Parfois il m'est utile de le dire !

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Ain El-Mahboula : Mémoire d’une Source et Source d’une Mémoire

  

Entre Géryville et El Bayadh, une légende d’eau et de nostalgie

La source d’Aïn El-Mahboula, située dans la ville d’El Bayadh — anciennement connue sous le nom de Géryville — constitue bien plus qu’un simple point d’eau dans la mémoire collective de la région. À travers le récit légendaire de « la femme folle », la fonction sociale du site et les transformations récentes liées à la restauration, cette étude explore la manière dont un espace naturel devient porteur de significations symboliques et identitaires. En revisitant la légende, l’usage et la valeur patrimoniale de la fontaine, cet article s’attache à montrer comment la mémoire de l’eau s’inscrit dans la continuité des générations, reliant le passé à l’avenir à travers un patrimoine à la fois matériel et immatériel.

Introduction : Une Source de Mémoire Collective

Certaines sources ne se contentent pas d’irriguer la terre : elles nourrissent la mémoire des hommes. Aïn El-Mahboula, située au cœur de la ville d’El Bayadh, autrefois appelée Géryville, est de celles-là. Lieu de sociabilité, de légende et de transmission, cette fontaine demeure un symbole identitaire fort pour plusieurs générations. Elle évoque un monde rural aujourd’hui disparu, où l’eau était à la fois élément vital et vecteur de lien social.

Cet article vise à revisiter la légende et l’histoire d’Aïn El-Mahboula, à analyser ses dimensions sociales et symboliques, et à interroger les enjeux contemporains de sa préservation patrimoniale.

La Légende Fondatrice : Entre Tragédie et Tendresse

La toponymie de la source – Aïn El-Mahboula, littéralement la source de la folle – trouve son origine dans un récit populaire profondément ancré dans la mémoire locale.
Une femme française, ayant perdu son enfant noyé dans le lac voisin, erra chaque jour jusqu’à la fontaine dans l’espoir vain de retrouver son fils. Peu à peu, sa présence silencieuse devint partie intégrante du paysage. Elle observait les enfants du village jouer près de l’eau, y trouvant un apaisement à sa douleur.

De cette figure tragique et maternelle serait née la légende. Elle inscrit la source dans un imaginaire collectif où la folie n’est plus malédiction, mais fidélité à l’amour et à la perte.
Ainsi, le lieu acquiert une dimension spirituelle : la source devient le témoin d’une humanité fragile, où la douleur se transforme en mémoire.

Une Architecture du Quotidien et du Partage

Au-delà de la légende, Ain El-Mahboula se distinguait par sa structure architecturale singulière : un bassin rectangulaire d’environ dix mètres, flanqué de deux bassins carrés couverts d’un préau. Ces espaces servaient de lavoirs collectifs, lieux d’activité domestique et de sociabilité féminine.

Les femmes y lavaient le linge, échangeaient des nouvelles, partageaient des récits. Les jeunes filles, en âge de se marier, profitaient de ces moments pour se mettre en valeur, recréant dans le quotidien une scène d’exposition sociale discrète mais essentielle.

Ce lieu, fonctionnel et symbolique, illustre l’imbrication du matériel et de l’immatériel dans le patrimoine local : l’eau et la pierre s’y mêlent aux rituels, aux gestes et aux regards.

La Source comme Espace Thérapeutique et Spirituel

La réputation d’Aïn El-Mahboula dépassait sa seule utilité domestique.
On prêtait à son eau des vertus curatives, notamment pour les affections oculaires. Selon la tradition, les enfants souffrant de conjonctivite devaient, à l’aube, plonger le visage dans l’eau limpide de la source pour obtenir la guérison divine.

Ce rituel, répété de génération en génération, conférait à la source une dimension sacrée. Elle devenait ainsi un espace de guérison et de purification, à la croisée de la foi, de la nature et de la science populaire.

Mémoire de l’Enfance et d’Identité  

Pour les habitants  d’hier de Géryville et les habitants d’El-Bayadh d’aujourd’hui, qu’ils soient restés ou partis, Aïn El-Mahboula constitue un ancrage émotionnel. Les récits de l’enfance, les jeux autour de la fontaine, les visages mouillés par l’eau fraîche au petit matin forment une trame commune à la mémoire collective.

Dans la diaspora, cette source devient le symbole d’un passé idéalisé, d’un retour impossible mais rêvé. Elle incarne cette nostalgie douce-amère propre aux lieux d’enfance : une présence absente, mais persistante dans la conscience.

Le Patrimoine à Restaurer  

La restauration du patrimoine, qu’il soit monumental ou modeste, ne saurait être réduite à un simple acte de réfection. Elle requiert une approche méthodique, respectueuse de l’esprit du lieu et de son histoire. Restaurer, c’est avant tout comprendre : comprendre la matière, les gestes d’autrefois, la symbolique du site et la charge émotionnelle qu’il porte. Toute intervention, même minime, devrait s’inscrire dans une logique de conservation durable et d’authenticité, car toucher à un patrimoine, c’est toucher à la mémoire collective.

Or, il est profondément regrettable de constater que les travaux entrepris pour la réhabilitation de la source d’Aïn El-Mahboula n’ont pas été menés dans l’esprit d’un véritable projet patrimonial. Ce qui aurait dû être une restauration respectueuse, fondée sur la connaissance de l’histoire, des matériaux et des savoir-faire traditionnels, s’est réduit à une simple opération de maçonnerie, dépourvue de vision esthétique et de sens historique.

Aucune étude préalable, ni diagnostic technique rigoureux, ne semble avoir été effectuée pour évaluer l’état des structures, la nature de la pierre, ou encore l’impact du temps et des conditions climatiques. Les matériaux utilisés  modernes, inadaptés, et souvent incompatibles avec la texture et la teinte d’origine trahissent le caractère architectural du site. Ces interventions hasardeuses risquent, à terme, d’accélérer la dégradation de l’édifice plutôt que de le préserver.

Il semblerait, selon certains témoignages locaux, que les travaux aient été réalisés de manière volontaire par un homme âgé, animé sans doute de bonnes intentions mais dépourvu de formation en conservation du patrimoine. Si le geste mérite respect pour son attachement au lieu, le résultat obtenu s’éloigne dramatiquement de ce que requiert un site de cette valeur symbolique. La restauration, au lieu de sublimer l’authenticité du bâti, en altère la lecture : les tonalités de la pierre, la texture des enduits et l’harmonie des volumes originels ont été remplacées par des couleurs étrangères à l’esprit de l’édifice, rompant ainsi l’équilibre visuel et historique du site.

Aujourd’hui, l’eau d’Ain El-Mahboula continue certes de couler, mais elle le fait avec lenteur, comme affaiblie par la dissonance entre le passé et le présent. Elle s’écoule non plus dans la noblesse d’un cadre ancestral, mais dans une enveloppe qui trahit son âme. Or, restaurer un lieu patrimonial, ce n’est pas le figer dans une modernité artificielle ; c’est lui redonner vie dans le respect du temps, de la mémoire et de la matière.

En cela, le cas d’Ain El-Mahboula rappelle que la restauration d’un patrimoine n’est pas un simple acte de construction, mais un acte de transmission. Elle engage une responsabilité éthique envers les générations passées qui l’ont bâti, et envers celles à venir qui devront encore pouvoir y reconnaître la trace authentique de leur histoire.

Ainsi, la réhabilitation d’Ain El-Mahboula doit être repensée dans une démarche intégrant la rigueur scientifique, la sensibilité esthétique et la conscience patrimoniale. Ce lieu mérite une renaissance véritable, respectueuse de sa morphologie, de sa mémoire et de sa valeur symbolique. Restaurer Ain El-Mahboula, c’est restaurer un lien entre la pierre et le souvenir, entre l’eau et la parole des anciens.

Pour une Conservation Vivante

Préserver Aïn El-Mahboula, c’est sauvegarder une part essentielle de l’identité d’El Bayadh.
Le patrimoine, qu’il soit matériel ou immatériel, nous relie au temps. Il façonne le sentiment d’appartenance, éclaire notre présent et oriente nos pas vers l’avenir.

Comme le rappelle Paul Ricœur, « la mémoire n’est pas seulement la conservation du passé, elle est le moteur du devenir ».
Redonner vie à Aïn El-Mahboula, c’est redonner sens à cette continuité : celle d’un peuple qui, dans l’eau claire de sa source, continue de se reconnaître.

Conclusion

Ain El-Mahboula incarne le passage du temps et la permanence du lien.
Entre la légende de la femme éplorée et la modernité des restaurations contemporaines, elle demeure le miroir d’une société attachée à ses racines.
Son eau, à la fois réelle et métaphorique, relie les générations, apaise la mémoire et rappelle que le patrimoine, comme la vie, ne vaut que s’il reste vivant.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                                  « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. » 
https://kadertahri.blogspot.com/

Les otages israéliens ont un prénom. Les prisonniers palestiniens ont un numéro de dossiers

 

Dans le conflit israélo-palestinien, la douleur a un visage, mais pas pour tout le monde. Les médias occidentaux, pris dans leur propre myopie morale, ont fait de la compassion un privilège géopolitique. Et quand l’humanité devient sélective, elle cesse d’être humaine.

Les bons otages et les mauvais prisonniers

Le 13 octobre, les téléphones de plusieurs familles israéliennes ont sonné. Au bout du fil,  non pas par l'intermédiaire de la Croix-Rouge ou de médiateurs, mais par un appel direct des membres de Hamas aux familles Une scène d’angoisse, bouleversante, humaine.

Les médias occidentaux ont unanimement relayé la scène,  larmes, colère, incompréhension.
Mais dans la plupart des articles, cette scène a été décrite comme un nouvel acte de barbarie palestinienne, comme la preuve ultime de la cruauté d’un ennemi « inhumain ».
Aucun grand titre, ou presque, n’a jugé utile d’interroger ce geste autrement, par exemple, comme un message désespéré d’un groupe cherchant à rappeler que la guerre déshumanise tout le monde.

Car, dans le récit médiatique dominant, l’humanité n’est pas universelle : elle est sélective. On la concède aux uns, on la refuse aux autres. Et depuis le 7 octobre, cette hiérarchie morale s’expose sans pudeur. Le scénario n’a pas changé depuis cinquante ans. Les mots, eux, sont devenus plus lisses.

Pendant que les caméras filmaient la détresse des familles israéliennes, personne  ou presque  ne s’est demandé ce que devenaient les 6 000 Palestiniens détenus sans inculpation, parfois depuis des années, parfois depuis l’adolescence,  Une situation particulièrement alarmante dans les camps militaires, dont l’accès est interdit aux observateurs extérieurs. Leur douleur, elle, n’a pas le bon passeport.

Le silence comme ligne éditoriale

Trois ONG israéliennes, B’Tselem, Adalah, PCATI, dénoncent régulièrement les tortures, humiliations et traitements dégradants dans les prisons israéliennes.
Mais ces rapports, pourtant produits par des sources israéliennes, ne franchissent presque jamais le filtre des rédactions européennes.

Pourquoi ?

Parce qu’ils fissurent la narration confortable d’un Israël éternellement « en défense ».
Parce qu’ils rappellent que la déshumanisation ne se loge pas seulement dans les roquettes, mais dans les cellules, les lois, les regards. Ainsi dans les medias occidentaux l’indignation a des frontières.

L’indignation Occidentale à géométrie variable  

Un enfant israélien tué, c’est une tragédie.
Un enfant palestinien tué, c’est un “dommage collatéral”.

Les mots choisis — frappe ciblée, riposte, conflit — deviennent des anesthésiants moraux.
Le vocabulaire lui-même construit la hiérarchie des larmes.

On ne parle plus de colonisation, mais « d’implantations ».
On ne parle plus d’apartheid, mais de « tensions communautaires ».
On ne parle plus de punition collective, mais de « riposte sécuritaire ».

Et dans ce brouillard sémantique, la conscience s’endort. On ne déforme pas seulement les faits, on reformate l’empathie. »

La neutralité, cette lâcheté polie

Les médias adorent l’expression : « des deux côtés ».
Elle donne l’impression d’équilibre, alors qu’elle masque la disproportion.
Mettre sur le même plan un peuple colonisé et une armée d’occupation, c’est déjà trahir la vérité.

Chaque fois qu’un journaliste gomme le mot occupation pour ménager un ministre ou un éditorialiste, c’est un morceau de réel qui disparaît.
Chaque fois qu’on remplace un cri palestinien par un communiqué militaire israélien, c’est une part d’humanité qu’on efface. La neutralité n’est pas une vertu quand elle protège la force

La banalité du mal médiatique

La presse ne tue pas : elle choisit qui mérite d’être pleuré. On cite Hannah Arendt, mais on oublie que la banalité du mal commence souvent derrière un bureau, devant un clavier.
Quand un rédacteur se dit : « Ce mot est trop fort ».
Quand un rédacteur en chef tranche : « Ce sujet n’intéressera pas nos lecteurs. »

Le mal médiatique est feutré, poli, professionnel.
Il ne crie pas. Il efface.
Il ne frappe pas. Il sélectionne.

L’Occident et son miroir brisé

Reconnaître la souffrance palestinienne ne revient pas à excuser le Hamas.
C’est simplement refuser la hiérarchie des victimes.
Mais dans les rédactions occidentales, pleurer un Palestinien reste un acte suspect.

L’Occident aime les guerres où il a raison d’avoir raison.
Il aime ses victimes dociles, ses coupables identifiables.
Il ne supporte pas les tragédies sans héros, ni celles où il pourrait être du mauvais côté de l’histoire. L’objectivité est devenue la feuille de vigne de la lâcheté morale.

La déshumanisation n’est pas un destin, c’est un choix

Israël déshumanise, le Hamas déshumanise, mais les médias, eux, anesthésient.
Ils nous apprennent à compatir sélectivement, à pleurer sur commande, à détourner les yeux quand la victime n’est pas la “bonne”.

La déshumanisation n’est pas un destin, c’est un choix

Israël déshumanise, l’Occident déshumanise mais les médias, eux, anesthésient.
Ils nous apprennent à compatir sélectivement, à pleurer sur commande, à détourner les yeux quand la victime n’est pas la “bonne”.

Croire qu’un seul camp déshumanise ici, c’est déjà participer à la déshumanisation.
C’est refuser de voir cette vérité dérangeante : le mal n’a jamais le monopole d’un drapeau.
Et c’est aussi nier cette évidence qu’Arendt avait déjà formulée : le mal n’est pas spectaculaire, il est banal. Mais il existe, en miroir, une banalité du bien, celle qui surgit quand on dépose les convictions idéologiques pour regarder, simplement, les gens comme des gens.

La déshumanisation mutuelle   n’est pas un destin.   Non, elle ne l’est pas.
Mais pour qu’elle cesse, encore faut-il nommer ceux qui l’entretiennent.
Et parler, enfin, au gouvernement israélien : celui qui, depuis des décennies, retient des milliers de Palestiniens sans inculpation ni procès, parfois dès l’âge de douze ans.
Ces détentions arbitraires sont une forme d’otage politique : elles déshumanisent, brisent les familles, terrorisent les communautés, tout en prétendant maintenir “l’ordre”.

Les combattants du Hamas qui ont pris des otages le 7 octobre ont, eux aussi, participé à cette mécanique de déshumanisation. Ils ont choisi la violence comme dernier langage face à un État qui ne négocie plus, convaincus que la brutalité forcerait le dialogue. Mais ce qu’ils ignoraient, c’est que le gouvernement israélien se moque des otages, qu’il n’attendait qu’un prétexte pour transformer Gaza en cimetière et effacer la Palestine de la carte.
Et dans ce cercle infernal, les innocents,  les enfants, les civils, les prisonniers  è deviennent la monnaie d’échange de l’inhumanité.

Pourtant, chaque libération, chaque restitution d’otage, chaque trêve même fragile, est une minuscule révolte contre cette logique de mort. C’est une brèche d’humanité dans un mur de haine.
La déshumanisation n’est jamais totale ; elle recule dès qu’un homme choisit de ne pas se réjouir du mal qu’il inflige, dès qu’une femme ose pleurer l’ennemi.

Car aussi facile qu’il soit pour l’humain d’objectiver autrui, il lui est tout aussi facile — et bien plus courageux — de faire preuve d’empathie.
Il suffit d’un choix conscient : celui de ne pas se laisser gouverner par la peur.
Et même si le mal semble “nécessaire”, même si la violence est “justifiée”, le véritable humanisme consiste à pleurer le mal que l’on fait, au lieu de le célébrer.

Conclusion

Or la déshumanisation n’est jamais automatique : elle se fabrique, phrase après phrase, silence après silence. Et la presse, en prétendant “rester neutre”, en est devenue le moteur le plus sophistiqué

Il existe pourtant une échappée.
Un sursaut. Celui de la banalité du bien : refuser la hiérarchie des larmes.
Regarder, nommer, dire — sans peur de déplaire, sans chercher à plaire. C’est simplement ce qu’il reste de la morale quand tout le reste s’effondre.
Et si le journalisme ne peut plus le dire, alors c’est qu’il a choisi son camp, celui du silence et ainsi la
compassion, quand elle porte un uniforme, n’est plus de la compassion. C’est de la propagande. Aussi facile qu'il soit pour les humains d'objectiver autrui, il est tout aussi facile de faire preuve d'empathie. Il suffit d'un choix conscient et de maîtriser sa peur. Même si le mal est alors nécessaire et justifié, par exemple en cas de légitime défense, le mal causé est pleuré plutôt que célébré et perçu dans toute sa laideur.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                     « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. » 
https://kadertahri.blogspot.com/

 

 


Le Maroc des vitrines industrielles et le peuple oublié : derrière le moteur Safran, la mécanique du silence


 

On inaugure des moteurs d’avion flambant neufs pendant que des jeunes diplômés arpentent les rues sans avenir. Le Maroc avance à deux vitesses : celle du prestige royal et celle de la survie populaire

Le Maroc vient, une fois encore, d’ériger un symbole industriel censé prouver au monde sa “modernité” et son “rayonnement”. À Nouaceur, le Roi Mohammed VI a présidé la cérémonie de lancement du complexe industriel de moteurs d’avions du groupe français Safran — un projet présenté comme un tournant historique pour l’économie nationale. La presse officielle s’en est emparée avec une ferveur prévisible : on y parle de “complexe de classe mondiale”, de “hub stratégique mondial”, de “vision éclairée du souverain”. Le vocabulaire de la grandeur et du progrès technologique s’y déploie sans nuance, comme dans un rituel de célébration monarchique.

Mais derrière ce récit officiel se cache une réalité sociale étouffée : celle d’un peuple qui souffre de chômage, de précarité, d’inégalités régionales et d’un sentiment d’exclusion croissant. Ce discours triomphaliste, qui vante des investissements étrangers comme des victoires nationales, sert moins à informer qu’à légitimer un modèle politique où la communication remplace la justice sociale.
Il faut alors interroger ce que ce texte ne dit pas : à qui profite ce “progrès” industriel, et que révèle-t-il de la manière dont le pouvoir détourne le regard de la souffrance quotidienne des Marocains

Un discours de légitimation sous couvert de modernité

Selon la presse du Palais qui relatant la cérémonie de Nouaceur s’apparente à un véritable rituel de légitimation monarchique. Le Roi est décrit comme l’unique moteur du développement industriel : “grâce à la vision éclairée du Souverain, le Maroc s’est érigé en destination mondiale incontournable dans les secteurs de pointe”.
Cette rhétorique répétée à l’envi transforme chaque investissement étranger en trophée royal. Le progrès n’est plus le fruit d’un effort collectif, mais le prolongement d’une volonté divine.

Pourtant, derrière la mise en scène d’un Maroc “hub mondial”, le projet Safran illustre une dépendance structurelle aux puissances étrangères.
Le PDG du groupe, Ross McInnes, le dit avec diplomatie : “Nous ne produisons pas au Maroc, mais avec le Maroc.”
La formule est élégante, mais le fond est clair : la technologie, la propriété intellectuelle et les décisions stratégiques restent entre les mains du partenaire français, tandis que le Maroc offre la main-d’œuvre, le foncier et les incitations fiscales.
Ce “partenariat d’exception” ressemble donc davantage à une sous-traitance modernisée qu’à une souveraineté industrielle.

En glorifiant ces investissements comme des victoires nationales, le pouvoir monarchique se drape dans le prestige du capital étranger pour masquer ses propres impasses économiques. Le progrès devient un outil politique, un décor servant à renforcer l’image d’un royaume “performant”, quitte à en oublier le prix social.

 

Un progrès qui oublie le peuple

Dans un pays où plus d’un tiers des jeunes diplômés urbains sont au chômage, où les enseignants contractuels protestent pour de meilleurs salaires, et où les inégalités territoriales persistent entre les métropoles côtières et l’intérieur rural, la célébration d’une usine d’élite résonne comme une provocation silencieuse.
L’article officiel ne prononce pas un mot sur ces fractures. Il préfère annoncer fièrement la création de “600 emplois directs à l’horizon 2030”, comme si ce chiffre suffisait à compenser l’absence d’une politique nationale de plein emploi.

Cette stratégie de communication construire quelques pôles industriels et les ériger en symboles nationaux relève d’une politique de vitrine.
Les zones comme Midparc ou Tanger Med incarnent un Maroc modernisé en surface, connecté aux chaînes de valeur mondiales, mais déconnecté de sa population.
Autour, les villages s’appauvrissent, les jeunes s’exilent, et les services publics s’effondrent.
On célèbre les moteurs d’avion de dernière génération pendant que des milliers de familles n’ont toujours pas accès à une éducation ou à une santé dignes.

Le pouvoir préfère le prestige à la redistribution. Il bâtit des récits au lieu de bâtir une politique sociale. Et tant que la pauvreté, l’exclusion et la précarité resteront des sujets tabous dans les médias d’État, les inaugurations se succéderont comme des mascarades de modernité.

Conclusion : un moteur qui tourne à vide

Le complexe Safran de Nouaceur n’est pas un symbole de progrès ; il est le miroir d’un système qui confond communication et développement, croissance et justice, investissement étranger et souveraineté nationale.
Il incarne le Maroc des vitrines : celui qui veut séduire l’Occident et rassurer les marchés, tout en ignorant le Maroc réel celui des précaires, des chômeurs, des jeunes diplômés sans avenir.

Ce modèle, centré sur l’image du Roi et la dépendance au capital étranger, risque d’étouffer ce qu’il prétend promouvoir : l’émergence d’un pays libre, juste et égalitaire.
Le Maroc n’a pas besoin d’un moteur Safran pour prouver sa valeur ; il a besoin d’un moteur social, celui de la dignité, de la redistribution et de la liberté.
Sans cela, la mécanique du progrès tournera indéfiniment à vide, dans un ciel que beaucoup de Marocains ne verront jamais.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                                    « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. » 
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La hiérarchie médiatique et politique de la compassion dans la guerre contre Gaza

Toutes les victimes se valent : Dans les rédactions françaises, la compassion s’est calibrée comme un JT : un visage, une larme, un nom. Mais les guerres ne sont pas des scénarios, et les morts n’ont pas de camp. L’humanité n’est pas divisible, même quand la politique la segmente.

On finit par s’y habituer. À chaque flambée de violence au Proche-Orient, les médias français rejouent la même partition : émotion à géométrie variable, compassion sélective, indignation asymétrique. Le texte récemment paru dans la presse, avec sa verve acide et son ironie grinçante, met le doigt sur cette blessure morale : la vie d’un Israélien semble parfois peser plus lourd que celle d’un Palestinien. Derrière l’exagération, il y a un malaise réel, un déséquilibre du regard.

Il ne s’agit pas de nier la souffrance des uns ou des autres, mais de rétablir l’égalité du deuil. Quand on célèbre la libération de quelques otages israéliens en oubliant les milliers de prisonniers palestiniens détenus sans jugement, on fabrique une hiérarchie de l’émotion. On déshumanise à nouveau ceux qu’on prétend défendre, simplement parce qu’ils ne sont pas nés du « bon côté » du mur.

Les mots ont un poids : les « otages » d’un camp deviennent les « prisonniers » de l’autre. Et dans ce glissement sémantique, tout un système d’aveuglements prend racine.

Chaque guerre finit par ressembler à la précédente : des images de ruines, des visages d’enfants, des chiffres sans fin. Mais dans les rédactions françaises, l’émotion s’est standardisée. On choisit qui mérite les pleurs du soir, qui aura droit à l’indignation, et qui restera dans la colonne des dégâts collatéraux.
Une phrase, récemment écrite dans un journal, résume brutalement cette inégalité morale :

« Un Israélien vaut cent Palestiniens. »
Derrière la provocation, c’est une vérité dérangeante : leurs larmes ont un sens politique.

L’émotion calibrée, la douleur hiérarchisée

Quand un otage israélien retrouve la liberté, la France retient son souffle. On connaît son prénom, son âge, son histoire. Les plateaux s’ouvrent, les ministres s’émurent, les caméras filment la joie.
Quand des dizaines de Palestiniens sortent de prison après des années de détention sans procès, le silence règne. Aucun nom, aucune image, aucune émotion.
La compassion, comme la diplomatie, semble avoir ses frontières.

Et c’est là le plus grand naufrage de nos médias : l’inhumanité sélective. Les journalistes ne manquent pas de courage, mais leurs récits se plient à la dramaturgie dominante : celle qui met en scène l’émotion occidentale, jamais la douleur étrangère.
La guerre devient un feuilleton : il faut un héros, un monstre, une intrigue simple, un camp du bien. Le reste, on le coupe au montage.

On l’a vu récemment avec la mise en scène des « retrouvailles miraculeuses » des deux frères israéliens, libérés à quelques heures d’intervalle alors qu’ils n’avaient jamais été captifs ensemble. Une histoire dans l’histoire, calibrée pour la presse occidentale, avide de symboles et de larmes télévisées.
Ce n’est pas tant la véracité de l’épisode qui importe que son usage émotionnel : le drame devient scénario, la guerre se transforme en feuilleton. On ne montre plus la complexité du conflit, mais des séquences d’émotion instantanée. La souffrance devient un produit médiatique.
Et ce que la mise en récit efface, ce sont les autres visages : ceux qu’on ne filme pas, ceux dont on ne connaît ni le nom ni le sort, parce qu’ils n’appartiennent pas au bon récit. La compassion devient un choix éditorial.

La communication a remplacé la conviction

Dans ce grand théâtre, les dirigeants jouent leur rôle avec un talent consommé. L’auteur ironisait : « Macron, l’homme qui connaît les prénoms des otages par cœur ».
La formule frappe juste : elle dit tout d’une époque où la compassion présidentielle se mesure à la mémoire des noms, non à la constance des principes.

La France, autrefois médiatrice du Proche-Orient, s’est réduite à un figurant applaudissant les décisions américaines.
Elle ne parle plus : elle communique.
Elle ne pèse plus : elle compatit à heure fixe.

On n’attend pas d’un président qu’il pleure, mais qu’il agisse. Qu’il ose dire qu’aucune armée ne se grandit en affamant des civils, et qu’aucun peuple ne se libère en tuant des innocents.
Mais la politique du « en même temps » ne protège plus personne quand les bombes tombent.

Les mots sont déjà des armes

Les mots ont un sens, et parfois un poids de mort. On ne désigne pas les mêmes réalités quand on parle d’« otages », de « prisonniers » ou de « détenus ». Dans le tumulte des récits, chaque mot oriente le regard : l’un évoque l’innocence, l’autre la culpabilité, le troisième la légitimité.
En Israël comme en Palestine, des hommes et des femmes sont enfermés, arrachés à leurs familles, souvent sans procès, parfois sans espoir de retour. Les appeler par leur juste nom — des captifs, des êtres humains privés de liberté — devrait être la première exigence du journalisme et de la diplomatie. Car quand le langage se déforme, la réalité suit. Nommer certains « terroristes » et d’autres « soldats », c’est déjà décider qui a droit à la pitié et qui ne l’a pas. C’est cette asymétrie des mots qui rend possible l’asymétrie des morts.

Combien d’otages parmi les prisonniers palestiniens auront été détenus arbitrairement, torturés, durant des mois voire des années, avant d’être libérés sans procès ?
Combien de prisonniers de guerre israéliens présentés malhonnêtement comme des otages ?
Combien de palestiniens seront repris dans les prochains jours pour augmenter le nombre d’otages à disposition et faire pression sur les familles ?
Autant je pense que le conflit israélo palestinien n’aurait jamais  autant l’ignominie, je ne vois pas de mot assez fort en réalité, de la haine ouverte contre un peuple et de la servilité envers une entité, aucun respect de la légalité, aucunes frontières déclarées ni constitution font d’Israël un objet territorial non identifié, et des envahisseurs qui s’inventent une histoire et ont tous les droits.
J’espère que la résistance palestinienne va se trouver un nouveau représentant, ce peuple a payé le prix fort pour mériter de vivre

Toutes les victimes se valent

Dire cela ne relativise rien. Pleurer les victimes israéliennes ne diminue pas la douleur palestinienne, et inversement.
Au contraire : reconnaître la souffrance de l’autre, c’est poser la première pierre de la paix.

Les mères pleurent de la même manière à Gaza et à Tel-Aviv. Les enfants se cachent sous les mêmes cris, la même peur. Ce sont les adultes qui divisent, pas les larmes.
Et si notre empathie s’arrête à la frontière des alliances, alors notre morale ne vaut plus rien.

Le courage de regarder en face

Le rôle des journalistes n’est pas de choisir les bons morts, mais de rendre leurs visages à tous.
Le rôle des citoyens n’est pas de répéter les slogans des gouvernants, mais de poser des questions simples : pourquoi ce silence ? Pourquoi cette asymétrie ? Pourquoi ce tri dans la douleur ?

Le vrai courage, aujourd’hui, ce n’est pas de s’indigner à heure fixe. C’est de dire que le bombardement de Gaza en est une horreur absolue, la famine organisée, l’humiliation d’un peuple en cage, en sont une autre. C’est cela, le cœur de l’humanisme : dénoncer que la vengeance tienne lieu de justice.

Ne pas choisir un camp, mais un principe

Dans ce conflit comme dans d’autres, la question n’est pas « qui a commencé ? », mais « combien de temps encore allons-nous détourner le regard ? ».
Chaque enfant tué est une défaite collective.
Chaque silence médiatique est une abdication morale.
Chaque justification politique est un pas de plus vers la déshumanisation.

Ce texte n’appelle pas à choisir entre Israël et la Palestine.
Il appelle à choisir entre la peur et la justice, entre la propagande et la vérité, entre l’oubli et la conscience.

Une société qui ne pleure plus pour tous a déjà perdu son âme.
Et quand une vie palestinienne finit par valoir moins qu’un tweet, c’est toute notre humanité qu’on enterre sous les décombres.

Conclusion :

Dans cette logique, les dirigeants jouent leur rôle. Quand Emmanuel Macron est dépeint comme « l’homme qui connaît les prénoms des otages par cœur », la pique est cruelle, mais révélatrice. Le président français incarne cette diplomatie de l’émotion : compassion à la main, mais silence sur le fond. Le symbole remplace l’action. Connaître les prénoms ne rend pas la liberté, et encore moins la paix. Ce n’est pas de mémoire qu’il s’agit, mais de courage politique.

Or, le courage consisterait aujourd’hui à rappeler une évidence devenue presque subversive : toutes les vies ont la même valeur. Qu’elles soient israéliennes, palestiniennes, ukrainiennes ou soudanaises, les vies fauchées par la guerre méritent la même larme, le même respect, la même exigence de justice. Refuser de hiérarchiser la douleur n’est pas relativiser le crime, c’est redonner à la morale sa cohérence.

Les médias, les gouvernants, les citoyens doivent retrouver cette lucidité : celle qui ne se laisse pas guider par la peur, le spectacle ou le réflexe tribal. La compassion n’a de sens que si elle est universelle. Autrement, elle devient une arme de plus dans la guerre des récits.
Le rôle d’une presse libre n’est pas de pleurer sur commande, mais de rétablir l’humanité des invisibles. Et le rôle d’une démocratie digne de ce nom n’est pas de compter les morts, mais d’en empêcher d’autre

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

Le miroir obscène du conflit israélo-palestinien : Toutes les vies ne se valent pas

Alors que les médias occidentaux s’émeuvent de la libération d’otages israéliens, le sort des prisonniers palestiniens reste dans l’ombre.
Cette tribune dénonce la hiérarchie des compassions, l’impunité d’un régime colonial et l’hypocrisie d’un ordre international qui a cessé de croire à l’universalité des droits humains.

Oui, je me réjouis que des israéliens aient été libérés après des semaines de captivité. Et je me réjouis tout autant pour les prisonniers palestiniens enfin sortis des geôles israéliennes. Ces deux joies devraient être universelles, la libération d’êtres humains rendus à leurs familles.
Mais à chaque fois que l’émotion médiatique s’empare de ce conflit, elle révèle une constante : toutes les souffrances n’ont pas le même poids, toutes les vies n’ont pas la même valeur.

Le poids des mots, l’injustice du langage

On parle d’« otages » pour les Israéliens et de « prisonniers » pour les Palestiniens. Comme si les uns incarnaient la tragédie et les autres la faute. Pourtant, il s’agit dans les deux cas d’êtres humains privés de liberté, souvent innocents.
Cette asymétrie linguistique n’est pas anodine : elle reflète la hiérarchie implicite des compassions. On pleure les uns, on justifie les autres. On exige la libération immédiate des uns, on tolère la détention indéfinie des autres.

Selon B’Tselem et Amnesty International, plus de 9 000 Palestiniens sont actuellement détenus en Israël, dont environ 3 000 sans inculpation ni procès, sous le régime de la « détention administrative ». Parmi eux, des mineurs. Ce sont des réalités que le droit international condamne, mais que les chancelleries préfèrent ignorer.

Des prisons et des ruines

Les images des échanges récents sont éloquentes : d’un côté, des civils israéliens affaiblis mais entourés, pris en charge ; de l’autre, des Palestiniens libérés après des années derrière les barreaux, marqués par la privation et la peur.
Cette comparaison ne vise pas à hiérarchiser la douleur, mais à rappeler l’ampleur de la déshumanisation. On s’inquiète pour les captifs israéliens, mais qui s’indigne encore du sort de ceux qu’Israël enferme chaque jour en silence ?

Et pendant que les caméras se tournent vers les célébrations de trêve, la vie continue de s’éteindre à Gaza. Des dizaines de milliers de civils ont péri sous les bombes. Les rapports de l’ONU, de Médecins sans Frontières et de Human Rights Watch parlent de destructions massives d’habitations, d’écoles, d’hôpitaux, d’infrastructures vitales. Une population entière broyée sous le prétexte de la « sécurité ».

Le citoyen algérien que je suis

Le citoyen algérien que je suis, dénonce sans détour le projet colonial sioniste, ce système d’expansion et de domination qui, depuis 1948, a effacé les particularismes locaux et détruit la continuité historique du peuple palestinien.
Je condamne fermement l’impérialisme qui a déraciné des générations entières au nom d’une idéologie nationale excluante.

Il faut le dire avec clarté : la colonisation n’est pas une politique, c’est un crime. Elle nie le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, elle piétine le droit international et elle pervertit toute idée de justice.
Lorsque l’entité sioniste d’Israël actuel affirme refuser toute perspective d’État palestinien et toute souveraineté partagée sur Jérusalem, elle ne fait qu’entretenir un système de domination sans horizon de paix. La « politique du fait accompli » aggrave chaque jour un climat déjà saturé de souffrance et d’injustice.

Dans ce contexte, le mouvement Hamas, quelles que soient les divergences qu’on puisse avoir avec sa ligne, reste perçu, pour une grande partie de la population palestinienne, comme un mouvement de résistance né de l’occupation et de l’enfermement. On ne peut comprendre sa raison d’être sans reconnaître la violence structurelle de l’occupation qui l’a engendré.

Je le redis : la colonisation de la Palestine est illégale, immorale et indéfendable. Chaque balle tirée en Cisjordanie, chaque maison détruite à Jérusalem-Est, chaque oliveraie arrachée ou citerne rasée est un acte contraire au droit international, assimilable à un crime contre l’humanité. Les institutions internationales l’ont jugé, les ONG l’ont documenté, et pourtant, le silence persiste.

La société israélienne, en grande partie unie dans la défense d’un projet colonial, porte aujourd’hui une responsabilité morale : celle de refuser la servitude du nationalisme et d’affronter la vérité de l’oppression commise en son nom.
Car résister à l’occupation, ce n’est pas nier la souffrance des civils israélien c’est refuser que leur sécurité serve d’alibi à un régime d’apartheid.

Cisjordanie : la colonisation au grand jour

Alors qu’on célèbre la suspension des bombardements, les colons israéliens poursuivent leur avancée en Cisjordanie, soutenus par un gouvernement qui a fait de l’annexion une doctrine. Les violences contre les Palestiniens s’intensifient, souvent en toute impunité.
Yesh Din et Breaking the Silence documentent depuis des années cette colonisation méthodique : confiscations, destructions, expulsions. Et malgré cela, les alliés occidentaux d’Israël maintiennent leurs livraisons d’armes et bloquent toute résolution contraignante au Conseil de sécurité.

L’hypocrisie des puissances

Les dirigeants occidentaux se veulent gardiens du droit international, défenseurs des droits humains, chantres du « plus jamais ça ». Mais leur indignation s’arrête aux frontières de Gaza.
Quand Israël bombarde des camps de réfugiés, c’est une « riposte ». Quand des Palestiniens réclament leur liberté, c’est une « provocation ».
Cette hypocrisie n’est plus seulement morale : elle est politique. Elle mine l’universalité des valeurs humanistes et révèle un ordre international à deux vitesses — un ordre où la force dicte le droit.

Le silence, complice du pouvoir

L’opinion publique, lassée ou désorientée, finit par se taire. Le silence devient la norme, l’indifférence une forme d’obéissance. Pourtant, chaque jour à Gaza, en Cisjordanie, dans les camps du Liban, des Palestiniens continuent de croire que leur vie vaut autant que celle d’un autre.
Ce n’est pas une revendication radicale : c’est une exigence de justice.

Pour une égalité des vies

Refuser la propagande, ce n’est pas refuser la compassion. C’est l’étendre à tous.
Il ne s’agit pas d’opposer des souffrances, mais de rétablir une vérité simple : aucun peuple n’a le monopole de la douleur, et aucun État ne doit avoir le droit d’écraser un autre au nom de sa sécurité.

La paix, si elle doit venir un jour, ne naîtra pas des calculs militaires ni des trêves imposées. Elle viendra du courage de dire que toutes les vies se valent — et que c’est ce principe, trahi depuis des décennies, qu’il faut défendre avant tout.

Conclusion

Le drame palestinien n’est pas une fatalité historique : c’est un choix politique, rendu possible par le silence des consciences.
Tant que les voix libres refuseront de se taire, il restera une chance — infime mais réelle — de rendre à ce mot galvaudé, humanité, un peu de son sens.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/