Un pamphlet acide contre une poignée de célébrités françaises qui se parent de vertu en exigeant la libération de 49 otages israéliens tout en fermant les yeux sur le martyre d’1,5 million de Palestiniens. Ces « scribouillards » ne sont pas des consciences, mais des complices : sophiste de plateau, cabotin de la mémoire, animateur-moraliste, caricaturiste amnésique et acteur intermittent de l’indignation. Leur lettre n’est pas un appel à la paix : c’est un permis de massacrer, une hiérarchisation obscène des vies, une signature au bas de l’infamie.
Honte. Hypocrisie. Complicité. Voilà les seuls mots qui conviennent pour qualifier ceux qui, du haut de leur confort parisien, osent exiger du Président de la République qu’il refuse la reconnaissance de l’État palestinien au nom… des 49 otages israéliens encore détenus. 49 vies, brandies comme un étendard sacré, alors que plus d’1,5 million de Palestiniens sont promis à la famine, aux bombes, à la mort lente dans un camp de concentration nommé cyniquement “ville humanitaire”.
Ils crient « otages ! » comme on sonne le tocsin dans un village qui
n’est pas le leur. Ils brandissent 49 noms comme on agite un drapeau de vertu,
puis retournent dans leurs salons chauffés pour commenter l’horreur à la lueur
d’un cocktail. BHL, Enthoven, Attal, Gainsbourg, Torreton, Arthur et la bande
des autographes — ces petits comptables de la conscience signent, tapotent,
se rassurent : leur indignation a l’éclat poli d’un bibelot.
Ce ne sont pas des intellectuels : ce sont des marionnettistes du sentiment.
Leurs plumes ne sont que plumeaux pour parer la poussière morale qu’ils sèment.
Ils nous vendent l’indignation comme on vend une montre en toc : empaquetée,
garantie dix-huit mois, remboursable à l’éternité. Leur lettre n’est pas un
appel, c’est une opération marketing de l’émotion.
Ils parlent “d’otages israéliens”. Mais se taisent sur les
milliers d’otages palestiniens, y compris des enfants de 12 ans jugés par des
tribunaux militaires, torturés dans les geôles israéliennes. Le mot est juste :
otages. Car Israël échange ces vies arrachées à leurs familles comme on échange
des jetons, dans une obscénité qui ne choque jamais ces grandes consciences de
salon.
Et pendant que ces intellectuels en carton-mâché brandissent la “carte
Hamas” pour faire taire toute critique, que disent les dirigeants
israéliens eux-mêmes ?
Smotrich l’a avoué : “ramener les otages n’est pas le but le plus
important.”
Herzog l’a reconnu : la libération des otages n’est plus une priorité.
Des colons jubilent : mieux vaut écraser Gaza que sauver des vies
israéliennes.
Voilà la vérité nue : les otages ne sont qu’un prétexte, un outil de
propagande pour justifier l’injustifiable, le génocide en cours.
Car oui, parlons de génocide. Les chiffres ne mentent pas : 200 000 morts à Gaza, 640 000 déplacés, 85 000 tonnes de bombes larguées sur 360 km², 90 % des infrastructures détruites, 70 % des terres agricoles rasées. Famine planifiée, humanitaires abattus, journalistes assassinés. Netanyahou sous mandat d’arrêt de la CPI. L’ONU parle de génocide. Mais pour nos belles âmes, il faudrait détourner le regard, et s’indigner seulement quand Israël pleure ses morts.
Regardons-les à la loupe : grands prêtres de la nuance sélective,
spécialistes du tri des victimes. Ils classent les vies comme on classe des
œuvres d’art : à l’abri, sous verre, selon l’étiquette du bon goût. 49 vies
sont précieuses — elles pèsent lourd dans leurs discours, parce qu’elles leur
donnent une excuse en or pour fermer les yeux sur un million et demi d’êtres
humains qui crèvent à côté. C’est la comptabilité sacrée : une larme de
célébrité vaut plus qu’un océan de sang anonyme.
Ils ont cru
signer une lettre. En réalité, ils ont signé leur portrait. Un autoportrait
collectif de lâcheté, de tartufferie et de compromission. La plume trempée dans
l’eau bénite de l’hypocrisie, ils jouent les prophètes de la morale alors
qu’ils ne sont que les secrétaires d’un massacre.
Enthoven, le sophiste en smoking
Raphaël
Enthoven n’enseigne pas la philosophie : il la maquille. Ses phrases roulent
comme des perles de plastique : brillantes de loin, mais creuses à l’intérieur.
Lorsqu’il proclame qu’à Gaza « il n’y a pas de journalistes », il ne fait pas
une analyse : il décerne une autorisation de tir. Enthoven est Socrate sous
somnifère, un bateleur qui vend des aphorismes comme d’autres vendent des
rasoirs jetables. Son indignation est calibrée pour le plateau télé, son
intelligence s’évapore dès qu’elle croise un cadavre palestinien. Philosophe ?
Non. Porte-voix officiel du mensonge en col blanc.
Yvan Attal, le cabotin de la mémoire
Yvan Attal
confond la tragédie avec son journal de bord. Lorsqu’il déclare que les
Palestiniens « jalousent la Shoah », il ne fait pas une analyse historique : il
signe un délire d’acteur en mal de rôle. Attal croit que la souffrance est un
script, que les morts sont des figurants et que le martyre se distribue comme
des premiers rôles. Sa vision du monde est un casting permanent : Israël en
héros, Palestine en usurpateur. Mais la réalité n’est pas un plateau de cinéma
: c’est un champ de ruines où ses métaphores odieuses deviennent des insultes à
la mémoire qu’il prétend protéger.
Arthur, le télévangéliste du divertissement
Arthur,
marchand de divertissement recyclé en moraliste discount. Lui qui a passé sa
vie à distribuer des valises pleines de billets sur des plateaux croit
désormais distribuer les brevets d’humanité. Il trie les victimes comme il trie
ses candidats : un bouton, un buzzer, éliminé. Ses indignations ressemblent à
ses émissions : artificielles, bruyantes, spectaculaires, mais sans profondeur.
Arthur ne signe pas pour défendre des vies : il signe pour acheter une image,
se draper dans une cause comme on s’offre une Rolex. Son humanisme n’a pas de
cœur : seulement un chrono et des lumières de studio.
Joann Sfar, le caricaturiste de l’amnésie
Joann Sfar
manie le trait mais gomme les cadavres. Il dessine des caricatures mais efface
systématiquement les ruines de Gaza de son album de conscience. Il sait griffer
quand il s’agit de flatter l’opinion dominante, mais son crayon tremble quand
il s’agit de croquer la réalité d’un peuple écrasé sous les bombes. Sa liberté
d’expression est une cage dorée : il s’y enferme en tournant en rond, répétant
toujours la même image. Sfar a du talent, oui ; mais il l’a bradé pour devenir
l’illustrateur officiel du silence complice.
Philippe Torreton, l’indigné intermittent
Philippe
Torreton aime l’indignation comme d’autres aiment la scène : à la lumière,
devant un public, quand l’applaudimètre promet des ovations. Mais hors
projecteurs, il se tait. Sa colère est un rôle, son engagement une mise en
scène. Quand il fallait dénoncer les procès militaires d’enfants palestiniens,
silence. Quand il fallait pointer les bombes sur les hôpitaux, mutisme.
Torreton pratique l’indignation sélective : intermittente comme ses cachets. Il
est moins un acteur qu’un figurant de la bonne conscience collective.
Voilà donc
la troupe : un sophiste de plateau, un acteur en transe mémorielle, un
animateur reconverti en télévangéliste, un dessinateur qui gomme les morts et
un comédien qui répète son indignation comme une tirade éculée.
Leur hypocrisie a l’éclat d’un néon publicitaire. Ils dénoncent «
l’inhumanité » quand elle frappe un voisin qui leur plaît, mais ferment la
bouche quand elle frappe ceux qui n’ont pas le bon accent. Ils hurlent à l’antisémitisme
comme on agite un drapeau pour masquer la vacuité de leur argument. Mais quand
il s’agit des prisons où sont jetés des enfants palestiniens, ou des convois
humanitaires arrêtés en mer, leurs plumes prennent la pose muette du
photographe mondain. Ils oublient commodément que le silence a un prix — et que
ce prix, aujourd’hui, s’appelle mort.
Qu’on appelle un chat un chat : leur lettre est la traduction moderne du
renard qui surveille le poulailler en se présentant comme protecteur. Elle
légitime non pas la paix, mais la perpétuation d’une stratégie meurtrière. Ils
répètent les slogans de la rhétorique d’État sans un roman ni un soupçon de
scepticisme. Ils prennent pour parole d’Évangile les déclarations officielles,
et traitent toute contradiction comme une hérésie. Leur grille de lecture est
simple : si ça vient d’un ministre pro-colonial, alors c’est vérité ; si ça
vient d’un Palestinien qui meurt de faim, alors c’est propagande.
Leur vocabulaire est une arnaque lexicale : « prisonniers » pour désigner
les enfants arrachés à leur famille, « opérations ciblées » pour dire « tueries
de civils », « trêve rompue » pour masquer la mainmise sur l’aide humanitaire.
Ils politisent les mots pour blanchir les actes. Le langage devient leur
complice. Et quand on met des mots sur le crime, ces scribouilleurs trouvent
toujours un alibi rhétorique : « complexité », « nuance », « situation tragique
des deux côtés ». Mais il arrive un moment où les deux côtés n’existent plus :
il n’y a que l’un qui tue à grande échelle, et l’autre qui s’effondre.
Leur posture est indécente ; leur morale, une monnaie de singe. Ils
pratiquent la théologie de l’exception : une victime acceptable, une victime
désirable, et puis toutes les autres, celles qui gênent, celles qui dérangent, invisibilités.
Ils élèvent la hiérarchie des souffrances en art de gouverner l’émotion
publique.
Le terrorisme, ils l’imputent aux Palestiniens. Mais relisons la définition
européenne : destructions massives, coupures d’eau, de nourriture, bombardements
de civils, usage de la famine comme arme. Qui coche toutes les cases ? Israël.
Un État terroriste, colonial, suprémaciste, rêvant d’un “Grand Israël”
bâti sur les ruines de Gaza
À ces signataires, la population de Gaza n’a pas d’argument poli à offrir : mais
des vérités tranchantes dans sa réponse :
Vous avez choisi le camp de la commode moralité. Vous avez troqué la
pitié contre la posture. Vous avez fait de l’indignation un label de marque.
Vous êtes devenus, sans l’avouer, les notaires d’un silence complice. Alors
non, messieurs-dames les signataires. Votre lettre n’est pas un appel à la
paix, mais un crachat sur les tombes palestiniennes. Vous hiérarchisez les
vies, vous légitimez le massacre, vous transformez la lutte contre
l’antisémitisme en arme de censure. Vous êtes les scribes de l’injustice, les
relais d’un pouvoir criminel
Et pour finir, une prophétie qui n’en est pas une : l’Histoire ne
retiendra pas votre élégance mondaine. Elle retiendra vos signatures, vos choix
et vos silences. Les registres se remplissent, et la mémoire, elle, n’oublie
pas les renoncements déguisés en sagesse. Quand les peuples reliront ces pages,
vos noms ne brilleront pas ; ils tachent. Vous aurez voulu être du côté du
monde accepté — vous serez du côté de la honte.
Ils ne
signent pas une lettre : ils apposent leur sceau sur un permis de massacrer.
Ils n’écrivent pas un texte : ils sculptent leur complicité dans le marbre de
l’Histoire. Leur indignation ne vaut rien, parce qu’elle s’arrête là où
commence le sang des autres. Qu’ils se rassurent : l’avenir retiendra leurs
noms. Mais non pas comme des consciences éclairées. Comme des figurants de la
honte, des porte-voix du silence, des notaires de l’inhumanité.
Et
l’Histoire, bientôt, vous classera là où vous méritez : du côté de la honte.
Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. »

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