Parfois il m'est utile de le dire !

                                                                                                          Oh! Colombe, transmets mon salut d...

Le 17 octobre 1961 : Une vérité historique face aux négationnistes

 

Chaque année, lorsque la France commémore les violences du 17 octobre 1961, surgissent des voix pour en contester jusqu’à l’existence. On y voit dénoncés un « mythe », une « légende militante », une « culpabilisation nationale ». Récemment encore, un polémiste a repris cette rhétorique : selon lui, « aucun massacre n’a eu lieu », il n’y aurait eu « qu’un mort français », et tout le reste relèverait d’une manipulation du FLN relayée par les communistes et l’intelligentsia universitaire. Cette posture, en apparence documentée, repose pourtant sur une lecture profondément biaisée des sources et une méconnaissance du travail historiographique conduit depuis trente ans.

Il importe ici non pas de répondre par l’indignation, mais par la méthode. Car l’histoire du 17 octobre 1961 ne se réduit ni à des slogans, ni à des simplifications. Elle s’appuie sur des faits établis, des archives ouvertes, des enquêtes croisées et des travaux d’historiens français et étrangers. Et ces faits, aujourd’hui, ne laissent guère de place au doute.

Le contexte : une guerre d’Algérie qui se joue aussi en métropole

Nul ne conteste que la guerre d’indépendance algérienne se soit étendue au territoire français. Dès 1958, le FLN organise en métropole un réseau de collecte de fonds, de propagande et de coercition sur la population algérienne. Ces réseaux affrontent leurs rivaux du MNA, tandis que la police française mène une guerre souterraine contre le FLN. Les attentats, les assassinats internes et les représailles sont alors nombreux.

Mais ce contexte ne saurait masquer une autre réalité : en 1961, le préfet de police de Paris, Maurice Papon, met en place un couvre-feu racialisé visant les seuls « Français musulmans d’Algérie ». Le 17 octobre, le FLN appelle à une manifestation pacifique pour dénoncer cette mesure. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants défilent dans Paris, souvent vêtus de leurs plus beaux habits, sans armes. La répression est immédiate et brutale : tirs, coups, arrestations massives, noyades dans la Seine. Des centaines de personnes sont arrêtées et entassées dans des lieux d’internement improvisés — le Palais des Sports, le stade Coubertin, Vincennes.

Le rapport Mandelkern : ce qu’il dit vraiment

Le polémiste invoque le rapport Mandelkern (1998) pour prétendre qu’il aurait « fait litière du mythe ». C’est faux. Ce rapport, commandé par le Premier ministre Lionel Jospin, ne visait pas à déterminer un bilan définitif, mais à inventorier les archives disponibles de la Préfecture de police et à établir ce qu’elles contiennent ou non.

Le rapport constate que les archives policières sont lacunaires, que beaucoup de documents manquent ou ont été détruits, et qu’il est impossible de fixer un chiffre exact des victimes. Il indique seulement qu’« au moins plusieurs dizaines » d’Algériens ont été tuées. Mandelkern souligne par ailleurs les dysfonctionnements de l’époque : la confusion dans les registres, l’absence de suivi judiciaire, les contradictions dans les rapports internes.

Autrement dit : loin de « réfuter » la thèse d’une répression sanglante, le rapport Mandelkern confirme qu’un nombre significatif de morts est avéré et que les sources policières doivent être lues avec prudence. C’est précisément cette prudence que le polémiste oublie en les brandissant comme des preuves absolues.

Les sources : la police, la morgue, et leurs limites

Les négationnistes invoquent les registres de l’Institut Médico-Légal (IML) pour affirmer qu’aucun corps d’Algérien n’aurait été enregistré le 17 octobre. Or, les historiens savent combien ces registres sont incomplets. Des dizaines de corps ont été repêchés dans la Seine dans les jours et semaines suivantes, parfois non identifiés, parfois enregistrés à d’autres dates, parfois simplement disparus.

Les archives de la police fluviale, longtemps fermées, montrent que plusieurs corps ont été retrouvés dans le fleuve sans identification possible. Des témoins — policiers, infirmiers, riverains — ont évoqué les scènes de noyade et les violences. De nombreux témoignages concordent, notamment ceux recueillis par Jean-Luc Einaudi dans La bataille de Paris (1991), confirmé par des documents déclassifiés depuis. Même des policiers de l’époque, tel le commissaire Georges Paponnet, ont reconnu les brutalités et les consignes de dissimulation.

En 1999, lors du procès Papon, le tribunal administratif de Paris a jugé que la répression du 17 octobre 1961 constituait « une faute lourde de l’État ». Cette décision de justice suffit à contredire l’idée qu’il n’y aurait eu « qu’un mort ».

Les travaux des historiens : convergences et divergences

Les estimations du nombre de victimes varient selon les méthodes :

  • Jean-Paul Brunet, historien de la police, après étude critique, évoque « au moins une trentaine » de morts, chiffre déjà sans précédent pour une opération de maintien de l’ordre à Paris.
  • Jean-Luc Einaudi parle d’environ 200 morts, certains assassinés dans les jours suivants.
  • D’autres, comme Sylvie Thénault, spécialiste de la guerre d’Algérie, soulignent que le nombre exact est secondaire par rapport à la nature du fait : une répression d’État contre une population civile non armée.

Ainsi, si les chiffres diffèrent, la communauté scientifique converge sur l’essentiel : il y a bien eu massacre, au sens historique du terme, c’est-à-dire usage disproportionné et meurtrier de la force publique contre des manifestants civils.

Le sophisme de la symétrie : FLN vs. Police

L’auteur du texte polémique s’efforce de rappeler les crimes du FLN en métropole. Ce rappel est exact mais hors sujet. Oui, le FLN a assassiné des opposants et commis des attentats. Mais la responsabilité d’un mouvement insurrectionnel n’efface pas celle d’un État.

L’État, par définition, détient le monopole de la violence légitime, mais cette légitimité disparaît quand la force se transforme en violence arbitraire, hors du cadre légal. Assimiler les crimes du FLN à la répression du 17 octobre revient à confondre la criminalité d’une organisation clandestine et la responsabilité d’un pouvoir républicain. C’est une fausse équivalence morale et juridique.

Les démocraties se jugent à leur capacité à reconnaître leurs fautes, non à les masquer derrière celles de leurs ennemis.

Le poids des archives et la reconnaissance politique

Depuis les années 1990, l’ouverture progressive des archives et la publication de nouveaux témoignages ont consolidé la connaissance historique. En 2012, le président François Hollande a reconnu que « le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression ». En 2021, Emmanuel Macron a qualifié ces faits de « crimes inexcusables pour la République ».

Ces déclarations ne sont pas des gestes de repentance mais des reconnaissances de responsabilité fondées sur l’état de la recherche. Elles inscrivent cet épisode dans la mémoire nationale, au même titre que les drames de Sétif, Madagascar ou du métro Charonne (1962).

Les universités françaises, loin d’être « une Corée du Nord mentale », comme le prétend le polémiste, sont des lieux où la pluralité des sources et la critique des biais documentaires font vivre l’histoire. Le 17 octobre 1961 est étudié, débattu, contextualisé — jamais sanctifié, mais jamais nié.

Pourquoi la négation persiste

Le déni du 17 octobre 1961 s’inscrit dans un mouvement plus large : la résistance d’une partie de l’opinion à regarder en face la fin de l’empire colonial et la violence de la décolonisation. En niant les faits, certains croient défendre l’honneur de la France. En réalité, ils fragilisent son crédit moral. La grandeur d’une nation ne se mesure pas à son infaillibilité mais à sa capacité à affronter son histoire sans travestir les archives.

L’historien ne travaille pas pour humilier mais pour comprendre. Dire que la police française a tué, en octobre 1961, des dizaines d’Algériens désarmés, ce n’est pas haïr la France : c’est affirmer que la République doit se juger à la lumière de ses principes.

Conclusion : l’histoire contre la propagande

L’auteur du texte que nous avons lu croit combattre un « mythe ». En réalité, il en fabrique un autre : celui d’une France toujours innocente, victime de complots mémoriels. Mais les archives, les témoignages et la recherche montrent l’inverse : le 17 octobre 1961 fut une répression d’État, conduite sous les ordres du préfet Papon, qui coûta la vie à plusieurs dizaines d’Algériens.

Refuser de le reconnaître, c’est tourner le dos à la vérité. L’histoire n’est pas un tribunal de culpabilité éternelle, mais un exercice de lucidité. Et c’est en regardant lucidement le 17 octobre 1961 que la France se montre fidèle à ce qu’elle prétend être : une démocratie attachée à la vérité, même quand elle dérange.

A/Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                                     « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »  
https://kadertahri.blogspot.com/

Références essentielles :

  • Rapport Dieudonné Mandelkern, remis au Premier ministre Lionel Jospin, 1998.
  • Jean-Paul Brunet, Police contre FLN. Le drame d’octobre 1961, Flammarion, 1999.
  • Jean-Luc Einaudi, La bataille de Paris, Seuil, 1991.
  • Sylvie Thénault, Histoire de la guerre d’indépendance algérienne, Flammarion, 2012.
  • Discours officiels de François Hollande (17 octobre 2012) et d’Emmanuel Macron (16 octobre 2021).

 

 


Gaza : Le poids symbolique des corps, un champ de menace de guerre

Cette tribune revient sur la controverse autour des corps israéliens disparus à Gaza, enjeu humanitaire devenu symbole de la guerre d’influence entre Israël et le Hamas.
Au-delà des chiffres et des accusations, le texte propose une réflexion sur la manière dont les morts, palestiniens comme israéliens, sont pris en otage dans un conflit où la mémoire, la dignité et la compassion cèdent la place à la logique politique et militaire.
Un plaidoyer pour replacer l’humain — vivant ou disparu — au centre d’un débat trop souvent déshumanisé.

Le cessez-le-feu entre Israël et les groupes armés palestiniens n’a pas encore apporté le calme espéré. Alors que la trêve entre dans sa deuxième semaine, une nouvelle controverse vient rallumer la tension : celle des corps israéliens ensevelis sous les ruines de Gaza.
L’affaire, en apparence humanitaire, s’est rapidement transformée en instrument de pression politique, révélant une fois encore la profondeur du drame humain et moral qui s’est abattu sur la région.

Le poids symbolique des corps

Israël a exigé du Hamas la restitution de tous les corps de ses ressortissants morts à Gaza, menaçant de reprendre ses opérations militaires si cette demande n’était pas satisfaite. Selon des sources proches des négociations, certains de ces corps seraient enfouis sous les décombres des bombardements israéliens eux-mêmes  un paradoxe tragique, mais révélateur : la guerre a enseveli non seulement des vies, mais aussi la possibilité même d’un dialogue fondé sur la raison.

L’ancien président américain Donald Trump a déclaré que le Hamas « cherchait certainement » les corps manquants, tout en exprimant un optimisme prudent. Optimisme difficile à partager, tant la situation sur le terrain reste catastrophique : Gaza n’est plus qu’un enchevêtrement de gravats, de zones minées et de ruines inaccessibles.

Deux tragédies, deux récits

Pendant que les caméras se tournent vers la question des corps israéliens, à Gaza, les habitants observent ce débat avec un mélange d’incrédulité et de douleur. Selon le ministère de la Santé de l’enclave, près de 9 000 Palestiniens sont encore portés disparus, probablement ensevelis sous les décombres.
Des familles entières attendent depuis des mois, sans pouvoir ni creuser ni identifier leurs proches. Le blocus empêche l’entrée de bulldozers, de carburant, ou même d’équipements de protection. Les secouristes fouillent souvent à mains nues, au risque de leur vie.

Cette asymétrie du regard médiatique est devenue une constante du conflit. Les souffrances israéliennes, réelles et tragiques, sont scrutées, détaillées, commentées ; celles des Palestiniens, plus diffuses, plus massives, sont souvent reléguées dans la rubrique des chiffres. Et pourtant, derrière ces chiffres, il y a des vies, des visages, des histoires : 70 000 morts selon les autorités locales, plus de 170 000 blessés, des milliers d’autres disparus. Des données invérifiables, certes, mais dont l’ampleur ne laisse guère de doute sur la catastrophe humanitaire en cours.

Une responsabilité partagée, un désastre collectif

Pourquoi le Hamas ne retrouve-t-il pas les corps israéliens ? Les raisons sont multiples, et profondément liées à la destruction du territoire lui-même.
Les bombardements ont pulvérisé des quartiers entiers, transformant la géographie de Gaza en un puzzle de ruines. Une grande partie du territoire reste sous contrôle militaire israélien, inaccessible aux secours.
De nombreux membres des groupes armés palestiniens, qui détenaient des informations sur les lieux où étaient gardés les captifs, ont été tués dans les frappes. D’autres factions, plus petites et moins coordonnées, auraient détenu certains prisonniers.
Enfin, le blocus empêche toute entrée d’équipement lourd ou de matériel de recherche, ce qui rend les opérations de récupération quasiment impossibles.

Cette situation absurde Israël exigeant de Gaza des efforts que ses propres bombardements rendent irréalisables  illustre l’impasse morale du conflit. L’armée israélienne, en prétendant « libérer ses otages », a détruit les mêmes infrastructures où certains d’entre eux étaient probablement détenus.
La responsabilité est donc circulaire : les combattants palestiniens ont violé le droit international en capturant des civils ; Israël a répondu par une campagne militaire d’une intensité telle qu’elle a rendu toute résolution humaine impossible. Le résultat : des morts, des disparus, et un champ de ruines qui sert désormais de théâtre à une bataille politique autour des cadavres.

Les morts comme instruments de politique

Ce que cette controverse révèle, au fond, c’est la manière dont la guerre transforme les morts en objets de pouvoir.
Dans toute guerre prolongée, la question des corps  qu’il s’agisse de leur restitution, de leur identification ou de leur sépulture devient une arme symbolique. Chaque camp tente de maîtriser le récit de la mort, car celui qui contrôle les morts contrôle aussi, en partie, la mémoire du conflit.

Israël veut montrer qu’il ne laisse aucun des siens derrière juste pour jouer la provocation. Le Hamas, de son côté, veut prouver qu’il agit malgré la destruction, et que la population de Gaza reste humaine face à la dévastation. Entre ces deux logiques, la dignité des victimes, israéliennes comme palestiniennes, se perd dans les ruines.

Une trêve sous tension

Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu le 11 octobre, 23 Palestiniens ont été tués et plus de 120 blessés dans des incidents attribués à des violations israéliennes.
Les secours palestiniens affirment avoir retrouvé 381 nouveaux corps sous les décombres, tandis qu’Israël a restitué 120 dépouilles palestiniennes non identifiées.
Le Hamas a, de son côté, remis une dizaine de corps israéliens sur les 28 prévus par l’accord. Le reste serait, selon lui, inatteignable pour le moment.

L’envoyé spécial américain Steven Witkoff se dit convaincu que tous les corps finiront par être restitués. Mais la réalité de terrain, elle, montre un territoire exsangue, sans machines, sans routes, sans morgues fonctionnelles. La paix, ici, se mesure au nombre de cadavres qu’on parvient à extraire des gravats.

Au-delà du champ de ruines

Dans cette tragédie, il ne s’agit plus seulement de politique ni même de guerre : il s’agit d’un effondrement moral.
Quand des gouvernements négocient des trêves autour des corps, quand la diplomatie devient une comptabilité macabre, c’est le signe que la guerre a déjà gagné  non seulement sur le terrain, mais dans les consciences.

Ce que Gaza révèle aujourd’hui, c’est la faillite collective d’un monde qui tolère que des civils soient enterrés vivants, que des enfants soient laissés sous les ruines faute de carburant, et que la mort soit utilisée comme levier diplomatique.
La récupération des corps israéliens est un droit humain fondamental ; la recherche des disparus palestiniens en est un autre. Tant que ces deux droits seront hiérarchisés, la paix restera une illusion.

Conclusion : de la dignité des morts à celle des vivants

Le vrai défi, désormais, n’est pas seulement de savoir qui a raison ou tort, mais de savoir si l’on peut encore parler de dignité dans un contexte où même les morts sont pris en otage.
Reconnaître la souffrance de l’autre  sans la comparer, sans la minimiser  est peut-être le seul point de départ possible pour sortir de cette spirale.

Les morts, tous les morts, méritent le silence du respect, non le vacarme des menaces.
Et tant que la guerre continuera à parler plus fort que la compassion, aucun cessez-le-feu, si long soit-il, ne pourra faire taire le fracas des consciences.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                                    « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. » 
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Quand la plume Marocaine devient une imposture royale.

Sous couvert d’analyse géopolitique, certains médias marocains multiplient les articles à charge contre l’Algérie, transformant la moindre divergence diplomatique en procès d’isolement. L’exemple récent d’un article sur la “Semaine mondiale de l’énergie à Moscou” illustre cette stratégie de manipulation narrative où la sélection des faits et le langage émotionnel remplacent l’information vérifiée.

Une confusion révélatrice

Il suffit d’un détail pour dévoiler l’intention. L’article évoque la “Semaine mondiale de l’énergie” à Moscou, alors que l’événement concerné s’intitule officiellement “Semaine russe de l’énergie” (Russian Energy Week). Une différence anodine ? Pas vraiment.

Le choix du mot “mondiale” vise à donner à l’événement une dimension planétaire, pour mieux accuser ensuite l’Algérie d’isolement diplomatique. L’erreur n’est pas journalistique : elle est rhétorique. Elle amplifie artificiellement la portée de l’événement pour légitimer la thèse centrale — celle d’une Algérie absente du “concert des nations”.

Quand l’opinion se déguise en information

Ce texte, prétendument informatif, est en réalité une opinion politique maquillée en reportage international.
Aucune source officielle, aucune citation diplomatique, aucun document ne vient étayer les accusations portées : “boycott ordonné par Tebboune”, “régime furieux”, “ingérences au Mali”.
Tout y est suggéré, insinué, amplifié, au moyen d’un vocabulaire émotionnel — “humiliation”, “rancunes”, “propagande anti-impérialiste” — qui trahit une volonté de nuire plus qu’un souci de vérité.

La sélectivité de l’information devient ici un instrument de manipulation. Ce qui est tu, c’est la constance du dialogue algéro-russe, la participation active d’Alger à d’autres forums énergétiques, le rôle pivot de Sonatrach dans l’OPEP+, compte autant que ce qui est dit.
L’objectif n’est pas de comprendre, mais de construire un récit politique : celui d’une Algérie marginalisée et affaiblie, pendant que le Maroc s’affirmerait comme partenaire privilégié des puissances mondiales.

Une stratégie médiatique persistante

Ce procédé s’inscrit dans une stratégie de communication désormais bien rodée de certains médias marocains :

  1. -Dénigrer l’Algérie sur le plan diplomatique et symbolique,
  2. -Valoriser le Maroc comme acteur régional “moderne” et “pragmatique”,
  3. -Lier chaque tension internationale à une prétendue faiblesse du pouvoir algérien.

Ainsi, toute nuance disparaît. Les rapports complexes entre Moscou, Alger et Rabat sont simplifiés à l’extrême. La politique étrangère algérienne, fondée sur la souveraineté, le multilatéralisme et la non-ingérence, est caricaturée en “diplomatie de susceptibilités”.
Ce n’est plus du journalisme : c’est une guerre narrative, où les mots deviennent des balles symboliques.

Un récit construit contre la réalité

Or, la réalité contredit ces fictions.
L’Algérie demeure un acteur énergétique majeur, partenaire stratégique de la Russie, membre influent de l’OPEP+, fournisseur clé pour l’Europe et acteur central dans la stabilité du Sahel.
Ses positions sur le Sahara occidental sont cohérentes avec le droit international et les résolutions onusiennes, tandis que sa diplomatie préserve des liens constants avec Moscou, Ankara, Pékin et de nombreux partenaires africains.

Aucun “isolement”, donc mais une politique indépendante, parfois en décalage avec certaines orientations conjoncturelles, ce qui est la marque même de la souveraineté.

La désinformation comme instrument d’influence

Le danger de ce type d’article réside dans sa capacité à influencer subtilement l’opinion publique internationale. En répétant, sous des formes pseudo-journalistiques, les mêmes narrations négatives, ces médias finissent par façonner un imaginaire collectif où l’Algérie serait un acteur du passé, et le Maroc, un modèle d’avenir.
Cette mécanique, typique de la guerre informationnelle moderne, repose moins sur le mensonge direct que sur la distorsion du réel, la dramatisation et la répétition.

Restaurer l’éthique du récit

Face à ces dérives, la réponse ne doit pas être la réaction émotionnelle, mais la rigueur intellectuelle et la transparence des faits.
L’Algérie n’a pas besoin de se justifier de son absence à un forum, ni d’entrer dans une polémique fabriquée. Elle a besoin, en revanche, de déconstruire le discours médiatique qui vise à saper sa crédibilité, et de rappeler que la souveraineté diplomatique ne se mesure pas au nombre de photos prises dans les salons internationaux, mais à la cohérence de la position nationale dans le temps long.

Conclusion

Ah ! Cette Algérie, qui n’en finit pas de perturber le sommeil des sujets du Makhzen Marocain et sa presse courtisane, en quête de ragots de caniveau et de nouvelles diffamatoires. C’est le journalisme des applaudissements au Palais, abreuve pour satisfaire ses pulsions dans un bazar de bric et de brac, cela permet au moins de faire oublier leur extraordinaire incurie ?

On sait depuis toujours que la plume, quand elle sort du Palais Royal et quand elle se fait arme de propagande, perd son honneur. Le rôle des médias n’est pas d’attiser les rivalités régionales ni de travestir les faits pour servir des causes politiques. Il est d’éclairer, d’expliquer, de permettre le discernement.

L’Algérie, solide dans ses choix et fidèle à sa ligne de principe, n’a rien à craindre de la désinformation. Ce sont ceux qui la pratiquent, au contraire, qui finiront par s’y perdre : car à trop vouloir manipuler la vérité, on finit toujours par en devenir la première victime.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                                    « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. » 
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Les Prisonniers Palestiniens face à l'impitoyabilité d'Israël

   

Alors que le monde célèbre la libération des otages israéliens, plus de 9 000 Palestiniens restent enfermés dans les prisons israéliennes, dans l’indifférence générale.
Torture, privations, isolement : derrière les murs, une tragédie humaine se joue, loin des caméras et du regard des puissants.
Leur crime ? Être Palestinien, souvent sans accusation, parfois pour un post sur les réseaux sociaux, un drapeau brandi ou une simple appartenance politique.

Une captivité de masse, banalisée depuis des décennies

Aujourd’hui, plus de 3 500 prisonniers palestiniens sont détenus sous le régime de la détention administrative, une procédure qui permet d’enfermer sans procès ni chef d’accusation, renouvelable indéfiniment sur la base de “preuves secrètes”.
Ces pratiques bafouent le droit international et constituent une violation flagrante des conventions de Genève.

Les témoignages recueillis par des ONG et d’anciens détenus sont accablants : cellules surpeuplées, nourriture réduite à quelques cuillerées de riz, soins médicaux refusés, isolement prolongé, violences physiques quotidiennes.

Depuis 2023, ces abus se sont encore intensifiés sous la politique du ministre israélien Itamar Ben-Gvir, qui revendique publiquement le durcissement des conditions de détention.
La souffrance des prisonniers palestiniens est devenue un instrument de domination.

L’hypocrisie du monde libre  

Ce qui choque autant que ces violences, c’est le silence.
Les capitales occidentales, si promptes à brandir le droit international ailleurs, détournent le regard ici. Les grands médias évoquent la détention palestinienne uniquement lorsqu’elle entre dans un échange de prisonniers, réduisant des milliers de vies à de simples chiffres.
Cette hiérarchie des émotions et des droits nourrit un système d’impunité où Israël continue de violer le droit sans crainte de sanction.

Les milliers de Palestiniens détenus arbitrairement depuis octobre 2023 en vertu de la loi israélienne sur la « détention des combattants illégaux », promulguée en décembre de la même année, ont subi des attaques de chiens, des coups et des agressions sexuelles. En août de la même année, l'organisation israélienne de défense des droits humains B'Tselem a publié son rapport « Bienvenue en enfer » , confirmant « le recours systématique, généralisé et prolongé à la torture ».…

Des experts mandatés par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, Human Rights Watch et Amnesty International ont également recueilli de nombreux témoignages faisant état de détenus enfermés dans des cages ou attachés à des lits, nus ou portant des couches. Ils sont également soumis à des techniques de privation sensorielle et privés de soins médicaux, de sommeil, de nourriture et d'eau. Ils sont également suspendus au plafond, soumis au waterboarding, brûlés avec des cigarettes ou des décharges électriques, notamment sur les parties génitales

Les prisonniers palestiniens ne demandent pas la compassion, mais la justice.
Ils exigent le respect des droits fondamentaux que tout État doit garantir :
le droit à un procès équitable, à la santé, à la dignité.

Il est temps d’exiger : la fin immédiate de la détention administrative, l’accès humanitaire et juridique aux prisons israéliennes, et une enquête internationale indépendante sur les violations des droits humains.

Depuis 1967, près d’un million de Palestiniens ont connu la prison israélienne. Cette réalité n’est pas une exception : c’est un système. Et tant que ce système perdurera dans le silence, aucune paix durable ne sera possible.

Ce texte n’est pas un appel à la compassion, mais à la responsabilité.
Tant que le droit international sera appliqué à géométrie variable, aucune paix ne sera durable.
A mon tour je brise le silence pour défendons la dignité et rendre  visibles les oubliés des   geôles israéliennes. Le monde les ignore, les médias les effacent, la justice les abandonne.
Mais leur silence résonne comme un cri : le droit n’a pas de frontières, la dignité non plus.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                                    « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. » 
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Israël–Palestine : le réalisme devient le masque du renoncement moral de la Colonisation

 

Sous couvert de lucidité politique, certains discours sur le conflit israélo-palestinien substituent à la justice une morale de la force. En opposant un Israël “du réel” à des Palestiniens “du mythe”,  un média reconduit un vieux schéma colonial : celui où la puissance fait vérité et la mémoire du vaincu devient suspecte. Une lecture critique de ce “réalisme” tragique qui naturalise l’injustice.

Le faux réalisme, ou la morale de la force

Certains médias de l’extrême droite, présentent le conflit israélo-palestinien comme la rencontre entre le mythe et le réel : Israël serait parvenu à transformer son destin biblique en puissance politique, tandis que les Palestiniens se consumeraient dans la défaite et la revanche. Cette vision, en apparence lucide, relève en réalité d’un darwinisme politique : seule la victoire donnerait sens à l’histoire.

Ce “réalisme” ne constate pas le réel, il le fabrique : il justifie la domination au nom de la maturité historique. En valorisant la force comme principe fondateur, il recycle une rhétorique coloniale bien connue : celle qui oppose la raison du conquérant à la passion du colonisé.

L’histoire moderne n’est pas le règne de la fatalité

Si l’histoire ne se réduit pas au bien, elle ne saurait non plus se réduire à la loi du plus fort. Le droit international, né des ruines de 1945, a précisément été conçu pour briser cette logique. La Charte de l’ONU, les Conventions de Genève et la Déclaration universelle des droits de l’homme sont des garde-fous contre la barbarie du “réalisme tragique”.

Les résolutions 242, 338 et 2334 rappellent l’illégalité de l’occupation israélienne ; la résolution 194 consacre le droit au retour des réfugiés palestiniens. Ces textes ne sont pas des symboles moraux : ils expriment la volonté politique des nations de soumettre la force au droit. Refuser ce cadre au nom du réalisme, c’est légitimer la loi de la jungle — pas celle de l’histoire.

Une asymétrie effacée

La presse prétend analyser deux mythes symétriques. Mais dans la réalité, cette symétrie n’existe pas. D’un côté, un État souverain, technologiquement et militairement dominant, soutenu par les grandes puissances ; de l’autre, un peuple dispersé, assiégé, fragmenté, vivant sous occupation ou exil.

Amnesty International, Human Rights Watch et B’Tselem décrivent ce système comme un régime d’apartheid. Réduire cette réalité à une opposition psychologique — entre peuple du réel et peuple du mythe — revient à effacer la violence structurelle qui la fonde.

Les Palestiniens ne s’enferment pas dans le mythe : ils sont enfermés dans un réel qui les nie.

L’illusion d’un Israël “sorti du mythe”

La presse Française glorifie Israël comme le peuple “revenu au réel”. Pourtant, Israël n’a jamais cessé de mobiliser son propre mythe fondateur,  celui de la Terre promise et du peuple élu, pour légitimer une entreprise d’appropriation territoriale.

Le paradoxe est clair : ce qui est loué comme mémoire chez le fort devient pathologie chez le faible.
Le mythe du “retour juif” est consacré comme acte fondateur ; celui du “retour palestinien”, disqualifié comme nostalgie.
Cette asymétrie symbolique reproduit la hiérarchie politique : la mémoire d’Israël fait loi, celle de la Palestine devient soupçon.

C’est là que le prétendu “réalisme” s’effondre : il ne décrit pas le monde, il hiérarchise les légitimités.

Le droit comme réalité, non comme illusion

Sortir du religieux pour “retrouver le politique”, dit  un média  Mais c’est précisément ce que font les Palestiniens en s’appuyant sur les instruments du droit international : recours à la CPI, reconnaissance diplomatique, mobilisations pacifiques. Rien là d’un repli mythique — tout d’une affirmation du réel.

Le droit n’est pas un rêve : c’est la condition d’un monde vivable. Sans lui, la force devient son propre juge. Faire du vainqueur la mesure de l’histoire, c’est transformer la tragédie en système.

La véritable maturité politique

La maturité ne réside pas dans la puissance, mais dans la capacité à reconnaître la souffrance de l’autre. La grandeur d’Israël viendra peut-être un jour de ce courage : reconnaître que la sécurité ne se construit pas sur la négation d’un peuple.

Quant à l’Europe, si elle veut rester fidèle à son héritage moral, elle ne peut se réfugier dans le cynisme de la “tragédie historique”. Le réalisme véritable, comme l’écrivait Raymond Aron, n’est pas de se soumettre au fait, mais d’en tirer la responsabilité.

Croire encore à la justice, ce n’est pas s’enfermer dans le mythe, c’est refuser la résignation.

Quant à moi, comme je reste tout à fait partisan de la notion de guerre des civilisations comme moteur de la grande histoire, je me réjouis des défaites renouvelées de la civilisation sioniste qui, est construite selon moi sur de faux principes et doit disparaitre comme idéal, projet et religion. Le plus tôt sera le mieux pour le vrai bonheur de l'humanité.

« L’histoire ne s’écrit pas selon les droits mais selon les forces »

Quels droits ? Quelle universalité ?, sinon le droit à survivre !
Les Palestiniens forment une  communauté marquée par la résilience. A l’opposé, beaucoup de nations du monde occidental baignent dans un confort générant manque de lucidité, oubli du passé, lâcheté confortable.

Toute "morale" concerne l'ensemble des prescriptions relatives aux actions permises oui interdites, encouragées ou désapprouvées, dans une société, et plus généralement parmi les hommes ; "avoir des devoirs" envers quelque chose ou quelqu'un fait partie de l'ensemble de ces prescriptions, sinon je ne vois vraiment pas ce que ça pourrait être : au reste tout "jugement de valeur", c'est-à-dire tout jugement portant sur ce qui doit être, ce que l'on doit faire, ressortit bien entendu à la morale.

Ce qui me semble masturbatoire, et incompréhensiblement du reste, c'est prétendre dans un même élan que l'on doive faire des choses, se comporter d'une certaine façon, en vertu d'une certaine ligne de conduite acceptée envers son prochain, et que cela n'a rien à voir avec une quelconque morale.
Là vraiment, j'en reste baba, ou alors nous ne conférons absolument pas le même sens aux mots que nous utilisons.

 

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                                     « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. » 
https://kadertahri.blogspot.com/

 

 


La Guerre de Gaza: le confort de l’aveuglement des Israéliens :

Alors que la guerre à Gaza a révélé une brutalité sans précédent et un effondrement moral collectif, la question n’est plus de savoir si les Israéliens regretteront un jour, mais comment  et quand  la responsabilité, la justice et la mémoire pourront remplacer la logique de vengeance et de déni.
Cette tribune plaide pour une reconstruction éthique fondée sur la vérité des faits, la justice internationale et la reconnaissance du droit de chaque peuple à vivre libre.

Il y a des moments où les mots trébuchent sur la réalité. Gaza en est un. Quand des villes deviennent des ruines, quand les enfants meurent de faim sous blocus, quand des familles entières disparaissent sans sépulture, la langue, même la plus militante, paraît insuffisante. Et pourtant, c’est par les mots que les sociétés commencent à se regarder dans le miroir de leurs actes.

Cela semblera que  le Professeur Norman Finklestein n'ait raison lorsqu'on l'interroge sur la droite israélienne : « Le pays tout entier est de droite »

Avec 86 % des personnes interrogées étaient contre l'expulsion des Palestiniens. Il en reste encore assez pour rejoindre Tsahal et allez à Gaza pour bombarder, affamer et commettre un génocide. Personne ne pourra dire qu'il ne savait pas. La honte retombera sur le monde qui a armé et facilité cette horreur. Mais les Israéliens pourraient bien se réveiller un jour et prendre conscience de la gravité de leurs actes. Quand un peuple se rend complice, activement ou passivement, de la violence d’État, peut-il encore se sauver moralement ?

La banalité du mal,  

Nombreux médias israéliens ont évoqué la « banalité du mal », cette expression d’Hannah Arendt décrivant comment, dans les sociétés modernes, le crime peut se couler dans les procédures administratives, les routines sécuritaires et les automatismes de l’obéissance.
Ce n’est pas une comparaison gratuite : le siège prolongé de Gaza, la destruction systématique de ses infrastructures civiles, les bombardements aveugles, les arrestations massives et l’usage de la faim comme arme ne résultent pas de la folie d’un seul homme. Ils supposent la collaboration silencieuse d’une société tout entière : ingénieurs, pilotes, juristes, journalistes, bureaucrates.

Dans toutes les sociétés en guerre, il existe des dissonances, des résistances, des fissures. On ne peut ignorer les voix israéliennes, artistes, historiens, juristes, simples citoyens, qui, au prix de leur sécurité, dénoncent la dérive coloniale et le glissement vers un apartheid assumé., et trop de personnes refusent ostensiblement d'accepter les arguments fondés, écrits ou prononcés même par des Juifs comme Avi Shlaim, Ilan Pappé, A. Loewenstein, Noam Chomsky, N. Finkelstein… Pourtant, ces voix sont minoritaires et souvent criminalisées.

Le consensus national s’est durci, porté par une peur existentielle et par des décennies de propagande politique et religieuse. C’est ce consensus qu’il faut aujourd’hui interroger : non pour humilier, mais pour rouvrir la possibilité d’un réveil moral. Les Israéliens vivront-ils un jour le moment où ils regarderont en arrière, constateront leur comportement génocidaire, voir la réaction de la majorité en Israël face au rasage de toute la bande de Gaza, aux immenses souffrances infligées aux civils par Israël, aux atrocités, au génocide, à l'inhumanité, à la famine, ainsi qu'aux harcèlements, à l'oppression et au nettoyage ethnique en Cisjordanie et regretteront ce qu'ils ont fait aux Palestiniens.

Le piège de la symétrie morale

À chaque accusation d’atrocités, on oppose un réflexe : « et le Hamas ? »
Oui, le massacre du 7 octobre 2023 fut un crime abominable, une attaque, mais le droit et la morale refusent la logique comptable du « œil pour œil ». La vengeance d’État n’est pas la justice ; la punition collective n’est pas la défense. Un crime ne justifie pas un autre. La responsabilité israélienne actuelle ne se mesure pas au nombre de morts, mais à la structure : celle d’une puissance militaire qui contrôle un peuple sans droits, impose un blocus depuis près de vingt ans et transforme un territoire en cage à ciel ouvert.

Comparer n’est pas relativiser. C’est au contraire rappeler que la loi et la dignité humaine valent pour tous, ou ne valent plus pour personne. L’optimiste ne cherche pas à confronter les deux côtés du problème et à prétendre que l’oppresseur et la victime sont également responsables, au lieu de ne voir qu'un bien et un mal, alors soyons réaliste : bientôt ceux qui sont coupables des crimes d’extermination et de génocide seront traduits en justice et punis, sinon ce modèle de génocide « justifiable » et de colonisation « justifiable » deviendra la nouvelle façon dont le monde fonctionne et toute vie humaine sera en péril. Le 7 Octobre est la conséquence directe de l'occupation. Et si le Hamas a commis des crimes contre l'humanité en attaquant des civils, la sauvagerie avec laquelle Israël a choisi de se « défendre » (les occupants n'ont aucun droit légal de se « défendre » lorsque les populations qu'ils occupent agissent légitimement contre leur occupation) rend les crimes du Hamas bien pâles en comparaison. Ajoutez à cela le traitement médiéval qu'Israël réserve à ses prisonniers Palestiniens, il y a une barbarie et une criminalité absolues dans la manière qu’Israël a choisi de faire subir à ces prisonniers, tant sur le plan institutionnel qu'individuel.
Quand une armée démocratique tue plus de trente mille civils, quand des responsables politiques invoquent la Bible pour justifier la destruction d’un peuple, le problème dépasse le cadre de la guerre. C’est la légitimité même du projet politique qui est en cause.

Beaucoup d’observateurs étrangers veulent croire à un réveil israélien futur : un jour, disent-ils, les Israéliens découvriront la vérité, comme les Allemands après 1945, et seront saisis de honte. Peut-être. Mais compter sur le remords futur d’un peuple pour réparer le présent est une illusion commode. Ce n’est pas la conscience morale qui arrête les bombes, mais la contrainte politique, juridique et internationale.

La vraie question n’est donc pas : « Quand les Israéliens regretteront-ils ? »
Elle est : « Quand le monde, qui les arme et les protège diplomatiquement, acceptera-t-il de faire appliquer le droit ? »
Quand la Cour internationale de Justice rendra-t-elle un jugement exécutoire sur les accusations de génocide ?
Quand les États cesseront-ils de prétendre que l’embargo humanitaire ou la destruction d’un système de santé relèvent de la “légitime défense” ?

La morale individuelle a son importance, mais sans justice institutionnelle, elle reste un baume sur une plaie ouverte. Je doute sincèrement que les Israéliens reconnaissent un jour le génocide qu'ils ont commis. A-t-on jamais regretté la destruction totale de millions de vies palestiniennes depuis au moins 1948 ? La seule façon d'y parvenir maintenant est que les dirigeants soient appelés à rendre des comptes, à la manière de Nuremberg, et que le pays soit contraint de reconnaître ses actes. Ce serait la meilleure solution pour les Palestiniens comme pour les Israéliens, mais cela n'arrivera pas de sitôt, voire jamais. Malheureusement, aucun argument ne saurait les convaincre et je pense que les Israéliens accepteront fièrement le génocide et raconteront à leurs petits-enfants comment ils ont tué des enfants palestiniens pour sauver la terre pour eux.

La responsabilité, pas la honte

Il est tentant de souhaiter que la société israélienne éprouve un jour ce que ressentirent les Allemands en visitant les camps de concentration : le dégoût, la culpabilité, la honte. Mais la honte ne guérit rien. Elle enferme.
Ce qu’il faut, c’est la responsabilité : la capacité d’un peuple à se confronter à ses actes, à ouvrir ses archives, à juger ses dirigeants, à indemniser ses victimes et à reconstruire des institutions capables d’empêcher la répétition.

L’Afrique du Sud post-apartheid n’a pas été sauvée par la honte des Blancs, mais par un processus politique de vérité et de réconciliation  imparfait, mais historique.
L’Allemagne ne s’est pas relevée par le remords, mais par la dénazification, les procès, l’éducation civique, l’interdiction du révisionnisme. Il faut le même courage en Israël : un courage juridique, pas moraliste ; collectif, pas abstrait.

La mémoire, pas la mythologie

Chaque nation construit une mémoire sélective. Israël n’y échappe pas.
L’Holocauste a forgé une conscience tragique et légitime : celle d’un peuple qui ne veut plus jamais être persécuté. Mais cette mémoire est devenue, dans les mains des dirigeants actuels, un instrument de justification permanente.
Quand « plus jamais ça » devient « plus jamais pour nous », la mémoire se transforme en mythe nationaliste.
Le devoir de mémoire doit être universalisé : il ne consiste pas à hiérarchiser les souffrances, mais à tirer des leçons politiques de la douleur humaine.
Dire « plus jamais ça » doit signifier : plus jamais de ghettos, plus jamais de famines imposées, plus jamais de bombardements contre des populations civiles — où que cela se produise.

Conclusion :

Comment un peuple peut-il sortir du déni ? Trois conditions, au moins, sont nécessaires.

La vérité des faits. : Les crimes ne doivent pas rester noyés dans la propagande. Les organisations de défense des droits humains — israéliennes et internationales — doivent être protégées, pas criminalisées. Les journalistes doivent pouvoir documenter, les tribunaux doivent pouvoir enquêter, les archives doivent être ouvertes.

La pression extérieure : Aucune société ne se réforme seule quand elle bénéficie d’une impunité totale. Les alliés d’Israël — États-Unis, Europe, Australie, Canada — doivent cesser de parler de “préoccupations humanitaires” tout en livrant des armes et en couvrant diplomatiquement la guerre. L’histoire jugera ces complicités.

La reconstruction morale intérieure. : Les Israéliens doivent être encouragés à penser autrement leur sécurité. Un pays ne peut vivre éternellement derrière des murs. La paix ne viendra pas d’une victoire militaire, mais d’une reconnaissance : celle de la dignité égale du peuple palestinien et du droit de tous à vivre libres sur la même terre.

Être optimiste n’est pas nier la catastrophe. C’est refuser d’abandonner la croyance que la vérité finit toujours par fissurer le mensonge.
Oui, certains Israéliens, demain, diront peut-être : « J’ai toujours été contre ». Mais ce jour-là, il faudra leur rappeler que la morale ne réside pas dans les paroles tardives, mais dans les actes que l’on accomplit quand il est encore temps.

L’optimisme utile n’est pas celui des illusions, mais celui de la responsabilité : croire que les sociétés peuvent changer parce que des individus, aujourd’hui, refusent le silence.
Il n’est pas trop tard pour que des Israéliens — soldats, enseignants, parents — disent « pas en mon nom ». Il n’est pas trop tard pour que le reste du monde cesse de détourner le regard.

Les petits-enfants de criminels de guerre potentiels ne se poseront ces questions que s'ils grandissent à l'étranger ou si, sous la pression extérieure, Israël doit mener une guerre d'anéantissement ultra-moderne contre une population civile sans défense. L'État d'Israël est aussi endoctriné que l'Afrique du Sud de l'apartheid blanc. Maintenant que les otages ont été libérés et que le cessez-le-feu a été respecté, ils vont reprendre leurs activités habituelles, espérant que le monde oubliera Gaza, la Cisjordanie et la solution à deux États. Aucun scrupule, aucun regret, aucune honte !

Ce n’est pas la honte qui libérera la Palestine ni la vengeance qui sauvera Israël.
C’est la justice, lente, exigeante, universelle, qui seule peut transformer le deuil en avenir partagé

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                     « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. » 
https://kadertahri.blogspot.com/