Parfois il m'est utile de le dire !

                                                                                                          Oh! Colombe, transmets mon salut d...

L’exil intérieur des Harkis (traîtres) : quand la nostalgie devient châtiment

«.Notre credo c’est la patrie, et rien que la patrie. Le reste n’est que rêveries, illusions ou mensonges. » Jacques Doriot

Il existe des fautes que ni le temps, ni la distance, ni la richesse ne parviennent à effacer.
Parmi elles, la trahison du pays natal occupe une place particulière : elle sépare l’homme non seulement de sa terre, mais aussi de lui-même.
Car l’exil qui s’ensuit n’est pas seulement géographique il devient une condition de l’âme, une fracture intime qui ronge lentement ce qui restait de cohérence entre la mémoire, la conscience et la vie présente.

L’illusion de l’exil doré

Beaucoup s’imaginent que ceux qui ont tourné le dos à leur patrie vivent paisiblement sous d’autres cieux, à l’abri du remords, entourés d’un confort matériel qu’ils ont choisi à la place de leur honneur.
Mais c’est une illusion, comme le sont toutes les apparences.
La prospérité ne guérit pas la perte d’un ancrage, et aucune fortune n’efface la brûlure du déracinement.
Ces exilés vivent dans un paradoxe cruel : ils ont fui le jugement des leurs, mais ils n’échappent pas à celui qu’ils portent en eux.
Leur réussite apparente n’est qu’un décor fragile derrière lequel s’étend le désert de la nostalgie.

La patrie comme mémoire intérieure

Car la patrie n’est pas seulement un territoire.
Elle est un ensemble de souvenirs, de voix, d’odeurs, de paysages, de gestes tout ce qui constitue le tissu invisible de l’identité.
Quand on la trahit, ce n’est pas un pays qu’on perd, mais la part la plus ancienne et la plus stable de soi.
La trahison ouvre un vide que rien ne comble, car elle détruit le lien entre le passé et le présent, entre l’origine et le devenir.
Et celui qui a rompu ce lien se découvre étranger partout, y compris à lui-même.

Le poids du souvenir

Chaque soir, l’exilé retrouve ce qu’il a voulu fuir : le souvenir.
Il revoit les visages, les lieux, les saisons de sa jeunesse, mais désormais sans y appartenir.
Le pays perdu devient un fantôme, et la nostalgie une forme de châtiment silencieux.
Il ne s’agit pas d’une punition infligée de l’extérieur, mais d’une sanction intime, d’une douleur morale que rien ne peut racheter.
La nostalgie, en ce sens, n’est pas un simple regret : c’est une mémoire vivante qui condamne à revivre éternellement la faute commise.

L’exil comme condamnation morale

Le véritable exil commence lorsque l’homme ne trouve plus sa place nulle part.
Celui qui a trahi découvre que l’exil matériel est moins cruel que l’exil intérieur.
Il peut habiter des palais, posséder des biens, s’entourer de prestige rien n’y fait : la paix lui échappe.
Il n’appartient plus à son pays, mais il n’appartient pas non plus au monde qui l’accueille.
Il erre entre deux rives, comme suspendu dans une existence qui ne lui reconnaît ni passé ni avenir.

La nostalgie, dernière vérité

Il est possible de s’habituer à la pauvreté, à la solitude, à la douleur même mais non à la nostalgie. Elle revient toujours, imprévisible, mordante, dans le silence d’un soir ou le parfum d’une fleur. Elle rappelle à celui qui a trahi ce qu’il a perdu : la certitude d’appartenir à un lieu, à une communauté, à une histoire. Et c’est là, dans cette blessure toujours vive, que réside la véritable punition. Car l’exil, sous toutes ses formes, ne punit pas le corps il punit la mémoire.

Épilogue : la paix impossible

Les traîtres ne sont pas toujours punis par les hommes, mais ils le sont presque toujours par la conscience.
Ceux qui ont vendu leur pays peuvent fuir la justice, mais non la nostalgie.
Elle les poursuit, inflexible, et fait de chaque aube un rappel de leur perte.
L’exil qu’ils croyaient choisir devient alors leur prison, et leur liberté apparente, une illusion tragique.

Il n’existe pas d’exil heureux seulement des âmes séparées d’elles-mêmes, condamnées à porter en silence le poids de ce qu’elles ont renié.
Et dans ce silence, la patrie absente devient leur juge le plus implacable.

A/Kader Tahri                              
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                                      « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. » 
https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Après la libération des otages, la guerre continue : le mensonge d’une paix conditionnelle

 

On avait promis que la guerre s’arrêterait une fois les otages israéliens libérés. Mais les bombardements se poursuivent, les civils meurent, et le langage de la paix a été remplacé par celui de la punition.
Cette tribune dénonce la logique d’une guerre devenue autonome, sans justification ni frein moral, où la mort des innocents sert désormais d’argument politique

On nous avait juré que la guerre s’arrêterait lorsque les otages reviendraient.
C’était le refrain, répété sur toutes les chaînes, dans toutes les chancelleries, sur toutes les lèvres des partisans d’Israël : « Libérez les otages, et la paix reviendra. »
Ce slogan, brandi comme une vérité morale, servait à justifier l’injustifiable : les bombardements de quartiers entiers, les enfants sortis sans vie des ruines, les hôpitaux frappés, les familles décimées.
Mais aujourd’hui, les otages sont libres. Et les massacres, eux, ne se sont pas arrêtés.

Le mensonge de la condition

Ce qu’on appelle « conditions à la paix » n’était qu’une façade. Une justification rhétorique pour masquer un projet bien plus profond : celui d’écraser un peuple jusqu’à l’effacement.
Le discours humanitaire n’a été qu’un déguisement. Derrière les appels à la libération des captifs, il n’y avait pas la compassion  il y avait la stratégie.
On n’attendait pas que le Hamas cède pour cesser de frapper Gaza ; on frappait Gaza pour anéantir tout ce qui, de près ou de loin, pouvait ressembler à une résistance, à une existence autonome, à une dignité palestinienne.

Lorsque l’armée israélienne a fait exploser, vendredi, un véhicule transportant une famille palestinienne de onze personnes  dont sept enfants, elle a invoqué la même justification qu’à chaque fois : une « violation de zone ».
Un mot technique, sec, bureaucratique, pour décrire une exécution.
On a tué des enfants parce qu’ils avaient franchi une ligne invisible sur une carte militaire.
Et dans les communiqués officiels, cette absurdité devient doctrine.
Tout comme il y a un an, les massacres étaient justifiés au nom des « otages ».

L’argument s’est effondré la violence demeure

Aujourd’hui ils ont lancé des frappes à Rafah pour venir en aide à leurs groupés armées qui ont reçu l’ordre de violer le cessez le feu pour accuser la Résistance.  Des images satellites récentes révèlent la présence d’une base de l’armée d’occupation israélienne (Tsahal) ainsi que d’une milice composée de gangsters armés (en jaune sur la carte) à la solde d’Israël, dans le quartier de Shuja’iyya, à l’est de la ville de Gaza.

Placée sous le commandement de Rami Khalas, cette milice, formée d’éléments de type mafieux, dispose d’une base attenante à celle de Tsahal. Elle est armée, encadrée et supervisée par Israël, dans le cadre de ses opérations contre le mouvement Hamas.

Par ailleurs, une activité intense et inhabituelle a été observée hier aux coordonnées 31.4977, 34.4742, laissant apparaître une expansion des infrastructures et un trafic accru de véhicules lourds à proximité de la principale base de l’armée d’occupation dans ce secteur.  

Ceux qui suivaient cette guerre depuis longtemps n’en sont pas surpris. Ils savaient déjà que le sort des otages n’était pas la cause, mais le prétexte.
L’armée israélienne n’a jamais bombardé Gaza pour sauver des vies israéliennes : elle a bombardé Gaza pour punir des vies palestiniennes.
Les faits le prouvent, inlassablement.
Quand des hôpitaux ont été visés, on a invoqué la présence supposée du Hamas dans leurs sous-sols.
Mais des médecins occidentaux, présents sur place, ont raconté une autre histoire : celle de soldats entrant dans les hôpitaux détruits pour saccager les appareils restants, méthodiquement, pièce par pièce, pour que plus aucun hôpital ne puisse fonctionner.
Ce n’était pas une guerre contre le Hamas.
C’était une guerre contre la survie elle-même.

Aujourd’hui, le récit officiel se fissure encore.
Les otages ont été libérés — et pourtant, les bombes ne se sont pas tues.
Les arguments s’effondrent les uns après les autres, mais la machine, elle, continue de tourner.
Parce que la guerre, à ce stade, n’a plus besoin de justification : elle s’autoalimente.
Elle est devenue sa propre raison d’être.

Le vacarme des tambours

Écoutez les discours des dirigeants israéliens : ils battent les tambours de la guerre au nom de la sécurité, de la défense, de la survie.
Mais quelle sécurité naît du sang de milliers d’enfants ?
Quelle survie se fonde sur l’anéantissement méthodique d’un peuple enfermé dans un territoire déjà asphyxié ?
Le langage militaire a dévoré le langage moral.
On ne parle plus d’humains, mais de « zones », de « cibles », de « frappes préventives ».
La guerre est devenue un processus administratif, réglé, presque automatique, où la mort de civils n’est plus une tragédie mais une statistique.

Et pourtant, derrière chaque chiffre, il y a un visage, un nom, une voix qui ne parlera plus.
Des enfants qui ne verront jamais la lumière du matin.
Des parents qui ne peuvent plus enterrer leurs morts parce que les bulldozers sont interdits d’entrée.
C’est cela, la réalité de Gaza un lieu où même les funérailles sont un luxe.

Le piège moral de l’Occident

Ce silence complice, ce confort moral, pèsent aussi sur nous.
Nous avons laissé s’installer un discours où l’indignation dépend de l’identité des morts.
Où certains corps méritent les pleurs des chancelleries, et d’autres seulement des notes diplomatiques.
L’Occident, si prompt à brandir les droits humains ailleurs, se tait lorsque son allié commet l’irréparable.
Ce silence est devenu une politique en soi une manière de se protéger de la honte.

Mais l’histoire jugera ce silence avec la même sévérité qu’elle a jugé d’autres silences, dans d’autres temps.
Car ceux qui prétendaient que « tout cesserait une fois les otages libérés » savaient, au fond, que rien ne cesserait. Ils savaient que la guerre n’était pas un moyen, mais un but. Et que la paix, dans leur bouche, n’était qu’un mot vidé de sens.

Le cri sous les ruines

À Gaza, il ne reste presque rien : ni hôpitaux, ni routes, ni abris, ni illusions.
Mais il reste la voix des vivants  ceux qui fouillent les décombres à mains nues, ceux qui refusent que la mort devienne normale, ceux qui persistent à nommer les disparus un à un.
Cette voix, étouffée par le vacarme des bombardements, continue de dire ce que le monde refuse d’entendre : que tuer des civils n’est pas une erreur de guerre, mais une stratégie.
Et que la pire barbarie n’est pas celle des armes, mais celle du mensonge.

Épilogue : le jour d’après

Ils avaient promis que tout s’arrêterait. Que la paix viendrait, que les enfants cesseraient de mourir, que les otages étaient la clé du drame.
Mais aujourd’hui, alors que les bombes poursuivent leur œuvre, la vérité s’impose : ce n’était pas une guerre pour sauver des vies, mais pour en détruire.
Et tant que ce mensonge continuera d’être répété, tant que la mort sera présentée comme un acte de défense, tant que le monde fermera les yeux sur la douleur des plus faibles, alors les tambours de guerre ne cesseront jamais de battre.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                                    « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. » 
https://kadertahri.blogspot.com/

 


Le 17 octobre 1961 : Une vérité historique face aux négationnistes

 

Chaque année, lorsque la France commémore les violences du 17 octobre 1961, surgissent des voix pour en contester jusqu’à l’existence. On y voit dénoncés un « mythe », une « légende militante », une « culpabilisation nationale ». Récemment encore, un polémiste a repris cette rhétorique : selon lui, « aucun massacre n’a eu lieu », il n’y aurait eu « qu’un mort français », et tout le reste relèverait d’une manipulation du FLN relayée par les communistes et l’intelligentsia universitaire. Cette posture, en apparence documentée, repose pourtant sur une lecture profondément biaisée des sources et une méconnaissance du travail historiographique conduit depuis trente ans.

Il importe ici non pas de répondre par l’indignation, mais par la méthode. Car l’histoire du 17 octobre 1961 ne se réduit ni à des slogans, ni à des simplifications. Elle s’appuie sur des faits établis, des archives ouvertes, des enquêtes croisées et des travaux d’historiens français et étrangers. Et ces faits, aujourd’hui, ne laissent guère de place au doute.

Le contexte : une guerre d’Algérie qui se joue aussi en métropole

Nul ne conteste que la guerre d’indépendance algérienne se soit étendue au territoire français. Dès 1958, le FLN organise en métropole un réseau de collecte de fonds, de propagande et de coercition sur la population algérienne. Ces réseaux affrontent leurs rivaux du MNA, tandis que la police française mène une guerre souterraine contre le FLN. Les attentats, les assassinats internes et les représailles sont alors nombreux.

Mais ce contexte ne saurait masquer une autre réalité : en 1961, le préfet de police de Paris, Maurice Papon, met en place un couvre-feu racialisé visant les seuls « Français musulmans d’Algérie ». Le 17 octobre, le FLN appelle à une manifestation pacifique pour dénoncer cette mesure. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants défilent dans Paris, souvent vêtus de leurs plus beaux habits, sans armes. La répression est immédiate et brutale : tirs, coups, arrestations massives, noyades dans la Seine. Des centaines de personnes sont arrêtées et entassées dans des lieux d’internement improvisés — le Palais des Sports, le stade Coubertin, Vincennes.

Le rapport Mandelkern : ce qu’il dit vraiment

Le polémiste invoque le rapport Mandelkern (1998) pour prétendre qu’il aurait « fait litière du mythe ». C’est faux. Ce rapport, commandé par le Premier ministre Lionel Jospin, ne visait pas à déterminer un bilan définitif, mais à inventorier les archives disponibles de la Préfecture de police et à établir ce qu’elles contiennent ou non.

Le rapport constate que les archives policières sont lacunaires, que beaucoup de documents manquent ou ont été détruits, et qu’il est impossible de fixer un chiffre exact des victimes. Il indique seulement qu’« au moins plusieurs dizaines » d’Algériens ont été tuées. Mandelkern souligne par ailleurs les dysfonctionnements de l’époque : la confusion dans les registres, l’absence de suivi judiciaire, les contradictions dans les rapports internes.

Autrement dit : loin de « réfuter » la thèse d’une répression sanglante, le rapport Mandelkern confirme qu’un nombre significatif de morts est avéré et que les sources policières doivent être lues avec prudence. C’est précisément cette prudence que le polémiste oublie en les brandissant comme des preuves absolues.

Les sources : la police, la morgue, et leurs limites

Les négationnistes invoquent les registres de l’Institut Médico-Légal (IML) pour affirmer qu’aucun corps d’Algérien n’aurait été enregistré le 17 octobre. Or, les historiens savent combien ces registres sont incomplets. Des dizaines de corps ont été repêchés dans la Seine dans les jours et semaines suivantes, parfois non identifiés, parfois enregistrés à d’autres dates, parfois simplement disparus.

Les archives de la police fluviale, longtemps fermées, montrent que plusieurs corps ont été retrouvés dans le fleuve sans identification possible. Des témoins — policiers, infirmiers, riverains — ont évoqué les scènes de noyade et les violences. De nombreux témoignages concordent, notamment ceux recueillis par Jean-Luc Einaudi dans La bataille de Paris (1991), confirmé par des documents déclassifiés depuis. Même des policiers de l’époque, tel le commissaire Georges Paponnet, ont reconnu les brutalités et les consignes de dissimulation.

En 1999, lors du procès Papon, le tribunal administratif de Paris a jugé que la répression du 17 octobre 1961 constituait « une faute lourde de l’État ». Cette décision de justice suffit à contredire l’idée qu’il n’y aurait eu « qu’un mort ».

Les travaux des historiens : convergences et divergences

Les estimations du nombre de victimes varient selon les méthodes :

  • Jean-Paul Brunet, historien de la police, après étude critique, évoque « au moins une trentaine » de morts, chiffre déjà sans précédent pour une opération de maintien de l’ordre à Paris.
  • Jean-Luc Einaudi parle d’environ 200 morts, certains assassinés dans les jours suivants.
  • D’autres, comme Sylvie Thénault, spécialiste de la guerre d’Algérie, soulignent que le nombre exact est secondaire par rapport à la nature du fait : une répression d’État contre une population civile non armée.

Ainsi, si les chiffres diffèrent, la communauté scientifique converge sur l’essentiel : il y a bien eu massacre, au sens historique du terme, c’est-à-dire usage disproportionné et meurtrier de la force publique contre des manifestants civils.

Le sophisme de la symétrie : FLN vs. Police

L’auteur du texte polémique s’efforce de rappeler les crimes du FLN en métropole. Ce rappel est exact mais hors sujet. Oui, le FLN a assassiné des opposants et commis des attentats. Mais la responsabilité d’un mouvement insurrectionnel n’efface pas celle d’un État.

L’État, par définition, détient le monopole de la violence légitime, mais cette légitimité disparaît quand la force se transforme en violence arbitraire, hors du cadre légal. Assimiler les crimes du FLN à la répression du 17 octobre revient à confondre la criminalité d’une organisation clandestine et la responsabilité d’un pouvoir républicain. C’est une fausse équivalence morale et juridique.

Les démocraties se jugent à leur capacité à reconnaître leurs fautes, non à les masquer derrière celles de leurs ennemis.

Le poids des archives et la reconnaissance politique

Depuis les années 1990, l’ouverture progressive des archives et la publication de nouveaux témoignages ont consolidé la connaissance historique. En 2012, le président François Hollande a reconnu que « le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression ». En 2021, Emmanuel Macron a qualifié ces faits de « crimes inexcusables pour la République ».

Ces déclarations ne sont pas des gestes de repentance mais des reconnaissances de responsabilité fondées sur l’état de la recherche. Elles inscrivent cet épisode dans la mémoire nationale, au même titre que les drames de Sétif, Madagascar ou du métro Charonne (1962).

Les universités françaises, loin d’être « une Corée du Nord mentale », comme le prétend le polémiste, sont des lieux où la pluralité des sources et la critique des biais documentaires font vivre l’histoire. Le 17 octobre 1961 est étudié, débattu, contextualisé — jamais sanctifié, mais jamais nié.

Pourquoi la négation persiste

Le déni du 17 octobre 1961 s’inscrit dans un mouvement plus large : la résistance d’une partie de l’opinion à regarder en face la fin de l’empire colonial et la violence de la décolonisation. En niant les faits, certains croient défendre l’honneur de la France. En réalité, ils fragilisent son crédit moral. La grandeur d’une nation ne se mesure pas à son infaillibilité mais à sa capacité à affronter son histoire sans travestir les archives.

L’historien ne travaille pas pour humilier mais pour comprendre. Dire que la police française a tué, en octobre 1961, des dizaines d’Algériens désarmés, ce n’est pas haïr la France : c’est affirmer que la République doit se juger à la lumière de ses principes.

Conclusion : l’histoire contre la propagande

L’auteur du texte que nous avons lu croit combattre un « mythe ». En réalité, il en fabrique un autre : celui d’une France toujours innocente, victime de complots mémoriels. Mais les archives, les témoignages et la recherche montrent l’inverse : le 17 octobre 1961 fut une répression d’État, conduite sous les ordres du préfet Papon, qui coûta la vie à plusieurs dizaines d’Algériens.

Refuser de le reconnaître, c’est tourner le dos à la vérité. L’histoire n’est pas un tribunal de culpabilité éternelle, mais un exercice de lucidité. Et c’est en regardant lucidement le 17 octobre 1961 que la France se montre fidèle à ce qu’elle prétend être : une démocratie attachée à la vérité, même quand elle dérange.

A/Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                                     « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »  
https://kadertahri.blogspot.com/

Références essentielles :

  • Rapport Dieudonné Mandelkern, remis au Premier ministre Lionel Jospin, 1998.
  • Jean-Paul Brunet, Police contre FLN. Le drame d’octobre 1961, Flammarion, 1999.
  • Jean-Luc Einaudi, La bataille de Paris, Seuil, 1991.
  • Sylvie Thénault, Histoire de la guerre d’indépendance algérienne, Flammarion, 2012.
  • Discours officiels de François Hollande (17 octobre 2012) et d’Emmanuel Macron (16 octobre 2021).

 

 


Gaza : Le poids symbolique des corps, un champ de menace de guerre

Cette tribune revient sur la controverse autour des corps israéliens disparus à Gaza, enjeu humanitaire devenu symbole de la guerre d’influence entre Israël et le Hamas.
Au-delà des chiffres et des accusations, le texte propose une réflexion sur la manière dont les morts, palestiniens comme israéliens, sont pris en otage dans un conflit où la mémoire, la dignité et la compassion cèdent la place à la logique politique et militaire.
Un plaidoyer pour replacer l’humain — vivant ou disparu — au centre d’un débat trop souvent déshumanisé.

Le cessez-le-feu entre Israël et les groupes armés palestiniens n’a pas encore apporté le calme espéré. Alors que la trêve entre dans sa deuxième semaine, une nouvelle controverse vient rallumer la tension : celle des corps israéliens ensevelis sous les ruines de Gaza.
L’affaire, en apparence humanitaire, s’est rapidement transformée en instrument de pression politique, révélant une fois encore la profondeur du drame humain et moral qui s’est abattu sur la région.

Le poids symbolique des corps

Israël a exigé du Hamas la restitution de tous les corps de ses ressortissants morts à Gaza, menaçant de reprendre ses opérations militaires si cette demande n’était pas satisfaite. Selon des sources proches des négociations, certains de ces corps seraient enfouis sous les décombres des bombardements israéliens eux-mêmes  un paradoxe tragique, mais révélateur : la guerre a enseveli non seulement des vies, mais aussi la possibilité même d’un dialogue fondé sur la raison.

L’ancien président américain Donald Trump a déclaré que le Hamas « cherchait certainement » les corps manquants, tout en exprimant un optimisme prudent. Optimisme difficile à partager, tant la situation sur le terrain reste catastrophique : Gaza n’est plus qu’un enchevêtrement de gravats, de zones minées et de ruines inaccessibles.

Deux tragédies, deux récits

Pendant que les caméras se tournent vers la question des corps israéliens, à Gaza, les habitants observent ce débat avec un mélange d’incrédulité et de douleur. Selon le ministère de la Santé de l’enclave, près de 9 000 Palestiniens sont encore portés disparus, probablement ensevelis sous les décombres.
Des familles entières attendent depuis des mois, sans pouvoir ni creuser ni identifier leurs proches. Le blocus empêche l’entrée de bulldozers, de carburant, ou même d’équipements de protection. Les secouristes fouillent souvent à mains nues, au risque de leur vie.

Cette asymétrie du regard médiatique est devenue une constante du conflit. Les souffrances israéliennes, réelles et tragiques, sont scrutées, détaillées, commentées ; celles des Palestiniens, plus diffuses, plus massives, sont souvent reléguées dans la rubrique des chiffres. Et pourtant, derrière ces chiffres, il y a des vies, des visages, des histoires : 70 000 morts selon les autorités locales, plus de 170 000 blessés, des milliers d’autres disparus. Des données invérifiables, certes, mais dont l’ampleur ne laisse guère de doute sur la catastrophe humanitaire en cours.

Une responsabilité partagée, un désastre collectif

Pourquoi le Hamas ne retrouve-t-il pas les corps israéliens ? Les raisons sont multiples, et profondément liées à la destruction du territoire lui-même.
Les bombardements ont pulvérisé des quartiers entiers, transformant la géographie de Gaza en un puzzle de ruines. Une grande partie du territoire reste sous contrôle militaire israélien, inaccessible aux secours.
De nombreux membres des groupes armés palestiniens, qui détenaient des informations sur les lieux où étaient gardés les captifs, ont été tués dans les frappes. D’autres factions, plus petites et moins coordonnées, auraient détenu certains prisonniers.
Enfin, le blocus empêche toute entrée d’équipement lourd ou de matériel de recherche, ce qui rend les opérations de récupération quasiment impossibles.

Cette situation absurde Israël exigeant de Gaza des efforts que ses propres bombardements rendent irréalisables  illustre l’impasse morale du conflit. L’armée israélienne, en prétendant « libérer ses otages », a détruit les mêmes infrastructures où certains d’entre eux étaient probablement détenus.
La responsabilité est donc circulaire : les combattants palestiniens ont violé le droit international en capturant des civils ; Israël a répondu par une campagne militaire d’une intensité telle qu’elle a rendu toute résolution humaine impossible. Le résultat : des morts, des disparus, et un champ de ruines qui sert désormais de théâtre à une bataille politique autour des cadavres.

Les morts comme instruments de politique

Ce que cette controverse révèle, au fond, c’est la manière dont la guerre transforme les morts en objets de pouvoir.
Dans toute guerre prolongée, la question des corps  qu’il s’agisse de leur restitution, de leur identification ou de leur sépulture devient une arme symbolique. Chaque camp tente de maîtriser le récit de la mort, car celui qui contrôle les morts contrôle aussi, en partie, la mémoire du conflit.

Israël veut montrer qu’il ne laisse aucun des siens derrière juste pour jouer la provocation. Le Hamas, de son côté, veut prouver qu’il agit malgré la destruction, et que la population de Gaza reste humaine face à la dévastation. Entre ces deux logiques, la dignité des victimes, israéliennes comme palestiniennes, se perd dans les ruines.

Une trêve sous tension

Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu le 11 octobre, 23 Palestiniens ont été tués et plus de 120 blessés dans des incidents attribués à des violations israéliennes.
Les secours palestiniens affirment avoir retrouvé 381 nouveaux corps sous les décombres, tandis qu’Israël a restitué 120 dépouilles palestiniennes non identifiées.
Le Hamas a, de son côté, remis une dizaine de corps israéliens sur les 28 prévus par l’accord. Le reste serait, selon lui, inatteignable pour le moment.

L’envoyé spécial américain Steven Witkoff se dit convaincu que tous les corps finiront par être restitués. Mais la réalité de terrain, elle, montre un territoire exsangue, sans machines, sans routes, sans morgues fonctionnelles. La paix, ici, se mesure au nombre de cadavres qu’on parvient à extraire des gravats.

Au-delà du champ de ruines

Dans cette tragédie, il ne s’agit plus seulement de politique ni même de guerre : il s’agit d’un effondrement moral.
Quand des gouvernements négocient des trêves autour des corps, quand la diplomatie devient une comptabilité macabre, c’est le signe que la guerre a déjà gagné  non seulement sur le terrain, mais dans les consciences.

Ce que Gaza révèle aujourd’hui, c’est la faillite collective d’un monde qui tolère que des civils soient enterrés vivants, que des enfants soient laissés sous les ruines faute de carburant, et que la mort soit utilisée comme levier diplomatique.
La récupération des corps israéliens est un droit humain fondamental ; la recherche des disparus palestiniens en est un autre. Tant que ces deux droits seront hiérarchisés, la paix restera une illusion.

Conclusion : de la dignité des morts à celle des vivants

Le vrai défi, désormais, n’est pas seulement de savoir qui a raison ou tort, mais de savoir si l’on peut encore parler de dignité dans un contexte où même les morts sont pris en otage.
Reconnaître la souffrance de l’autre  sans la comparer, sans la minimiser  est peut-être le seul point de départ possible pour sortir de cette spirale.

Les morts, tous les morts, méritent le silence du respect, non le vacarme des menaces.
Et tant que la guerre continuera à parler plus fort que la compassion, aucun cessez-le-feu, si long soit-il, ne pourra faire taire le fracas des consciences.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                                    « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. » 
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Quand la plume Marocaine devient une imposture royale.

Sous couvert d’analyse géopolitique, certains médias marocains multiplient les articles à charge contre l’Algérie, transformant la moindre divergence diplomatique en procès d’isolement. L’exemple récent d’un article sur la “Semaine mondiale de l’énergie à Moscou” illustre cette stratégie de manipulation narrative où la sélection des faits et le langage émotionnel remplacent l’information vérifiée.

Une confusion révélatrice

Il suffit d’un détail pour dévoiler l’intention. L’article évoque la “Semaine mondiale de l’énergie” à Moscou, alors que l’événement concerné s’intitule officiellement “Semaine russe de l’énergie” (Russian Energy Week). Une différence anodine ? Pas vraiment.

Le choix du mot “mondiale” vise à donner à l’événement une dimension planétaire, pour mieux accuser ensuite l’Algérie d’isolement diplomatique. L’erreur n’est pas journalistique : elle est rhétorique. Elle amplifie artificiellement la portée de l’événement pour légitimer la thèse centrale — celle d’une Algérie absente du “concert des nations”.

Quand l’opinion se déguise en information

Ce texte, prétendument informatif, est en réalité une opinion politique maquillée en reportage international.
Aucune source officielle, aucune citation diplomatique, aucun document ne vient étayer les accusations portées : “boycott ordonné par Tebboune”, “régime furieux”, “ingérences au Mali”.
Tout y est suggéré, insinué, amplifié, au moyen d’un vocabulaire émotionnel — “humiliation”, “rancunes”, “propagande anti-impérialiste” — qui trahit une volonté de nuire plus qu’un souci de vérité.

La sélectivité de l’information devient ici un instrument de manipulation. Ce qui est tu, c’est la constance du dialogue algéro-russe, la participation active d’Alger à d’autres forums énergétiques, le rôle pivot de Sonatrach dans l’OPEP+, compte autant que ce qui est dit.
L’objectif n’est pas de comprendre, mais de construire un récit politique : celui d’une Algérie marginalisée et affaiblie, pendant que le Maroc s’affirmerait comme partenaire privilégié des puissances mondiales.

Une stratégie médiatique persistante

Ce procédé s’inscrit dans une stratégie de communication désormais bien rodée de certains médias marocains :

  1. -Dénigrer l’Algérie sur le plan diplomatique et symbolique,
  2. -Valoriser le Maroc comme acteur régional “moderne” et “pragmatique”,
  3. -Lier chaque tension internationale à une prétendue faiblesse du pouvoir algérien.

Ainsi, toute nuance disparaît. Les rapports complexes entre Moscou, Alger et Rabat sont simplifiés à l’extrême. La politique étrangère algérienne, fondée sur la souveraineté, le multilatéralisme et la non-ingérence, est caricaturée en “diplomatie de susceptibilités”.
Ce n’est plus du journalisme : c’est une guerre narrative, où les mots deviennent des balles symboliques.

Un récit construit contre la réalité

Or, la réalité contredit ces fictions.
L’Algérie demeure un acteur énergétique majeur, partenaire stratégique de la Russie, membre influent de l’OPEP+, fournisseur clé pour l’Europe et acteur central dans la stabilité du Sahel.
Ses positions sur le Sahara occidental sont cohérentes avec le droit international et les résolutions onusiennes, tandis que sa diplomatie préserve des liens constants avec Moscou, Ankara, Pékin et de nombreux partenaires africains.

Aucun “isolement”, donc mais une politique indépendante, parfois en décalage avec certaines orientations conjoncturelles, ce qui est la marque même de la souveraineté.

La désinformation comme instrument d’influence

Le danger de ce type d’article réside dans sa capacité à influencer subtilement l’opinion publique internationale. En répétant, sous des formes pseudo-journalistiques, les mêmes narrations négatives, ces médias finissent par façonner un imaginaire collectif où l’Algérie serait un acteur du passé, et le Maroc, un modèle d’avenir.
Cette mécanique, typique de la guerre informationnelle moderne, repose moins sur le mensonge direct que sur la distorsion du réel, la dramatisation et la répétition.

Restaurer l’éthique du récit

Face à ces dérives, la réponse ne doit pas être la réaction émotionnelle, mais la rigueur intellectuelle et la transparence des faits.
L’Algérie n’a pas besoin de se justifier de son absence à un forum, ni d’entrer dans une polémique fabriquée. Elle a besoin, en revanche, de déconstruire le discours médiatique qui vise à saper sa crédibilité, et de rappeler que la souveraineté diplomatique ne se mesure pas au nombre de photos prises dans les salons internationaux, mais à la cohérence de la position nationale dans le temps long.

Conclusion

Ah ! Cette Algérie, qui n’en finit pas de perturber le sommeil des sujets du Makhzen Marocain et sa presse courtisane, en quête de ragots de caniveau et de nouvelles diffamatoires. C’est le journalisme des applaudissements au Palais, abreuve pour satisfaire ses pulsions dans un bazar de bric et de brac, cela permet au moins de faire oublier leur extraordinaire incurie ?

On sait depuis toujours que la plume, quand elle sort du Palais Royal et quand elle se fait arme de propagande, perd son honneur. Le rôle des médias n’est pas d’attiser les rivalités régionales ni de travestir les faits pour servir des causes politiques. Il est d’éclairer, d’expliquer, de permettre le discernement.

L’Algérie, solide dans ses choix et fidèle à sa ligne de principe, n’a rien à craindre de la désinformation. Ce sont ceux qui la pratiquent, au contraire, qui finiront par s’y perdre : car à trop vouloir manipuler la vérité, on finit toujours par en devenir la première victime.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                                    « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. » 
https://kadertahri.blogspot.com/