Parfois, il m'est utile de le dire ?

Israël–Gaza : au-delà de la propagande, pour une critique contre toutes les haines:

 

Alors qu’Israël mène à Gaza une offensive d’une brutalité inédite, certains éditorialistes continuent de mobiliser un discours de victimisation stratégique, assimilant toute critique à de l’antisémitisme dissimulé, et présentant l’État israélien comme un îlot de démocratie assiégée dans un océan de haine. Ce renversement narratif, largement relayé dans certaines sphères médiatiques, mérite une réponse factuelle, rigoureuse et dénuée de passion idéologique.

1. Antisionisme ≠ Antisémitisme : un raccourci politique dangereux : Le cœur de la tribune pro-israélienne repose sur un postulat simple, mais fallacieux : critiquer Israël, ce serait haïr les Juifs. Cet amalgame – politiquement utile mais intellectuellement malhonnête – vise à neutraliser toute critique de l’État israélien en la disqualifiant moralement.

Or, de nombreuses voix juives, israéliennes ou universitaires dénoncent cette confusion. Des figures comme Noam Chomsky, Judith Butler ou l’historien israélien Ilan Pappé expliquent que l’antisionisme est une position politique, souvent fondée sur le rejet de l’occupation, du colonialisme et de la discrimination systémique. La critique de l’idéologie sioniste, comme de toute idéologie politique, est légitime dans un débat démocratique.

2. Israël, une démocratie ? Pas pour tout le monde : L’article défend l’image d’un État démocratique, protecteur des minorités, inventif et civilisé. Mais cette démocratie est à géométrie variable.

  • En Cisjordanie, Israël exerce un régime d’apartheid, comme l’ont démontré Amnesty International, Human Rights Watch et même l’ONG israélienne B’Tselem.
  • À Gaza, Israël maintient un blocus illégal depuis 2007, condamné par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
  • À l’intérieur de ses frontières, les citoyens arabes israéliens sont légalement discriminés, comme en témoigne la loi fondamentale de 2018 qui définit Israël comme l’État-nation du peuple juif uniquement.

Une démocratie ne peut être jugée sur ses institutions formelles seulement, mais sur la manière dont elle garantit les droits égaux à tous ses habitants.

3. Le droit international comme boussole : Le texte ignore systématiquement le cadre juridique international, qui est pourtant le seul repère objectif dans les conflits asymétriques. Or, depuis le début de l’offensive israélienne à Gaza :

  • La Cour internationale de Justice a estimé qu’il existe un risque plausible de génocide.
  • L’ONU parle de crimes de guerre répétés (attaques contre les hôpitaux, écoles, journalistes).
  • Des ONG comme Oxfam et Médecins Sans Frontières alertent sur une situation de famine orchestrée.

Brandir la menace du Hamas ne suffit pas à justifier des représailles massives et indiscriminées contre des civils, interdits par les Conventions de Genève.

4. La guerre de l’image n’est pas un complot médiatique : la tribune regrette que « l’opinion publique » se retourne contre Israël. Mais ce changement n’est pas le fruit d’un complot woke ou islamo-gauchiste : il est la conséquence directe de ce que les caméras montrent à Gaza.

  • Des enfants mutilés,
  • Des hôpitaux détruits,
  • Des cadavres sortis des décombres,
  • Des civils piégés et privés d’eau, d’électricité, de soins.

Les images parlent d’elles-mêmes. Elles provoquent une indignation universelle, non parce que le monde hait Israël, mais parce que le massacre de civils innocents est inacceptable, partout, tout le temps.

5. Le 7 octobre ne justifie pas l’anéantissement de Gaza : Le Hamas a commis des crimes de guerre le 7 octobre. Rien ne justifie ces actes. Mais ces crimes ne donnent pas à Israël un blanc-seing pour violer le droit international.

La notion de légitime défense invoquée par Tel Aviv ne saurait justifier :

  • L’emploi d’armes incendiaires (phosphore blanc),
  • Les frappes sur des zones densément peuplées sans évacuation préalable,
  • L’assassinat de journalistes, d’ambulanciers et de familles entières.

Israël ne cherche pas seulement à se défendre, comme l’affirme la tribune : il punit collectivement un territoire tout entier, ce qui constitue un crime au regard du droit humanitaire.

6. Non, la critique d’Israël n’est pas dictée par le vote musulman : L’auteur accuse les démocraties européennes de s’aligner sur une prétendue stratégie clientéliste en faveur du vote musulman. Cette thèse, sans preuve, repose sur une vision condescendante et islamophobe des électeurs musulmans, comme s’ils formaient un bloc homogène, manipulable, incapable d’avoir des convictions citoyennes sincères.

Les condamnations des actions israéliennes viennent aussi :

  • De juristes internationaux,
  • De hauts fonctionnaires onusiens,
  • De centaines de députés, diplomates et chercheurs non-musulmans.

Il s’agit donc d’un consensus juridique et moral, pas d’une manœuvre électorale.

7. La posture morale inversée : un leurre  : Enfin, la tribune tente d’imposer un renversement moral : Israël serait en réalité le véritable martyr, mal compris, détesté parce qu’il réussit. Cette posture victimaire, paradoxale venant d’une puissance nucléaire, militairement surarmée et soutenue par les États-Unis, vise à se soustraire à toute responsabilité.

Mais Israël ne peut réclamer les vertus démocratiques sans en assumer les exigences : la transparence, la proportionnalité, la recevabilité. Être un État démocratique signifie accepter la critique, y compris quand elle est dérangeante.

Conclusion : pour une justice universelle, pas à géométrie variable : La défense aveugle d’Israël, telle qu’exprimée dans cette tribune, participe d’un aveuglement idéologique dangereux, qui fait passer la solidarité politique avant la justice, l’émotion identitaire avant le droit.

Il ne s’agit pas de nier les souffrances israéliennes, ni de minimiser la violence du Hamas. Il s’agit de rappeler que tous les peuples ont droit à la dignité, à la vie, à la paix – et que le droit international doit s’appliquer à tous, sans exception.

Car si la démocratie, la morale et la liberté ne sont valables que pour certains, alors elles ne sont plus universelles. Et sans universalité, elles ne sont plus des valeurs, mais des privilèges.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/


 

 


 

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