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Reconnaître l’État palestinien : l’impératif d’une justice, l’urgence d’une action

 

Depuis la publication d’une tribune signée par plusieurs intellectuels et artistes exigeant des conditions à la reconnaissance d’un État palestinien, le débat est relancé. Mais ces exigences, souvent sélectives, occultent les réalités concrètes : la colonisation massive en Cisjordanie, le blocus à Gaza, les violations répétées des droits humains. Or, reconnaitre l’État de Palestine, aujourd’hui, n’est pas une concession, mais une exigence de justice et de droit international.

Le contexte international : déjà largement acquise, mais encore conditionnée

Selon les lâchers de sources diplomatiques et les médias internationaux, 146 à 150 pays sur les 193 États membres de l’ONU reconnaissent aujourd’hui l’État de Palestine.  

Il s’agit d’un glissement diplomatique marqué : des États-occidentaux traditionnellement réticents, tels que le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie, ont annoncé en septembre 2025 leur reconnaissance formelle.  Ces reconnaissances s’inscrivent dans la vague de solidarité née des violences à Gaza depuis le 7 octobre 2023.

Cependant, nombreux sont ceux qui conditionnent encore cette reconnaissance. On exige d’abord le cessez-le-feu, des garanties de sécurité pour Israël, une paix négociée… Mais pourquoi ces conditions n’ont-elles pas été imposées à la création de l’État d’Israël ? Le droit à l’autodétermination ne devrait pas être suspendu.

Rapports récents : les accusations de génocide et les violations des droits humains       

Un rapport de la Commission indépendante d’enquête de l’ONU sur les territoires palestiniens occupés, dévoilé en date du 16 septembre 2025, conclut que l’offensive israélienne à Gaza constitue un génocide, en raison des actes commis, des déclarations des responsables israéliens et de l’intention circonstancielle de « détruire, en tout ou en partie, le groupe palestinien ».  

Amnesty International, dans un rapport de décembre 2024, examine les violences en Gaza depuis début octobre 2023, et affirme que les actes israéliens — meurtres, destructions massives, difficultés d’acheminement de l’aide humanitaire — répondent aux critères du crime de génocide au regard de la Convention de 1948.  

Ces constats renforcent l’argument selon lequel la reconnaissance de l’État palestinien ne peut plus être perçue comme un luxe moral ou un outil de négociation, mais comme un droit légitime à préserver et à affirmer.

Pourquoi les conditions imposées sont problématiques

  1. Double standard historique : l’ONU a reconnu Israël sans condition explicite de reddition des comptes, de retour des réfugiés ou de fin de colonisation. Aujourd’hui, on exige des contreparties pour la Palestine, alors qu’elle subit depuis des décennies occupation, colonisation et expropriation de territoires.
  2. Fragilisation du droit international : conditionner la reconnaissance d’un État revient à vider de sens les principes de l’ONU, droit à l’autodétermination, respect des frontières de 1967, protection des civils quand ils ne servent pas des intérêts stratégiques ou politiques.
  3. Risques politiques élevés : maintenir l’indétermination contribue au ressentiment, à la radicalisation, à la perte de confiance dans la diplomatie. Il donne aussi pouvoir aux extrêmes, des deux côtés, de s’arroger l’autorité morale, alors que ce sont les civils qui souffrent.

Ce que la reconnaissance de l’État palestinien pourrait apporter

  • Freiner la colonisation : une reconnaissance officielle affaiblit la légitimité internationale de l’annexion de facto des territoires occupés, et peut imposer des coûts diplomatiques, économiques ou politiques à ceux qui la poursuivent.
  • Protection juridique et diplomatique : elle permet à la Palestine d’avoir davantage d’outils dans les instances internationales cours internationales, tribunaux, traités de droits de l’homme pour faire valoir ses droits.
  • Pression pour un cessez-le-feu immédiat et une aide humanitaire renforcée : les rapports de l’ONU et d’Amnesty exigent un arrêt des hostilités, l’accès sans entrave de l’aide, la fin du blocus, le respect de la vie civile. Reconnaissance + mobilisation internationale = plus de chances de faire pression pour ces mesures.
  • Avancer vers deux États : loin d’être un obstacle, la reconnaissance de Palestine selon les frontières de 1967 est un fondement clé de la solution à deux États, reconnue aussi bien dans les résolutions de l’ONU que dans nombre de propositions diplomatiques.

Réponse aux signataires de la tribune : le ton, les omissions, l’illusion de l’objectivité

La tribune des intellectuels et artistes, dont le titre même demande des « conditions » à la reconnaissance de l’État palestinien, comporte des silences troublants : aucun mot sur les colonies en expansion, sur le blocus imposé depuis des années, sur les centaines de milliers de déplacés internes, sur la destruction des infrastructures civiles.

Ce ton, parfois apaisant en apparence, mais condescendant dans ses propos, finit par cautionner un statu quo inique. En exigeant que tout soit parfait pour reconnaître, les signataires deviennent complices, même passifs, de la souffrance continue. Leur message, au lieu de porter une humanité universelle, risque de diviser : d’un côté celles et ceux qui dénoncent la barbarie ; de l’autre, celles et ceux enfermés dans la peur ou la loyauté à un narratif national.

On peut être ferme contre l’antisémitisme et lucide sur les complicités politiques. On peut condamner le terrorisme y compris celui d’Israél tout en exigeant que la réponse militaire respecte le droit international, protège les civils, et ne justifie jamais l’effacement d’un peuple.

Un cinéaste israélien a évoqué il y a quelques jours une société malade : « Il faut que les Israéliens se voient sous une lumière crue et cruelle » (car il précise que le problème ne se résume pas à Netanyahou, Smotrich et Ben-Gvir). Ce miroir, il faudra aussi le tendre aux vingt signataires de cette tribune. Mais pas pour leur trouver la moindre excuse : tout est sous nos yeux, et l’histoire nous enseigne combien il convient de réagir sans délai face à l’horreur en cours.

Aucun attachement affectif, aucune difficulté intime ne peuvent justifier l’injustifiable. Des Israéliens, certes minoritaires, se montrent parfaitement capables de prendre les positions nécessaires, comme des juifs partout dans le monde qui, bien qu’ayant été profondément secoués par le 7 octobre, n’en demeurent pas moins lucides et critiques. Que penser alors des prises de position de ces « personnalités », qui se tiennent si loin d’un territoire où se déploie une barbarie telle que des enfants eux-mêmes affirment ne plus vouloir vivre, ou évoquent leurs propres funérailles

Appel : reconnaître maintenant, agir sans attendre

À l’heure où le monde compte 151 États sur 193 ayant reconnu la Palestine ou étant sur le point de le faire, il est criminel de continuer à demander des préconditions pour l’indépendance palestinienne.

La France, le Royaume-Uni et plusieurs pays européens doivent assumer leur responsabilité : reconnaître l’État palestinien sans attendre — cela ne règle pas tous les maux, mais c’est un pas concret vers la justice. En même temps, la communauté internationale, y compris l’Union européenne, l’ONU, la Cour internationale de justice, les ONG des droits humains, doit exiger l’arrêt immédiat des opérations militaires illégales, garantir l’accès humanitaire, lever le blocus, démanteler les colonies illégales, et assurer la protection des civils.

Car au fond, la reconnaissance sans rupture réelle avec les dynamiques de violence ne suffit pas : mais sans reconnaissance, il ne peut y avoir de base solide pour la paix. L’État palestinien doit exister en droit, et son existence affirmée, pour sauver non seulement un peuple, mais l’honneur de la conscience collective.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

 

 


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