
l’absurdité d’un système où la puissance croit pouvoir détruire la volonté
d’exister.
Mais l’histoire enseigne le contraire : la force brute finit toujours par se
heurter à la mémoire des vivants.
Le miroir de notre humanité
Ce qui se
joue à Gaza dépasse le conflit israélo-palestinien : c’est un test moral pour
l’humanité entière.
C’est la mesure de notre tolérance à l’inacceptable, de notre indifférence à la
souffrance, de notre capacité à fermer les yeux quand la vie d’autrui nous
dérange.
Gaza n’est pas seulement une tragédie politique, c’est une tragédie humaine. Et
c’est précisément pour cela qu’elle nous concerne tous.
Rendre
hommage aux victimes, ce n’est pas choisir un camp, c’est refuser l’oubli.
C’est affirmer que la compassion est un devoir, que la justice est la seule
voie vers la paix, et que la mémoire des morts ne doit pas servir d’argument
mais d’avertissement.
Un jour, les bombes se tairont, les ruines seront balayées, mais la question
demeurera : qu’avons-nous fait, nous, quand l’humanité brûlait à Gaza ?
Ce que
révèle Gaza, c’est la faillite de la puissance et le triomphe paradoxal de la
dignité.
Plus les murs s’élèvent, plus les consciences s’éveillent.
Plus on tente d’effacer un peuple, plus sa mémoire s’impose.
Rendre
hommage à ces vies fauchées, ce n’est pas une posture politique :
c’est une déclaration de foi dans l’humain.
C’est exiger la fin des bombardements, l’ouverture des couloirs humanitaires,
des enquêtes indépendantes, et la reconnaissance du droit à la vie.
Car si la
guerre a fait de Gaza un cimetière, la mémoire peut encore en faire un lieu de
conscience.
Et peut-être qu’un jour, le monde regardera cette terre non plus comme une
menace, mais comme un avertissement :
celui de ce qui arrive quand l’humanité abdique.
Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. »
https://kadertahri.blogspot.com/
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