Parfois il m'est utile de le dire !

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France : Quand le mot « islamisme » devient un cache-misère politique

 

Une critique du détournement politique du mot islamisme, utilisé comme un fourre-tout pour nourrir la peur, amalgamer immigration, islam et gauche, et légitimer un discours identitaire et anxiogène

Il y a des mots qui, à force d’être brandis comme des épouvantails, perdent leur sens et finissent par servir à tout… sauf à penser. Islamisme est devenu l’un de ces mots valises. Sous prétexte de combattre une idéologie réelle et dangereuse, certains chroniqueurs et responsables politiques s’en servent comme d’un chiffon rouge, un cache-poussière commode qui permet d’emballer toutes leurs obsessions : l’immigration, l’islam, la gauche, l’ONU, la Palestine, et même l’écologie. Le texte que je viens de lire en est un exemple caricatural.

Un mot qui brouille plus qu’il n’éclaire

Le problème n’est pas de nier l’existence de l’islamisme en tant qu’idéologie politique qui instrumentalise la religion à des fins de pouvoir. Ce phénomène existe et mérite d’être combattu. Mais dans la chronique en question, le terme est employé de manière si large et confuse qu’il finisse par englober indistinctement des réalités hétérogènes : un mouvement terroriste comme le Hamas, des immigrés venus d’ailleurs, des citoyens musulmans vivant paisiblement en France, voire ceux qui soutiennent la reconnaissance d’un État palestinien. Tout est mis dans le même sac. Et c’est précisément là que le piège se referme : quand on ne distingue plus l’islamisme de l’islam, on ne combat pas une idéologie violente, on stigmatise une religion et des millions de croyants.

L’amalgame comme méthode

Tout au long du texte, on retrouve un procédé rhétorique constant : mélanger sans nuance des réalités disparates. On passe de la reconnaissance d’un État palestinien à la collaboration avec le terrorisme. On enchaîne Donald Trump, Jean-Luc Mélenchon, l’ONU, Dominique de Villepin et « l’extrême gauche » dans une même diatribe contre les « traîtres ». On accuse Emmanuel Macron, parce qu’il a pris une décision diplomatique, de « pétainisme », comme si dialoguer au sein de l’ONU équivalait à collaborer avec le nazisme. Ce n’est pas de l’analyse politique, c’est une caricature qui cherche à provoquer l’indignation plutôt qu’à éclairer le débat.

La peur comme carburant

Le texte reprend à son compte le vocabulaire anxiogène popularisé par Donald Trump : « invasion », « destruction », « colonisation ». À écouter ce discours, l’Europe serait submergée, assiégée, condamnée à disparaître sous l’effet de l’immigration et d’un islam présenté comme une force homogène et conquérante. Ce n’est plus de la description, c’est de la dramaturgie. Et ce type de langage n’est pas neutre : il fabrique un imaginaire de guerre, il enferme la société dans une logique de peur et de rejet. Or, quand on transforme des voisins, des collègues, des concitoyens en menaces existentielles, on ne défend pas la démocratie : on la fragilise.

 

L’histoire instrumentalisée

Comparer Macron à Pétain parce qu’il a reconnu l’État de Palestine relève d’une manipulation historique indécente. La collaboration de Vichy était un régime soumis à une puissance occupante, responsable de persécutions massives. Rien de comparable avec un acte diplomatique inscrit depuis des décennies dans les débats internationaux. Employer ce parallèle n’a qu’un objectif : disqualifier par l’anathème, fermer toute discussion, transformer un désaccord politique en accusation de trahison. Or, quand tout devient « pétainisme », plus rien n’est pensé sérieusement.

Un miroir de l’extrême droite

Derrière le vernis de la dénonciation de « l’islamisme », ce texte révèle surtout une obsession identitaire. L’islamisme n’y est pas tant une menace réelle qu’un prétexte pour dire que l’immigration est une invasion, que l’islam est incompatible avec la République, que la gauche est complice de l’ennemi, et que seule une ligne dure peut sauver la nation. C’est la rhétorique classique de l’extrême droite : transformer des problèmes complexes en récit binaire, opposer les « patriotes » aux « traîtres », alimenter l’idée que la France serait en guerre contre elle-même.

Ce qui est en jeu

Reconnaître un État palestinien n’est pas « récompenser le terrorisme », c’est rappeler que la paix passe par une solution politique juste et durable. Combattre l’islamisme ne signifie pas diaboliser l’islam ni criminaliser l’immigration. Défendre la République, ce n’est pas dresser les Français les uns contre les autres, c’est au contraire réaffirmer que l’égalité, la dignité et la justice sont les meilleurs remparts contre toutes les formes d’extrémisme, qu’il soit religieux ou identitaire.

Conclusion

La véritable menace pour notre démocratie ne vient pas d’un drapeau palestinien hissé sur une mairie de gauche. Elle vient de ce discours qui, sous couvert de défendre la France, divise ses habitants, instille la peur, et désigne des boucs émissaires. Quand le mot « islamisme » devient une arme rhétorique pour taper sur les musulmans, les immigrés, les progressistes et tous ceux qui pensent autrement, alors il ne sert plus à protéger la République : il sert à la miner. 

On entend souvent l’expression « L’islamisme n’est pas l’islam ». Pourtant, cette formule n’a ni fondement historique, ni base théologique solide. Le mot islamisme lui-même est une invention française : il est apparu au début des années 1980 pour désigner ce que l’on a appelé « l’islam politique ». Or, ni dans l’histoire de l’islam, ni dans la pensée des musulmans, ni même dans la langue arabe, il n’existait d’équivalent. Si l’on entend par islamisme l’idée d’un islam porteur d’un projet politique, alors il faut rappeler qu’à partir de 622 – avec l’Hégire et l’organisation de Médine – l’islam a toujours comporté une dimension politique, comme en témoignent le Coran, la vie du Prophète et la tradition intellectuelle musulmane. Entre 610 et 622, au contraire, l’islam était purement spirituel et n’intégrait pas encore cette dimension politique. Il a donc existé, dans l’histoire, un islam sans « islamisme » – mais seulement durant douze ans.

C’est pourquoi la séparation rigide entre islam et islamisme pose problème. Elle déresponsabilise l’islam de toute critique, comme s’il n’avait aucun lien avec certaines formes de radicalité, et elle ne déplace le terrain du combat uniquement en dehors de la sphère musulmane. Cette attitude, au lieu d’aider à combattre l’extrémisme, nourrit le conservatisme et empêche toute évolution interne. Pour ma part, je crois que la lutte doit passer par deux étapes essentielles : reconnaître la part de responsabilité de l’islam dans les difficultés actuelles, puis travailler à les dépasser.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

 

 

 


Où étions-nous pendant le génocide ?


 

Cette tribune rend hommage aux voix palestiniennes étouffées par les bombes et par le silence complice. Enfants arrachés à la vie, mères disparues avec leurs familles, médecins, journalistes et intellectuels visés pour avoir témoigné : leurs paroles résonnent comme un acte de résistance et de dignité. Face à l’impunité d’Israël et à la complicité occidentale, une seule question demeure, inéluctable, qui hantera nos consciences : où étions-nous pendant le génocide ?

« Vos regrets ne suffiront pas, et nous n’accepterons pas vos excuses. »
En décembre 2023, depuis Bethléem, le pasteur Munther Isaac adressait ces mots au monde. À travers eux, c’est toute une conscience collective qu’il interpellait : la nôtre. Car viendra le jour où chacun devra se regarder dans un miroir et répondre à cette question : où étais-je pendant le génocide ?

Aujourd’hui, je souhaite rendre hommage. Non pas répéter l’évidence des crimes, que les bombes et les corps suffisent à dire, mais témoigner de la dignité de celles et ceux qui, sous les ruines et les cendres, ont gardé vivante la parole palestinienne.

Les voix de Gaza

Pour l’heure, à Gaza, il y a deux millions d’histoires tristes, de vies traumatisées, déchirées. Elles sont d’abord celles des enfants, dont l’innocence foudroyée pèse plus lourd que tous les discours

«C’est un océan de désespoir qui s’étire à perte de vue. Une prison pour ceux qui ont tout perdu : leur famille, leur travail, leur espoir de survivre le lendemain. Il y a ici des couches et des couches de souffrance, dans l’odeur des incendies mêlée à la puanteur de la putréfaction», témoigne Tareq Abu Azzoum, journaliste.

Après le bombardement de son abri, Lana ne retrouve de son enfant que la peluche.

«Je ne sais quelle sorte d’avions, d’armes, d’explosifs ils utilisent pour tuer nos enfants. Nos enfants dorment dans la main de Dieu quand ils larguent des bombes sur eux», se désespère Abu al-Abd Zakqut.

Sur la route de la fuite vers le sud, les parents ne savent pas quel enfant porter, lequel tirer par le bras. De jeunes enfants portent un enfant à peine plus petit qu’eux.

«Nous vivons dans l’ombre d’un nouveau déplacement, celui qui pourrait effacer jusqu’aux ruines que nous nommions nôtres. Telle est l’horreur qui définit notre quotidien : non seulement survivre aux bombes, mais vivre chaque jour en redoutant que le prochain chapitre est déjà écrit, et que le pire est à venir», écrit Logain Hamdan, étudiante.

Malak, 12 ans, avait entendu sa mère Aya lui dire dès les premiers jours : « Nous allons tous mourir. Profitons des derniers instants. » Quelques jours plus tard, Aya a été assassinée avec vingt-et-un membres de sa famille. Les mots de cette mère résonnent comme un testament d’amour lucide, comme une ultime tentative de préserver la douceur au milieu de l’horreur.

Il y a aussi Yara, petite orpheline brûlée, amputée, qui rêve simplement d’un paradis où « il y a de l’amour, de la nourriture et de l’eau ». Ce rêve d’enfant, banal en apparence, accuse la cruauté de notre monde : il dit l’absence de tout ce que nous tenons pour acquis.

Et puis Ratab, neuf ans, qui a perdu sa mère et sa jambe en fuyant vers une zone dite « sûre ». Avec un morceau de tuyau, il s’est fabriqué une prothèse de fortune. Il ne demande pas vengeance. Il rêve de courir à nouveau, de retourner à l’école, de revoir son père. Dans sa fragilité et sa ténacité, il incarne une humanité que nous avons trahie.

Ces enfants ne sont pas des symboles. Ils ne sont pas des images pour nos réseaux sociaux. Ils sont des vies interrompues qui nous regardent encore. Leur parole fragile, préservée au cœur même de la destruction, nous condamne bien plus sûrement que n’importe quel tribunal.

Les veilleurs et les témoins

À côté de ces voix enfantines, il y a celles des témoins palestiniens, médecins, chercheurs, juristes, journalistes, qui ont choisi de nommer l’innommable.

Le médecin Ghassan Abu Sitta a trouvé les mots les plus justes : « Israël est ivre de l’impunité occidentale. » Son constat n’est pas seulement médical, il est moral : comment continuer à sauver des vies quand le monde légitime la destruction ?

Le chercheur Layth Hanbali a rappelé une vérité dérangeante : peu importe la masse de preuves, les dirigeants occidentaux ne cessent pas de soutenir Israël, parce qu’ils y trouvent un profit politique et économique. L’indifférence n’est pas de la lâcheté, c’est une idéologie.

Le juriste Jonathan Kuttab a lui aussi levé l’écran de fumée : ceux qui refusent de nommer le génocide ne contestent pas les faits. Ils cherchent seulement à éviter les obligations juridiques et politiques qu’entraînerait une telle reconnaissance.

Enfin, l’analyste Moin Rabbani a posé ce constat glaçant : « Plus Israël tue, plus le soutien occidental se fait massif. » Autrement dit, il n’y a plus de lignes rouges, plus de seuils d’horreur qui obligeraient nos gouvernements à agir.

Ces voix palestiniennes sont plus que des témoignages : elles sont des balises de vérité. Elles éclairent le monde, tandis que la propagande et le silence l’enveloppent d’ombre.

Les complices du silence

Mais une tribune d’hommage ne saurait faire l’économie de la mise en cause. Car les Palestiniens ne meurent pas seulement sous les bombes israéliennes : ils meurent aussi dans nos silences, dans nos hésitations, dans nos demi-mots.

La France n’a pas retiré son ambassadeur. Elle n’a pas suspendu ses ventes d’armes : au contraire, elle les a augmentées. Elle n’a pas imposé de sanctions. Elle n’a pas bloqué ses relations commerciales. Elle a préféré parler de « guerre » et de « crise humanitaire », comme si des massacres de masse pouvaient être réduits à une pénurie de nourriture ou à un conflit symétrique.

Elle a continué à défendre le droit de « l’occupant à se défendre », en oubliant que le droit international interdit à une puissance coloniale d’invoquer ce principe contre la population qu’elle opprime. Elle a ainsi transformé ses institutions, son prestige diplomatique, son histoire même en caution morale du génocide.

Quant aux médias, leur rôle a été plus qu’ambigu : il a été actif. Ils ont invisibilisé la vie des Palestiniens. Ils ont minimisé les chiffres, banalisé les massacres, repris mot pour mot les récits de l’occupant. Ils ont enterré la Charte de Munich, qui exigeait d’eux de « respecter la vérité quelles qu’en puissent être les conséquences ». Ils ont accepté de sacrifier leur premier devoir, au nom du confort et de la connivence.

L’assassinat de journalistes palestiniens a souvent été relégué à une brève, parfois même à l’anonymat. Comme si leur mort, parce qu’elle disait trop, devait être effacée pour ne pas déranger. Chaque silence, chaque minimisation, chaque absence de guillemets a été une complicité.

Hommage et transmission

Et pourtant, malgré l’abandon, malgré les bombes, le peuple palestinien a gardé ce qu’il avait de plus cher : « son identité, sa dignité et sa foi. »

Il a patienté. « Nous avons attendu si longtemps, nous pouvons attendre encore », dit un témoin gazaoui. La patience palestinienne n’est pas résignation : elle est résistance, elle est mémoire, elle est défi lancé au temps.

Cette lutte dépasse les frontières d’une terre occupée. Elle nous concerne tous, parce qu’elle nous rappelle ce que justice et humanité signifient. Elle nous oblige à ne pas détourner le regard, à ne pas nous réfugier derrière les mots d’excuse qui ne suffiront pas.

Conclusion : l’interpellation

Un jour, Free Palestine cessera d’être un slogan. Ce sera un constat. Ce jour-là viendra, et il n’appartiendra pas aux gouvernants ni aux médias. Il viendra de la société civile, de ceux qui auront refusé l’oubli, de ceux qui auront choisi la vérité plutôt que le confort.

Et alors, il ne restera qu’une question. Celle que posait Munther Isaac, celle qui hantera nos consciences et celles des générations à venir :

Où étions-nous pendant le génocide ?

Les derniers mots reviennent à cet homme de Gaza :
« Si nos yeux se remplissent de larmes, ce n’est pas par peur de qui que ce soit. Nos larmes coulent de tristesse parce que tous les vautours de la terre se sont ligués contre nous, et tous les pays du monde nous ont abandonnés. Nous avons emporté avec nous ce qui nous est le plus cher, notre identité, notre dignité et notre foi. Et nous leur avons laissé ce qui leur est cher : portes, fenêtres, pierres, arbres. C’est faux de dire que nous ne souffrons pas. Nous souffrons. Mais nous patientons. Nous avons attendu si longtemps, nous pouvons attendre encore. »

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

Israël/Gaza et le spectacle macabre des crimes de guerre sous les caméras

 

Le bombardement de l’hôpital Nasser à Gaza illustre une vérité glaçante : Israël commet des crimes de guerre en direct, niant ses responsabilités et instrumentalisant la propagande pour masquer une stratégie de destruction du peuple palestinien.

Le bombardement de l’hôpital Nasser à Khan Younis, filmé et diffusé en direct, restera comme un tournant dans l’histoire des crimes de guerre contemporains. Pour la première fois, le monde entier a pu assister en temps réel à la destruction d’un lieu de soins, refuge de malades, d’enfants et de personnels médicaux. L’horreur ne se cache plus : elle est assumée.

Le cycle du mensonge israélien

À chaque massacre, la mécanique est la même : Tsahal nie d’abord, accuse ensuite, puis finit par concéder un « accident regrettable ». Les civils deviennent des « agents du Hamas », les journalistes sont des « complices », les médecins des « terroristes ». Comme le rappelait Gideon Levy : « La probabilité qu’Israël mène une enquête sur lui-même est inexistante. » Cette rhétorique n’est pas une maladresse communicationnelle : c’est une stratégie militaire et politique qui vise à normaliser l’inacceptable.

Quiconque est surpris en train de voler la terre d'autrui et prétend que Dieu la lui a promise il y a 3 000 ans est un idiot. Le monde n'a entendu que des mensonges de la part de Tsahal et de la bande de Netanyahou. Vous souvenez-vous du porte-parole de Tsahal montrant un calendrier arabe à l'intérieur de l'hôpital et déclarant sans vergogne au monde que les jours de la semaine étaient des noms de militants du Hamas ?

Les personnes intelligentes savent qu'Israël utilise la famine comme arme de guerre et tue plus de 20 000 enfants. Médecins sans frontières et Médecins pour les droits de l'homme sont témoins d'un génocide.

J'ai un beau chien qui aboie après les voleurs et qui adore les enfants. Il a beaucoup plus de décence que les criminels racistes et les voleurs de terres.

La famine comme arme de guerre

Au-delà des bombes, Israël utilise une arme plus insidieuse : la faim. Bloquer l’entrée de nourriture, d’eau et de médicaments, laisser des bébés mourir de malnutrition, transformer les files d’attente pour un sac de farine en scènes de terreur… tout cela relève d’un choix calculé. Le droit international est clair : utiliser la famine contre des civils est un crime de guerre. Et pourtant, la famine à Gaza est systématiquement niée ou minimisée par les responsables israéliens et leurs relais médiatiques.

L’invisibilisation médiatique des Palestiniens

Un autre crime, moins visible mais tout aussi grave, est commis chaque jour : celui du récit. Dans les grands médias occidentaux, on parle d’« otages israéliens », de « sécurité nationale », de « riposte ». Mais le mot « Palestinien » est souvent absent. Même des intellectuels israéliens critiques de Netanyahou peuvent parler des manifestations, des conscrits ou des fractures internes, sans jamais nommer les Palestiniens, comme si leur existence même était taboue. Cette invisibilisation est une arme idéologique : elle déshumanise les victimes et efface leur légitimité historique.

Israël est un État d'apartheid voyou qui a massacré des milliers de civils innocents à Gaza. Un crime de guerre qui s'ajoute aux innombrables crimes de guerre et crimes contre l'humanité perpétrés à Gaza. Il est remarquable qu'un professeur de l'Université ouverte d'Israël à Tel-Aviv ait été interviewé pendant quelques minutes à Radio-Canada sur la situation à Gaza et en Israël, évoquant les otages, les manifestations publiques contre la guerre, le gouvernement, l'armée israélienne, la conscription haredi, mais sans jamais mentionner le mot Palestinien.

Cela en dit long sur le profond déséquilibre psychologique qui existe entre l'opinion publique israélienne (et de nombreux intellectuels) et le problème fondamental des mauvais traitements infligés aux Palestiniens (famine, meurtres, spoliation des terres et occupation).

De la « guerre contre le Hamas » au crime contre l’humanité

Qualifier ces attaques de « guerre contre le Hamas » est une escroquerie. Ce n’est pas une guerre contre une organisation : c’est une entreprise de destruction contre un peuple. Les bombardements indiscriminés, les hôpitaux visés, les journalistes exécutés, la faim imposée, tout cela dépasse de loin la confrontation militaire. Il s’agit d’un crime contre l’humanité, orchestré par un État qui piétine le droit international depuis des décennies, convaincu de son impunité.

Massacre, puis « regrets » : c'est la langue d'Israël. Le Hamas est honorable, il a le droit de défendre les Palestiniens contre l'occupation, le massacre, la famine, le viol, la cruauté, le vol et tous les maux imaginables. L'armée israélienne est le terrorisme.

Une responsabilité internationale écrasante

L’impunité israélienne ne vient pas de nulle part. Elle repose sur le soutien politique, militaire et diplomatique des puissances occidentales qui ferment les yeux ou détournent le regard. La complicité des États-Unis et de l’Union européenne, qui se disent défenseurs du droit international mais légitiment ou excusent ces crimes, est une honte historique. Le silence ou l’inaction des institutions internationales – Conseil de sécurité de l’ONU en tête – enfonce encore plus le clou.

La vérité qui résiste

Chaque enfant affamé, chaque journaliste tué, chaque hôpital bombardé renforce pourtant une vérité indestructible : celle du peuple palestinien. Un peuple nié, expulsé, massacré, mais debout. Un peuple qui a droit à la vie, à la liberté et à la dignité. L’histoire retiendra non seulement les crimes commis à Gaza, mais aussi ceux qui ont préféré détourner le regard.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

 


Le mythe kabyle: recyclage d’un vieux mensonge colonial :

Le 14 août 2025, l’hebdomadaire Le Point a publié un dossier intitulé « Les Kabyles. Un peuple debout ». Ce dossier, qui prétend mettre en lumière la singularité kabyle, s’inscrit en réalité dans une longue rhétorique coloniale qui oppose artificiellement « Arabes » et « Kabyles ». Ce n’est pas un hommage à la diversité algérienne, mais une opération idéologique visant à réhabiliter, en filigrane, le prétendu rôle « positif » de la colonisation française.

Dès le XIXe siècle, l’administration coloniale avait inventé le mythe de « l’exception kabyle » : un peuple supposément plus « civilisé », plus « proche de l’Europe » et donc plus « assimilable », contrairement aux « Arabes » décrits comme fanatiques et incorrigiblement musulmans. Cette construction avait un but précis : diviser pour régner. Aujourd’hui, certains médias français, et quelques voix algériennes complaisantes, recyclent ces fables coloniales pour nourrir un discours néocolonial adapté aux obsessions actuelles : islamophobie, rejet de l’immigration et nostalgie de l’Algérie française.

Le recyclage d’un imaginaire colonial

Le dossier du Point reprend une opposition simpliste : d’un côté, les Kabyles, peuple « autochtone » et éternellement rebelle ; de l’autre, les Arabes, présentés comme des occupants venus de l’extérieur. Cette grille de lecture essentialiste repose sur deux contre-vérités.

D’abord, elle nie le fait que l’identité algérienne est le fruit de siècles de circulations, de métissages et d’intégrations multiples. Amazighité et arabité ne sont pas deux blocs séparés, mais deux dimensions d’un même espace culturel nourri par l’islam, l’arabité et l’histoire méditerranéenne. Ensuite, elle laisse entendre que la colonisation française n’aurait pas été une entreprise criminelle, mais une « mise en ordre » dans un pays divisé. Derrière des expressions comme « l’identité kabyle face au pouvoir central d’Alger », se cache une thèse dangereuse : la France n’aurait pas détruit, mais construit l’Algérie.

Des « informateurs indigènes » devenus déformateurs complaisants

Le plus frappant est de voir certains intellectuels algériens, comme Kamel Daoud ou Saïd Sadi, se faire les relais de ce discours. Présentés en France comme des « voix courageuses », leurs propos reprennent souvent les mantras néoconservateurs français : l’idée que « l’arabité » serait une colonisation, que l’islam serait un obstacle à la modernité, que la gauche française aurait toujours été complice des « islamistes ».

·         Ces discours ne sont pas anodins. Ils servent à légitimer une lecture réactionnaire de l’histoire et à offrir aux médias français des « témoins locaux » qui confirment leurs obsessions. Mais loin d’ouvrir un espace démocratique, ils brouillent la réalité des luttes sociales et politiques en Algérie. Ils occultent le combat mené par des millions d’Algériens depuis le Hirak de 2019, qui réclament une véritable démocratie et non un retour aux mythes coloniaux.

Le mépris de la recherche historique

Les thèses développées dans le dossier du Point ne résistent pas à l’épreuve des travaux universitaires récents sur l’histoire de l’Algérie et du Maghreb :

  • Le mot « berbère » est une construction médiévale, forgée par des auteurs arabes extérieurs pour classifier des populations (Stéphanie Guédon, Juba II. L’Afrique au défi de Rome, 2025).
  • L’islam et la langue arabe se sont diffusés non pas par effacement des cultures locales, mais par des dynamiques complexes où les élites amazighes ont joué un rôle central (Mehdi Ghouirgate, Les Empires berbères, 2024).
  • La Kabylie, loin d’être isolée, a toujours été en interaction avec la pluralité culturelle et politique de l’Algérie moderne (Yassine Temlali, Genèse de la Kabylie, 2015).
  • Les parlers amazighs ont longtemps été transcrits en lettres arabes, preuve de la circulation culturelle (EHESS, L’orientalisme en train de se faire, 2024).

Ignorer ces acquis pour leur substituer des slogans identitaires, c’est refuser le savoir au profit de la propagande.

Quand l’identité masque le racisme

La focalisation sur le « mythe kabyle » permet aussi de détourner l’attention des réalités actuelles : l’autoritarisme qui étouffe la vie politique algérienne, mais aussi le racisme et l’islamophobie qui frappent les Algériens en France.

En juin 2024, Amar Slimani, jeune homme originaire de Bejaïa, a été abattu de six balles par un policier à Bobigny. Qualifié de « squatteur » et de « SDF » par une certaine presse française, sa mort a été recouverte par le silence.

Où étaient alors les grandes plumes mobilisées pour célébrer « la fierté kabyle » ?

Ce crime raciste, pourtant flagrant, a été occulté, parce qu’il contredit la mise en scène folklorique d’un « peuple kabyle » instrumentalisé à des fins idéologiques.

Pour une autre lecture de l’histoire algérienne

L’avenir de l’Algérie ne se joue pas dans la quête d’ancêtres mythifiés ni dans la répétition de récits coloniaux. Ce dont ce pays a besoin, ce n’est pas d’un retour aux « racines » figées, mais d’un projet citoyen et démocratique qui transcende les clivages fabriqués.

Amazighité et arabité ne sont pas deux essences en conflit : elles forment les pôles d’un même espace civilisationnel façonné par des siècles de circulation. L’histoire de l’Algérie, comme celle de toute société vivante, est faite de relations, de métissages, de tensions et d’apports multiples.

C’est en assumant cette pluralité et en inscrivant la mémoire coloniale dans sa vérité – une histoire de domination, de violence et de résistance – que l’on peut dépasser les manipulations idéologiques.

Conclusion : déconstruire les mythes, construire la citoyenneté

Le dossier du Point prétend donner la parole à un « peuple debout ». En réalité, il recycle les poncifs coloniaux et offre une tribune à des déformateurs qui confortent les récits néoconservateurs français. Loin de servir la cause démocratique en Algérie, il renforce les fractures et les stéréotypes.

Contre cette vision binaire et essentialiste, il faut rappeler une évidence : l’Algérie n’est pas le produit de deux « races » ennemies, mais une société riche de sa pluralité. Son avenir dépend non pas de l’exaltation de mythes identitaires, mais de la conquête de droits, de libertés et de justice sociale.

Le colonialisme nous a laissé un poison : le mythe identitaire. Kabyles contre Arabes, héritiers de Massinissa contre descendants des conquérants, tout cela n’est que mensonge pour nous diviser. Notre vérité est ailleurs : nous sommes un peuple forgé dans la pluralité, dans l’histoire et dans la lutte. Nous ne sommes pas des fragments opposés. Nous sommes un tout. Nous sommes une voix. Nous sommes une nation. Nous sommes ALGÉRIENS.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

 

Gaza sous siège : Témoignage d’une journaliste face à l’effacement d’un peuple »

 

par Huda Skaik,— Ville de Gaza

Je parle d’ici, du cœur même de la ville de Gaza. Ce n’est pas seulement un endroit sur une carte : c’est un corps collectif fait de rues, de voix, de mosquées, de cafés, d’oliviers et d’histoires. Quand ces lieux sont détruits, ce n’est pas seulement de la pierre qui tombe — c’est la mémoire, l’identité et l’existence d’un peuple qui sont visées.

Le 29 janvier 2024 reste gravé en moi comme l’un de ces instants où le monde cesse d’obéir à toute logique humaine. Pendant neuf jours, ma famille et moi sommes restés enfermés. Des chars entouraient le quartier d’Al-Rimal et la zone d’Al-Jawazat ; des bulldozers creusaient et piétinaient les artères de notre vie quotidienne ; des hélicoptères vrombissaient sans répit au-dessus de nos têtes. Des soldats ont fouillé notre maison, ont contraint mon père, mon frère, mon oncle et mes cousins à marcher les yeux bandés, les mains liées — puis ils ont fait sauter notre toit. Ce ne sont pas des incidents isolés : ce sont des opérations qui obéissent à une logique de dévastation systématique.

Quand j’observe la stratégie en cours, je n’y vois pas seulement une opération militaire ponctuelle, mais un projet plus large : le déplacement forcé et l’effacement progressif d’un peuple. L’occupation, dans sa forme la plus brutale, ne se limite pas à la présence de soldats. Elle vise à rendre la terre inhabitable — à brûler les maisons, déraciner les arbres, raser les lieux de socialité et réduire au silence les institutions (les écoles, les hôpitaux, les lieux de culte) qui font d’une population une société. Cette logique d’effacement possède une dimension matérielle — la destruction d’infrastructures — et une dimension symbolique : la négation des récits et des vies qui ont façonné ces lieux.

Les ordres d’évacuation répétés, les corridors forcés vers le sud, les zones dites «humanitaires» surpeuplées et sous-approvisionnées : tout cela forme un mécanisme connu et redouté. Historiquement, le déplacement forcé fonctionne selon un schéma qui isole, fragilise et disperse les communautés jusqu’à rendre leur retour improbable — voire impossible. Le terme même de Nakba, que mes grands-parents ont vécu en 1948, nous rappelle que le déplacement peut se transformer en dépossession définitive lorsque les exilés meurent sans retour et que leurs clefs restent accrochées au passé.

Dire «génocide», comme je l’ai fait et comme beaucoup le font ici, n’est pas un simple choix rhétorique : c’est la tentative de nommer l’ampleur d’une politique qui combine bombardements aveugles, attaques sur les services essentiels (hôpitaux, approvisionnement en eau, abris), et expulsions massives. Nommer, c’est aussi exiger que la communauté internationale entende la logique de destruction systématique et prenne en compte non seulement les morts immédiates mais aussi l’éradication progressive d’un tissu social.

Les récits individuels révèlent la conséquence humaine — un enfant épuisé qui s’endort sur l’une des rares possessions qu’il a pu emporter, des familles qui marchent la nuit, des personnes âgées écrasées par la fatigue — mais ils signalent aussi un phénomène collectif : la dépossession de l’histoire et de l’espace. Quand la mer, les marchés et les mosquées ne sont plus que décombres, que restera-t-il pour raconter qui nous étions ? C’est cette annihilation de la continuité qui m’effraie le plus.

Vivre sous la menace constante d’un déplacement définitif transforme la temporalité individuelle et collective. Nous apprenons à « vivre comme si c’était le dernier jour » — boire notre café, observer le coucher du soleil, échanger des regards comme autant d’adieux préemptifs. Mais ce n’est pas seulement une façon de faire face : c’est la preuve d’une violence qui vole l’horizon politique et empêche l’espoir de se recomposer en projet. Lorsque l’avenir est arraché, la résistance et la dignité prennent une forme précaire : la persistance à exister, à nommer, à témoigner.

L’expérience vécue en novembre 2023, lorsque les chars sont entrés à Rimal, et les frappes qui ont visé Al-Shati ou les abords des hôpitaux Al-Shifa et Al-Quds, illustrent la violence répétée et sa capacité à frapper les espaces censés protéger la vie. Que des ordres d’évacuation aient été suivis par des frappes meurtrières montre l’ambiguïté meurtrière des «protections» promises et la mise en scène d’un déplacement qui n’offre aucune sécurité réelle.

Derrière ces stratégies militaires se dessinent des conséquences durables : la perte des racines matérielles (maisons, terres, arbres) et immatérielles (mémoire, relations, habitudes). Les tentes dans lesquelles certains d’entre nous ont déjà vécu après la Nakba sont un rappel brutal que l’exil peut devenir une condition transmise de génération en génération. Vivre dans une tente, encore une fois, ce n’est pas seulement affronter le froid ou la chaleur — c’est perdre un espace intime où se construisent la dignité et la réminiscence familiale.

Pourtant, malgré la peur et la destruction, il y a une résistance qui n’est pas seulement armée : c’est la résistance de la mémoire, du récit, du reportage. En tant que journaliste, écrire et documenter est une façon de défier l’effacement. Mon attachement à Gaza n’est pas un simple ancrage géographique ; il est moral et politique : rester, témoigner et appeler à la reconnaissance de notre droit à exister comme peuple.

Je ne peux prédire l’issue. Je refuse cependant de céder au silence qui accompagne souvent l’éviction : si nous mourons, que ce soit en portant encore le nom de nos maisons et de nos rues. Si nous sommes expulsés, que l’on sache qu’il ne s’agit pas d’un «départ», mais d’un exil forcé. Nous resterons attachés à Gaza dans nos paroles, nos souvenirs et nos récits — même si l’ennemi croit nous réduire au silence, nos vies et nos voix persistent à témoigner.

Enfin, il faut insister sur une vérité simple mais essentielle : la paix n’est pas impossible. Refuser l’horizon de la paix, c’est choisir la perpétuation de la guerre et de la violence. L’histoire montre des réconciliations inattendues entre anciens ennemis — elles exigent cependant des décisions politiques courageuses, la reconnaissance des injustices passées et un engagement pour la justice. Tant que ces conditions manqueront, la violence pourra reprendre ; mais tant que nous parlerons, nous aurons la possibilité d’ouvrir des chemins différents.

Je signe ces lignes depuis Al-Rimal. Si demain je ne peux plus les réécrire, que ces mots portent la trace de notre présence et l’accusation claire d’un processus qui ne détruit pas seulement des maisons, mais Je signe ces lignes depuis Al-Rimal. Si demain je ne peux plus les réécrire, que ces mots portent la trace de notre présence et l’accusation claire d’un processus qui ne détruit pas seulement des maisons, mais cherche à effacer des peuples.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

 


Le double standard du mot « terrorisme » en langue de guerre et langue de pouvoir.

 

Dans le conflit israélo-palestinien, le mot terrorisme devient une arme sémantique. Employé sélectivement, il délégitime la résistance palestinienne et blanchit les crimes d’État. Quand  terrorisme sert à masquer les crimes d’État, les mots deviennent des armes. Pour la justice,  exiger des critères universels, c’est refuser l’impunité et redonner sens au droit international.

Le mot « terrorisme » est devenu, dans la couverture médiatique et politique du conflit israélo-palestinien, une arme de cadrage. Il classe, il exclut, il délégitime — et souvent, il est appliqué de façon si sélective qu’il produit une mémoire publique faussée et une politique de justice à sens unique. Refuser ce double standard n’est pas défendre la violence ; c’est demander la clarté des critères, l’universalité du droit et l’honnêteté intellectuelle dans l’analyse politique.

La première tâche d’un journalisme responsable — et d’un militantisme honnête — est de nommer avec précision. Quand des civils sont visés, quand des populations subissent des sièges, des expulsions ou des discriminations institutionnelles, on doit parler de crimes de guerre, d’extrême violence ou d’apartheid si les faits le démontrent. Dans les dernières années, des organisations de défense des droits et des analyses documentées ont mis en évidence des pratiques systémiques qui ne relèvent pas de l’exception mais d’une logique d’ensemble. B’Tselem et Human Rights Watch ont chacune, après recoupements, posé des diagnostics structurés sur la nature et l’organisation du régime — des diagnostics que la sphère politique et médiatique devrait intégrer au lieu de les évacuer par des tournures euphémiques.  

Si le mot terrorisme sert à décrire des actes irréfutables de violence contre des civils — comme le font parfois certains groupes armés — il devient problématique dès qu’il est brandi de façon exclusive pour discréditer une partie seulement du conflit. Pourquoi cette sélectivité ? Parce que le pouvoir sait que la qualification morale produit des effets politiques : elle permet d’évacuer les causes, d’occulter les responsabilités étatiques quand elles existent, et de concentrer l’attention publique sur des actes isolés plutôt que sur des politiques d’ensemble. D’un côté, les actions des insurgés, des milices ou des mouvements armés sont étiquetées « terroristes » ; de l’autre, des opérations d’État qui provoquent morts, destructions massives d’infrastructures civiles, ou déplacement de population sont décrites comme des « frappes », des « opérations ciblées » ou des « mesures de sécurité ». Cette langue de guerre fonctionne comme un vernis moral : elle assouplit le jugement et facilite l’impunité. (Des analyses de framing media montrent précisément comment le choix des mots façonne la perception publique et légitime ou délégitime des acteurs.)  

Refuser le double standard ne signifie pas minorer l’horreur d’un attentat ou nier la responsabilité de groupes qui commettent des crimes contre des civils. La reconnaissance morale des victimes est indispensable partout. Mais en même temps, elle exige que nous appliquions des critères universels : si une action d’État ou une politique produit des violations massives des droits fondamentaux, elle doit être désignée et traitée comme telle devant la justice internationale. C’est une question d’égalité devant le droit, pas de sympathie politique.

Il faut aussi le dire nettement : le langage compte parce qu’il structure l’action. Appeler systématiquement terroristes certains acteurs et « opérations » d’autres sape la capacité des institutions internationales à enquêter et à juger. Il fragilise la solidarité internationale nécessaire à l’application effective des normes. Il crée un environnement où l’empathie devient une ressource rare et où les oppressions légitiment leur propre reproduction. Face à cela, la société civile doit exiger une triple exigence : précision terminologique, devoir de preuve, et mise en œuvre des mécanismes juridiques disponibles.

La deuxième exigence est politique et stratégique : sortir du moralisme binaire pour construire une feuille de route. Le récit qui enferme une partie du monde dans la seule catégorie du « terrorisme » confisque le débat politique et empêche l’élaboration de solutions. Une stratégie militante sérieuse doit asseoir trois axes concrets et non-violents :

Documentation rigoureuse et transmission aux juridictions compétentes. Rassembler, documenter et centraliser preuves et témoignages — hôpitaux détruits, politiques d’implantation, lois discriminatoires — afin que des instances comme la Cour pénale internationale, les cours nationales et les mécanismes d’enquête indépendants puissent agir. C’est à la base de toute responsabilité. (Les rapports d’ONG montrent que ces éléments existent et peuvent être saisis par les institutions.)  

Démasquer la rhétorique et exiger des médias la transparence des cadres. Les rédactions doivent expliciter leurs choix de vocabulaire : pourquoi parler d’« opération » et pas de « crime de guerre » ? Quels critères permettent de qualifier un acte de terroriste et quand ces critères ont-ils été vérifiés ? Une presse qui refuse ce travail critique se rend complice d’une normalisation de la violence.

Construire des campagnes politiques non-violentes à effets concrets. Sanctions ciblées contre responsables documentés, embargo sur les équipements militaires susceptibles d’être utilisés contre des populations civiles, actions juridiques de désinvestissement ciblé, et pressions parlementaires coordonnées. Ces outils frappent des acteurs et des instruments — pas des populations — et comblent l’écart entre indignation morale et changement effectif.

Troisièmement, la vérité exige de nommer les structures de domination sans sombrer dans la haine collective. Les diagnostics sur l’existence d’un régime d’apartheid ou de pratiques de domination ne sont pas des insultes ; ce sont des conclusions fondées sur des politiques concrètes (lois, pratiques administratives, déni de droits) et documentées par des enquêtes. Les débats sur ces mots — et il y en aura — doivent être traités selon des critères de droit et d’évidence, non selon des attaques ad hominem.

Enfin, nous devons reprendre la main sur le langage en promouvant une éthique du mot juste. Exiger la précision terminologique, refuser la rhétorique qui hiérarchise la souffrance, et mettre la lutte pour les droits humains au centre — telles sont les obligations d’un activisme digne de ce nom. Le mot terrorisme ne doit pas être proscrit ; il doit être utilisé avec des règles de preuve et une application universelle. C’est de cette manière que nous protégerons à la fois la mémoire des victimes et les instruments du droit.

La lutte pour la justice — pour la fin de l’occupation, pour l’égalité des droits, pour la fin des pratiques discriminatoires — exige que nous soyons d’abord rigoureux dans nos mots. Changeons le langage et nous changerons les conditions politiques qui le rendent possible. Ce n’est pas un luxe sémantique : c’est une condition de la victoire du droit sur la rhétorique de la domination.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »


Reconnaître la Palestine n’est pas un angélisme

 

Cette tribune répond à l’article de l’extrême droite critiquant la reconnaissance de l’État de Palestine par la France. Il démontre que ce geste diplomatique n’est pas un simple acte symbolique ou de communication, mais une étape nécessaire pour maintenir vivant l’horizon d’une paix possible. Il dénonce le déterminisme qui enferme Israéliens et Palestiniens dans une logique de guerre sans fin, ainsi que l’instrumentalisation du conflit dans le débat français.

Le discours d’Emmanuel Macron du 22 septembre 2025 à l’Assemblée générale des Nations Unies a marqué une étape diplomatique importante : la France a officiellement reconnu l’existence de l’État de Palestine, dans un cadre conditionné à la libération des otages et à un cessez-le-feu. Cette décision, qui s’inscrit dans une logique de long terme de la diplomatie française, a suscité des réactions contrastées, parmi cet autre article  d’une presse de l’extrémisme de France, fidèle à son style acerbe, dénoncent une démarche « de vertu diplomatique », sans portée réelle, voire dangereuse. Cette presse, déjà épinglée pour avoir relayé des mensonges pro-Israël, mérite donc d’être pointée du doigt pour, a minima, une objectivité bien relative confinant à de la désinformation. Cependant réduire cet acte à un simple exercice d’angélisme ou de communication relève d’un contresens politique et historique.

La diplomatie symbolique n’est pas inutile

L’un des arguments centraux de l’article consiste à affirmer que reconnaître la Palestine « ne mange pas de pain », qu’il s’agirait d’un geste gratuit, destiné à flatter l’opinion internationale et à servir d’éventuelle rampe de lancement à Macron vers l’ONU. Or, cette vision cynique méconnaît le rôle fondamental des gestes symboliques dans les relations internationales.

L’histoire regorge d’exemples où la reconnaissance formelle d’un État a ouvert la voie à des négociations, à une stabilisation ou à une légitimation internationale. Reconnaître la Palestine, ce n’est pas ignorer la colonisation mais c’est affirmer qu’une solution politique est non seulement nécessaire, mais aussi possible. Prétendre que ce geste est vain revient à confondre immédiateté et efficacité : la diplomatie n’est pas le domaine de l’instantanéité, mais celui du long terme.

L’erreur du déterminisme : « c’est nous ou eux »

La presse de l’extrême affirme que « le 7-Octobre est irréparable » et que pour beaucoup d’Israéliens, la conclusion est claire : « s’ils ont un État demain, les Palestiniens recommenceront ». Une telle formulation essentialise le conflit, comme si l’histoire était figée dans une opposition éternelle et irrémédiable.

Pourtant partout dans le monde, les gens sont horrifiés et dégoûtés qu’Israël tire, bombarde et affame des hommes, des femmes, des enfants et des bébés innocents ! Israël commet un génocide ! Israël tue délibérément des journalistes pour empêcher le monde d’apprendre les innombrables atrocités insondables qu’Israël commet chaque jour ! Nous exigeons qu’Israël cesse immédiatement les massacres et permette à l’aide humanitaire indépendante et aux journalistes indépendants de Gaza de faire leur travail ! Nous exigeons également que tous ceux qui ont participé directement ou indirectement ou profité des innombrables crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide soient tenus responsables avec toutes les conséquences et la sévérité nécessaires.

Aujourd’hui plus personne ne peut nier le génocide. Gaza brûle. La destruction définitive de ce qui reste de la Palestine est en cours. Pour achever leur œuvre, Israël et ses alliés occidentaux exigent la capitulation et le désarmement de la résistance. Dans ces circonstances, la reconnaissance de la légitimité de la résistance palestinienne, qu’il s’agisse du Hamas, du Front populaire de libération de la Palestine ou des autres organisations de libération, doit être la principale préoccupation de tous ceux qui souhaitent que la Palestine survive.

Bien sûr, les blessures de la colonisation et la répression des Palestiniens, ainsi que le génocide de Gaza  sont réelles et profondes que ceux du 7 Octobre. Refuser l’horizon de la paix, c’est choisir la perpétuation de la guerre. Or, aucun peuple n’est condamné éternellement à la haine. Les exemples d’anciens ennemis devenus partenaires – de la réconciliation franco-allemande après 1945 à celle de l’Afrique du Sud post-apartheid – prouvent que ce qui paraît impossible aujourd’hui peut devenir réalité demain.

Un biais français : les « islamo-gauchistes » comme boucs émissaires             

Dans sa critique, cette presse ne résiste pas à une digression typiquement hexagonale : la dénonciation des « islamo-gauchistes » occidentaux qui, selon elle, donneraient raison au rejet israélien. Cette attaque traduit moins une analyse du conflit au Proche-Orient qu’une volonté d’importer la polémique française sur la gauche, l’université et la laïcité dans un débat géopolitique mondial.

Or, réduire la solidarité avec la Palestine à une complaisance envers le terrorisme est une caricature. On peut défendre l’existence d’un État palestinien sans être complice du Hamas, comme on peut dénoncer la colonisation israélienne sans remettre en cause le droit d’Israël à la sécurité. Assimiler toute défense de la cause palestinienne à une forme d’extrémisme, c’est fermer l’espace d’un dialogue politique légitime et nuancé.

Le paradoxe des drapeaux : entre liberté d’expression et peur des amalgames

L’article en question souligne une incohérence : reconnaître la Palestine au niveau international tout en interdisant son drapeau dans l’espace public français. Sur ce point, sa critique est juste : il y a une contradiction entre le geste diplomatique et la censure symbolique. Mais l’analyse qu’il en propose reste insuffisante.

Non, aucuns défilés brandissant le drapeau palestinien ne véhiculent une haine des juifs ou de la France. Mais doit-on pour autant délégitimer tout usage de ce drapeau, y compris lorsqu’il est associé à celui d’Israël pour appeler à la paix ?

La liberté d’expression n’a de valeur que si elle s’applique aussi aux symboles qui dérangent. Refuser le drapeau palestinien au nom de débordements violents, c’est céder au soupçon généralisé et à l’amalgame, en niant l’existence d’une aspiration pacifique sincère.

Conclusion : l’urgence d’un horizon politique

La reconnaissance de la Palestine par la France n’est ni une capitulation devant le Hamas, ni un simple coup de communication. C’est une tentative, fragile mais nécessaire, de rouvrir un horizon politique dans un conflit qui tend à se fossiliser dans le désespoir et la vengeance.

La presse de l’extrême droite critique Emmanuel Macron pour son supposé angélisme. Mais le vrai danger n’est pas l’angélisme : c’est le cynisme. C’est l’idée qu’aucune solution n’est possible, que le conflit est voué à se répéter indéfiniment, et qu’il faut s’y résigner. La diplomatie n’est pas faite pour entretenir cette résignation, mais pour la contester.

Reconnaître la Palestine, c’est rappeler qu’au-delà des actes du Hamas et des dérives du gouvernement israélien, il existe des peuples, des individus, et surtout un avenir à construire. Refuser ce geste, c’est condamner la région à l’éternel présent de la guerre.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »