Parfois il m'est utile de le dire !

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L’ambiguïté du Conseil de sécurité : entre autonomie et autodétermination, un flou qui bloque toute issue au Sahara occidental

 

La résolution 2797, adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU, s’inscrit dans la continuité d’une série de textes où l’ambiguïté devient une méthode. En exhortant les parties à reprendre les discussions « sérieuses et sans conditions préalables », tout en considérant la proposition marocaine d’autonomie comme « crédible et réaliste », le Conseil semble vouloir réconcilier deux approches fondamentalement opposées : l’autonomie sous souveraineté marocaine et l’autodétermination du peuple sahraoui.

Cette formulation n’est pas nouvelle. Depuis la résolution 1754 (2007), l’ONU a remplacé l’idée d’un référendum d’autodétermination — initialement au cœur du mandat de la MINURSO — par la recherche d’une « solution politique juste, durable et mutuellement acceptable ». Ce glissement sémantique a progressivement transformé la question du Sahara occidental : d’un droit à exercer, elle est devenue un objet de négociation.

Un équilibre diplomatique qui entretient le statu quo

Le langage choisi par le Conseil de sécurité est délibérément flou. Il permet à chaque partie d’y trouver une forme de validation :

Le Maroc met en avant la reconnaissance de sa proposition comme « base crédible et réaliste », y voyant un appui implicite à sa souveraineté sur le territoire.

Le Front Polisario, quant à lui, se réfère à la mention de « l’autodétermination » pour réaffirmer le droit du peuple sahraoui à choisir librement son avenir.

Mais cette double lecture, censée encourager le compromis, aboutit en pratique à un blocage total. Chacun campe sur ses positions, convaincu que le temps ou la diplomatie finiront par lui donner raison. Le Conseil, de son côté, se contente de gérer la stabilité régionale plutôt que de résoudre la question de fond.

De la neutralité à la paralysie

Les résolutions successives — de la 1754 (2007) à la 2654 (2022), jusqu’à la récente 2797 (2025) — reprennent presque mot pour mot les mêmes formulations. Cette répétition traduit moins une continuité qu’une incapacité à évoluer.
La Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (MINURSO) demeure, malgré son nom, privée de tout mandat pour organiser un référendum ou même surveiller les droits humains. Elle symbolise le paradoxe d’une présence onusienne sans pouvoir politique réel.

Sous couvert de neutralité, l’ONU a fini par institutionnaliser le statu quo. L’ambiguïté qui devait permettre le dialogue est devenue un instrument d’immobilisme. Elle offre au Maroc le confort diplomatique du soutien tacite de puissances influentes, et au Polisario l’illusion que la cause de l’autodétermination reste vivante dans le discours international.

Le prix de l’ambiguïté : une paix différée

Le maintien de ce flou diplomatique a un coût humain et politique.
Sur le terrain, le peuple sahraoui demeure privé de toute perspective claire. Dans les camps de réfugiés de Tindouf comme dans les territoires contrôlés par le Maroc, l’incertitude nourrit la frustration et la désillusion.
Sur le plan régional, le blocage empêche toute intégration maghrébine réelle, tandis que les tensions entre le Maroc et l’Algérie continuent de se renforcer.

L’ONU, en évitant toute position tranchée, préserve son unité mais sacrifie sa crédibilité. À force de vouloir ménager les équilibres diplomatiques, elle a transformé un processus de paix en un rituel annuel de reconduction de résolutions.

Clarifier pour avancer

Reconnaître cette ambiguïté n’est pas un rejet de la diplomatie, mais un appel à la lucidité.
Une solution politique durable ne pourra émerger que si les termes du débat sont clairement posés : Soit il s’agit de négocier les modalités d’une véritable autodétermination, conforme au droit international ;

Soit il s’agit de discuter d’une autonomie encadrée par la souveraineté marocaine, en assumant cette orientation politique.

Mais vouloir concilier les deux dans un même texte, c’est refuser de choisir — et donc condamner le processus à tourner en rond.

Conclusion

La résolution 2797 n’est pas seulement un texte diplomatique : elle est le symbole d’une méthode devenue une impasse.
Tant que le Conseil de sécurité continuera à parler de « solution mutuellement acceptable » sans définir clairement les paramètres de cette acceptation, le Sahara occidental restera le théâtre d’une paix différée, suspendue à une ambiguïté qui ne profite qu’au statu quo.

L’Algérie la voix de son délégué a toutefois souligné que le texte ne reflète ni fidèlement ni suffisamment la doctrine des Nations Unies sur la décolonisation — une doctrine qui a permis à de nombreux pays d'adhérer aux Nations Unies.

Quant aux lacunes du texte. Celui-ci ne répond pas aux attentes et aux aspirations légitimes du peuple du Sahara occidental, représenté par le Front Polisario, qui lutte depuis plus de 50 ans pour déterminer son propre avenir. Privilégier une option au détriment des autres limites la créativité et la flexibilité nécessaires à la conclusion d'un accord conforme à la doctrine de décolonisation des Nations Unies. Le texte crée également un déséquilibre en mettant l'accent sur les ambitions territoriales d'une partie tout en négligeant les aspirations du peuple sahraoui, son avis, en tant que partie au conflit, doit être entendu.

 A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                   « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »   https://kadertahri.blogspot.com/ 

 


Pourquoi une abstention de la Russie et de la Chine

L’abstention de la Russie et de la Chine lors du récent vote au Conseil de sécurité des Nations unies a suscité un profond sentiment d’amertume parmi ceux qui espéraient voir ces deux puissances s’opposer frontalement à une résolution jugée injuste envers le peuple sahraoui.
Cette réaction est légitime. Elle traduit la déception d’une opinion attachée à l’idée que certaines nations — dites “alliées” — demeurent fidèles à leurs engagements moraux envers les peuples en lutte pour leur autodétermination.

Mais la déception, aussi forte soit-elle, ne doit pas nous aveugler. Car la politique internationale n’est ni un espace de fraternité ni de fidélité affective. C’est le champ dur et froid des intérêts, où chaque État agit d’abord pour lui-même. Et si cette vérité peut paraître crue, elle n’en est pas moins nécessaire à intégrer pour bâtir une diplomatie algérienne pleinement souveraine.

Accuser la Russie et la Chine d’avoir “abandonné” l’Algérie ou le peuple sahraoui, c’est méconnaître la nature du rapport de force au sein du Conseil de sécurité. L’usage du veto est un acte diplomatique majeur, réservé aux enjeux considérés comme vitaux pour les puissances concernées. En s’abstenant, Moscou et Pékin n’ont pas validé la résolution américaine ; ils ont simplement refusé de s’y opposer frontalement. Cette nuance compte, car elle révèle une stratégie d’équilibre — contestable certes, mais non équivalente à une approbation.

Si la Chine ou la Russie, ou même les deux à la fois, avaient opposé leur veto à cette résolution, elles savaient que ce geste aurait entraîné la disparition immédiate de la MINURSO, puisque le texte portait principalement sur la prolongation de son mandat.
Or, un veto à ce stade aurait signifié la fin du mécanisme onusien, ce que réclament depuis longtemps les partisans marocains.

Et que se passerait-il alors ? Plus de MINURSO, donc plus de référendum du peuple sahraoui.

En veillant à préserver l’existence de la MINURSO, même au prix d’une abstention, la Russie et la Chine ont choisi de maintenir vivant le cadre juridique et diplomatique du processus d’autodétermination.
Tant que la mission existe, il reste possible d’influer sur son orientation, de négocier, et, le moment venu, de faire usage du veto au terme du processus si le résultat s’avérait contraire au droit international. C’est à ce dernier stade que l’emploi du veto est stratégique, non en amont. Ce que certains perçoivent comme un renoncement peut être, en réalité, une manœuvre pour garder la main sur le futur du dossier sahraoui.

L’Algérie n’a pas à choisir entre la solitude et la soumission

Face à la domination occidentale et à la passivité parfois calculée des puissances orientales, l’Algérie n’a pas vocation à se replier sur elle-même. Se recentrer sur son développement national, oui ; renoncer à sa voix internationale, jamais.

Notre pays a toujours défendu les causes justes, non par opportunisme, mais par conviction. De la lutte contre l’apartheid à la reconnaissance de la Palestine, en passant par le soutien constant au peuple sahraoui, l’Algérie a fait entendre une voix singulière : celle des peuples libres. Ce positionnement n’est pas une faiblesse ; c’est un héritage et une force morale qui ont valu à l’Algérie respect et considération sur la scène mondiale.

Plutôt que de rompre avec ses partenaires, l’Algérie doit diversifier ses alliances, notamment au sein de l’Afrique, du monde arabe et du Sud global. Un monde multipolaire ne se construira pas sur des fidélités idéologiques, mais sur la coopération équilibrée entre nations souveraines.

Le soutien au peuple sahraoui : un principe, pas une option

L’abstention de Pékin et de Moscou ne change rien à la légitimité du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Le Sahara occidental reste une question de décolonisation inachevée, inscrite depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU. Ce n’est ni une affaire bilatérale, ni une question d’influence régionale : c’est un combat pour le respect du droit international.

L’Algérie n’a jamais défendu le Polisario par intérêt territorial ou rivalité avec le Maroc, mais par fidélité à un principe universel : celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Renoncer à ce principe reviendrait à trahir notre propre histoire de libération.

L’indépendance ne se mendie pas, elle se construit

Il serait illusoire de croire que quiconque viendra défendre l’Algérie en cas de crise. L’expérience des dernières décennies, de l’Irak à la Libye, a démontré que chaque nation doit d’abord pouvoir compter sur ses propres forces.

Mais cela ne signifie pas se replier dans un isolement défensif. Cela veut dire investir dans la puissance : une économie productive, une souveraineté technologique, une diplomatie proactive et une unité nationale solide.
L’Algérie ne doit pas “laisser les peuples à leur destin”, comme le propose la résignation ; elle doit au contraire montrer la voie d’une indépendance active, d’une solidarité lucide et d’une coopération équitable.

Transformer la désillusion en stratégie

La colère contre la Russie et la Chine, aussi compréhensible soit-elle, ne doit pas se muer en fatalisme. Elle doit être le point de départ d’une réflexion stratégique : comment bâtir une politique étrangère réellement indépendante, capable de dialoguer avec toutes les puissances sans jamais se soumettre à aucune ?

L’Algérie doit défendre ses intérêts avec dignité, non avec dépendance. Elle doit rester fidèle à sa mission historique : celle de faire entendre la voix du Sud, d’incarner la résistance à toutes les formes de domination et de rappeler que la justice internationale ne se quémande pas, elle se conquiert.

Conclusion

L’heure n’est pas à la rupture, mais à la lucidité. La Russie et la Chine ont agi selon leurs calculs ; l’Algérie doit agir selon sa conscience.
Notre pays n’a jamais attendu l’autorisation des puissances pour défendre la liberté. Il ne le fera pas davantage aujourd’hui.

Le monde change, les alliances se déplacent, les intérêts se recomposent — mais les principes demeurent.
Et c’est à la fidélité à ces principes que l’Algérie doit sa grandeur passée et sa légitimité présente. Que cette déception serve donc, non à nous diviser, mais à nous rappeler que la véritable puissance d’une nation réside dans sa capacité à rester fidèle à elle-même.

A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »  
https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

Maroc : Le cri du Rif vers le Sahara Occidental

Au Maroc, les cartes postales montrent un royaume stable, souriant, ouvert sur le monde. Mais derrière les plages d’Essaouira et les remparts de Fès, une autre réalité persiste, plus dure, plus intime : celle de la Hogra, ce mot arabe qui résume le sentiment d’humiliation et d’injustice ressenti par des millions de citoyens.
Ce terme n’est pas qu’une émotion populaire : il est devenu la clef de lecture d’un pays où l’inégalité et le mépris institutionnel ont remplacé le contrat social.

Tout a explosé à Al Hoceima, en 2016, avec la mort tragique de Mouhcine Fikri, poissonnier broyé par une benne à ordures pour avoir voulu sauver sa marchandise confisquée. Ce drame absurde a bouleversé le pays, révélant la brutalité d’un système qui écrase les plus faibles au nom de l’ordre, sans jamais interroger les abus de pouvoir.
Les autorités ont promis une enquête. Le peuple, lui, attend encore les résultats. Entre-temps, la colère s’est installée, portée par le souvenir d’autres humiliations, d’autres silences.

La Hogra est bien plus qu’un mot : c’est un régime émotionnel collectif. Elle naît dans les hôpitaux publics délabrés, s’enracine dans les écoles démunies et s’épanouit dans la rue, là où les jeunes diplômés chômeurs manifestent chaque semaine devant le Parlement.
Le Maroc vit une fracture sociale profonde : ceux qui peuvent payer pour échapper à la défaillance de l’État — clinique privée, école étrangère, passe-droits administratifs — et ceux qui subissent, sans recours, un système qui les méprise.
Cette division n’est pas le fruit du hasard : elle entretient la stabilité d’un pouvoir qui s’appuie sur la hiérarchie plutôt que sur l’égalité.

Derrière cette réalité, un mot revient sans cesse : le Makhzen.
Officiellement, il désigne l’État, mais dans la pratique, il symbolise l’appareil monarchique et ses réseaux d’influence. Héritier d’un ordre féodal, le Makhzen règne sur la politique, l’économie et la justice, sans réel contre-pouvoir.
Les élites proches du trône s’enrichissent tandis que la majorité peine à survivre. Les scandales se succèdent, rarement punis. Et les citoyens, eux, oscillent entre résignation et révolte.

C’est dans le Rif, au nord du pays, que cette révolte s’est le plus violemment exprimée. Région historiquement marginalisée et marquée par la mémoire de la guerre d’Abdelkrim El Khattabi, le Rif reste le symbole d’une résistance étouffée.
Lorsque ses habitants sont descendus dans la rue pour réclamer la dignité, la réponse du pouvoir fut immédiate : arrestations, condamnations, silence médiatique.
Le message est clair : dans le royaume du silence, la parole appartient au sommet.

Mais ce silence, justement, se fissure.
Les jeunes Marocains n’ont plus peur de parler, ni de dénoncer. Certains s’expriment par la colère, d’autres par le désespoir. Le phénomène du Tcharmil, ces vidéos d’adolescents armés de couteaux, n’est pas un simple fait divers : il exprime la frustration d’une génération sans avenir, exclue du marché du travail et du rêve national.
Quand la justice n’est plus une voie possible, la violence devient un langage.

La monarchie marocaine aime à se présenter comme garante de la stabilité et de la modernité. Pourtant, cette stabilité ressemble de plus en plus à une immobilité politique.
La Constitution de 2011 promettait plus de démocratie ; elle a surtout consolidé le pouvoir royal.
La parole du roi demeure incontestable, et les institutions, dépendantes. La réforme du système, tant vantée, n’a pas entamé le cœur du problème : l’absence de reddition des comptes, ce principe démocratique élémentaire.

Sortir de la Hogra suppose de repenser le rapport entre le peuple et le pouvoir. Cela implique de transformer la monarchie de façade en une monarchie responsable — non plus fondée sur la peur, mais sur la confiance. Car aucune société ne peut se construire durablement sur le mépris.

Le Rif a toujours été en révolte

Ce message, le Rif l’a formulé avec force depuis longtemps.
Dans une déclaration à la tonalité grave, les représentants du mouvement rifain ont exhorté le peuple sahraoui à ne pas céder au « chantage du plan d’autonomie » que veut leur imposer le régime de Rabat. Ce geste, à la fois historique et politique, s’inscrit dans la continuité d’une mémoire collective blessée, marquée par la trahison coloniale et la répression monarchique.
Les Rifains rappellent le piège que leur a tendu la France en 1926, lorsque le maréchal Lyautey décida d’annexer le Rif au sultanat de Marrakech, étouffant par la force une expérience unique de souveraineté populaire.
Le cri lancé depuis le nord du pays vers le Sahara Occidental résonne comme un avertissement sévère : tant que le pouvoir marocain refusera d’écouter ses marges, il sera condamné à reproduire les injustices du passé.

Le peuple marocain a été malheureusement victime d’un enseignement biaisé, une histoire construite sur plusieurs mensonges. Leurs royalistes ont choisi de donner à des générations de sujets, une idée erronée de leur passé et leur histoire. Ils ont bâti un royaume sur des illusions, sur le mensonge d’un ennemi extérieur, une manipulation attestée, fondée sur un mythe et une fantaisie gelée, pour conformité la légitimité d’un palais royal, tout en instaurant une monarchie autoritaire et despotique. Aujourd’hui, nous constatons que le royaume du Makhzen projette toujours ses échecs et sa déconfiture sur un ennemi extérieur, qui par jalousie cherche à le déstabiliser. C’est juste une façon dissimulée et clairement bien dégueulasse en jouant sans retenue avec l’espoir du peuple de préparer cette fuite.

Tout le monde s’accorde à dire que le Royaume du Makhzen est un pays très pauvre, pour tout touriste le contraste est violent entre les richesses concentrées sur une poignée de personnes (les sujets du Makhzen), la petite classe moyenne qui existe et le reste de la population qui est parmi les plus misérables du Monde : il y a trop d’insolence entre l’amas de richesse et l’immense pauvreté.

Pauvre peuple marocain encore en plein angélisme, gouverné par le pire des monarques, entouré d’une meute de baisemains et lèches babouches, mais qui tous nourrissent une revanche, une haine noire silencieuse à l’encontre du pouvoir du Makhzen, alors il me semble qu’il est grand temps à ce que le peuple marocain dans sa globalité se regarde dans le miroir, pour rejeter et dénoncer la servitude volontaire et une révolution au royaume du Maroc se produirait inévitablement.

A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »  
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Maroc/Sahara Occidental : habillage sémantique de l’occupation.

En érigeant le plan d’autonomie marocain en unique base de négociation, la résolution 2797 du Conseil de sécurité (31 octobre 2025) tourne la page du référendum d’autodétermination. Sous couvert de « réalisme », l’ONU a transformé un processus de décolonisation en une normalisation politique du statu quo. Une trahison juridique — et morale — envers le peuple sahraoui.

Le 31 octobre 2025, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 2797, présentée à Rabat comme un triomphe diplomatique. Pour la première fois, l’Initiative marocaine d’autonomie de 2007 devient la « base » du processus politique sur le Sahara Occidental. Exit le référendum. Exit le principe de décolonisation. Le dossier du Sahara n’est plus traité comme une question de droit, mais comme une affaire de gestion administrative sous souveraineté marocaine.

Ce que la presse officielle décrit comme une « normalisation juridique » est en réalité une domestication du droit international. Le vocabulaire onusien se veut rassurant — « autonomie authentique », « solution durable », « bonne foi des parties » —, mais il masque une réalité : la disparition du droit à l’autodétermination, remplacé par une logique de fait accompli. Le Conseil de sécurité ne garantit plus un droit, il avalise un rapport de force.

Du référendum promis à l’autonomie imposée

Ils nous vendent l’autonomie comme un compromis humaniste — c’est du vernis. Derrière la prose onusienne, c’est la logique du fait accompli : consolider l’ordre des puissants et enterrer la voix d’un peuple. «Autonomie sous souveraineté» peut être une avancée si et seulement si elle est conçue, contrôlée et certifiée par les Sahraouis eux-mêmes, avec des garanties internationales robustes, non comme un chiffon pour essuyer la responsabilité des États et des multinationales.
Refuser l’injustice n’est pas «faire obstacle à la paix» : c’est exiger que la paix se construise sur le droit, pas sur la soumission. L’Union internationale des droits et la conscience publique doivent dénoncer la normalisation d’une occupation qui se pare de mots savants pour masquer un déficit dramatique de droits humains et de représentation

Lorsque la MINURSO fut créée en 1991, sa mission était d’organiser un référendum d’autodétermination. Trente-quatre ans plus tard, le mot a disparu du texte onusien. Ce silence est assourdissant : il entérine la fin d’un engagement solennel envers le peuple sahraoui. L’autodétermination devient une procédure interne, négociée à l’intérieur des frontières fixées par l’État occupant.
Une contradiction flagrante : comment un peuple pourrait-il « s’autodéterminer » sans avoir le droit de choisir librement son destin politique ?

Les défenseurs de cette évolution invoquent une « autodétermination interne » censée conjuguer autonomie et souveraineté. En vérité, c’est une fiction juridique, qui nie le sens premier de la décolonisation. Le Sahara Occidental n’est pas un litige frontalier : c’est un territoire reconnu par l’ONU comme non autonome depuis 1963. Y substituer une formule administrative, c’est maquiller la colonisation en compromis.

Le peuple sahraoui, grand absent du texte

Pas un mot dans la résolution sur les prisonniers politiques, les journalistes interdits de couvrir la situation, ni sur l’accès refusé au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (OHCHR) depuis près d’une décennie.
Pas un mot sur les ressources naturelles exploitées sans le consentement des Sahraouis, sur les contrats de pêche et les mines de phosphates concédés à des multinationales.
Les grandes puissances ont préféré la stabilité aux principes, l’ordre à la justice.

Pourtant, de multiples rapports de Human Rights Watch et d’Amnesty International documentent des restrictions sévères des libertés publiques au Sahara Occidental : interdiction d’associations, répression des manifestations, violences policières. Une « autonomie authentique » sans liberté d’expression ni garanties institutionnelles relève plus du slogan que du statut.

La doctrine de l’effectivité, ou la victoire du plus fort

Certains invoquent la « doctrine de l’effectivité » : le Maroc administre le territoire, donc il en serait légitimement responsable. Mais l’effectivité ne crée pas la légalité. L’histoire regorge d’occupations stables devenues illégitimes par principe. Récompenser la persistance d’une violation, c’est transformer le droit international en simple gestionnaire de l’injustice.
Le Conseil de sécurité, censé incarner la conscience juridique du monde, se fait ici le notaire d’un fait accompli.

Le grand marché du silence

Pourquoi cette complaisance ?

Parce que le Maroc est un partenaire stratégique : un pivot économique, un allié sécuritaire, un acteur migratoire incontournable. Parce que Washington, Paris et d’autres capitales voient dans sa stabilité un rempart contre le chaos régional.
Le résultat est clair : on marchandise le droit au nom de la paix, on monnaye le silence des peuples contre la tranquillité des marchés.

Pour une autre voie : le droit, pas la diplomatie du confort

Refuser cette dérive n’est pas être « anti-marocain » ; c’est rappeler que la paix véritable ne peut naître que du respect du droit. Une autonomie peut être une solution, mais à une condition : qu’elle soit issue d’un processus libre, équitable et contrôlé internationalement, et non imposée d’en haut.
L’ONU doit restaurer la mission de surveillance des droits humains de la MINURSO, ouvrir le territoire à la presse, garantir la protection des militants et des réfugiés sahraouis, et remettre les droits des peuples au cœur de sa pratique.

Le Sahara Occidental est aujourd’hui le miroir de notre époque : une ère où le droit plie devant la géopolitique. Mais le peuple sahraoui, lui, ne plie pas.
Et tant qu’il n’aura pas choisi librement son avenir, aucune résolution, aussi bien rédigée soit-elle, ne pourra transformer l’injustice en légitimité. Le Polisario est appelé à maintenir la présence symbolique sur le terrain et contrôler une partie du territoire à l’est du mur de défense marocain (« zones libérées »). Cette présence militaire, bien que limitée, symbolise la résistance politique et empêche le Maroc de revendiquer un contrôle total du territoire. Par ailleurs, le Polisario organise des missions diplomatiques dans plusieurs capitales, affirmant sa représentativité. Cela empêche le Maroc de présenter le Sahara occidental comme un territoire entièrement “normalisé”.

Sur le plan symbolique et politique le Polisario se positionne comme le gardien du droit international face à une “solution imposée”. Il insiste sur le fait que l’autonomie n’est pas l’autodétermination. L’autodétermination signifie un choix libre entre plusieurs options (indépendance, intégration, autonomie).

Le plan marocain prédétermine le résultat : une autonomie sous souveraineté marocaine — donc, selon le Polisario, il nie le principe même du libre choix. En maintenant cette distinction dans le discours international, le Polisario garde la légitimité morale et juridique du droit à l’autodétermination.

A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
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Le Conseil de sécurité n’a pas voté pour le Maroc, il a voté pour l’ambiguïté

La résolution 2797 du Conseil de sécurité n’a pas reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, contrairement au discours triomphaliste relayé par certains médias marocains. Derrière les slogans de victoire se cache une réalité plus nuancée : l’ambiguïté diplomatique de l’ONU et la persistance du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui

Le Maroc jubile, la presse exulte, et le lexique triomphal se déploie : “fin de partie pour l’Algérie”, “moment historique”, “victoire éclatante à l’ONU”. Depuis l’adoption, le 31 octobre 2025, de la résolution 2797 du Conseil de sécurité, certains médias marocains célèbrent ce texte comme l’acte final du dossier du Sahara occidental, comme si ONU venait de sceller, par un simple vote, la souveraineté du Maroc sur le territoire.

Mais à force de vouloir transformer une résolution diplomatique en bulletin de victoire, on finit par travestir la réalité. Derrière les fanfares du triomphalisme, la 2797 n’a rien d’un traité de reconnaissance. Elle reste un texte d’équilibre, d’ambiguïté, et surtout d’injonction au dialogue. Ce que Rabat présente comme un “sacré” moment historique n’est, en vérité, qu’un épisode de plus dans une longue guerre de narration où les mots remplacent le droit, et où la propagande tente de se faire passer pour la diplomatie.

Or, ce que Rabat appelle “souveraineté consacrée” n’est qu’un flottement sémantique : une façon pour le Conseil de sécurité de ne pas dire non sans dire oui.

Le Maroc crie victoire. Mais si cette “victoire” était si claire, pourquoi tant d’insistance à la répéter ?
Parce qu’au fond, le texte ne dit pas ce que Rabat veut qu’il dise.
Il ne parle pas de “souveraineté reconnue”. Il ne parle pas de “territoire marocain”. Il parle de “solution politique réaliste” — autrement dit : continuez de discuter.
Et cette nuance change tout.

L’article prétend enterrer le mot “autodétermination”. Mais l’autodétermination n’est pas un slogan, c’est un droit fondamental inscrit dans la Charte des Nations unies, que nul Conseil ne peut abolir par simple glissement lexical.
Le peuple sahraoui n’est pas une “variable diplomatique” ; c’est un sujet de droit, reconnu comme tel par la Cour internationale de justice depuis 1975.

Thèse : une lecture abusive et intéressée du langage onusien

Le cœur du récit marocain repose sur une manipulation sémantique : parce que la résolution “prend note du soutien exprimé par de nombreux États à la proposition d’autonomie marocaine”, on veut y lire une reconnaissance formelle de la “souveraineté marocaine sur le Sahara”. C’est faux. Le texte ne reconnaît rien de tel.

Le Conseil de sécurité se garde bien de trancher la question du statut du territoire. Il se contente, comme toujours depuis 2007, de saluer les efforts “réalistes et crédibles” du Maroc sans exclure aucune autre option. Nulle part la souveraineté marocaine n’est mentionnée, encore moins “consacrée”. Le choix des mots est soigneusement calculé : “pourrait constituer la solution la plus réalisable” n’a jamais voulu dire “est la seule solution légitime”.

La vérité, c’est que la résolution 2797 n’a réglé aucun conflit.
Elle a seulement rappelé que le dossier du Sahara n’est pas clos, que le monde est fatigué des postures et des drapeaux, et qu’il faut une solution négociée — pas proclamée.

Alors oui, que Rabat se félicite, que sa presse chante la victoire, c’est son passez temps Mais l’histoire retiendra que le Sahara ne s’offre pas à coup de communiqué, et qu’aucune résolution n’efface un peuple. La victoire d’un jour ne fait pas la légitimité d’un siècle.

Et pendant que les diplomates comptent les voix, les Sahraouis, eux, comptent les années.
Ils attendent, dans les camps de Tindouf et dans les villes du Sud, non pas un drapeau, mais une vérité : celle d’un droit qui n’a jamais été consulté, celle d’une cause que personne n’a le courage de regarder en face.

Cette nuance n’est pas un détail : elle est au cœur du langage diplomatique. Là où Rabat veut entendre une bénédiction, le Conseil n’a offert qu’une possibilité parmi d’autres. En d’autres termes, la résolution 2797 ne clôt rien. Elle maintient le statu quo, elle ménage les équilibres, et elle renvoie une fois encore les parties à la table du dialogue.

Réfutation : la propagande du triomphalisme

Or, c’est précisément cette ambiguïté que le discours officiel marocain tente d’effacer.
En transformant une simple prise d’acte en validation de souveraineté, Rabat s’arroge ce que la communauté internationale lui refuse : le droit de parler au nom d’un peuple qu’il administre sans l’avoir consulté.

Le texte onusien parle de “solution politique durable et mutuellement acceptable”. L’adjectif “mutuellement” signifie que toutes les parties, y compris le Front Polisario, doivent l’accepter. Comment, alors, parler d’une solution “entérinée” quand le principal intéressé n’a jamais donné son accord ?

L’ONU, faut-il le rappeler, ne reconnaît toujours pas le Sahara occidental comme territoire marocain. Elle le classe parmi les “territoires non autonomes” en attente de décolonisation. Et la Cour internationale de justice, dès 1975, a jugé qu’aucun lien de souveraineté n’existait entre le Maroc et ce territoire avant la colonisation espagnole. Ces faits juridiques ne disparaissent pas parce qu’un texte diplomatique adopte un ton plus conciliant.

Mais la presse marocaine ne cherche pas la vérité : elle fabrique le récit. Elle substitue la ferveur au droit, la mise en scène au contenu. L’Algérie devient la méchante de service, l’ennemie hystérique, l’obstacle à la paix. Cette diabolisation systématique n’est pas anodine : elle sert à déplacer le centre du débat, à transformer un conflit de décolonisation en simple rivalité bilatérale.

L’Algérie, pourtant, n’a pas inventé la question du Sahara. Elle s’est alignée sur un principe universel : celui de l’autodétermination des peuples, inscrit dans la Charte des Nations unies. C’est ce principe – et non un “anti-marocanisme primaire” – qui fonde sa position. Car le Sahara n’appartient ni à Rabat ni à Alger, mais à ses habitants, dont la voix n’a jamais été entendue.

Conclusion : le réalisme ne doit pas tuer le droit

Ce que révèle cette euphorie médiatique, c’est moins la force diplomatique du Maroc que son besoin d’affirmation. On célèbre moins la résolution 2797 qu’on ne cherche à la fabriquer comme mythe fondateur : celui d’un Maroc triomphant face à un voisin déchu. Mais le droit international, lui, n’a pas d’état d’âme. Il ne se mesure pas à l’applaudimètre des chancelleries.

L’avenir du Sahara occidental ne se décidera pas à coup de communiqués, ni dans la rhétorique creuse des “plans d’autonomie”. Il se décidera par la reconnaissance du droit d’un peuple à choisir librement son destin. Tant que cette vérité demeurera niée, aucune résolution, fût-elle votée à l’unanimité, ne mettra fin à ce conflit.

Le triomphalisme marocain célèbre aujourd’hui la “victoire du réalisme”. Mais l’histoire retiendra qu’il s’agit surtout de la victoire du verbe sur la vérité, et de la défaite du droit sous les applaudissements. Le Sahara n’a pas besoin de célébrations diplomatiques, il a besoin de justice. Et la justice, elle, ne se vote pas : elle se respecte.

A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »  
https://kadertahri.blogspot.com/

Le Maroc/Sahara Occidental : le triomphe de la forfaiture

 

Le Marocain d'ajourd'hui

Alors que Rabat célébrait bruyamment le renouvellement du mandat de la MINURSO, la résolution du Conseil de sécurité réaffirme le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Sahara Occidental, Maroc, ONU, MINURSO, autodétermination, Front Polisario, décolonisation, diplomatie, Afrique du Nord, droit international, Algérie, Conseil de sécurité

La diplomatie est souvent l’art de transformer un échec en victoire narrative. Ce vendredi, à New York, le Maroc a célébré à grand renfort de drapeaux et de communiqués une prétendue « victoire » au Conseil de sécurité. Pourtant, le texte adopté ne modifie en rien la réalité du terrain : le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination reste au cœur du mandat onusien, et la mission de la MINURSO demeure inchangée.

Une victoire du récit, pas du droit

Depuis des semaines, les relais diplomatiques marocains annonçaient une percée historique : la reconnaissance du plan d’autonomie comme seule base crédible de règlement. Mais la résolution votée à New York réaffirme la recherche d’une solution politique, juste, durable et mutuellement acceptable, conforme à la Charte des Nations unies — et garantissant explicitement le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.

Ce rappel met fin à toute ambiguïté : le Sahara Occidental reste un territoire non autonome sous surveillance onusienne, non une province marocaine. Le plan d’autonomie de Rabat demeure une proposition parmi d’autres, pas une vérité consacrée.

L’isolement derrière le rideau diplomatique

L’enthousiasme officiel masque une réalité diplomatique bien moins flatteuse. La Russie, la Chine et le Pakistan ont refusé de cautionner le glissement américain vers une approche unilatérale. Moscou a parlé d’une « démarche de cow-boy », Pékin a rappelé le caractère universel du principe d’autodétermination, et l’Algérie s’est abstenue, estimant que le texte restait insuffisant.

Même les États ayant voté pour ont pris soin de nuancer leur soutien. La représentante du Danemark a déclaré :

« Ce vote ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental. »

Le Panama, proche allié de Washington, a évoqué « le Maroc, le Front Polisario et les États frontaliers » comme parties au conflit — formule qui contredit directement la narration marocaine selon laquelle l’Algérie ne serait qu’un simple observateur.

La MINURSO, symbole du statu quo

Autre défaite discrète : la durée du mandat. Washington et Rabat souhaitaient un renouvellement limité à six mois, pour exercer une pression politique sur le Front Polisario. Le Conseil de sécurité a imposé une prolongation d’un an, signe que la communauté internationale refuse d’abandonner le cadre multilatéral et continue de considérer la question sahraouie comme un dossier onusien, non marocain.

Cette ligne, apparemment technique, révèle un message clair : la communauté internationale n’a pas validé la marocanité du Sahara Occidental.

Derrière les drapeaux, un peuple oublié

Pendant que Rabat célèbre sa « victoire diplomatique », des dizaines de milliers de Sahraouis survivent dans les camps de Tindouf, en exil depuis près d’un demi-siècle. Dans les territoires occupés, les défenseurs sahraouis des droits humains sont arrêtés, torturés, réduits au silence. Le référendum d’autodétermination promis en 1991 n’a jamais eu lieu.

Chaque année, la MINURSO est reconduite sans mandat pour organiser ce vote. Chaque année, la promesse de l’ONU s’éloigne un peu plus, tandis que la diplomatie marocaine perfectionne l’art du triomphe médiatique. Mais la communication n’efface pas l’occupation.
La stabilité sans justice n’est qu’une illusion coloniale.

Entre le silence et la justice, il faut choisir

Le droit à l’autodétermination n’est pas une faveur : c’est un principe fondamental du droit international. Tant qu’il restera inscrit dans les résolutions de l’ONU, aucune diplomatie ne pourra transformer une défaite politique en victoire historique.

Le Maroc a gagné la bataille des images, mais perdu celle du texte.
Et tant qu’un peuple attendra que la promesse d’un référendum soit tenue, la vérité résistera à toutes les manipulations diplomatiques. Parce que la communication passe,
mais le droit, lui, demeure.

A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »  
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