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Maroc/Sahara Occidental : habillage sémantique de l’occupation.

En érigeant le plan d’autonomie marocain en unique base de négociation, la résolution 2797 du Conseil de sécurité (31 octobre 2025) tourne la page du référendum d’autodétermination. Sous couvert de « réalisme », l’ONU a transformé un processus de décolonisation en une normalisation politique du statu quo. Une trahison juridique — et morale — envers le peuple sahraoui.

Le 31 octobre 2025, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 2797, présentée à Rabat comme un triomphe diplomatique. Pour la première fois, l’Initiative marocaine d’autonomie de 2007 devient la « base » du processus politique sur le Sahara Occidental. Exit le référendum. Exit le principe de décolonisation. Le dossier du Sahara n’est plus traité comme une question de droit, mais comme une affaire de gestion administrative sous souveraineté marocaine.

Ce que la presse officielle décrit comme une « normalisation juridique » est en réalité une domestication du droit international. Le vocabulaire onusien se veut rassurant — « autonomie authentique », « solution durable », « bonne foi des parties » —, mais il masque une réalité : la disparition du droit à l’autodétermination, remplacé par une logique de fait accompli. Le Conseil de sécurité ne garantit plus un droit, il avalise un rapport de force.

Du référendum promis à l’autonomie imposée

Ils nous vendent l’autonomie comme un compromis humaniste — c’est du vernis. Derrière la prose onusienne, c’est la logique du fait accompli : consolider l’ordre des puissants et enterrer la voix d’un peuple. «Autonomie sous souveraineté» peut être une avancée si et seulement si elle est conçue, contrôlée et certifiée par les Sahraouis eux-mêmes, avec des garanties internationales robustes, non comme un chiffon pour essuyer la responsabilité des États et des multinationales.
Refuser l’injustice n’est pas «faire obstacle à la paix» : c’est exiger que la paix se construise sur le droit, pas sur la soumission. L’Union internationale des droits et la conscience publique doivent dénoncer la normalisation d’une occupation qui se pare de mots savants pour masquer un déficit dramatique de droits humains et de représentation

Lorsque la MINURSO fut créée en 1991, sa mission était d’organiser un référendum d’autodétermination. Trente-quatre ans plus tard, le mot a disparu du texte onusien. Ce silence est assourdissant : il entérine la fin d’un engagement solennel envers le peuple sahraoui. L’autodétermination devient une procédure interne, négociée à l’intérieur des frontières fixées par l’État occupant.
Une contradiction flagrante : comment un peuple pourrait-il « s’autodéterminer » sans avoir le droit de choisir librement son destin politique ?

Les défenseurs de cette évolution invoquent une « autodétermination interne » censée conjuguer autonomie et souveraineté. En vérité, c’est une fiction juridique, qui nie le sens premier de la décolonisation. Le Sahara Occidental n’est pas un litige frontalier : c’est un territoire reconnu par l’ONU comme non autonome depuis 1963. Y substituer une formule administrative, c’est maquiller la colonisation en compromis.

Le peuple sahraoui, grand absent du texte

Pas un mot dans la résolution sur les prisonniers politiques, les journalistes interdits de couvrir la situation, ni sur l’accès refusé au Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (OHCHR) depuis près d’une décennie.
Pas un mot sur les ressources naturelles exploitées sans le consentement des Sahraouis, sur les contrats de pêche et les mines de phosphates concédés à des multinationales.
Les grandes puissances ont préféré la stabilité aux principes, l’ordre à la justice.

Pourtant, de multiples rapports de Human Rights Watch et d’Amnesty International documentent des restrictions sévères des libertés publiques au Sahara Occidental : interdiction d’associations, répression des manifestations, violences policières. Une « autonomie authentique » sans liberté d’expression ni garanties institutionnelles relève plus du slogan que du statut.

La doctrine de l’effectivité, ou la victoire du plus fort

Certains invoquent la « doctrine de l’effectivité » : le Maroc administre le territoire, donc il en serait légitimement responsable. Mais l’effectivité ne crée pas la légalité. L’histoire regorge d’occupations stables devenues illégitimes par principe. Récompenser la persistance d’une violation, c’est transformer le droit international en simple gestionnaire de l’injustice.
Le Conseil de sécurité, censé incarner la conscience juridique du monde, se fait ici le notaire d’un fait accompli.

Le grand marché du silence

Pourquoi cette complaisance ?

Parce que le Maroc est un partenaire stratégique : un pivot économique, un allié sécuritaire, un acteur migratoire incontournable. Parce que Washington, Paris et d’autres capitales voient dans sa stabilité un rempart contre le chaos régional.
Le résultat est clair : on marchandise le droit au nom de la paix, on monnaye le silence des peuples contre la tranquillité des marchés.

Pour une autre voie : le droit, pas la diplomatie du confort

Refuser cette dérive n’est pas être « anti-marocain » ; c’est rappeler que la paix véritable ne peut naître que du respect du droit. Une autonomie peut être une solution, mais à une condition : qu’elle soit issue d’un processus libre, équitable et contrôlé internationalement, et non imposée d’en haut.
L’ONU doit restaurer la mission de surveillance des droits humains de la MINURSO, ouvrir le territoire à la presse, garantir la protection des militants et des réfugiés sahraouis, et remettre les droits des peuples au cœur de sa pratique.

Le Sahara Occidental est aujourd’hui le miroir de notre époque : une ère où le droit plie devant la géopolitique. Mais le peuple sahraoui, lui, ne plie pas.
Et tant qu’il n’aura pas choisi librement son avenir, aucune résolution, aussi bien rédigée soit-elle, ne pourra transformer l’injustice en légitimité. Le Polisario est appelé à maintenir la présence symbolique sur le terrain et contrôler une partie du territoire à l’est du mur de défense marocain (« zones libérées »). Cette présence militaire, bien que limitée, symbolise la résistance politique et empêche le Maroc de revendiquer un contrôle total du territoire. Par ailleurs, le Polisario organise des missions diplomatiques dans plusieurs capitales, affirmant sa représentativité. Cela empêche le Maroc de présenter le Sahara occidental comme un territoire entièrement “normalisé”.

Sur le plan symbolique et politique le Polisario se positionne comme le gardien du droit international face à une “solution imposée”. Il insiste sur le fait que l’autonomie n’est pas l’autodétermination. L’autodétermination signifie un choix libre entre plusieurs options (indépendance, intégration, autonomie).

Le plan marocain prédétermine le résultat : une autonomie sous souveraineté marocaine — donc, selon le Polisario, il nie le principe même du libre choix. En maintenant cette distinction dans le discours international, le Polisario garde la légitimité morale et juridique du droit à l’autodétermination.

A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »  
https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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