Au Maroc, les
cartes postales montrent un royaume stable, souriant, ouvert sur le monde. Mais
derrière les plages d’Essaouira et les remparts de Fès, une autre réalité
persiste, plus dure, plus intime : celle de la Hogra, ce mot arabe qui
résume le sentiment d’humiliation et d’injustice ressenti par des millions de
citoyens.
Ce terme n’est pas qu’une émotion populaire : il est devenu la clef de lecture
d’un pays où l’inégalité et le mépris institutionnel ont remplacé le contrat
social.
Tout a
explosé à Al Hoceima, en 2016, avec la mort tragique de Mouhcine Fikri,
poissonnier broyé par une benne à ordures pour avoir voulu sauver sa
marchandise confisquée. Ce drame absurde a bouleversé le pays, révélant la
brutalité d’un système qui écrase les plus faibles au nom de l’ordre, sans
jamais interroger les abus de pouvoir.
Les autorités ont promis une enquête. Le peuple, lui, attend encore les
résultats. Entre-temps, la colère s’est installée, portée par le souvenir
d’autres humiliations, d’autres silences.
La Hogra
est bien plus qu’un mot : c’est un régime émotionnel collectif. Elle naît dans
les hôpitaux publics délabrés, s’enracine dans les écoles démunies et
s’épanouit dans la rue, là où les jeunes diplômés chômeurs manifestent chaque
semaine devant le Parlement.
Le Maroc vit une fracture sociale profonde : ceux qui peuvent payer pour
échapper à la défaillance de l’État — clinique privée, école étrangère,
passe-droits administratifs — et ceux qui subissent, sans recours, un système
qui les méprise.
Cette division n’est pas le fruit du hasard : elle entretient la stabilité d’un
pouvoir qui s’appuie sur la hiérarchie plutôt que sur l’égalité.
Derrière
cette réalité, un mot revient sans cesse : le Makhzen.
Officiellement, il désigne l’État, mais dans la pratique, il symbolise
l’appareil monarchique et ses réseaux d’influence. Héritier d’un ordre
féodal, le Makhzen règne sur la politique, l’économie et la justice, sans
réel contre-pouvoir.
Les élites proches du trône s’enrichissent tandis que la majorité peine à
survivre. Les scandales se succèdent, rarement punis. Et les citoyens, eux,
oscillent entre résignation et révolte.
C’est dans
le Rif, au nord du pays, que cette révolte s’est le plus violemment
exprimée. Région historiquement marginalisée et marquée par la mémoire de la
guerre d’Abdelkrim El Khattabi, le Rif reste le symbole d’une résistance
étouffée.
Lorsque ses habitants sont descendus dans la rue pour réclamer la dignité, la
réponse du pouvoir fut immédiate : arrestations, condamnations, silence
médiatique.
Le message est clair : dans le royaume du silence, la parole appartient au
sommet.
Mais ce
silence, justement, se fissure.
Les jeunes Marocains n’ont plus peur de parler, ni de dénoncer. Certains
s’expriment par la colère, d’autres par le désespoir. Le phénomène du Tcharmil,
ces vidéos d’adolescents armés de couteaux, n’est pas un simple fait divers :
il exprime la frustration d’une génération sans avenir, exclue du marché du
travail et du rêve national.
Quand la justice n’est plus une voie possible, la violence devient un langage.
La monarchie
marocaine aime à se présenter comme garante de la stabilité et de la modernité.
Pourtant, cette stabilité ressemble de plus en plus à une immobilité
politique.
La Constitution de 2011 promettait plus de démocratie ; elle a surtout
consolidé le pouvoir royal.
La parole du roi demeure incontestable, et les institutions, dépendantes. La
réforme du système, tant vantée, n’a pas entamé le cœur du problème : l’absence
de reddition des comptes, ce principe démocratique élémentaire.
Sortir de la
Hogra suppose de repenser le rapport entre le peuple et le pouvoir. Cela
implique de transformer la monarchie de façade en une monarchie responsable —
non plus fondée sur la peur, mais sur la confiance. Car aucune société ne peut
se construire durablement sur le mépris.
Le Rif a toujours été en révolte
Ce message,
le Rif l’a formulé avec force depuis longtemps.
Dans une déclaration à la tonalité grave, les représentants du mouvement rifain
ont exhorté le peuple sahraoui à ne pas céder au « chantage du plan
d’autonomie » que veut leur imposer le régime de Rabat. Ce geste, à la fois
historique et politique, s’inscrit dans la continuité d’une mémoire
collective blessée, marquée par la trahison coloniale et la répression
monarchique.
Les Rifains rappellent le piège que leur a tendu la France en 1926, lorsque le
maréchal Lyautey décida d’annexer le Rif au sultanat de Marrakech, étouffant
par la force une expérience unique de souveraineté populaire.
Le cri lancé depuis le nord du pays vers le Sahara Occidental résonne
comme un avertissement sévère : tant que le pouvoir marocain refusera
d’écouter ses marges, il sera condamné à reproduire les injustices du passé.
Le peuple marocain a été malheureusement
victime d’un enseignement biaisé, une histoire construite sur plusieurs
mensonges. Leurs royalistes ont choisi de donner à des générations de sujets,
une idée erronée de leur passé et leur histoire. Ils ont bâti un royaume sur
des illusions, sur le mensonge d’un ennemi extérieur, une manipulation attestée,
fondée sur un mythe et une fantaisie gelée, pour conformité la légitimité d’un
palais royal, tout en instaurant une monarchie autoritaire et despotique.
Aujourd’hui, nous constatons que le royaume du Makhzen projette toujours ses
échecs et sa déconfiture sur un ennemi extérieur, qui par jalousie cherche à le
déstabiliser. C’est juste une façon dissimulée et clairement bien dégueulasse
en jouant sans retenue avec l’espoir du peuple de préparer cette fuite.
Tout le monde s’accorde à dire que le Royaume du
Makhzen est un pays très pauvre, pour tout touriste le contraste est violent
entre les richesses concentrées sur une poignée de personnes (les sujets du
Makhzen), la petite classe moyenne qui existe et le reste de la population qui
est parmi les plus misérables du Monde : il y a trop d’insolence entre l’amas
de richesse et l’immense pauvreté.
Pauvre peuple marocain encore en plein angélisme,
gouverné par le pire des monarques, entouré d’une meute de baisemains et lèches
babouches, mais qui tous nourrissent une revanche, une haine noire silencieuse
à l’encontre du pouvoir du Makhzen, alors il me semble qu’il est grand temps à
ce que le peuple marocain dans sa globalité se regarde dans le miroir, pour
rejeter et dénoncer la servitude volontaire et une révolution au royaume du
Maroc se produirait inévitablement.
A/Kader
Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. » https://kadertahri.blogspot.com/

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