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Le génocide de Gaza : un crime qu’on refuse de nommer

 

Il y a des vérités qui ne devraient souffrir aucune hésitation. Le génocide est l’une d’elles. À Gaza, ce mot n’est pas un abus de langage, ni une « opinion extrême » à débattre dans les studios feutrés des chaînes d’info. C’est un fait documenté, confirmé, répété par les institutions internationales, les juristes spécialisés, les ONG de terrain, et même des organisations israéliennes.

Et pourtant, dans un monde saturé d’images, de rapports, de témoignages, on continue à faire semblant qu’il existerait un doute. On continue à présenter ce crime absolu comme une hypothèse contestée, une simple vision parmi d’autres. Ce mensonge méthodique, entretenu par les gouvernements complices et amplifié par une partie des médias, constitue déjà une forme de participation au génocide : la participation par le silence, par le relativisme, par la dilution de l’évidence.

Ce qui se passe à Gaza n’est pas un « sujet à débat », encore moins une « divergence de points de vue ». C’est un génocide. Le terme n’est pas une exagération militante, mais la conclusion d’enquêtes et d’analyses menées par des instances internationales, des juristes, des ONG, et même des organisations israéliennes de défense des droits humains.

La Commission d’enquête indépendante des Nations unies, l’Association internationale des spécialistes du génocide, Médecins sans frontières, Amnesty International, Human Rights Watch, et bien d’autres ont employé ce mot avec toute la gravité qu’il implique. Aucune institution équivalente n’est venue démontrer le contraire. Le constat est clair, et il est partagé.

Un consensus écrasant, mais ignoré

Les preuves s’accumulent. La Commission d’enquête des Nations unies parle de génocide. L’Association internationale des spécialistes du génocide aussi. Human Rights Watch, Amnesty International, Médecins sans frontières, la Fédération internationale des droits de l’homme, l’Institut Lemkin – tous emploient le même mot. Même Médecins pour les droits de l’homme-Israël, organisation née au cœur de la société israélienne, l’affirme.

Face à ces accusations, Israël ne répond pas par des faits, mais par des slogans : «Hamas»,    « antisémite ». Toute critique, toute enquête, toute voix discordante se voit systématiquement réduite à une conspiration hostile. Cette rhétorique est devenue un écran de fumée, un réflexe destiné à délégitimer plutôt qu’à discuter.

Mais qualifier l’ONU, Amnesty ou Médecins sans frontières de simples « relais du Hamas » n’est pas seulement absurde : c’est dangereux. Cela empêche de nommer la réalité, et cela réduit au silence ceux qui cherchent à l’arrêter.

Face à ce consensus, qu’oppose-t-on ? Le vide. Le déni. Le soupçon systématique d’« antisémitisme ». Comme si l’ONU, Amnesty ou MSF n’étaient soudain plus que des marionnettes du Hamas. Comme si les ONG qui dénoncent les massacres étaient guidées par une haine millénaire, et non par une éthique universelle. C’est cela, l’arme favorite de l’État israélien : disqualifier au lieu de répondre, salir au lieu de débattre.

Le vieux truc rhétorique : tout critique est « antisémite »

Ce procédé est usé, mais efficace. Chaque fois que les bombes réduisent des quartiers entiers en poussière, chaque fois que les hôpitaux sont bombardés, chaque fois que les enfants sont ensevelis sous les décombres, la machine de communication israélienne s’enclenche. Elle ne conteste pas les faits – trop visibles, trop sanglants – elle accuse les témoins.

Tout devient Hamas. Tout devient antisémitisme. L’ONU ? Hamas. Amnesty ? Hamas. Les médecins de Gaza ? Hamas. Les militants juifs antisionistes ? Antisémites contre eux-mêmes. Cette absurdité systématique vise un seul objectif : saturer le débat jusqu’à l’asphyxie, décourager toute dénonciation, transformer l’accusation de génocide en simple propagande ennemie.

Mais ce stratagème ne peut plus masquer la réalité. Un génocide n’est pas moins un génocide parce qu’il est dénoncé par ceux qu’on insulte. Les faits ne disparaissent pas parce qu’on les qualifie de « complot ».

Quand la neutralité tue

Le problème ne réside pas seulement dans la propagande israélienne. Il réside aussi dans la manière dont une partie des médias occidentaux choisit de traiter la question. En plaçant sur le même plan les faits documentés et leur négation politique, ils transforment la vérité en simple hypothèse.

Un journaliste n’a pas pour mission de répéter « un camp dit qu’il pleut, l’autre dit qu’il fait beau ». Son rôle est de regarder par la fenêtre. Or, la fenêtre est grande ouverte : Gaza est le théâtre d’un génocide, et le nier aujourd’hui revient à cautionner sa poursuite.

Les médias occidentaux portent une part immense de responsabilité. Obsédés par l’équilibre des points de vue, ils transforment la vérité en hypothèse. Ils mettent sur le même plan les preuves du crime et son déni intéressé. Ils traitent le génocide comme une controverse intellectuelle, pas comme une tragédie en cours.

Mais qu’est-ce que cette neutralité, sinon une complicité masquée ? Un journaliste n’est pas un perroquet qui répète « un camp dit qu’il pleut, l’autre dit qu’il fait beau ». Sa responsabilité est de regarder par la fenêtre. Et que voit-on par la fenêtre de Gaza ? Des immeubles rasés. Des cadavres d’enfants. Des hôpitaux réduits en cendres. Des familles affamées sous blocus. Un peuple entier écrasé dans l’indifférence.

Le génocide comme déni universel

Ne nous y trompons pas : le cas de Gaza n’est pas isolé. Tous les génocides de l’histoire ont été niés au moment où ils se déroulaient. Les Arméniens ont été massacrés pendant que l’Empire ottoman parlait de « trahison ». Les Juifs d’Europe exterminés tandis que les nazis dénonçaient une « propagande alliée ». Les Tutsis du Rwanda massacrés pendant que la communauté internationale cherchait à éviter le mot « génocide », pour ne pas avoir à intervenir.

Aujourd’hui, Gaza. Même scénario, mêmes euphémismes. On parle de « guerre », de « riposte », de « dommages collatéraux », alors que la réalité crie un autre mot : génocide. Ceux qui refusent de l’employer rejouent, consciemment ou non, la vieille partition du déni.


Nommer pour résister

Nommer le génocide n’est pas une question de sémantique. C’est un acte de résistance. Car tant qu’on tait le mot, on autorise le crime à se poursuivre. Tant qu’on relativise, on permet à la machine de mort de tourner. Tant qu’on cherche des « deux versions », on donne au bourreau le luxe de l’ambiguïté.

Le génocide de Gaza n’est pas un débat théorique. C’est une tragédie en cours, documentée par les institutions les plus compétentes. Refuser de l’appeler par son nom, c’est choisir la posture confortable de l’équilibre apparent, mais c’est en réalité s’installer du côté du crime.

Notre responsabilité collective est claire : ne pas relativiser l’évidence, refuser la neutralité perverse, et nommer ce qui est en train de se dérouler. Car ne pas le dire, c’est déjà y participer.

Gaza n’est pas une controverse, c’est une plaie ouverte. Refuser de la nommer, c’est déjà l’infecter davantage. Et c’est pourquoi il faut le dire, encore et encore, face au cynisme des puissants et à la lâcheté des médias : ce qui se passe est un génocide.

Un appel universel

Ce combat dépasse Gaza. Refuser un génocide, c’est refuser tous les génocides. C’est affirmer qu’aucune cause, aucune idéologie, aucune religion, aucun État ne peut se justifier par l’anéantissement d’un peuple. C’est affirmer que le droit à l’existence est sacré, universel, indivisible.

Aujourd’hui, c’est Gaza. Demain, ce pourrait être ailleurs. La seule arme que nous avons, avant l’action politique, c’est la parole claire. Et cette parole dit ceci : le génocide de Gaza n’est pas une opinion, mais une réalité. Ceux qui le nient ne sont pas des contradicteurs, ce sont des complices.

Le génocide de Gaza ne devrait pas être différent. Comme le dit le vieil adage, si un camp affirme qu’il pleut et l’autre qu’il ne pleut pas, votre rôle n’est pas de citer les deux camps, mais de regarder par la fenêtre. La fenêtre est là, médias occidentaux. Et c’est un génocide qui déferle. On ne débat pas d’un génocide, on l’arrête.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »



 


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