Sous couvert
d’analyse géopolitique, certains médias marocains multiplient les articles à
charge contre l’Algérie, transformant la moindre divergence diplomatique en
procès d’isolement. L’exemple récent d’un article sur la “Semaine mondiale de
l’énergie à Moscou” illustre cette stratégie de manipulation narrative où la
sélection des faits et le langage émotionnel remplacent l’information vérifiée.
Une confusion révélatrice
Il suffit
d’un détail pour dévoiler l’intention. L’article évoque la “Semaine mondiale de
l’énergie” à Moscou, alors que l’événement concerné s’intitule officiellement “Semaine
russe de l’énergie” (Russian Energy Week). Une différence anodine ? Pas
vraiment.
Le choix du
mot “mondiale” vise à donner à l’événement une dimension planétaire, pour mieux
accuser ensuite l’Algérie d’isolement diplomatique. L’erreur n’est pas
journalistique : elle est rhétorique. Elle amplifie artificiellement la
portée de l’événement pour légitimer la thèse centrale — celle d’une Algérie
absente du “concert des nations”.
Quand l’opinion se déguise en information
Ce texte,
prétendument informatif, est en réalité une opinion politique maquillée en
reportage international.
Aucune source officielle, aucune citation diplomatique, aucun document ne vient
étayer les accusations portées : “boycott ordonné par Tebboune”, “régime
furieux”, “ingérences au Mali”.
Tout y est suggéré, insinué, amplifié, au moyen d’un vocabulaire
émotionnel — “humiliation”, “rancunes”, “propagande anti-impérialiste” — qui
trahit une volonté de nuire plus qu’un souci de vérité.
La
sélectivité de l’information devient ici un instrument de manipulation. Ce qui
est tu, c’est la constance du dialogue algéro-russe, la participation active
d’Alger à d’autres forums énergétiques, le rôle pivot de Sonatrach dans
l’OPEP+, compte autant que ce qui est dit.
L’objectif n’est pas de comprendre, mais de construire un récit politique :
celui d’une Algérie marginalisée et affaiblie, pendant que le Maroc
s’affirmerait comme partenaire privilégié des puissances mondiales.
Une stratégie médiatique persistante
Ce procédé
s’inscrit dans une stratégie de communication désormais bien rodée de certains
médias marocains :
- -Dénigrer l’Algérie sur le plan
diplomatique et symbolique,
- -Valoriser le Maroc comme
acteur régional “moderne” et “pragmatique”,
- -Lier chaque tension
internationale à une prétendue faiblesse du pouvoir algérien.
Ainsi, toute
nuance disparaît. Les rapports complexes entre Moscou, Alger et Rabat sont
simplifiés à l’extrême. La politique étrangère algérienne, fondée sur la
souveraineté, le multilatéralisme et la non-ingérence, est caricaturée en “diplomatie
de susceptibilités”.
Ce n’est plus du journalisme : c’est une guerre narrative, où les mots
deviennent des balles symboliques.
Un récit construit contre la réalité
Or, la réalité contredit ces fictions.
L’Algérie demeure un acteur énergétique majeur, partenaire stratégique
de la Russie, membre influent de l’OPEP+, fournisseur clé pour l’Europe et
acteur central dans la stabilité du Sahel.
Ses positions sur le Sahara occidental sont cohérentes avec le droit
international et les résolutions onusiennes, tandis que sa diplomatie préserve
des liens constants avec Moscou, Ankara, Pékin et de nombreux partenaires
africains.
Aucun
“isolement”, donc mais une politique indépendante, parfois en décalage avec
certaines orientations conjoncturelles, ce qui est la marque même de la
souveraineté.
La désinformation comme instrument d’influence
Le danger de
ce type d’article réside dans sa capacité à influencer subtilement l’opinion
publique internationale. En répétant, sous des formes pseudo-journalistiques,
les mêmes narrations négatives, ces médias finissent par façonner un imaginaire
collectif où l’Algérie serait un acteur du passé, et le Maroc, un modèle
d’avenir.
Cette mécanique, typique de la guerre informationnelle moderne, repose moins
sur le mensonge direct que sur la distorsion du réel, la dramatisation et la
répétition.
Restaurer l’éthique du récit
Face à ces
dérives, la réponse ne doit pas être la réaction émotionnelle, mais la rigueur
intellectuelle et la transparence des faits.
L’Algérie n’a pas besoin de se justifier de son absence à un forum, ni d’entrer
dans une polémique fabriquée. Elle a besoin, en revanche, de déconstruire le
discours médiatique qui vise à saper sa crédibilité, et de rappeler que la
souveraineté diplomatique ne se mesure pas au nombre de photos prises dans les
salons internationaux, mais à la cohérence de la position nationale dans le
temps long.
Conclusion
Ah ! Cette
Algérie, qui n’en finit pas de perturber le sommeil des sujets du Makhzen
Marocain et sa presse courtisane, en quête de ragots de caniveau et de
nouvelles diffamatoires. C’est le journalisme des applaudissements au Palais,
abreuve pour satisfaire ses pulsions dans un bazar de bric et de brac, cela
permet au moins de faire oublier leur extraordinaire incurie ?
On sait depuis toujours que la plume, quand elle sort du Palais Royal et quand elle se fait arme de propagande, perd son honneur. Le rôle des médias n’est pas d’attiser les rivalités régionales ni de travestir les faits pour servir des causes politiques. Il est d’éclairer, d’expliquer, de permettre le discernement.
L’Algérie, solide dans ses choix et fidèle à sa ligne de principe, n’a rien à craindre de la désinformation. Ce sont ceux qui la pratiquent, au contraire, qui finiront par s’y perdre : car à trop vouloir manipuler la vérité, on finit toujours par en devenir la première victime.
Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. » https://kadertahri.blogspot.com/
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