Parfois il m'est utile de le dire !

                                                                                                          Oh! Colombe, transmets mon salut d...

Maroc : crépuscule d’un roi fantôme, impasse d’un Makhzen

 

« Le Maroc traverse une atmosphère de fin de règne : un roi absent, une société bâillonnée, une économie en panne et une monarchie qui s’aligne sur Israël au mépris de son peuple. Entre répression, pauvreté et isolement diplomatique, le Makhzen craque de toutes parts. La succession de Mohammed VI, déjà sous influence étrangère, ne promet pas un renouveau mais la prolongation d’un système à l’agonie. »

 Il règne une atmosphère de fin de règne à Rabat, écrit le journal français Le Monde


Il flotte sur Rabat un parfum de fin de cycle. Les signes d’essoufflement du régime de Mohammed VI ne sont plus de simples murmures de salons : ils s’étalent à la une des journaux étrangers, se discutent dans les chancelleries et s’imposent jusque dans les ruelles populaires où l’amertume du quotidien se confond avec la colère politique. Le Maroc makhzénien vacille, non parce qu’une opposition révolutionnaire l’assaille de l’extérieur, mais parce qu’il pourrit de l’intérieur.

Un système en bout de course

Le règne de Mohammed VI, longtemps auréolé de modernisme de façade, se réduit aujourd’hui à une caricature : un monarque absent, retranché dans ses palais, laissant derrière lui une économie exsangue, une jeunesse désabusée et une société bâillonnée. L’obsession sécuritaire a transformé le pays en une prison à ciel ouvert : un post Facebook, une vidéo critique ou une caricature valent la geôle. Les prisons regorgent de voix étouffées.

Le Maroc d’aujourd’hui, c’est une prison à ciel ouvert. Les journalistes croupissent derrière les barreaux, les militants se taisent ou s’exilent, les citoyens s’autocensurent sur Facebook de peur de finir en cellule. Les mythes du « roi moderniste » ont volé en éclats. La modernité makhzénienne, c’est la censure, la misère et la répression.

Sur le plan économique, même constat : un pays qui pourrait nourrir sa population mais qui la condamne à la pénurie, à l’endettement et à la dépendance extérieure. Un pays riche en ressources, mais ruiné par une dynastie prédatrice.

Sur le plan économique, le tableau est tout aussi désastreux. Les pénuries récurrentes, la dépendance alimentaire et énergétique, l’accaparement des richesses par une oligarchie prédatrice alimentent une rage sociale latente. Un pays potentiellement riche qui condamne ses citoyens à la pauvreté : voilà le paradoxe marocain.

Israël, nouveau copropriétaire du royaume

Mais c’est sur le plan diplomatique que la rupture est la plus flagrante. En signant des accords militaires et sécuritaires inédits avec Israël, Mohammed VI a franchi une ligne rouge historique. Cette normalisation, présentée comme un coup de génie diplomatique, se révèle en réalité être une mise sous tutelle. Le Maroc n’est plus seulement un protectorat français camouflé : il est devenu une copropriété israélienne.

Le vrai scandale, celui qui marque un tournant, c’est l’alliance avec Israël. Le roi a vendu ce qui restait de souveraineté sur l’autel d’une normalisation honteuse. Ce n’est plus une « coopération », c’est une cogérance. Les investisseurs israéliens avancent leurs pions, les militaires voient leurs bases infiltrées, et l’armée marocaine, jadis pilier du régime, ronge son frein.

Le roi tranche désormais en faveur de Tel-Aviv, et non plus en faveur de son peuple. Résultat : rancunes au sein de la Cour, défiance dans les casernes, colère dans la rue. Le Maroc est devenu un protectorat israélien maquillé en monarchie.

Les conséquences sont explosives : infiltration dans les secteurs stratégiques, présence d’investisseurs israéliens dans des domaines naguère réservés au Makhzen, rumeurs insistantes sur une influence grandissante dans les sphères militaires. L’armée, longtemps cantonnée à son rôle de gardienne de la stabilité interne, voit ses prérogatives grignotées et ses frustrations s’accumuler.

La monarchie face à son dilemme

Deux camps s’affrontent désormais au sommet. D’un côté, le roi et son cercle rapproché, décidés à renforcer l’alliance israélienne, quitte à hypothéquer ce qui reste de souveraineté. De l’autre, les gardiens de la tradition makhzénienne, inquiets de voir l’équilibre interne se fissurer. Pour eux, la perspective d’un « Hassan III » ne suscite pas l’adhésion, mais la crainte d’une succession artificielle, imposée de l’extérieur. Deux camps s’opposent désormais : le cercle du roi, accroché à son alliance israélienne comme à une bouée de sauvetage, et les gardiens de l’orthodoxie makhzénienne, qui sentent que l’édifice s’effrite. La perspective d’un « Hassan III » n’excite personne. La succession n’est plus un héritage dynastique, c’est un plan de survie dicté par des parrains étrangers.

Et pendant ce temps, le peuple observe. Les Marocains ne sont pas dupes : ils voient le contraste obscène entre la signature d’accords militaires avec Israël et les massacres en cours à Gaza. Ils comprennent que leur roi a choisi son camp, et que ce camp n’est pas le leur.

Car la question n’est plus seulement celle de la fin de règne de Mohammed VI : c’est celle de la viabilité même de la dynastie alaouite. Chaque compromis concédé à Tel-Aviv, chaque recul social, chaque injustice non réparée alimente le ressentiment populaire.

Une impasse historique

Ce système, construit par Lyautey, entretenu par la France et recyclé par Mohammed VI, touche à ses limites. Les Marocains ne croient plus aux mythes d’une monarchie providentielle. Ils voient les contradictions flagrantes : un roi qui signe avec Israël pendant que Gaza est sous les bombes, un régime qui prêche la légitimité religieuse mais brade la souveraineté politique, un pouvoir qui se dit réformateur mais gouverne par la répression.

Ce régime tient par la peur, par la police et par les réseaux d’affaires. Mais combien de temps encore ? Chaque jour, la fracture s’élargit : entre un pouvoir fantomatique et une société qui étouffe, entre un roi absent et un peuple abandonné, entre une monarchie soumise et une jeunesse en quête de dignité.

La fin de règne n’est pas une hypothèse, c’est une évidence. La seule inconnue, c’est le moment et l’étincelle. Ce ne sera peut-être pas demain, mais ce ne sera pas dans un siècle non plus. Le Makhzen a beau se croire éternel, il n’est qu’un colosse fissuré, prêt à s’effondrer au premier choc.

L’histoire est implacable : les dynasties qui survivent ne le doivent pas à leur carnet d’adresses, mais à leur capacité d’incarner un peuple. Or la monarchie marocaine n’incarne plus rien. Elle survit par inertie, par la peur et par l’appui extérieur. Mais jusqu’à quand ?

Quitte ou double

La monarchie marocaine joue son avenir sur une carte dangereuse : tenir grâce à une cogérance israélienne, au prix d’une fracture irréversible avec son peuple et son environnement arabe. C’est une fuite en avant, une stratégie du court terme qui hypothèque l’avenir.

Le Maroc n’est pas encore au bord du gouffre. Mais il s’avance, inexorablement, vers son crépuscule monarchique. Comme toujours dans l’histoire, la fin viendra par là où on ne l’attend pas : une révolte sociale, une fracture au sein de l’armée, une étincelle que la répression ne pourra pas éteindre.

L’illusion a vécu. Le Makhzen n’est plus une citadelle imprenable, mais une forteresse fissurée. Les Marocains, eux, ne sont pas dupes : ils savent que leur destin ne peut pas indéfiniment se confondre avec les caprices d’un monarque absent et les intérêts d’un allié encombrant.

Le Maroc joue sa survie politique sur une carte minée. Soit la monarchie accepte une mutation radicale, réelle, et rend des comptes à son peuple. Soit elle persiste dans la fuite en avant israélienne et l’autocratie policière. Mais dans ce cas, l’histoire est écrite : elle finira comme toutes les monarchies déconnectées, balayée par sa propre arrogance

Le choix est clair : ou bien la monarchie accepte une mutation radicale, ou bien elle sombrera dans le gouffre de sa propre arrogance.

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Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

Bernard Lugan n’écrit pas l’histoire de l’Algérie, il écrit contre elle

 

Lugan un Historien sur commande ne “lit” pas l’histoire de l’Algérie, il la découpe à l’emporte-pièce pour la rendre compatible avec une vision idéologique. C’est moins un travail d’historien qu’une chronique politique polémique, relayée par un contexte de rivalité maroco-algérienne.

Dans une récente chronique commandée par la presse marocaine, le polémiste français Bernard Lugan prétend éclairer l’histoire de la guerre d’indépendance algérienne à travers le prisme de la « crise berbériste ». Mais au lieu d’une analyse historique, nous assistons à une démonstration idéologique : Lugan ne raconte pas, il accuse. Il n’analyse pas les sources, il empile des faits épars pour les transformer en arme polémique. Mais derrière l’apparat académique se dessine moins une analyse historique qu’une construction polémique, où l’empilement d’anecdotes sert un récit simplificateur, calibré pour un lectorat friand de «vérités qui dérangent».

Le goût des vérités simples

Personne ne nie la réalité de la crise berbériste de 1949 au sein du PPA-MTLD, ni l’existence de tensions internes sur la question identitaire. Mais Lugan se contente d’aligner des épisodes connus – congrès de 1947, divisions au sein du FLN, rivalités entre chefs. Tout cela est réel. Mais au lieu d’en faire un objet de réflexion, il s’en sert pour construire une histoire réduite à une opposition brutale : d’un côté des « Berbères » qui auraient mené l’essentiel de la guerre contre la France, de l’autre des « arabo-islamistes » accusés d’avoir confisqué le pouvoir et trahi leurs compagnons de lutte.

L’absence de critique documentaire transforme ce qui devrait être une réflexion en une succession de signaux faibles, exploités pour conforter une thèse préconçue

Ce schéma simpliste flatte un certain goût du public pour les « vérités qui dérangent », ces raccourcis séduisants qui donnent l’impression de briser un tabou. Mais l’histoire n’est pas un spectacle. Elle exige nuance, contextualisation, et surtout honnêteté dans le traitement des sources. Or, ces qualités brillent ici par leur absence.

Une lecture manichéenne

Présenter Abane Ramdane, Amirouche, Krim Belkacem ou Aït Ahmed comme les représentants exclusifs d’un camp « berbère » est trompeur. Ces figures, bien que kabyles, se définissaient avant tout comme nationalistes algériens. Leur combat ne se réduisait pas à la revendication identitaire, mais à une cause commune : l’indépendance et la souveraineté de l’Algérie.

Le cœur de l’argumentation repose sur une dichotomie grossière : d’un côté des « Berbères » supposément véritables acteurs de la lutte armée, de l’autre des « arabo-islamistes » accusés de confiscation identitaire. Or, l’histoire du nationalisme algérien ne se réduit pas à ce duel binaire. Les figures citées se sont toujours définies avant tout comme nationalistes algériens. Leur combat ne se limitait pas à la revendication berbère, mais s’inscrivait dans un projet plus large d’indépendance et de souveraineté. En somme, il gomme la complexité pour servir une thèse déjà écrite.

 

Une instrumentalisation politique

L’article s’inscrit aussi dans un contexte précis : celui d’une rivalité persistante entre le Maroc et l’Algérie. Commandé par une presse marocaine, le texte trouve son utilité dans la mise en avant des fractures internes algériennes. Réduire l’histoire nationale à une querelle ethno-identitaire revient à alimenter une guerre des récits où la science historique se met au service de stratégies géopolitiques.

Il faut aussi regarder du côté du commanditaire. Que la presse marocaine publie ce récit n’est pas un hasard. Depuis des décennies, le Maroc et l’Algérie s’affrontent sur le terrain mémoriel autant que diplomatique. Mettre en avant les divisions identitaires algériennes, suggérer que l’Algérie est une construction fragile, c’est participer à une guerre des récits au service d’une rivalité politique bien actuelle.

Bernard Lugan, connu pour ses positions « iconoclastes », joue ici un rôle utile : offrir une version apparemment savante d’un discours qui affaiblit l’adversaire. Mais un historien ne devrait pas se prêter à ce jeu d’instrumentalisation

Ce que Lugan occulte

Plusieurs dimensions essentielles disparaissent de ce récit :

  • La diversité des trajectoires militantes, où Arabophones et Berbérophones se sont engagés côte à côte contre la colonisation.
  • Le rôle de la France coloniale, qui a cherché à exploiter les clivages identitaires pour fragiliser le mouvement national.
  • La complexité même du nationalisme algérien, traversé par des débats idéologiques, sociaux et régionaux, bien au-delà de la seule question linguistique.

Ce qui est passé sous silence

En mettant toute la lumière sur la fracture « berbères contre arabes », Lugan laisse dans l’ombre plusieurs dimensions essentielles :

  • La participation des populations arabophones, pourtant décisives dans la lutte armée.
  • La stratégie coloniale française, qui a constamment cherché à exploiter les divisions identitaires pour affaiblir le mouvement national.
  • Le caractère collectif de la guerre, où les appartenances régionales et linguistiques ont été transcendées par une cause partagée.

Omettre ces aspects, c’est tronquer l’histoire.

L’histoire comme champ de bataille

Au fond, Lugan ne propose pas une relecture historique, mais une accusation politique. Son récit vise moins à comprendre le passé qu’à nourrir un présent conflictuel. La guerre d’indépendance devient une matière première pour opposer Kabyles et Arabes, et par ricochet affaiblir l’idée d’une nation algérienne unie.

Mais l’histoire n’appartient pas aux polémistes. Elle appartient aux chercheurs, aux témoins, aux archives. Elle est faite de nuances, de contradictions, de débats. Elle ne se découpe pas à l’emporte-pièce pour être servie à un lectorat en quête de drames simplifiés.

Pour une histoire qui éclaire, pas qui divise

Réduire l’Algérie à une querelle entre « Berbères » et « Arabes », c’est faire injure à la vérité historique et à la mémoire de la guerre d’indépendance. L’histoire de ce pays ne se résume pas à ses fractures, mais à la force d’un combat collectif. Ceux qui, comme Bernard Lugan, préfèrent l’accusation à l’analyse ne livrent pas de l’histoire : ils fabriquent un récit idéologique. Or l’Algérie n’est pas une construction fragile ; elle est le fruit d’une lutte partagée, et c’est dans cette pluralité assumée que réside sa véritable identité.

L’Algérie n’a pas besoin qu’on la réduise à ses fractures. Elle a besoin qu’on reconnaisse la diversité de ses mémoires, la pluralité de ses langues et de ses trajectoires, et qu’on restitue la complexité de son chemin vers l’indépendance. La guerre de libération fut une œuvre collective, portée par des hommes et des femmes de toutes origines. Plutôt que de l’instrumentaliser, il est temps de la comprendre. C’est ce qu’on attend d’un historien honnête

Conclusion

Lugan n’écrit pas l’histoire, il la met en accusation. En réduisant le FLN à un appareil « arabo-islamiste » dominateur et les Berbères à des victimes flouées, il adopte une lecture manichéenne, déconnectée de la richesse du réel. L’historien se transforme en chroniqueur polémiste, livrant une version taillée sur mesure pour un public amateur de tragédies simplifiées et de clivages figés.

L’histoire algérienne mérite mieux que ce récit à l’emporte-pièce. Elle appelle un travail patient de contextualisation, une confrontation des sources, une attention aux nuances. Loin des raccourcis identitaires, l’historiographie sérieuse rappelle que la guerre d’indépendance fut une œuvre collective, portée par des femmes et des hommes de toutes régions, de toutes sensibilités. Lugan, lui, préfère la polémique à la complexité. C’est son droit, mais ce n’est pas de l’histoire.

Donc, l’Algérie est bien loin des pronostics de l’historien de commande, en effet, il faut bien que ce dernier doit besogner pour justifier les subsides et des feuilles de route anti-algériennes glissées dans la fente de la presse du Makhzen qui en raffole, dont la dignité à jamais mise en berne, pour avoir la possibilité de virées prépayées à la Mamounia de Marrakech !

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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Non, la colonisation de l’Algérie n’a pas « civilisé » : elle a détruit !

Certains intellectuels français persistent à entretenir la fable d’une colonisation bienveillante, civilisatrice, presque nécessaire. Qu’il s’agisse des dithyrambes autour de la « conquête » de l’Algérie, ou des diatribes sur la supposée « névrose algérienne », un même mécanisme est à l’œuvre : blanchir l’histoire coloniale, inverser les responsabilités, et transformer les victimes en coupables.

Je relève à mon tour que certains récits, comme ceux consacrés à l’ouvrage sur la conquête de l’Algérie, on croirait presque que la colonisation française aurait été une étape «nécessaire», une aventure civilisatrice, voire un laboratoire social généreux. Une telle présentation est non seulement trompeuse, mais dangereuse : elle recycle les mythes coloniaux qui, depuis deux siècles, servent à maquiller une guerre de conquête en geste humanitaire.

Des mots « appropriation », « cohabitation », « expérimentation sociale » sont des euphémismes indécents. La vérité est là : enfumades dans les grottes ((Les estimations oscillent entre 700 et plus de 1 000 victimes humaines.), villages entiers rasés, terres volées, famines organisées, populations réduites à l’indigénat. Entre 1830 et 1872, un tiers de la population algérienne a disparu. Est-ce cela, votre civilisation ?

Ah, la rengaine est de retour. Chaque fois qu’on parle de colonisation, voilà qu’arrivent les défenseurs de « l’Algérie française », la larme à l’œil et le verbe docte, pour nous expliquer que, sans la France, les Algériens n’auraient jamais découvert ni la roue, ni la lumière, ni qui sait l’hygiène. On se demande encore comment ce peuple, supposément plongé dans l’obscurité totale, avait réussi à exister plusieurs millénaires avant 1830. Miracle ou magie noire, sans doute.

Non, les infrastructures ne furent pas un cadeau

Ils nous brandissent les routes, les ports, l’école comme preuves de modernisation. Mais ces routes servaient d’abord aux colonnes militaires ; ces ports exportaient le blé et le vin spoliés ; ces écoles formaient une élite docile, tout en maintenant la masse dans l’analphabétisme. La colonisation ne construisait pas pour les Algériens : elle construisait contre eux, pour enrichir la métropole et asseoir la domination.

Oui, l’Algérie s’est forgée, mais dans la résistance

Ah, celle-là, je l’adore. Donc avant les canons de Bugeaud, l’Algérie n’existait pas ? C’était un décor vide, avec des figurants qui attendaient sagement qu’un général français vienne leur donner un nom, un drapeau et un mode d’emploi ? Comme si les royaumes berbères, les dynasties musulmanes, la régence d’Alger étaient des hologrammes en attente d’une colonie. Sérieusement ? C’est comme dire qu’un incendiaire a « inventé » la maison qu’il vient de brûler.

C’est Abd el-Kader, pas Bugeaud, qui a donné à ce pays son souffle politique. C’est la guerre de libération, pas le Code de l’indigénat, qui a forgé l’État moderne. L’Algérie est née du refus d’être soumise, pas du joug colonial. Voilà la vérité que vous cherchez à travestir.

Cesser de se cacher derrière les échecs du FLN

Enfin, à vous qui détournez le regard en pointant du doigt la corruption, la dictature ou la guerre civile post-indépendance : votre argument est fallacieux. Oui, l’Algérie indépendante a connu ses drames et ses trahisons. Mais ces échecs n’effacent pas les crimes coloniaux, pas plus que la misère actuelle d’un peuple ne justifie qu’il ait été autrefois asservi. Et n’oubliez pas : beaucoup des travers du pouvoir algérien sont l’héritage direct d’un État colonial militarisé et autoritaire.

L’Algérie n’est pas une invention française

On lit encore que « l’Algérie est une création française ». C’est une absurdité historique. L’Algérie existait bien avant 1830, dans sa profondeur humaine, culturelle et politique : royaumes berbères, dynasties musulmanes, régence ottomane. Ce que la France a inventé, ce n’est pas l’Algérie : c’est une colonie taillée pour servir ses intérêts militaires et économiques, construite sur la négation des peuples qui y vivaient.

La mission civilisatrice : un alibi pour la spoliation

L’idée que la colonisation aurait apporté l’école, les infrastructures, le progrès est un mensonge répété à l’envi. Les routes et les ports ? Ils servaient à déplacer les troupes et exporter les richesses vers la métropole.

L’école ?

Réservée aux colons et à une élite minoritaire, destinée à fabriquer des auxiliaires de l’administration coloniale. Pendant ce temps, la grande majorité des Algériens était maintenue dans l’analphabétisme et la misère.

La « mission civilisatrice » fut un habillage idéologique. En réalité, la colonisation signifiait spoliation massive des terres, apartheid juridique du Code de l’indigénat, et dépossession culturelle systématique.

L’Algérie s’est forgée contre, et non grâce à la colonisation

Ce que la France a voulu étouffer, les résistances l’ont fait naître. Abd el-Kader incarne la première affirmation nationale, prolongée plus d’un siècle plus tard par la guerre de libération. C’est dans la lutte, pas dans l’assimilation forcée, que s’est forgée la conscience algérienne. L’Algérie moderne est fille de la résistance, pas de l’occupation.

 Mais enfin, regardez l’Algérie d’aujourd’hui !

Certains, pour dédouaner la France, n’hésitent pas à pointer les dérives du régime algérien après 1962 : autoritarisme, corruption, guerre civile. Mais ce procédé est une diversion. Les erreurs des dirigeants algériens ne sauraient en rien justifier ou minimiser 132 ans d’apartheid colonial. D’autant que bien des travers de l’État algérien indépendant centralisation autoritaire, militarisation du pouvoir sont directement hérités de l’organisation coloniale.

Argument préféré des nostalgiques. Traduction : puisque vous avez des problèmes politiques et économiques en 2025, cela prouve qu’on aurait dû vous coloniser encore un siècle de plus. Génial. Avec ce raisonnement, on pourrait dire que puisque la France actuelle a ses crises sociales et ses scandales de corruption, elle aurait bien besoin de se faire recoloniser par qui ? L’Allemagne, pour parler enfin l’Allemand ou lieu du Français que l’Afrique presque entière vient de le refuser.

La vérité ? Elle pique

La colonisation n’a pas apporté la lumière, elle a imposé les ténèbres de l’apartheid. Elle n’a pas bâti une nation, elle a tenté d’en étouffer une. Elle n’a pas donné, elle a pris. Et ceux qui continuent de parler de « bienfaits » ressemblent à ces pickpockets qui, après vous avoir volé votre portefeuille, vous expliquent qu’ils vous ont « soulagé du poids ».

Nostalgie coloniale : une maladie française

À force, on se demande si ce n’est pas ça, la fameuse « névrose » : cette incapacité de certains Français à tourner la page de leur empire perdu, préférant se bercer de contes pour enfants plutôt que d’affronter la vérité. Eh bien non, désolé : l’Algérie n’était pas une page blanche. Et la France coloniale n’était pas une institutrice bienveillante, mais une armée d’occupation.

Alors, amis nostalgiques, rangez vos violons. La civilisation ne sort pas du canon d’un fusil. L’histoire n’est pas un roman de cape et d’épée. Et votre empire, quoi que vous en disiez, n’a pas laissé des bienfaits mais des cicatrices.

Assez de nostalgie coloniale

Messieurs les nostalgiques, cessez de travestir l’histoire. La colonisation ne fut pas une mission civilisatrice : ce fut une spoliation, un apartheid et une guerre de destruction. Persister à la présenter comme un bienfait, c’est insulter la mémoire de millions de victimes et prolonger l’arrogance d’un empire disparu.

La seule attitude digne aujourd’hui n’est pas la nostalgie, mais la lucidité. La France ne s’abaisse pas en reconnaissant ses crimes : elle s’honore. À continuer de se réfugier dans le mythe, elle ne fait que retarder le jour où les mémoires pourront, enfin, se réconcilier dans la vérité.

La vérité est claire : la colonisation de l’Algérie fut une entreprise de domination violente, qui a détruit des vies, des structures sociales et des cultures entières pour enrichir la France et asseoir sa puissance. La présenter encore aujourd’hui comme une œuvre « civilisatrice » est une insulte à la mémoire des victimes et un obstacle à toute réconciliation sincère.

Reconnaître cela ne signifie pas s’enfermer dans une « guerre mémorielle ». Cela signifie simplement dire la vérité. Car sans vérité, il ne peut y avoir ni paix des mémoires, ni avenir partagé.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

 

 

 

La colonisation de l’Algérie : la France doit reconnaître sa dette et réparer

 

Je refuse le silence.
Je refuse l’oubli.
Je refuse l’hypocrisie d’un discours officiel qui reconnaît du bout des lèvres, mais qui se garde bien d’assumer.

Oui, je le dis sans détour : la colonisation fut un crime.
Un crime contre des peuples qui n’avaient rien demandé. Un crime contre des cultures que l’on a méprisées, brisées, parfois effacées. Un crime contre des générations entières condamnées à l’humiliation et à la misère au nom de la “mission civilisatrice”.


L’histoire qu’on cache, l’histoire qu’on maquille

On m’a longtemps appris que la colonisation avait “apporté des routes, des écoles, des hôpitaux”. Comme si une poignée de routes pouvait effacer les massacres, comme si quelques dispensaires pouvaient laver le sang versé.
On a maquillé la violence derrière des mots technocratiques : “pacification”, “progrès”, “évangélisation”. Mais derrière les mots, il y a des réalités : pillages, déportations, répressions, exécutions, travail forcé.

L’histoire coloniale de la France n’est pas une parenthèse. C’est un chapitre central de modernité. Et tant qu’on le travestira, tant qu’on le minimisera, ils vivent dans le mensonge.


Des excuses claires, pas des formules creuses

On a entendu tout et son contraire :
– “Ni excuses ni repentance.”
– “Regard apaisé.”
– “Devoir de mémoire.”

Mais la vérité, c’est qu’aucune excuse claire n’a été prononcée. Or, comment parler de réconciliation sans reconnaissance pleine et entière ?
Les descendants des victimes n’attendent pas des pirouettes diplomatiques. Ils attendent une parole forte : oui, la France coloniale a commis des crimes. Oui, nous demandons pardon.


Réparer, c’est possible

On me dira : “Réparer est impossible, on ne peut pas payer pour l’éternité.”
C’est un argument de mauvaise foi.

Réparer, ce n’est pas se ruiner. C’est poser des gestes justes et ciblés. Le Royaume-Uni l’a fait pour les survivants Mau Mau au Kenya. L’Allemagne l’a fait en Namibie pour les Herero et les Nama. La France a commencé à le faire en restituant des trésors spoliés au Bénin et au Sénégal.

Alors pourquoi s’arrêter là ?
Réparer, c’est :
– Restituer les biens pillés ;
– Ouvrir complètement les archives ;
– Indemniser, quand cela est juridiquement possible, les survivants et leurs descendants ;
– Ériger des mémoriaux dignes ;
– Enseigner, enfin, cette histoire sans fard, dans toutes nos écoles.


Une dette morale, une dette politique

La colonisation n’est pas un simple héritage abstrait. Ses effets se prolongent : inégalités économiques, discriminations, blessures identitaires. Fermer les yeux sur cette dette, c’est accepter que les fractures d’hier se reproduisent aujourd’hui.

Je ne réclame pas la culpabilisation des générations présentes. Je réclame la justice. Je réclame la vérité. Je réclame la dignité rendue à ceux qui l’ont perdue par la faute d’un empire aveuglé par sa domination.


Je dénonce la colonisation.
Je dénonce le déni.
Je dénonce les discours qui relativisent ou qui renvoient dos à dos toutes les violences de l’histoire pour mieux éviter leurs propres responsabilités.

La France doit des excuses. La France doit des réparations.
C’est la seule voie possible si nous voulons un jour refermer cette plaie ouverte.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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Palestine : quand l’accusation d’islamisme masque la réalité de l’occupation

 


Une certaine presse de courant sioniste, nous met en présentoir un texte qui propose de relire la question palestinienne à travers le prisme de Sayyid Qutb et de l’héritage des Frères musulmans. Il décrit la solidarité internationale avec la Palestine comme une manipulation idéologique, destinée à "frapper l’Occident dans sa culpabilité" et à ériger la cause palestinienne en "mythe fondateur d’une régénération islamique". Un tel cadrage appelle une lecture critique, tant il repose sur des amalgames et des glissements qui occultent la réalité première du conflit : la colonisation et l’occupation.

Un tel discours d’une obsession tenace pour expliquer la cause palestinienne non pas comme une lutte contre la colonisation et l’occupation, mais comme une manipulation idéologique héritée des Frères musulmans et de Sayyid Qutb. Ce type de récit détourne le regard de l’essentiel : les Palestiniens ne se battent pas pour "dissoudre l’Occident", ils se battent pour vivre libres sur leur terre.

L’amalgame permanent : Palestiniens = Hamas = Qutb

Le texte en question établit une chaîne trompeuse : Qutb → Frères musulmans → Hamas → tous les Palestiniens → les soutiens occidentaux. Résultat : la diversité du mouvement national palestinien disparaît. Or, faut-il rappeler que l’OLP, le Fatah ou encore une partie importante de la gauche palestinienne sont des organisations laïques, dont le combat est d’abord national et politique ? Assimiler toute la Palestine à l’héritage de Qutb, c’est nier cette pluralité et réduire un peuple entier à une idéologie qui n’est pas la sienne.

La "culpabilité occidentale" comme explication unique

Selon ce récit, si des universités, des ONG ou des responsables politiques soutiennent la Palestine, ce n’est pas par souci de justice, mais par obsession de se laver des fautes coloniales et de la Shoah. Mais qui peut sérieusement prétendre que les critiques contre l’occupation, les colonies illégales ou le blocus de Gaza ne reposent que sur une "culpabilité morale" ? La solidarité avec la Palestine s’appuie sur des faits : confiscation des terres, expulsions forcées, apartheid reconnu par plusieurs organisations de défense des droits humains.

Nul besoin d’invoquer Qutb pour comprendre pourquoi cette situation indigne.

 

 

 

Edward Saïd instrumentalisé

Pour donner du poids à son récit, l’auteur convoque Edward Saïd. Mais c’est une récupération grossière. Saïd n’était ni islamiste, ni proche des Frères musulmans : il était un intellectuel laïc, critique autant de l’orientalisme que de l’islamisme. L’associer à Qutb, c’est déformer son œuvre et trahir son héritage.

Le vrai glissement : de la colonisation à la guerre des civilisations

Ce type de discours transforme un conflit territorial en affrontement civilisationnel. Les Palestiniens n’apparaissent plus comme un peuple colonisé qui réclame ses droits, mais comme des pions d’une guerre idéologique contre l’Occident. Et ainsi, au lieu de parler du mur, des checkpoints, des démolitions de maisons, on parle de "stratégie de dissolution morale". C’est une manière commode d’effacer la réalité concrète de l’occupation.

En réalité…

Dépeindre la cause palestinienne comme "application de la méthode Qutb" revient à effacer la réalité du terrain : celle d’un peuple sous occupation, réclamant non pas la régénération de l’islam mais la reconnaissance de ses droits fondamentaux.

Ce qui se joue en Palestine n’est pas un "complot islamiste mondial" mais bien une lutte contre un système colonial. Oui, le Hamas existe, et il se réclame d’une idéologie islamiste. Mais réduire la cause palestinienne à ce seul prisme, c’est commettre une double injustice : d’abord à l’égard des Palestiniens eux-mêmes, dont la lutte dépasse de loin le Hamas, et ensuite à l’égard de ceux qui, dans le monde, les soutiennent par conviction de justice, non par culpabilité.


En conclusion

Il est temps de dire clairement les choses : brandir Qutb et les Frères musulmans comme clé d’explication de la cause palestinienne, c’est une diversion. Cela permet d’éviter le sujet central : la colonisation, l’occupation et les droits fondamentaux d’un peuple. Derrière les grandes théories civilisationnelles, ce sont toujours les Palestiniens qui paient le prix, parce qu’on refuse de voir leur combat pour ce qu’il est : un combat pour la liberté.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/


La « civilisation judéo-chrétienne » : déconstruction d’un mythe idéologique

 

Introduction : un concept piégé

Depuis quelques décennies, l’expression « civilisation judéo-chrétienne » est régulièrement mobilisée dans les discours politiques, médiatiques et académiques. Elle est souvent présentée comme le socle identitaire de l’Occident, en opposition à d’autres univers culturels et religieux, en particulier l’islam. Pourtant, cette formule, popularisée après la Seconde Guerre mondiale, relève moins de l’histoire réelle que de la stratégie idéologique. Comme le souligne Sophie Bessis dans La civilisation judéo-chrétienne : Anatomie d’une imposture, il s’agit d’un concept artificiel, forgé pour redessiner les alliances politiques et reconstruire une mémoire collective européenne amputée de ses contradictions.


Une invention récente sans fondement historique

  • Une fiction après 1945 : pendant des siècles, l’Europe chrétienne s’est définie contre le judaïsme, marqué par l’exclusion, les ghettos, les persécutions et finalement la Shoah. Parler de continuité « judéo-chrétienne » est donc historiquement faux.
  • La récupération politique : après la Shoah, l’Occident, coupable de persécutions antisémites, a intégré le judaïsme à son récit identitaire pour effacer la culpabilité et légitimer son soutien à la création d’Israël.
  • Une construction idéologique : le terme ne reflète pas une réalité culturelle partagée mais une recomposition stratégique. Il s’agit de dire : « Nous, Occidentaux, avons un patrimoine commun face aux autres civilisations ».

Une notion saturée d’idéologie

  • Un instrument de séparation : en érigeant une « civilisation judéo-chrétienne », on dresse une frontière symbolique entre un « nous » (Occident) et un « eux » (islam, Orient, Afrique).
  • Un outil de mobilisation politique : Israël, par la voix de ses dirigeants, a revendiqué ce rôle de « bastion avancé de l’Europe » contre le monde musulman, renforçant l’illusion d’un bloc homogène.
  • Une légitimation des conflits : en opposant cette prétendue civilisation à « la barbarie », on justifie les interventions militaires, les discriminations et les politiques de fermeture face à l’altérité.

L’oubli des apports de l’islam et des circulations culturelles

  • Un héritage partagé : l’islam n’est pas extérieur à la matrice culturelle européenne. Le Coran reconnaît Abraham, Marie, et s’inscrit dans la continuité des traditions bibliques.
  • La transmission intellectuelle : la philosophie et les sciences arabes et andalouses (Averroès, médecine, mathématiques) ont profondément marqué les universités européennes.
  • Un récit tronqué : en réduisant l’Europe à une matrice « judéo-chrétienne », on occulte volontairement ces apports, ainsi que les alliances historiques (François Ier avec Soliman, par exemple).

Les ambiguïtés contemporaines

  • Confusion entre juifs et Israéliens : en identifiant judaïsme et politique israélienne, on fait porter à tous les juifs la responsabilité des choix d’un État.
  • Le danger de la pensée binaire : cette grille de lecture oppose des blocs figés (« Occident » vs « Islam ») alors que l’histoire est faite d’échanges, de métissages et d’hybridations.
  • Une instrumentalisation identitaire : la formule sert souvent à nourrir des discours populistes et islamophobes en Europe, en niant la pluralité des appartenances.

Conclusion : vers une vision plurielle de la civilisation

L’expression « civilisation judéo-chrétienne » n’est pas seulement une approximation : c’est une imposture historique et politique. Elle masque les persécutions séculaires, occulte les apports de l’islam et fige les identités dans un affrontement artificiel.
Une approche objective doit reconnaître que l’Europe est le produit d’une pluralité d’héritages : gréco-latin, chrétien, juif, musulman, africain, oriental. Parler de civilisation, ce n’est pas ériger des frontières mais reconnaître les circulations, les conflits et les métissages qui composent l’histoire humaine.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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Israël-Palestine : la colonisation sans fin, l’apartheid assumé et l’impunité internationale

 

Il est temps de cesser les euphémismes. Ce qui se joue aujourd’hui en Israël-Palestine n’est pas un “conflit” entre deux peuples égaux en droit et en puissance. C’est l’achèvement d’un projet colonial, appuyé par un arsenal militaire inégalé, toléré par les grandes puissances, et qui ne recule plus devant rien : ni la destruction totale de Gaza, ni l’annexion de facto de la Cisjordanie, ni la négation pure et simple du peuple palestinien.

Dénoncer les turpitudes et l'abjection de divers courants de l'idéologie sioniste, dénoncer les exactions d’Israël, est juste et nécessaire. Cela ne fera pas faire l'économie d'interrogations quant à la fuite en avant à laquelle s’adonnent les membres du  gouvernement israélien.

- Ils ont pratiquement détruit Gaza et revendiquent y avoir rendu la vie impossible. Que comptent-ils faire des plus de deux millions d'habitants ?

- Ils ont annexé la Cisjordanie, construisant à toute vitesse des colonies de peuplement longtemps interdites pour permettre l'établissement d'un état palestinien-croupion. Que comptent-ils faire des millions de Palestiniens qui la peuplent ?

Nous connaissons les réponses de Ben Gvir ou Smotrich à ces questions. Elles vont du génocide à la purification ethnique.

Quelle est la réponse majoritaire du peuple israélien ?

A ce stade, existent peu de possibilités. Pour avoir rendu impossible la solution des deux états proclamée par de multiples résolutions de l'ONU, ne restent que des options iréniques ou abjectes:

- On peut, (en réalité, on ne peut pas), revenir au rêve de l'état unique, dont tous seraient citoyens, donnant des passeports israéliens à tous les Palestiniens. C'était une solution longtemps préconisée par les Trotskystes. C'est devenu la seule option honorable. Et elle est impossible.

- Sinon, en évitant les extrémités auxquelles sont prêts les ultras du gouvernement actuel, ne reste que l'apartheid.


L’occupation israélienne déclarée illégale : et après ?

En juillet 2024, la Cour internationale de Justice (CIJ) a tranché : l’occupation israélienne de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Gaza est illégale. Elle exige son démantèlement immédiat, le retrait des colonies et la fin de la ségrégation entre Israéliens et Palestiniens. La CIJ n’a pas seulement émis un avis juridique : elle a mis noir sur blanc ce que les Palestiniens crient depuis des décennies — ce régime est contraire au droit, au principe même d’égalité humaine.

 

Mais Israël n’en a cure. Le gouvernement poursuit sa fuite en avant, transformant chaque décision internationale en chiffon de papier. Et les capitales occidentales, si promptes à brandir le droit international ailleurs, se taisent ou détournent le regard. Cette hypocrisie est devenue une forme de complicité active.


Gaza : le laboratoire du châtiment collectif

Les sionistes messianiques, sont tranquilles… Il n’y a pas une once d’humanité en eux, car quiconque ne pense pas comme eux à leurs yeux est sous-humain. Ceux qui ont été cités jusqu’ici vénèrent deux dieux : la Richesse et le Pouvoir ; c’est ainsi qu’ils estiment leur valeur.

À Gaza, la guerre actuelle ne vise pas seulement le Hamas, mais toute une population enfermée depuis 17 ans dans un blocus. Les bombardements massifs, les destructions d’hôpitaux, d’écoles et d’infrastructures vitales, l’entrave systématique à l’aide humanitaire : tout cela n’est pas un “dommage collatéral”, mais une stratégie. Une punition collective destinée à rendre la vie invivable pour plus de deux millions d’êtres humains.

La CIJ, saisie par l’Afrique du Sud, a reconnu en janvier 2024 que le risque de génocide à Gaza était “plausible”. Elle a ordonné à Israël d’assurer la livraison de nourriture, d’eau et de médicaments. Depuis, qu’a-t-on vu ? Des convois bloqués par des milices de colons comme Tzav 9, encouragées par l’extrême droite israélienne. Des largages aériens hasardeux, parfois mortels. Et des dirigeants, tels Itamar Ben-Gvir ou Bezalel Smotrich, qui appellent ouvertement à “encourager la migration” des Gazaouis — un euphémisme pour désigner le transfert forcé d’une population entière.

Quand un État transforme la faim en arme de guerre, quand il instrumentalise l’aide pour affamer et briser une population, il franchit la ligne rouge du crime contre l’humanité. C’est ce que Gaza subit, sous nos yeux.


Cisjordanie : l’annexion masquée est devenue réalité

Et pourtant, nous avons des Palestiniens en Cisjordanie, qui n'ont pas construit de tunnels ni constitué une force redoutable, et les colons les piétinent, les expulsant de leurs maisons et de leurs terres et leur volant tout ce qu'ils possèdent. Combien d'argent les Juifs sionistes du monde entier ont-ils dépensé pour acheter suffisamment de politiciens dans le monde entier afin de coloniser la Palestine et de protéger leur entité coloniale contre toute responsabilité pour crimes contre l'humanité 

En Cisjordanie, le masque est tombé. L’annexion de facto avance chaque jour : nouvelles colonies, routes réservées, postes militaires. Les colons agissent en milices, souvent sous la protection ou l’indifférence de l’armée. Villages incendiés, terres volées, familles expulsées. La violence n’est plus un accident : elle est un outil de conquête territoriale.

Lorsque Smotrich appelle à “effacer Huwara”, il ne dérape pas : il dit tout haut la logique à l’œuvre. Et lorsque des colons saccagent des villages palestiniens sans être inquiétés, c’est l’État lui-même qui cautionne la terreur.

Là encore, la CIJ a été claire : le régime imposé aux Palestiniens de Cisjordanie correspond à une ségrégation systématique, une violation directe de la Convention contre l’apartheid. Et pourtant, l’occupation continue, implacable.


L’apartheid n’est plus une accusation : c’est un constat

Depuis 2021, Human Rights Watch et Amnesty International ont franchi le pas : ce régime est bien un apartheid. Ce terme n’est pas une insulte, c’est une qualification juridique précise : un système organisé de domination d’un groupe sur un autre, institutionnalisé, perpétué par la violence.

Ce que vivent les Palestiniens — restrictions de déplacement, confiscation de terres, absence de droits civiques, traitements discriminatoires systématiques — correspond à cette définition. La CIJ, Amnesty, HRW : le consensus s’élargit. Il ne manque plus qu’une chose : la volonté politique des États pour briser ce système.

Cette démonstration est imparable et je la complète en soulignant que le paroxysme de la monstruosité israélienne consiste, depuis plusieurs mois, à organiser l’aide alimentaire comme traquenard et piège mortel pour les Palestiniens que le blocus Netanyahou / Ben Gvir / Smotrich affame : Tsahal effectue délibérément les largages aériens des denrées vitales dans des zones militarisées interdites aux civils de Palestine afin que, tenaillés par la désespérance et la faim et n’ayant plus rien à perdre, ces derniers aillent récupérer les colis alimentaires à l’endroit même où ils sont certains d’être abattus.


Quelles options restent possibles ?

La solution à deux États, répétée comme un mantra par les chancelleries occidentales, est morte, enterrée sous les bulldozers des colonies. Un État palestinien viable est devenu une fiction.

La seule option réellement juste serait un État unique, où Palestiniens et Israéliens jouiraient des mêmes droits. Mais cette perspective est rejetée par la majorité des Israéliens et par un gouvernement obsédé par la domination ethno-religieuse. Dès lors, l’avenir se réduit à deux alternatives :

  • soit un apartheid assumé, institutionnalisé, pérennisé ;
  • soit l’effondrement total de toute perspective de coexistence, avec la tentation toujours plus explicite du nettoyage ethnique.

La complicité internationale : silence et hypocrisie

Le plus insupportable n’est pas seulement l’acharnement israélien, mais la passivité complice de la communauté internationale. Les États-Unis continuent de livrer des armes. L’Europe se contente de déclarations creuses, tout en maintenant des accords économiques avantageux. Quand il s’agit d’Ukraine, le droit international est brandi comme un étendard. Quand il s’agit de la Palestine, il est relégué au second plan.

Ce double standard détruit la crédibilité du droit international et transforme les belles paroles en cynisme. Chaque bombe tombée sur Gaza, chaque maison palestinienne rasée en Cisjordanie, résonne aussi comme un acte de complicité pour les États qui financent, arment ou protègent Israël de toute sanction.


Briser l’impunité, maintenant

En ce moment, une association de sionistes radicaux dénommée TSAV 9 et fondée par une certaine REUT BIN HAIM, s’est donné pour mission de bloquer les points d’entrée vers Gaza pour entraver l’aide alimentaire terrestre : cette Israélienne, elle-même mère de 8 enfants, a accordé une entrevue au journaliste anglais Inigo Gilmore, pour expliquer qu’il est indispensable d’affamer les enfants palestiniens.

Il est temps de rompre avec cette logique mortifère. Cela signifie :

conditionner toute aide militaire et économique à Israël au respect strict du droit international ;

imposer des sanctions ciblées contre les responsables politiques et les colons violents ;

soutenir des enquêtes internationales sur les crimes commis à Gaza et en Cisjordanie ;

et surtout, nommer les choses : parler d’apartheid, parler de crimes de guerre, parler de génocide quand les faits l’exigent.


Conclusion : l’égalité ou la barbarie

Si on applique la grille de l’idéologie selon Anna Arendt aux « Sionistes » on tombe très justement sur le principe actif et structurant des régimes totalitaires.
Cette idéologie devenant ainsi un cadre qui organise la société de façon totale, visant à remplacer le monde actuel par les masses atomisées physiquement, moralement et spirituellement, leur permettant d’imposer une cohérence artificielle à l’ensemble de la vie sociale. Une source surhumaine comme origine de la pensée (Dieu de la Bible),
Une prétention à la domination globale, L’appel à la violence ou à l’action, La désignation d’un ennemi objectif,

Le rejet de la réalité factuelle. Ce groupe prospère sur l’effondrement des structures politiques. L’isolement des individus influençables, fragilisés par cet effondrement, fait que les structures sociales démocratiques et tolérantes deviennent alors perméables à des idéologies simplificatrices et à des promesses de réenchantement du monde.

L’entrisme des «sionistes» exploite les failles du système démocratique et républicain. Notamment la perte de sens partagé et la désaffection civique. Ceci leur permet d’avancer un projet de domination idéologique sous couvert démocratique, utilisent des organisations de façade et des discours adaptés pour masquer la radicalité de leurs objectifs, trompant ainsi le monde extérieur sur leur véritable nature, s’appuyant fortement sur les médias sous leur influence. Ce groupe cherche à imposer une vision unique et à éliminer la dissidence.

La Palestine n’est pas seulement une question “étrangère”. Elle est le test ultime de notre capacité à défendre des principes universels. Allons-nous continuer à fermer les yeux, à accepter qu’un État démocratique se revendiquant du droit se permette ce que nous ne tolérons nulle part ailleurs ?

L’avenir est clair : soit nous imposons l’égalité des droits pour tous, Palestiniens et Israéliens, soit nous devenons complices d’un système qui ne peut plus être nommé autrement que par son vrai nom : apartheid et épuration ethnique.

Il n’y a plus de neutralité possible. Se taire, c’est choisir le camp de l’oppresseur.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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