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Reconnaître la Palestine n’est pas un angélisme

 

Cette tribune répond à l’article de l’extrême droite critiquant la reconnaissance de l’État de Palestine par la France. Il démontre que ce geste diplomatique n’est pas un simple acte symbolique ou de communication, mais une étape nécessaire pour maintenir vivant l’horizon d’une paix possible. Il dénonce le déterminisme qui enferme Israéliens et Palestiniens dans une logique de guerre sans fin, ainsi que l’instrumentalisation du conflit dans le débat français.

Le discours d’Emmanuel Macron du 22 septembre 2025 à l’Assemblée générale des Nations Unies a marqué une étape diplomatique importante : la France a officiellement reconnu l’existence de l’État de Palestine, dans un cadre conditionné à la libération des otages et à un cessez-le-feu. Cette décision, qui s’inscrit dans une logique de long terme de la diplomatie française, a suscité des réactions contrastées, parmi cet autre article  d’une presse de l’extrémisme de France, fidèle à son style acerbe, dénoncent une démarche « de vertu diplomatique », sans portée réelle, voire dangereuse. Cette presse, déjà épinglée pour avoir relayé des mensonges pro-Israël, mérite donc d’être pointée du doigt pour, a minima, une objectivité bien relative confinant à de la désinformation. Cependant réduire cet acte à un simple exercice d’angélisme ou de communication relève d’un contresens politique et historique.

La diplomatie symbolique n’est pas inutile

L’un des arguments centraux de l’article consiste à affirmer que reconnaître la Palestine « ne mange pas de pain », qu’il s’agirait d’un geste gratuit, destiné à flatter l’opinion internationale et à servir d’éventuelle rampe de lancement à Macron vers l’ONU. Or, cette vision cynique méconnaît le rôle fondamental des gestes symboliques dans les relations internationales.

L’histoire regorge d’exemples où la reconnaissance formelle d’un État a ouvert la voie à des négociations, à une stabilisation ou à une légitimation internationale. Reconnaître la Palestine, ce n’est pas ignorer la colonisation mais c’est affirmer qu’une solution politique est non seulement nécessaire, mais aussi possible. Prétendre que ce geste est vain revient à confondre immédiateté et efficacité : la diplomatie n’est pas le domaine de l’instantanéité, mais celui du long terme.

L’erreur du déterminisme : « c’est nous ou eux »

La presse de l’extrême affirme que « le 7-Octobre est irréparable » et que pour beaucoup d’Israéliens, la conclusion est claire : « s’ils ont un État demain, les Palestiniens recommenceront ». Une telle formulation essentialise le conflit, comme si l’histoire était figée dans une opposition éternelle et irrémédiable.

Pourtant partout dans le monde, les gens sont horrifiés et dégoûtés qu’Israël tire, bombarde et affame des hommes, des femmes, des enfants et des bébés innocents ! Israël commet un génocide ! Israël tue délibérément des journalistes pour empêcher le monde d’apprendre les innombrables atrocités insondables qu’Israël commet chaque jour ! Nous exigeons qu’Israël cesse immédiatement les massacres et permette à l’aide humanitaire indépendante et aux journalistes indépendants de Gaza de faire leur travail ! Nous exigeons également que tous ceux qui ont participé directement ou indirectement ou profité des innombrables crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide soient tenus responsables avec toutes les conséquences et la sévérité nécessaires.

Aujourd’hui plus personne ne peut nier le génocide. Gaza brûle. La destruction définitive de ce qui reste de la Palestine est en cours. Pour achever leur œuvre, Israël et ses alliés occidentaux exigent la capitulation et le désarmement de la résistance. Dans ces circonstances, la reconnaissance de la légitimité de la résistance palestinienne, qu’il s’agisse du Hamas, du Front populaire de libération de la Palestine ou des autres organisations de libération, doit être la principale préoccupation de tous ceux qui souhaitent que la Palestine survive.

Bien sûr, les blessures de la colonisation et la répression des Palestiniens, ainsi que le génocide de Gaza  sont réelles et profondes que ceux du 7 Octobre. Refuser l’horizon de la paix, c’est choisir la perpétuation de la guerre. Or, aucun peuple n’est condamné éternellement à la haine. Les exemples d’anciens ennemis devenus partenaires – de la réconciliation franco-allemande après 1945 à celle de l’Afrique du Sud post-apartheid – prouvent que ce qui paraît impossible aujourd’hui peut devenir réalité demain.

Un biais français : les « islamo-gauchistes » comme boucs émissaires             

Dans sa critique, cette presse ne résiste pas à une digression typiquement hexagonale : la dénonciation des « islamo-gauchistes » occidentaux qui, selon elle, donneraient raison au rejet israélien. Cette attaque traduit moins une analyse du conflit au Proche-Orient qu’une volonté d’importer la polémique française sur la gauche, l’université et la laïcité dans un débat géopolitique mondial.

Or, réduire la solidarité avec la Palestine à une complaisance envers le terrorisme est une caricature. On peut défendre l’existence d’un État palestinien sans être complice du Hamas, comme on peut dénoncer la colonisation israélienne sans remettre en cause le droit d’Israël à la sécurité. Assimiler toute défense de la cause palestinienne à une forme d’extrémisme, c’est fermer l’espace d’un dialogue politique légitime et nuancé.

Le paradoxe des drapeaux : entre liberté d’expression et peur des amalgames

L’article en question souligne une incohérence : reconnaître la Palestine au niveau international tout en interdisant son drapeau dans l’espace public français. Sur ce point, sa critique est juste : il y a une contradiction entre le geste diplomatique et la censure symbolique. Mais l’analyse qu’il en propose reste insuffisante.

Non, aucuns défilés brandissant le drapeau palestinien ne véhiculent une haine des juifs ou de la France. Mais doit-on pour autant délégitimer tout usage de ce drapeau, y compris lorsqu’il est associé à celui d’Israël pour appeler à la paix ?

La liberté d’expression n’a de valeur que si elle s’applique aussi aux symboles qui dérangent. Refuser le drapeau palestinien au nom de débordements violents, c’est céder au soupçon généralisé et à l’amalgame, en niant l’existence d’une aspiration pacifique sincère.

Conclusion : l’urgence d’un horizon politique

La reconnaissance de la Palestine par la France n’est ni une capitulation devant le Hamas, ni un simple coup de communication. C’est une tentative, fragile mais nécessaire, de rouvrir un horizon politique dans un conflit qui tend à se fossiliser dans le désespoir et la vengeance.

La presse de l’extrême droite critique Emmanuel Macron pour son supposé angélisme. Mais le vrai danger n’est pas l’angélisme : c’est le cynisme. C’est l’idée qu’aucune solution n’est possible, que le conflit est voué à se répéter indéfiniment, et qu’il faut s’y résigner. La diplomatie n’est pas faite pour entretenir cette résignation, mais pour la contester.

Reconnaître la Palestine, c’est rappeler qu’au-delà des actes du Hamas et des dérives du gouvernement israélien, il existe des peuples, des individus, et surtout un avenir à construire. Refuser ce geste, c’est condamner la région à l’éternel présent de la guerre.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

 


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