Les
relations algéro-marocaines connaissent une nouvelle zone de turbulence.
Derrière les campagnes numériques accusant l’Algérie d’étouffer la joie
populaire, se dessine une stratégie de diversion du pouvoir marocain, confronté
à une contestation sociale grandissante. Analyse d’une provocation ratée.
Les
relations entre Alger et Rabat n’ont jamais été simples. Mais depuis quelques
années, la rivalité s’est transformée en véritable guerre d’influence,
particulièrement visible dans l’espace numérique.
Le dernier épisode en date, une campagne en ligne visant à faire croire que les
Algériens auraient été empêchés de célébrer la victoire de leur équipe
nationale contre la Somalie – illustre une dérive préoccupante : celle de
l’instrumentalisation politique de la désinformation.
Une opération de manipulation mal calibrée
Peu après le
match, une série de comptes nouvellement créés, se faisant passer pour des
Algériens, a diffusé un même message : “le peuple n’est pas sorti dans la
rue, de peur de la répression.”
Ce récit, construit de toutes pièces, cherchait à imposer une image d’un pays
paralysé par la peur. Sauf que la manœuvre a échoué. Les internautes algériens
ont rapidement détecté la supercherie, pointant la synchronisation suspecte de
ces publications et leur origine étrangère.
Ce type
d’opération illustre l’usage croissant de la désinformation comme arme
géopolitique. Dans ce cas précis, le calcul du Makhzen reposait sur une idée
erronée : celle que la société algérienne réagirait mécaniquement à chaque
victoire sportive. Or, face à une qualification déjà assurée, les Algériens ont
fait preuve de maturité et de retenue, une attitude que Rabat n’avait pas
anticipée.
Un Maroc
sous tension
Pour
comprendre ces provocations numériques, il faut regarder du côté du Maroc
lui-même. Le pays traverse une période d’instabilité sociale : hausse des prix,
chômage persistant, mécontentement populaire.
Dans plusieurs villes, des manifestations ont éclaté ces dernières semaines,
traduisant un malaise profond. Le récent discours de Mohammed VI, jugé
déconnecté des réalités, n’a fait qu’accentuer la frustration.
Dans ce
contexte, la tentation de détourner l’attention vers l’extérieur est grande.
L’Algérie, éternel rival et exutoire commode, sert de variable d’ajustement à
une communication politique en crise. Les provocations deviennent alors un
outil pour canaliser le mécontentement intérieur.
La désinformation, symptôme d’une faiblesse politique
Ces
manœuvres ne sont pas anodines. Elles traduisent une perte de contrôle du récit
national marocain. Plutôt que de répondre aux attentes sociales, le Makhzen
préfère entretenir l’illusion d’un ennemi extérieur.
Mais cette stratégie a ses limites : elle mine la crédibilité du Maroc sur la
scène internationale et accentue la défiance au sein même de la société
marocaine, de plus en plus consciente des écarts entre le discours officiel et
la réalité vécue.
De son côté,
l’Algérie a choisi de ne pas réagir de manière impulsive. L’absence de débordements,
la vigilance citoyenne et le calme des institutions démontrent une maturité
politique qui contraste avec les calculs improvisés de son voisin de l’Ouest.
Un révélateur des fragilités régionales
Cet épisode
n’est pas un cas isolé, mais le reflet d’une crise régionale plus large. Les
pays du Maghreb font face à des défis économiques et sociaux majeurs, tandis
que leurs jeunesses réclament plus de justice, de transparence et de
perspectives.
Dans ce contexte, les logiques de rivalité interétatique deviennent des écrans
de fumée, retardant l’intégration régionale et la coopération économique,
pourtant vitales pour les deux peuples.
Pour sortir de la logique du soupçon
La
désinformation, qu’elle soit numérique ou médiatique, ne construit rien. Elle
entretient le ressentiment et empêche le dialogue. Le Maroc, s’il veut
retrouver sa crédibilité, devra rompre avec la tentation de la diversion et
assumer la nécessité d’un débat interne sincère. L’Algérie, de son côté,
gagnerait à maintenir sa posture de retenue et de lucidité, sans céder aux
provocations.
Car au-delà
des querelles politiques, c’est tout le Maghreb qui pâtit de cette tension
permanente. Tant que les élites privilégieront la confrontation à la
coopération, les peuples des deux rives du désert resteront prisonniers d’un
passé conflictuel au détriment d’un avenir commun.
Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. »
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