Parfois, il m'est utile de le dire ?

Antisémitisme instrumentalisé, palestinocide invisibilisé une stratégie pour occulter le génocide à Gaza ?

 

Depuis le début de l’offensive militaire israélienne sur Gaza en octobre 2023, les autorités françaises et la majorité des grands médias ont choisi de concentrer leur discours public sur une prétendue flambée d’antisémitisme. Ce glissement discursif, qui tend à reléguer au second plan le sort des Palestiniens, interroge profondément. Non pas parce que l’antisémitisme ne serait pas une réalité il l’est, et doit être combattu sans concession mais parce que son invocation systématique sert ici à détourner l’attention de la guerre en cours, à neutraliser la critique légitime de l’État d’Israël et à museler la solidarité avec un peuple colonisé, bombardé, affamé.

En droit, un acte ne devient antisémite qu’à l’issue d’une enquête et d’un jugement. Or, en France, les chiffres relayés par le ministère de l’Intérieur et par de puissants relais communautaires ne font pas toujours cette distinction essentielle : ils englobent signalements, déclarations ou plaintes, sans attendre que la justice établisse les faits. On appelle cela un effet d’annonce, qui n’est pas anodin. Car dans un contexte où la parole critique est criminalisée, où des manifestations pro-palestiniennes sont interdites ou violemment réprimées, l’amalgame entre antisémitisme et antisionisme devient un outil politique de premier plan.

Ce glissement, désormais institutionnalisé, ne vise pas seulement à protéger les citoyens juifs contre des actes de haine (ce qui est légitime), mais à délégitimer toute critique du sionisme, même lorsqu’il s’exerce dans ses formes les plus violentes et racistes. En brandissant l’antisémitisme comme un écran de fumée, on cherche à effacer du champ visuel et émotionnel les milliers de civils tués à Gaza – majoritairement des femmes et des enfants – par des bombardements massifs, la famine imposée, la destruction des infrastructures vitales, les attaques contre les hôpitaux.

Ce n’est pas l’antisémitisme qui est remis en cause ici, mais son instrumentalisation politique. Il ne s’agit pas de nier la réalité de la haine antijuive – elle existe, elle tue, et elle doit être combattue fermement. Mais il faut aussi oser dire que cette haine est souvent décontextualisée, hypertrophiée médiatiquement, et orientée de manière à servir un agenda idéologique précis : étouffer la mobilisation internationale pour la Palestine.

Comment expliquer, sinon, ce silence assourdissant sur les conclusions de la Cour pénale internationale, qui a estimé recevables les accusations de crimes de guerre, voire de génocide, à l’encontre des autorités israéliennes ? Pourquoi les images insoutenables de Gaza, diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux, ne déclenchent-elles pas la même émotion ni la même indignation dans les médias français que certaines inscriptions sur un mur parisien ? Pourquoi la compassion est-elle à géométrie variable ?

Le plus grave, c’est que cette stratégie produit l’effet inverse de celui qu’elle prétend rechercher. Elle affaiblit la lutte contre l’antisémitisme, en la mêlant à des enjeux qui ne relèvent pas de la protection des citoyens juifs mais de la défense inconditionnelle d’un État. En criminalisant toute critique du sionisme, elle désarme les esprits démocrates et encourage la défiance à l’égard des institutions. Elle rend suspect tout soutien au peuple palestinien, comme si l’humanisme devait passer un test de loyauté.

Il faut le dire avec force : la critique du sionisme n’est pas un délit, c’est un devoir moral face à une idéologie d’occupation, d’apartheid et d’expulsion. La solidarité avec les Palestiniens n’est pas une forme déguisée d’antisémitisme, c’est une exigence de justice.

Nous ne pouvons accepter que le mot "antisémitisme", qui désigne une réalité tragique de l’histoire européenne, soit instrumentalisé pour justifier l’injustifiable et couvrir les crimes commis à Gaza. Nous ne pouvons accepter que la mémoire de la Shoah soit mobilisée pour protéger un projet colonial. Et nous ne pouvons, surtout, détourner les yeux d’un peuple qui meurt à huis clos, au nom d’une sécurité israélienne qui confond paix et domination.

En cette heure tragique, il est plus urgent que jamais de dissocier la lutte contre l’antisémitisme de toute tentative de blanchiment politique ou de chantage à la parole. C’est à cette condition que nous pourrons faire reculer à la fois la haine des juifs… et l’oubli des Palestiniens.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/


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