Parfois, il m'est utile de le dire ?

Prisons israéliennes et prisonniers palestiniens : un système de torture ignoré"

 

Une photo du centre de détention de la base militaire de Sde Teiman dans le désert du Negev en Israël, prise clandestinement, montre un détenu debout, les yeux bandés et les mains derrière la tête. Des professionnels de santé de Gaza, qui ont été détenus dans ce centre, ont expliqué qu’il s’agissait d’une punition parfois infligée par les soldats israéliens aux détenus palestiniens ayant parlé ou bougé sans autorisation. © 2024 Privé

Pourquoi ce texte :

Depuis plusieurs mois, je recueille, lis, croise et analyse les témoignages relatifs aux conditions de détention des Palestiniens depuis le 7 octobre 2023. Ce que j’ai découvert dépasse l’entendement et heurte tout sens de justice. Ce texte n’est pas un cri de colère, mais un appel à la lucidité et à l’action. Il ne s’agit pas ici de soutenir un camp contre un autre, mais de défendre un principe fondamental : nul ne devrait être torturé, maltraité ou détenu dans des conditions inhumaines, quelles que soient les circonstances. Le silence est devenu complice. La justice, absente. Si nous ne témoignons pas aujourd’hui, si nous n’exigeons pas une enquête indépendante, alors que restera-t-il du droit international ?

Cette tribune est une tentative de poser des mots justes sur une situation insoutenable. Elle s’adresse aux citoyens, aux juristes, aux journalistes, aux institutions – à tous ceux qui croient encore en la valeur universelle des droits humains.

Depuis le 7 octobre 2023, un flot de témoignages, de rapports et de documents converge vers un constat effrayant : le traitement réservé par Israël aux détenus palestiniens, en particulier ceux originaires de Gaza, constitue une violation systématique du droit international humanitaire. Et pourtant, la communauté internationale détourne le regard.

Ceux-ci comptent 9 000 prisonniers condamnés pour des infractions sécuritaires ou placés en détention administrative pour de telles infractions sans avoir été jugés, 1 500 condamnés pénaux et détenus administratifs, ainsi que quelque 1 000 « combattants illégaux », c’est-à-dire des supposés membres de groupes terroristes  capturés en Israël  . À ce jour, l’État n’a pas expliqué pourquoi les visites de la Croix-Rouge ont été interrompues.

Ces preuves, récemment portées à la connaissance des Nations unies par le Palestinian Return Centre (PRC), une organisation disposant d’un statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social de l’ONU, ne sont pas isolées. Elles sont corroborées par des ONG israéliennes crédibles et reconnues comme Physicians for Human Rights – Israel ou B’Tselem. Elles dressent le portrait d’un système carcéral où l’humiliation, la violence et la privation sont devenues la norme.

Parmi les actes documentés :

  • Passages à tabac sévères,
  • Privation délibérée de nourriture,
  • Suspension prolongée dans des positions douloureuses,
  • Soins médicaux refusés ou négligés,
  • Viol d’un détenu par un gardien,
  • Amputations pratiquées sans anesthésie,
  • Attaques de chiens dressés.

Plusieurs prisonniers seraient morts sous la torture ou du fait d’un abandon médical délibéré.

Des camps militaires secrets comme Sde Teiman ou Anatot, inaccessibles aux avocats et à la Croix-Rouge, servent aujourd’hui de zones d’ombre légale, où les détenus sont maintenus dans un vide juridique total. Israël les qualifie arbitrairement de "combattants illégaux" ou de "terroristes", contournant ainsi les protections garanties par les Conventions de Genève.

Quand la torture devient système !

Ces abus ne sont pas des dérives ponctuelles, ni des exceptions tragiques à une règle. Ils s’inscrivent dans une politique délibérée, fondée sur l’impunité et facilitée par une invisibilisation totale des détenus gazaouis. L’interdiction faite à la Croix-Rouge de visiter ces prisonniers, en dépit des obligations internationales d’Israël, en est une preuve accablante.

Le témoignage de Samah Al-Hijjawi, détenue à la prison de Damon, rappelle la brutalité des conditions d’incarcération : cellules comparables à des tombes, nourriture dégradée, soins refusés, fouilles humiliantes. Une réalité qui illustre la volonté de briser les corps autant que les esprits.

Samah Al-Hijjawi a rendu son dernier souffle le 6 novembre dernier. Ce Palestinien de 61 ans placé en détention administrative sans jugement, était incarcéré à la prison de Ketziot, dans le Neguev. Une grave négligence médicale des services pénitentiaires israéliens lui a coûté la vie.

Le prisonnier à la santé fragile, qui avait subi en 2022 une intervention chirurgicale, s’était plaint de sérieux problèmes de santé dès le mois de mai 2024 : il souffrait de fortes douleurs abdominales, de gonflements, d’une perte d’appétit et d’une subite perte de poids. Malgré les signalements, il n’a fait l’objet que d’examens médicaux superficiels.

Au mois d’août, l’avocat Samer Sama’an lui avait rendu visite. Il s’était alarmé de l’état du détenu, laissé sans soins médicaux sérieux. Là encore, pas de réponse des autorités pénitentiaires. En septembre, l’état de Samah Al-Hijjawi s’est brutalement détérioré. Il ne parlait plus, souffrait d’hypokaliémie et ne pesait plus que 40 kg. Ce n’est qu’à ce stade critique qu’il a fini par être transféré vers un centre médical, avant d’être conduit à deux reprises dans des hôpitaux, puis de nouveau jeté dans sa cellule.

Un tribunal a rejeté sa demande de libération la veille de son décès. « La mort de Samah Al-Hijjawi met en évidence une réalité qui illustre la volonté de briser les corps autant que les esprits.

Ce qui choque autant que les faits, c’est le mutisme assourdissant des institutions internationales. Ni la Cour pénale internationale, ni les États signataires des Conventions de Genève n’ont enclenché de mécanisme d’enquête indépendant. Les appels répétés des ONG restent lettre morte.

Pire encore : plusieurs États continuent de fournir des armes, un soutien diplomatique et une couverture morale à Israël, en pleine connaissance de l’usage qui en est fait. Or, en vertu du droit international, le transfert d’armes à un État qui commet des crimes de guerre engage la responsabilité des fournisseurs.

Dns cette guerre, des enfants meurent de faim. Des civils sont exécutés en tentant de se nourrir. Des malades agonisent sans soin. Le droit à la dignité, à l’humanité, a disparu des prisons et des camps de Gaza, tout comme des rues assiégées.

Il ne s’agit pas ici d’un conflit entre narratifs. Il s’agit de faits, documentés, circonstanciés, étayés. Et si aucune instance ne les traite, alors à quoi sert encore le droit international humanitaire ?

Nous appelons à la mise en place immédiate d’une commission d’enquête indépendante sur les violations commises dans les lieux de détention israéliens.
Nous appelons le Comité international de la Croix-Rouge à être autorisé à visiter tous les prisonniers palestiniens sans entrave.
Nous appelons à la suspension de toute coopération militaire avec Israël, tant que persiste ce système de torture et de détention illégale.
Nous appelons enfin à replacer la cause palestinienne dans le cadre du droit et de la dignité humaine, loin des raccourcis idéologiques et des stratégies de déshumanisation.

Car l’histoire jugera ceux qui se sont tus et l’oubli ne sauvera aucune vie.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

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