Depuis plus de deux ans, la population de Gaza subit bombardements, famine
organisée, destructions massives – et le monde, au lieu d’intervenir, offre au
régime occupant une couverture diplomatique et militaire ininterrompue.
Sur la scène internationale, aucune
lutte de libération moderne n'a connu une trahison aussi profonde que celle
subie par Gaza. Aucun génocide récent n'a non plus été accueilli avec une
complicité aussi flagrante et un silence aussi assourdissant. Pendant plus de
deux ans, le monde a adhéré au discours de la puissance occupante, lui
fournissant une couverture politique et morale qui a permis aux atrocités de se
poursuivre sans relâche. Pendant ce temps, ses chaînes d'approvisionnement
militaire n'ont rencontré aucune entrave, bien au contraire.
La complicité active de la
communauté internationale et surtout ce n’est pas seulement l’inaction qui
scandalise : c’est l’obstruction délibérée aux mécanismes de justice.
ONU, CIJ, CPI : incapables ou non
désireuses d’imposer des sanctions ou d’obtenir des comptes.
Union européenne : incapable de
suspendre ne serait-ce qu’un programme scientifique marginal, tout en
maintenant des accords commerciaux avec l’occupant.
Chaînes d’approvisionnement
militaires : intactes, voire renforcées.
Cet Même dans le domaine juridique,
les États qui prétendent défendre la justice et les droits de l’homme ont
activement entravé tous les efforts visant à obtenir des comptes, que ce soit
devant la Cour internationale de justice ou la Cour pénale internationale.
Après deux années de villes entières réduites
en ruines, de dizaines de milliers de morts en direct à la télévision et de
civils délibérément affamés, l'Union européenne n'a guère fait plus
qu'envisager de revoir son partenariat avec le régime génocidaire. Même l'idée
symbolique de suspendre un programme marginal de coopération scientifique comme
Horizon Europe n'a reçu le soutien que de 10 des 27 États membres.
Au niveau local, la mobilisation
mondiale a été faible – un échec moral de la conscience mondiale, qui s’est
limitée à des manifestations tièdes et à des déclarations creuses, sans aucune
grève sérieuse, mouvement de masse ou campagne de pression soutenue.
Aujourd'hui, depuis plus de deux
mois, la même communauté internationale s'est montrée incapable de contraindre
le régime génocidaire à autoriser l'entrée humaine de nourriture, à protéger
les agences humanitaires de l'ONU, ni même à garantir la survie de l'UNRWA – un
démantèlement envisagé de longue date par le projet sioniste. L'occupation a
bien compris cette situation ; elle alimente la poursuite et l'escalade du
génocide, l'encourageant à explorer des scénarios encore plus brutaux,
notamment la restitution des colonies, l'annexion des territoires de Gaza et la
domination totale sur la Cisjordanie et Jérusalem.
Après deux années d’annihilation
systématique, le maximum que la communauté internationale ait réussi à offrir
sont de faibles propositions pour un État palestinien dépouillé de
souveraineté, de dignité et de sens, conditionnées au désarmement, à
l’obéissance et à la renonciation complète aux droits historiques, politiques
et moraux. Bien que la cause palestinienne ait retrouvé une partie de son
importance en tant que lutte de libération mondiale, le régime occupant a
largement réussi à dépeindre la résistance palestinienne – et le peuple
palestinien dans son ensemble – comme violents et terroristes, en inscrivant
son récit fabriqué dans le discours mondial. Comprendre la dynamique de
l'opinion publique mondiale révèle une dure réalité : la solidarité, aussi
large soit-elle, est éphémère si elle n'est pas canalisée stratégiquement et
immédiatement.
Cette complicité institutionnelle
est le carburant qui alimente la poursuite du massacre et une mémoire
collective menacée d’effacement, la solidarité mondiale est éphémère si elle
n’est pas canalisée.
L’histoire l’a montré :
1982 : Sabra et Chatila –
indignation mondiale, puis oubli et normalisation.
2008 : offensive contre Gaza –
soutien initial, puis silence médiatique.
2018 : Rohingyas – indignation
massive, puis disparition de la cause des gros titres.
Aujourd’hui, le mot “génocide”
s’impose davantage, mais le risque est grand que Gaza rejoigne la liste des
injustices abandonnées à la poussière de l’oubli.
Briser le cycle de l’oubli : de la
colère à l’action
Les causes justes ne triomphent pas
par leur seule légitimité. Elles gagnent par la constance, la stratégie et la
pression organisée.
Cela signifie :
Lancer et maintenir des campagnes
internationales coordonnées.
Construire des réseaux de solidarité
transnationaux capables de contourner les blocages institutionnels.
Documenter, archiver, diffuser
inlassablement la réalité du terrain.
Gaza ne peut se contenter de
hashtags ou de marches symboliques. Il faut une action persistante qui dépasse
l’émotion passagère. Sans campagnes organisées pour maintenir la visibilité et
la pression, même les causes les plus justes risquent de disparaître des
mémoires une fois les gros titres passés. En 1982, l'indignation mondiale a
atteint son paroxysme après l'invasion du Liban par Israël et le massacre de
Sabra et Chatila, mais elle s'est rapidement dissipée et Israël a rétabli des
relations normalisées en toute impunité. En 2008, Gaza a bénéficié d'un élan de
soutien international, qui s'est ensuite dissipé dès la fin de l'assaut.
Aujourd’hui, même si le mot « génocide » est plus fréquemment associé à Gaza,
le danger d’un oubli mondial plane – tout comme ce fut le cas pour les
Rohingyas au Myanmar en 2018, ou pour la Namibie en 1971, lorsque la CIJ a
déclaré illégale l’occupation de l’Afrique du Sud, une décision restée lettre
morte pendant deux décennies.
Conclusion : l’heure du choix
Les causes justes ne triomphent pas
uniquement en raison de leur justice, ni par le nombre de hashtags ou de
sympathisants en ligne, mais par la capacité de leurs membres à maintenir leur
élan, à faire pression et à saisir l’instant présent. Le monde n'a pas de
mémoire ; il évolue au gré de l'instant. Et si cet instant n'est pas saisi
avec sagesse et force, il s'estompera, telle une vague perdue dans le vaste
océan de l'oubli.
Ce texte est une gifle nécessaire à notre conscience collective. Gaza n’est
pas seulement victime d’un génocide ; elle est aussi victime d’un abandon moral
orchestré. Les États, les grandes institutions et même une partie de la société
civile mondiale ont échoué, non par ignorance, mais par choix.
Là où la justice devait s’imposer, nous avons vu l’obstruction volontaire.
Là où la solidarité devait s’organiser, nous avons vu l’indifférence. Ce n’est
pas seulement un échec politique — c’est un effondrement de l’humanité face à
l’évidence.
L’histoire récente nous avertit : les vagues
de soutien s’écrasent vite si elles ne sont pas canalisées en campagnes
organisées, persistantes et massives. La Palestine ne peut se contenter de
hashtags et de marches symboliques. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement
sa survie physique, mais la préservation de sa mémoire, de ses droits et de son
existence politique.
Gaza nous met au défi de choisir :
laisserons-nous cette cause rejoindre la longue liste des injustices oubliées,
ou la transformerons-nous en une lutte victorieuse grâce à notre constance et
notre action ? Ce choix ne peut plus attendre.
Si cet instant n’est pas saisi avec
détermination, Gaza sera effacée des écrans et des consciences, comme tant
d’autres peuples avant elle. Nous avons un choix : Laisser cette cause
disparaître dans l’océan de l’oubli, ou en faire une lutte victorieuse grâce à
notre constance et notre action.
Gaza nous met face à ce choix. Et ce
choix ne peut plus attendre.
Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme
ça. »