Parfois il m'est utile de le dire !

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Reconnaître l’État palestinien : l’impératif d’une justice, l’urgence d’une action

 

Depuis la publication d’une tribune signée par plusieurs intellectuels et artistes exigeant des conditions à la reconnaissance d’un État palestinien, le débat est relancé. Mais ces exigences, souvent sélectives, occultent les réalités concrètes : la colonisation massive en Cisjordanie, le blocus à Gaza, les violations répétées des droits humains. Or, reconnaitre l’État de Palestine, aujourd’hui, n’est pas une concession, mais une exigence de justice et de droit international.

Le contexte international : déjà largement acquise, mais encore conditionnée

Selon les lâchers de sources diplomatiques et les médias internationaux, 146 à 150 pays sur les 193 États membres de l’ONU reconnaissent aujourd’hui l’État de Palestine.  

Il s’agit d’un glissement diplomatique marqué : des États-occidentaux traditionnellement réticents, tels que le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie, ont annoncé en septembre 2025 leur reconnaissance formelle.  Ces reconnaissances s’inscrivent dans la vague de solidarité née des violences à Gaza depuis le 7 octobre 2023.

Cependant, nombreux sont ceux qui conditionnent encore cette reconnaissance. On exige d’abord le cessez-le-feu, des garanties de sécurité pour Israël, une paix négociée… Mais pourquoi ces conditions n’ont-elles pas été imposées à la création de l’État d’Israël ? Le droit à l’autodétermination ne devrait pas être suspendu.

Rapports récents : les accusations de génocide et les violations des droits humains       

Un rapport de la Commission indépendante d’enquête de l’ONU sur les territoires palestiniens occupés, dévoilé en date du 16 septembre 2025, conclut que l’offensive israélienne à Gaza constitue un génocide, en raison des actes commis, des déclarations des responsables israéliens et de l’intention circonstancielle de « détruire, en tout ou en partie, le groupe palestinien ».  

Amnesty International, dans un rapport de décembre 2024, examine les violences en Gaza depuis début octobre 2023, et affirme que les actes israéliens — meurtres, destructions massives, difficultés d’acheminement de l’aide humanitaire — répondent aux critères du crime de génocide au regard de la Convention de 1948.  

Ces constats renforcent l’argument selon lequel la reconnaissance de l’État palestinien ne peut plus être perçue comme un luxe moral ou un outil de négociation, mais comme un droit légitime à préserver et à affirmer.

Pourquoi les conditions imposées sont problématiques

  1. Double standard historique : l’ONU a reconnu Israël sans condition explicite de reddition des comptes, de retour des réfugiés ou de fin de colonisation. Aujourd’hui, on exige des contreparties pour la Palestine, alors qu’elle subit depuis des décennies occupation, colonisation et expropriation de territoires.
  2. Fragilisation du droit international : conditionner la reconnaissance d’un État revient à vider de sens les principes de l’ONU, droit à l’autodétermination, respect des frontières de 1967, protection des civils quand ils ne servent pas des intérêts stratégiques ou politiques.
  3. Risques politiques élevés : maintenir l’indétermination contribue au ressentiment, à la radicalisation, à la perte de confiance dans la diplomatie. Il donne aussi pouvoir aux extrêmes, des deux côtés, de s’arroger l’autorité morale, alors que ce sont les civils qui souffrent.

Ce que la reconnaissance de l’État palestinien pourrait apporter

  • Freiner la colonisation : une reconnaissance officielle affaiblit la légitimité internationale de l’annexion de facto des territoires occupés, et peut imposer des coûts diplomatiques, économiques ou politiques à ceux qui la poursuivent.
  • Protection juridique et diplomatique : elle permet à la Palestine d’avoir davantage d’outils dans les instances internationales cours internationales, tribunaux, traités de droits de l’homme pour faire valoir ses droits.
  • Pression pour un cessez-le-feu immédiat et une aide humanitaire renforcée : les rapports de l’ONU et d’Amnesty exigent un arrêt des hostilités, l’accès sans entrave de l’aide, la fin du blocus, le respect de la vie civile. Reconnaissance + mobilisation internationale = plus de chances de faire pression pour ces mesures.
  • Avancer vers deux États : loin d’être un obstacle, la reconnaissance de Palestine selon les frontières de 1967 est un fondement clé de la solution à deux États, reconnue aussi bien dans les résolutions de l’ONU que dans nombre de propositions diplomatiques.

Réponse aux signataires de la tribune : le ton, les omissions, l’illusion de l’objectivité

La tribune des intellectuels et artistes, dont le titre même demande des « conditions » à la reconnaissance de l’État palestinien, comporte des silences troublants : aucun mot sur les colonies en expansion, sur le blocus imposé depuis des années, sur les centaines de milliers de déplacés internes, sur la destruction des infrastructures civiles.

Ce ton, parfois apaisant en apparence, mais condescendant dans ses propos, finit par cautionner un statu quo inique. En exigeant que tout soit parfait pour reconnaître, les signataires deviennent complices, même passifs, de la souffrance continue. Leur message, au lieu de porter une humanité universelle, risque de diviser : d’un côté celles et ceux qui dénoncent la barbarie ; de l’autre, celles et ceux enfermés dans la peur ou la loyauté à un narratif national.

On peut être ferme contre l’antisémitisme et lucide sur les complicités politiques. On peut condamner le terrorisme y compris celui d’Israél tout en exigeant que la réponse militaire respecte le droit international, protège les civils, et ne justifie jamais l’effacement d’un peuple.

Un cinéaste israélien a évoqué il y a quelques jours une société malade : « Il faut que les Israéliens se voient sous une lumière crue et cruelle » (car il précise que le problème ne se résume pas à Netanyahou, Smotrich et Ben-Gvir). Ce miroir, il faudra aussi le tendre aux vingt signataires de cette tribune. Mais pas pour leur trouver la moindre excuse : tout est sous nos yeux, et l’histoire nous enseigne combien il convient de réagir sans délai face à l’horreur en cours.

Aucun attachement affectif, aucune difficulté intime ne peuvent justifier l’injustifiable. Des Israéliens, certes minoritaires, se montrent parfaitement capables de prendre les positions nécessaires, comme des juifs partout dans le monde qui, bien qu’ayant été profondément secoués par le 7 octobre, n’en demeurent pas moins lucides et critiques. Que penser alors des prises de position de ces « personnalités », qui se tiennent si loin d’un territoire où se déploie une barbarie telle que des enfants eux-mêmes affirment ne plus vouloir vivre, ou évoquent leurs propres funérailles

Appel : reconnaître maintenant, agir sans attendre

À l’heure où le monde compte 151 États sur 193 ayant reconnu la Palestine ou étant sur le point de le faire, il est criminel de continuer à demander des préconditions pour l’indépendance palestinienne.

La France, le Royaume-Uni et plusieurs pays européens doivent assumer leur responsabilité : reconnaître l’État palestinien sans attendre — cela ne règle pas tous les maux, mais c’est un pas concret vers la justice. En même temps, la communauté internationale, y compris l’Union européenne, l’ONU, la Cour internationale de justice, les ONG des droits humains, doit exiger l’arrêt immédiat des opérations militaires illégales, garantir l’accès humanitaire, lever le blocus, démanteler les colonies illégales, et assurer la protection des civils.

Car au fond, la reconnaissance sans rupture réelle avec les dynamiques de violence ne suffit pas : mais sans reconnaissance, il ne peut y avoir de base solide pour la paix. L’État palestinien doit exister en droit, et son existence affirmée, pour sauver non seulement un peuple, mais l’honneur de la conscience collective.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

 

 


Les scribouillards de la honte : complices en plume et en silence

 

Un pamphlet acide contre une poignée de célébrités françaises qui se parent de vertu en exigeant la libération de 49 otages israéliens tout en fermant les yeux sur le martyre d’1,5 million de Palestiniens. Ces « scribouillards » ne sont pas des consciences, mais des complices : sophiste de plateau, cabotin de la mémoire, animateur-moraliste, caricaturiste amnésique et acteur intermittent de l’indignation. Leur lettre n’est pas un appel à la paix : c’est un permis de massacrer, une hiérarchisation obscène des vies, une signature au bas de l’infamie.

Honte. Hypocrisie. Complicité. Voilà les seuls mots qui conviennent pour qualifier ceux qui, du haut de leur confort parisien, osent exiger du Président de la République qu’il refuse la reconnaissance de l’État palestinien au nom… des 49 otages israéliens encore détenus. 49 vies, brandies comme un étendard sacré, alors que plus d’1,5 million de Palestiniens sont promis à la famine, aux bombes, à la mort lente dans un camp de concentration nommé cyniquement “ville humanitaire”.

Ils crient « otages ! » comme on sonne le tocsin dans un village qui n’est pas le leur. Ils brandissent 49 noms comme on agite un drapeau de vertu, puis retournent dans leurs salons chauffés pour commenter l’horreur à la lueur d’un cocktail. BHL, Enthoven, Attal, Gainsbourg, Torreton, Arthur et la bande des autographes — ces petits comptables de la conscience signent, tapotent, se rassurent : leur indignation a l’éclat poli d’un bibelot.

Ce ne sont pas des intellectuels : ce sont des marionnettistes du sentiment. Leurs plumes ne sont que plumeaux pour parer la poussière morale qu’ils sèment. Ils nous vendent l’indignation comme on vend une montre en toc : empaquetée, garantie dix-huit mois, remboursable à l’éternité. Leur lettre n’est pas un appel, c’est une opération marketing de l’émotion.

Ils parlent “d’otages israéliens”. Mais se taisent sur les milliers d’otages palestiniens, y compris des enfants de 12 ans jugés par des tribunaux militaires, torturés dans les geôles israéliennes. Le mot est juste : otages. Car Israël échange ces vies arrachées à leurs familles comme on échange des jetons, dans une obscénité qui ne choque jamais ces grandes consciences de salon.

Et pendant que ces intellectuels en carton-mâché brandissent la “carte Hamas” pour faire taire toute critique, que disent les dirigeants israéliens eux-mêmes ?

Smotrich l’a avoué : “ramener les otages n’est pas le but le plus important.”

Herzog l’a reconnu : la libération des otages n’est plus une priorité.

Des colons jubilent : mieux vaut écraser Gaza que sauver des vies israéliennes.

Voilà la vérité nue : les otages ne sont qu’un prétexte, un outil de propagande pour justifier l’injustifiable, le génocide en cours.

Car oui, parlons de génocide. Les chiffres ne mentent pas : 200 000 morts à Gaza, 640 000 déplacés, 85 000 tonnes de bombes larguées sur 360 km², 90 % des infrastructures détruites, 70 % des terres agricoles rasées. Famine planifiée, humanitaires abattus, journalistes assassinés. Netanyahou sous mandat d’arrêt de la CPI. L’ONU parle de génocide. Mais pour nos belles âmes, il faudrait détourner le regard, et s’indigner seulement quand Israël pleure ses morts.

Regardons-les à la loupe : grands prêtres de la nuance sélective, spécialistes du tri des victimes. Ils classent les vies comme on classe des œuvres d’art : à l’abri, sous verre, selon l’étiquette du bon goût. 49 vies sont précieuses — elles pèsent lourd dans leurs discours, parce qu’elles leur donnent une excuse en or pour fermer les yeux sur un million et demi d’êtres humains qui crèvent à côté. C’est la comptabilité sacrée : une larme de célébrité vaut plus qu’un océan de sang anonyme.

Ils ont cru signer une lettre. En réalité, ils ont signé leur portrait. Un autoportrait collectif de lâcheté, de tartufferie et de compromission. La plume trempée dans l’eau bénite de l’hypocrisie, ils jouent les prophètes de la morale alors qu’ils ne sont que les secrétaires d’un massacre.

Enthoven, le sophiste en smoking

Raphaël Enthoven n’enseigne pas la philosophie : il la maquille. Ses phrases roulent comme des perles de plastique : brillantes de loin, mais creuses à l’intérieur. Lorsqu’il proclame qu’à Gaza « il n’y a pas de journalistes », il ne fait pas une analyse : il décerne une autorisation de tir. Enthoven est Socrate sous somnifère, un bateleur qui vend des aphorismes comme d’autres vendent des rasoirs jetables. Son indignation est calibrée pour le plateau télé, son intelligence s’évapore dès qu’elle croise un cadavre palestinien. Philosophe ? Non. Porte-voix officiel du mensonge en col blanc.

Yvan Attal, le cabotin de la mémoire

Yvan Attal confond la tragédie avec son journal de bord. Lorsqu’il déclare que les Palestiniens « jalousent la Shoah », il ne fait pas une analyse historique : il signe un délire d’acteur en mal de rôle. Attal croit que la souffrance est un script, que les morts sont des figurants et que le martyre se distribue comme des premiers rôles. Sa vision du monde est un casting permanent : Israël en héros, Palestine en usurpateur. Mais la réalité n’est pas un plateau de cinéma : c’est un champ de ruines où ses métaphores odieuses deviennent des insultes à la mémoire qu’il prétend protéger.

Arthur, le télévangéliste du divertissement

Arthur, marchand de divertissement recyclé en moraliste discount. Lui qui a passé sa vie à distribuer des valises pleines de billets sur des plateaux croit désormais distribuer les brevets d’humanité. Il trie les victimes comme il trie ses candidats : un bouton, un buzzer, éliminé. Ses indignations ressemblent à ses émissions : artificielles, bruyantes, spectaculaires, mais sans profondeur. Arthur ne signe pas pour défendre des vies : il signe pour acheter une image, se draper dans une cause comme on s’offre une Rolex. Son humanisme n’a pas de cœur : seulement un chrono et des lumières de studio.

Joann Sfar, le caricaturiste de l’amnésie

Joann Sfar manie le trait mais gomme les cadavres. Il dessine des caricatures mais efface systématiquement les ruines de Gaza de son album de conscience. Il sait griffer quand il s’agit de flatter l’opinion dominante, mais son crayon tremble quand il s’agit de croquer la réalité d’un peuple écrasé sous les bombes. Sa liberté d’expression est une cage dorée : il s’y enferme en tournant en rond, répétant toujours la même image. Sfar a du talent, oui ; mais il l’a bradé pour devenir l’illustrateur officiel du silence complice.


Philippe Torreton, l’indigné intermittent

Philippe Torreton aime l’indignation comme d’autres aiment la scène : à la lumière, devant un public, quand l’applaudimètre promet des ovations. Mais hors projecteurs, il se tait. Sa colère est un rôle, son engagement une mise en scène. Quand il fallait dénoncer les procès militaires d’enfants palestiniens, silence. Quand il fallait pointer les bombes sur les hôpitaux, mutisme. Torreton pratique l’indignation sélective : intermittente comme ses cachets. Il est moins un acteur qu’un figurant de la bonne conscience collective.

Voilà donc la troupe : un sophiste de plateau, un acteur en transe mémorielle, un animateur reconverti en télévangéliste, un dessinateur qui gomme les morts et un comédien qui répète son indignation comme une tirade éculée.

Leur hypocrisie a l’éclat d’un néon publicitaire. Ils dénoncent « l’inhumanité » quand elle frappe un voisin qui leur plaît, mais ferment la bouche quand elle frappe ceux qui n’ont pas le bon accent. Ils hurlent à l’antisémitisme comme on agite un drapeau pour masquer la vacuité de leur argument. Mais quand il s’agit des prisons où sont jetés des enfants palestiniens, ou des convois humanitaires arrêtés en mer, leurs plumes prennent la pose muette du photographe mondain. Ils oublient commodément que le silence a un prix — et que ce prix, aujourd’hui, s’appelle mort.

Qu’on appelle un chat un chat : leur lettre est la traduction moderne du renard qui surveille le poulailler en se présentant comme protecteur. Elle légitime non pas la paix, mais la perpétuation d’une stratégie meurtrière. Ils répètent les slogans de la rhétorique d’État sans un roman ni un soupçon de scepticisme. Ils prennent pour parole d’Évangile les déclarations officielles, et traitent toute contradiction comme une hérésie. Leur grille de lecture est simple : si ça vient d’un ministre pro-colonial, alors c’est vérité ; si ça vient d’un Palestinien qui meurt de faim, alors c’est propagande.

Leur vocabulaire est une arnaque lexicale : « prisonniers » pour désigner les enfants arrachés à leur famille, « opérations ciblées » pour dire « tueries de civils », « trêve rompue » pour masquer la mainmise sur l’aide humanitaire. Ils politisent les mots pour blanchir les actes. Le langage devient leur complice. Et quand on met des mots sur le crime, ces scribouilleurs trouvent toujours un alibi rhétorique : « complexité », « nuance », « situation tragique des deux côtés ». Mais il arrive un moment où les deux côtés n’existent plus : il n’y a que l’un qui tue à grande échelle, et l’autre qui s’effondre.

Leur posture est indécente ; leur morale, une monnaie de singe. Ils pratiquent la théologie de l’exception : une victime acceptable, une victime désirable, et puis toutes les autres, celles qui gênent, celles qui dérangent, invisibilités. Ils élèvent la hiérarchie des souffrances en art de gouverner l’émotion publique.

Le terrorisme, ils l’imputent aux Palestiniens. Mais relisons la définition européenne : destructions massives, coupures d’eau, de nourriture, bombardements de civils, usage de la famine comme arme. Qui coche toutes les cases ? Israël. Un État terroriste, colonial, suprémaciste, rêvant d’un “Grand Israël” bâti sur les ruines de Gaza

À ces signataires, la population de Gaza n’a pas d’argument poli à offrir : mais des vérités tranchantes dans sa réponse :

Vous avez choisi le camp de la commode moralité. Vous avez troqué la pitié contre la posture. Vous avez fait de l’indignation un label de marque. Vous êtes devenus, sans l’avouer, les notaires d’un silence complice. Alors non, messieurs-dames les signataires. Votre lettre n’est pas un appel à la paix, mais un crachat sur les tombes palestiniennes. Vous hiérarchisez les vies, vous légitimez le massacre, vous transformez la lutte contre l’antisémitisme en arme de censure. Vous êtes les scribes de l’injustice, les relais d’un pouvoir criminel

Et pour finir, une prophétie qui n’en est pas une : l’Histoire ne retiendra pas votre élégance mondaine. Elle retiendra vos signatures, vos choix et vos silences. Les registres se remplissent, et la mémoire, elle, n’oublie pas les renoncements déguisés en sagesse. Quand les peuples reliront ces pages, vos noms ne brilleront pas ; ils tachent. Vous aurez voulu être du côté du monde accepté — vous serez du côté de la honte.

Ils ne signent pas une lettre : ils apposent leur sceau sur un permis de massacrer. Ils n’écrivent pas un texte : ils sculptent leur complicité dans le marbre de l’Histoire. Leur indignation ne vaut rien, parce qu’elle s’arrête là où commence le sang des autres. Qu’ils se rassurent : l’avenir retiendra leurs noms. Mais non pas comme des consciences éclairées. Comme des figurants de la honte, des porte-voix du silence, des notaires de l’inhumanité.

Et l’Histoire, bientôt, vous classera là où vous méritez : du côté de la honte.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

 

 


France en déclin, Algérie en ascension : enjeux de souveraineté et géopolitique

 

Alors que la France sombre dans ses rancunes et ses fractures internes, l’Algérie avance souveraine, forte de ses alliances stratégiques et de sa mémoire assumée. Deux trajectoires se croisent : celle d’une puissance en déclin et celle d’un pays en pleine ascension

La France à la dérive

Les récentes législatives françaises ont confirmé ce que beaucoup pressentaient : la France bascule vers l’extrême droite. Ce n’est pas un simple accident électoral mais la conséquence d’années de dérives, de promesses trahies et d’élites déconnectées. Le pays, miné par ses fractures sociales et ses nostalgies coloniales, cherche des boucs émissaires plutôt que des solutions.

« La France ressemble à un navire à la dérive, mené par des élites corrompues et incapables de réformer. »

Héritages coloniaux et chaos institutionnel

Ce courant, qu’on nomme « extrême droite » ou « droite nationale », s’ancre dans un passé jamais assumé : celui des conquêtes coloniales, des crimes et des violences passés sous silence. Aujourd’hui, il absorbe la droite dite « modérée » et redessine l’échiquier politique autour de la peur. Le chaos institutionnel en est le reflet : un président affaibli, des gouvernants inaudibles, une cacophonie érigée en mode de gestion.

L’obsession persistante : l’Algérie

Et comme souvent dans son histoire récente, l’obsession se tourne vers l’Algérie. Dans les discours politiques et médiatiques, la haine de l’Algérie indépendante ressurgit, preuve que le lien colonial n’a jamais été digéré. Or ce ressentiment n’est pas dirigé contre Alger mais bien contre l’image que l’Algérie renvoie : celle d’un pays qui a su briser ses chaînes et refuser toute tutelle.

L’Algérie assume son destin

Car pendant que la France s’enlise, l’Algérie avance. Elle assume son rôle de pays-continent, riche de ressources immenses et portée par une volonté de souveraineté irréversible. Ses enfants, héritiers des luttes de libération, poursuivent la trajectoire tracée par leurs aînés : celle de l’indépendance et de la dignité.

« L’Algérie ne regarde plus son passé en victime : elle le transforme en tremplin pour l’avenir. »

Sur la scène internationale, l’Algérie renforce ses partenariats avec les grandes puissances — Chine, Russie, États-Unis, Iran, Corée — et consolide des alliances stratégiques, notamment avec l’Italie, dans la continuité de la solidarité née à l’époque d’Enrico Mattei.

Les combats d’arrière-garde

Dans ce contexte bouillonnant de refondation de l’ordre mondial et de redistribution des rapports de force, certains mènent des combats d’arrière-garde. Ce sont les perdants, les absents du nouvel équilibre international, qui tentent dans l’ombre de freiner ce qui leur échappe désormais.

Leur arme n’est plus la vision, mais la rancune ; non plus la stratégie, mais l’ingérence. C’est ainsi que ressurgissent les haines les plus féroces, traduites par des tentatives grotesques de remettre en cause le partenariat stratégique entre l’Algérie et l’Italie.

« Là où l’Algérie construit des ponts, certains préfèrent ressusciter les fantômes d’Aussaresses ou de Papon. »

Un partenariat solide, fondé sur une histoire commune de solidarité et de lutte, dont les racines remontent à la guerre de libération nationale. À cette époque, Enrico Mattei incarnait le choix courageux de l’amitié avec les indépendantistes algériens, à rebours des logiques impérialistes.

Une vision tournée vers l’avenir

Cette diplomatie active n’est pas une posture : elle reflète une vision. L’Algérie mise sur la prospérité économique par une gestion intelligente de ses ressources, sur la montée en puissance de son armée, sur des relations de bon voisinage et sur une solidarité régionale affirmée. Elle n’entend pas céder aux pressions ni servir de champ de défoulement à une France en crise.

Le rappel nécessaire

Chaque pays est libre de ses choix et de ses alliances. Le droit international impose le respect mutuel. L’Algérie ne saurait devenir l’exutoire des échecs d’un Hexagone fragilisé. Si la France sombre, ce n’est pas à cause de l’Algérie mais à cause de ses propres élites, qui ont conduit le navire vers l’iceberg tout en pérorant sur le pont.

Deux destins qui se croisent

Nous vivons un moment charnière : le monde se recompose, les rapports de force s’inversent, de nouveaux équilibres émergent. Dans ce contexte, l’Algérie se dresse comme un acteur souverain, fidèle à ses valeurs et confiant dans son avenir. La France, elle, s’accroche à ses rancunes et se débat avec ses naufrages annoncés.

Il existe des dangers plus redoutables que les icebergs : ce sont ces récifs solides et indestructibles, ceux de ce pays qui est le mien. Car l’iceberg, malgré son gigantisme apparent, finit toujours par fondre et disparaître, emporté par le temps et les courants. Les récifs, eux, demeurent. Ils résistent aux tempêtes, aux marées, aux assauts répétés des flots. Ils incarnent la permanence, la continuité, la force tranquille d’un territoire enraciné dans l’histoire.

L’Algérie est ce récif. Elle a résisté aux invasions, aux colonisations, aux guerres d’anéantissement. Elle a encaissé les coups les plus violents, mais elle a toujours relevé la tête. Contrairement aux menaces passagères, elle ne se dissout pas : elle se consolide. Chaque épreuve, chaque tentative d’ingérence n’a fait que renforcer son socle, comme les récifs que les vagues polissent mais ne détruisent jamais.

Voilà la différence fondamentale : là où d’autres pays vacillent sous le poids de leurs contradictions internes, l’Algérie puise dans son histoire et sa souveraineté une stabilité indéracinable. Les élites corrompues, les manœuvres extérieures, les campagnes de déstabilisation peuvent surgir comme autant d’icebergs spectaculaires. Mais face à eux se dresse un peuple, une mémoire, une terre qui sont de l’ordre du récif. Et c’est cela qui constitue la véritable garantie d’avenir.

L’Algérie est un récif : ce plat pays qui est le mien, reste indestructible, qui ne pliera pas devant les rancunes d’une France à la dérive ni devant les illusions d’un ordre déjà dépassé.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

 

 

 

 

 

Le génocide de Gaza : un crime qu’on refuse de nommer

 

Il y a des vérités qui ne devraient souffrir aucune hésitation. Le génocide est l’une d’elles. À Gaza, ce mot n’est pas un abus de langage, ni une « opinion extrême » à débattre dans les studios feutrés des chaînes d’info. C’est un fait documenté, confirmé, répété par les institutions internationales, les juristes spécialisés, les ONG de terrain, et même des organisations israéliennes.

Et pourtant, dans un monde saturé d’images, de rapports, de témoignages, on continue à faire semblant qu’il existerait un doute. On continue à présenter ce crime absolu comme une hypothèse contestée, une simple vision parmi d’autres. Ce mensonge méthodique, entretenu par les gouvernements complices et amplifié par une partie des médias, constitue déjà une forme de participation au génocide : la participation par le silence, par le relativisme, par la dilution de l’évidence.

Ce qui se passe à Gaza n’est pas un « sujet à débat », encore moins une « divergence de points de vue ». C’est un génocide. Le terme n’est pas une exagération militante, mais la conclusion d’enquêtes et d’analyses menées par des instances internationales, des juristes, des ONG, et même des organisations israéliennes de défense des droits humains.

La Commission d’enquête indépendante des Nations unies, l’Association internationale des spécialistes du génocide, Médecins sans frontières, Amnesty International, Human Rights Watch, et bien d’autres ont employé ce mot avec toute la gravité qu’il implique. Aucune institution équivalente n’est venue démontrer le contraire. Le constat est clair, et il est partagé.

Un consensus écrasant, mais ignoré

Les preuves s’accumulent. La Commission d’enquête des Nations unies parle de génocide. L’Association internationale des spécialistes du génocide aussi. Human Rights Watch, Amnesty International, Médecins sans frontières, la Fédération internationale des droits de l’homme, l’Institut Lemkin – tous emploient le même mot. Même Médecins pour les droits de l’homme-Israël, organisation née au cœur de la société israélienne, l’affirme.

Face à ces accusations, Israël ne répond pas par des faits, mais par des slogans : «Hamas»,    « antisémite ». Toute critique, toute enquête, toute voix discordante se voit systématiquement réduite à une conspiration hostile. Cette rhétorique est devenue un écran de fumée, un réflexe destiné à délégitimer plutôt qu’à discuter.

Mais qualifier l’ONU, Amnesty ou Médecins sans frontières de simples « relais du Hamas » n’est pas seulement absurde : c’est dangereux. Cela empêche de nommer la réalité, et cela réduit au silence ceux qui cherchent à l’arrêter.

Face à ce consensus, qu’oppose-t-on ? Le vide. Le déni. Le soupçon systématique d’« antisémitisme ». Comme si l’ONU, Amnesty ou MSF n’étaient soudain plus que des marionnettes du Hamas. Comme si les ONG qui dénoncent les massacres étaient guidées par une haine millénaire, et non par une éthique universelle. C’est cela, l’arme favorite de l’État israélien : disqualifier au lieu de répondre, salir au lieu de débattre.

Le vieux truc rhétorique : tout critique est « antisémite »

Ce procédé est usé, mais efficace. Chaque fois que les bombes réduisent des quartiers entiers en poussière, chaque fois que les hôpitaux sont bombardés, chaque fois que les enfants sont ensevelis sous les décombres, la machine de communication israélienne s’enclenche. Elle ne conteste pas les faits – trop visibles, trop sanglants – elle accuse les témoins.

Tout devient Hamas. Tout devient antisémitisme. L’ONU ? Hamas. Amnesty ? Hamas. Les médecins de Gaza ? Hamas. Les militants juifs antisionistes ? Antisémites contre eux-mêmes. Cette absurdité systématique vise un seul objectif : saturer le débat jusqu’à l’asphyxie, décourager toute dénonciation, transformer l’accusation de génocide en simple propagande ennemie.

Mais ce stratagème ne peut plus masquer la réalité. Un génocide n’est pas moins un génocide parce qu’il est dénoncé par ceux qu’on insulte. Les faits ne disparaissent pas parce qu’on les qualifie de « complot ».

Quand la neutralité tue

Le problème ne réside pas seulement dans la propagande israélienne. Il réside aussi dans la manière dont une partie des médias occidentaux choisit de traiter la question. En plaçant sur le même plan les faits documentés et leur négation politique, ils transforment la vérité en simple hypothèse.

Un journaliste n’a pas pour mission de répéter « un camp dit qu’il pleut, l’autre dit qu’il fait beau ». Son rôle est de regarder par la fenêtre. Or, la fenêtre est grande ouverte : Gaza est le théâtre d’un génocide, et le nier aujourd’hui revient à cautionner sa poursuite.

Les médias occidentaux portent une part immense de responsabilité. Obsédés par l’équilibre des points de vue, ils transforment la vérité en hypothèse. Ils mettent sur le même plan les preuves du crime et son déni intéressé. Ils traitent le génocide comme une controverse intellectuelle, pas comme une tragédie en cours.

Mais qu’est-ce que cette neutralité, sinon une complicité masquée ? Un journaliste n’est pas un perroquet qui répète « un camp dit qu’il pleut, l’autre dit qu’il fait beau ». Sa responsabilité est de regarder par la fenêtre. Et que voit-on par la fenêtre de Gaza ? Des immeubles rasés. Des cadavres d’enfants. Des hôpitaux réduits en cendres. Des familles affamées sous blocus. Un peuple entier écrasé dans l’indifférence.

Le génocide comme déni universel

Ne nous y trompons pas : le cas de Gaza n’est pas isolé. Tous les génocides de l’histoire ont été niés au moment où ils se déroulaient. Les Arméniens ont été massacrés pendant que l’Empire ottoman parlait de « trahison ». Les Juifs d’Europe exterminés tandis que les nazis dénonçaient une « propagande alliée ». Les Tutsis du Rwanda massacrés pendant que la communauté internationale cherchait à éviter le mot « génocide », pour ne pas avoir à intervenir.

Aujourd’hui, Gaza. Même scénario, mêmes euphémismes. On parle de « guerre », de « riposte », de « dommages collatéraux », alors que la réalité crie un autre mot : génocide. Ceux qui refusent de l’employer rejouent, consciemment ou non, la vieille partition du déni.


Nommer pour résister

Nommer le génocide n’est pas une question de sémantique. C’est un acte de résistance. Car tant qu’on tait le mot, on autorise le crime à se poursuivre. Tant qu’on relativise, on permet à la machine de mort de tourner. Tant qu’on cherche des « deux versions », on donne au bourreau le luxe de l’ambiguïté.

Le génocide de Gaza n’est pas un débat théorique. C’est une tragédie en cours, documentée par les institutions les plus compétentes. Refuser de l’appeler par son nom, c’est choisir la posture confortable de l’équilibre apparent, mais c’est en réalité s’installer du côté du crime.

Notre responsabilité collective est claire : ne pas relativiser l’évidence, refuser la neutralité perverse, et nommer ce qui est en train de se dérouler. Car ne pas le dire, c’est déjà y participer.

Gaza n’est pas une controverse, c’est une plaie ouverte. Refuser de la nommer, c’est déjà l’infecter davantage. Et c’est pourquoi il faut le dire, encore et encore, face au cynisme des puissants et à la lâcheté des médias : ce qui se passe est un génocide.

Un appel universel

Ce combat dépasse Gaza. Refuser un génocide, c’est refuser tous les génocides. C’est affirmer qu’aucune cause, aucune idéologie, aucune religion, aucun État ne peut se justifier par l’anéantissement d’un peuple. C’est affirmer que le droit à l’existence est sacré, universel, indivisible.

Aujourd’hui, c’est Gaza. Demain, ce pourrait être ailleurs. La seule arme que nous avons, avant l’action politique, c’est la parole claire. Et cette parole dit ceci : le génocide de Gaza n’est pas une opinion, mais une réalité. Ceux qui le nient ne sont pas des contradicteurs, ce sont des complices.

Le génocide de Gaza ne devrait pas être différent. Comme le dit le vieil adage, si un camp affirme qu’il pleut et l’autre qu’il ne pleut pas, votre rôle n’est pas de citer les deux camps, mais de regarder par la fenêtre. La fenêtre est là, médias occidentaux. Et c’est un génocide qui déferle. On ne débat pas d’un génocide, on l’arrête.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »



 


Gaza : la presse occidentale pour une banalisation des crimes d’Israël


 

Dans un article récemment publié dan un canard de causette israélite, l’auteur prétend analyser la guerre en cours à Gaza et les choix du gouvernement israélien. En réalité, ce texte construit une justification de l’offensive militaire en recourant à deux procédés principaux : relativiser les souffrances des civils et discréditer par avance toute critique qui utiliserait les termes de « crimes de guerre » ou de « génocide ». L’article met en avant la responsabilité du Hamas, les dilemmes liés aux otages, les difficultés du combat urbain, et en conclut que dénoncer Israël serait une « perversion du langage » ou une obsession idéologique.

Une telle rhétorique n’est pas nouvelle : elle consiste à présenter des faits gravissimes comme une nécessité militaire inévitable, tout en délégitimant ceux qui invoquent le droit international. Pourtant, face aux centaines de milliers de civils déplacés, aux infrastructures vitales détruites, aux blocus alimentaires et médicaux imposés, il est urgent de rappeler que ce sont précisément ces situations que le droit humanitaire a été conçu pour réguler.

La définition juridique du génocide et ses éléments constitutifs

L’auteur ridiculise l’usage du mot « génocide » appliqué à Gaza, le présentant comme un abus rhétorique. Mais le terme n’est pas un slogan : c’est une qualification juridique inscrite dans la Convention de 1948, qui définit le génocide comme « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », par des actes comme le meurtre de membres du groupe, l’atteinte grave à leur intégrité physique ou mentale, la soumission délibérée à des conditions de vie devant entraîner sa destruction, ou la restriction des naissances.

C’est précisément cette définition qu’examinent aujourd’hui des instances judiciaires : la Cour internationale de Justice (CIJ) est saisie d’une plainte portée par l’Afrique du Sud contre Israël. Le 26 janvier 2024, la CIJ a ordonné à Israël de « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir tout acte pouvant relever du génocide » et de faciliter l’entrée de l’aide humanitaire. Ces mesures provisoires, juridiquement contraignantes, montrent qu’il ne s’agit pas d’une polémique idéologique, mais d’une question légale sérieuse au cœur du système international.

Responsabilité initiale du Hamas ≠ impunité pour Israël

L’article insiste sur la culpabilité du Hamas : attaques du 7 octobre, otages, stratégie de bouclier humain. Ces réalités sont incontestables et doivent être condamnées. Mais le droit international distingue clairement deux niveaux :

  • la cause d’un conflit (une agression, un attentat, une occupation) ;
  • les moyens utilisés par les belligérants une fois la guerre déclenchée.

Même agressé, un État reste tenu par les Conventions de Genève, qui prohibent notamment les frappes indiscriminées contre les civils, les punitions collectives, et le recours à la famine comme arme de guerre. L’idée que « tout est permis » parce que l’ennemi est criminel est exactement ce que le droit humanitaire a voulu empêcher après la Seconde Guerre mondiale.

En rejetant la responsabilité sur le Hamas, l’article ferme les yeux sur l’obligation légale d’Israël de protéger les civils de Gaza, qui restent sous son contrôle effectif, même si le territoire est administré par un autre acteur.

Des comparaisons historiques biaisées

Pour banaliser la situation, l’auteur compare Gaza à Sarajevo, Grozny, Mossoul ou Fallouja, en soulignant qu’on n’y a pas parlé de génocide. L’argument est doublement fallacieux.

D’abord, le fait que certains crimes passés n’aient pas reçu la qualification adéquate ne peut justifier l’inaction présente. Au contraire, l’échec à protéger Srebrenica en 1995 a précisément conduit à renforcer les mécanismes internationaux de prévention.

Ensuite, Gaza se distingue par plusieurs éléments spécifiques : une densité démographique extrême (plus de 20 000 habitants/km² dans certaines zones), un blocus terrestre, maritime et aérien qui empêche les civils de fuir librement, et la destruction systématique d’infrastructures vitales (hôpitaux, réseaux d’eau, écoles, centrales électriques). Ces conditions créent un risque accru d’anéantissement partiel d’un peuple, même sans massacres immédiats comparables à Srebrenica.

Les mots des dirigeants comme indices d’intention

L’auteur tourne en dérision les propos de responsables israéliens qui ont parlé de « combattre des animaux humains ». Selon lui, il s’agirait d’une simple insulte idiomatique. Mais en droit pénal international, les déclarations publiques comptent. Elles ne suffisent pas à elles seules, mais elles contribuent à établir un contexte d’intention, surtout lorsqu’elles accompagnent des politiques concrètes (blocus total, privation de nourriture et d’eau, bombardements massifs de zones densément peuplées).

Les tribunaux internationaux ont toujours pris en compte les discours de déshumanisation — qu’il s’agisse de la propagande au Rwanda en 1994 ou de la rhétorique serbe en Bosnie. Ignorer ces paroles comme de simples « colères » revient à nier leur fonction dans la préparation et la justification de violences extrêmes.

L’omission volontaire de la justice internationale

Le silence de l’article sur les procédures en cours est frappant. La Cour internationale de Justice, organe judiciaire principal de l’ONU, a imposé des obligations précises à Israël. Le procureur de la Cour pénale internationale enquête également sur les crimes commis en Palestine depuis 2014, y compris durant l’offensive actuelle. Ces démarches judiciaires ne sont pas accessoires : elles incarnent la réponse juridique universelle aux crimes les plus graves.

En ne les mentionnant pas, l’article prive le lecteur d’informations essentielles et présente la controverse comme une simple bataille médiatique entre « partisans » et « adversaires » d’Israël.

 

 

Les souffrances civiles reléguées au second plan

Enfin, l’article réduit la tragédie de Gaza à un dommage collatéral regrettable mais inévitable. Or les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les agences humanitaires de l’ONU, des dizaines de milliers de Palestiniens ont été tués, dont une majorité de femmes et d’enfants. Des centaines de milliers ont été déplacés, souvent à plusieurs reprises, dans une enclave fermée. La destruction des hôpitaux, l’entrave à l’acheminement de nourriture et d’eau, et l’effondrement du système sanitaire créent un risque massif de famine et d’épidémies. Ces réalités ne peuvent être balayées d’un revers de plume par des références abstraites aux « règles de la guerre de siège ».

Conclusion : pour une presse responsable

Qualifier juridiquement les crimes en cours à Gaza ne relève ni de l’obsession ni de la diabolisation : c’est une exigence de justice et de vérité cela n’exonère en rien Israël de ses propres responsabilités. Réduire la critique à une haine anti-israélienne ou à un abus de langage revient à fermer les yeux sur les souffrances massives d’une population civile assiégée. La presse, au lieu de participer à cette banalisation, devrait au contraire rappeler que nul État n’est au-dessus du droit, et que la protection des innocents doit rester le principe premier.

Qualifier les crimes commis à Gaza n’est pas une question d’idéologie, mais de droit et de dignité humaine et à ceci Israël n’est pas au-dessus des lois. En assimilant la critique à de la « diabolisation », l’article contribue à banaliser des souffrances immenses et à préparer l’impunité. Quand on dirige un canard, on n’a pas le droit de se tromper de la sorte, et de tromper son lectorat. Ou alors on est malhonnête. On en revient toujours au même choix : médiocrité ou malhonnêteté.

Le rôle de la presse devrait être inverse : rappeler que le droit humanitaire protège universellement, exiger des comptes à tous les acteurs, et donner une voix aux victimes civiles plutôt que de justifier par avance leur sacrifice. Refuser de nommer les crimes, c’est participer à leur perpétuation.

Ma grand-mère a survécu à la Nakba, vais-je survivre à celle-ci ?

 

Dans la pénombre de sa chambre détruite, la voix de ma grand-mère résonne encore à mes oreilles. Elle me rappelle que je dois survivre, pour raconter notre histoire comme elle l'a fait.

Je survis pour ma grand-mère.

Ma grand-mère, Mansoura — ce qui signifie « victorieuse » en arabe — a été forcée de quitter sa maison pendant la Nakba en 1948. Elle croyait qu'elle rentrerait bientôt. Ma grand-mère n'a jamais pu revenir. Moi, sa plus jeune petite-fille, j'ai été contrainte de quitter la maison il y a vingt et un mois, en pensant que je rentrerais bientôt. Ce « bientôt » a pris quinze mois. D'une certaine façon, je suis peut-être plus chanceuse que ma grand-mère : je suis de retour dans ce qu'il reste de chez moi.

« Un matin, je me suis réveillée au son ininterrompu des bombardements », m'a-t-elle dit d'une voix faible. Elle n'était qu'une fillette de 11 ans en 1948. Soignée et brillante, elle excellait à l'école. « J'étais la meilleure à l'école, et c'est mon père qui m'aimait le plus. Il était dans le bâtiment, et je l'aidais toujours quand il travaillait. J'étais son unique enfant et sa préférée. »

Par un matin d'été sombre et morose, ma grand-mère s'est réveillée dans une ambiance chaotique. La nouvelle que des soldats israéliens atteignaient les villages alentours, les détruisaient et tuaient des gens s'était répandue. Voyant cela, son père décida à la hâte de quitter le village, comme tous les autres habitants. Ainsi avait commencé notre course pour la survie.

Al-Muharraqa est la ville d'origine de ma grand-mère et la mienne. Elle n'est qu'à 14 km de Gaza, mais nous n'avons pas le droit d'y aller.

Ce jour terrible de 1948, les rues d'Al-Muharraqa étaient pleines de gens courant dans tous les sens, sans destination claire, à la recherche de la survie. Ma grand-mère s'en souvenait : « Mon père avait un âne, et il m'a fait monter dessus pour quitter le village. » Ils pensaient partir pour quelques jours, le temps que cessent les attaques israéliennes — mais les attaques ne se sont jamais arrêtées. Ils ont fui d'abord sans direction précise, puis vers Al-Nuseirat, au centre de Gaza, où une famille qu'ils connaissaient les a accueillis dans leur cour. La première nuit, dit-elle, « nous dormions sous une bâche en nylon, à même la terre, mais l'intensité des bombardements nous a forcés à entrer dans la maison de nos hôtes, laissant derrière nous l'âne de mon père et le cheval de mon oncle ».

Les chevaux comptent énormément pour les Palestiniens. Ce cheval appartenait au cousin de ma grand-mère, tué par les forces israéliennes parce qu'il avait refusé de quitter le village. « Quelques heures à peine après avoir laissé les animaux dans la cour, une frappe israélienne a touché l'endroit. L'âne a été tué et le cheval grièvement blessé », m'a-t-elle raconté, les yeux pleins de larmes. Aucun vétérinaire ne put sauver le cheval. Il est mort quelques jours plus tard.

Quand ils ont compris qu'ils ne retourneraient jamais à Al-Muharraqa, une nouvelle vie à Gaza a semblé commencer pour ma toute jeune grand-mère et sa famille. Elle s'est mariée et a élevé ses cinq enfants, dont mon père.

Le 7 mars 2023, je me suis réveillée, je me suis préparée pour aller au travail, je suis passée dans la chambre de ma grand-mère pour lui dire au revoir, sans me douter que ce serait notre dernier adieu.

Je n'aurais jamais pensé que je remercierais un jour le ciel de la savoir morte. Je lui suis reconnaissante qu'elle soit partie avant d'être forcée de revivre la Nakba et d'abandonner sa maison.

Survivre

À peine sept mois après sa disparition, le 7 octobre 2023, nos vies se sont arrêtées. Ce jour-là, la Nakba a recommencé à Gaza. Les rues étaient pleines de gens qui marchaient sans savoir où aller. Tous les bâtiments s'effondraient sous leurs yeux, et il n'y avait aucun refuge passablement sûr.

« Évacuez vers des zones sûres au sud. » : les forces israéliennes étaient arrivées jusqu'à notre maison. Où pouvions-nous aller ? Nous n'avions d'autre choix, si nous voulions survivre, que de partir à Rafah

Ma première perte après ma grand-mère a été mon chat. Avec le vacarme des bombardements autour de nous, je n'ai pas eu la possibilité d'emmener mon chat, Basbous. J'ai ainsi perdu un autre morceau de ma vie.

Le manque de nourriture et d'eau, le manque de tout ce qui nous faisait vivre : voilà ce qu'est devenue notre nouvelle vie à Rafah. Presque 500 personnes vivaient à l'étage où ma famille et moi nous nous sommes installés. Faute d'intimité et d'articles d'hygiène, j'ai attrapé la varicelle, transmise par d'autres enfants. Je pensais que la souffrance s'arrêterait là. Ce ne fut pas le cas. Nous avons été obligés d'évacuer à nouveau, vers Khan Younès.

Pour la première fois de ma vie, j'ai voyagé sur un âne en allant vers Al-Mawasi, à Khan Younès. Le pire, c'est qu'en arrivant, notre tente n'était pas encore montée et qu'il n'y avait pas de quoi répondre aux besoins humains de base, comme des toilettes.

Nous y avons passé neuf mois, sous une bâche en nylon qui ne nous protégeait ni de la chaleur de l'été ni du froid de l'hiver. Mais la maigre intimité de cette petite tente, partagée seulement entre membres de la famille, était pour moi une aubaine.

Puis, après des dizaines de cessez-le-feu avortés, un cessez-le-feu fragile a été conclu, et nous avons pu rentrer chez nous.

Encore une fois, nous avons dû parcourir un trajet infernal en essayant de regagner notre maison à pied, la nuit. Une nuit douce-amère à vrai dire : nous étions heureux d'être de retour et tristes parce que ce n'était plus vraiment chez nous. Notre maison était devenue une ruine, aux murs, fenêtres et portes brisés. Mais nous faisons tout pour qu'elle ressemble de nouveau à un foyer. Avec des rideaux et des bâches en nylon, nous essayons de rapiécer notre maison et nos vies.

Je me tiens juste devant la chambre de ma grand-mère, me souvenant de son parfum merveilleux et familier, de sa tendresse et ses prières chaleureuses. Je l'imagine allongée paisiblement sur son lit, et je remercie Dieu qu'elle n'ait pas eu à vivre tout cela.

L'agression n'est pas terminée. Les ordres d'évacuation tombent à nouveau. Dire adieu, chaque jour, à chaque fragment de ma ville bien-aimée, Gaza, et de ma vie : voilà ce que je ne cesse de faire. Il m'est presque impossible de retrouver ma vie d'avant. Tout ce qui nous offrait autrefois une existence à peu près stable n'existe plus. Nous avons accroché nos espoirs à chaque promesse de cessez-le-feu, pour n'en récolter que des déceptions.

Je pleure dans une langue que personne ne comprend, pour tout ce que j'ai perdu. Mais je garde l'espoir, et je le maintiendrai vivant. Pour ma grand-mère et pour la Palestine. Je survis.

Source :Areej Almashharawi  journaliste de Gaza

Publiés par Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »