Alors que les médias occidentaux s’émeuvent de la
libération d’otages israéliens, le sort des prisonniers palestiniens reste dans
l’ombre.
Cette tribune dénonce la hiérarchie des compassions, l’impunité d’un régime
colonial et l’hypocrisie d’un ordre international qui a cessé de croire à
l’universalité des droits humains.
Oui, je me
réjouis que des israéliens aient été libérés après des semaines de captivité.
Et je me réjouis tout autant pour les prisonniers palestiniens enfin sortis des
geôles israéliennes. Ces deux joies devraient être universelles, la libération
d’êtres humains rendus à leurs familles.
Mais à chaque fois que l’émotion médiatique s’empare de ce conflit, elle révèle
une constante : toutes les souffrances n’ont pas le même poids, toutes les vies
n’ont pas la même valeur.
Le poids des mots, l’injustice du langage
On parle d’«
otages » pour les Israéliens et de « prisonniers » pour les Palestiniens. Comme
si les uns incarnaient la tragédie et les autres la faute. Pourtant, il s’agit
dans les deux cas d’êtres humains privés de liberté, souvent innocents.
Cette asymétrie linguistique n’est pas anodine : elle reflète la hiérarchie
implicite des compassions. On pleure les uns, on justifie les autres. On exige
la libération immédiate des uns, on tolère la détention indéfinie des autres.
Selon B’Tselem
et Amnesty International, plus de 9 000 Palestiniens sont
actuellement détenus en Israël, dont environ 3 000 sans inculpation ni
procès, sous le régime de la « détention administrative ». Parmi eux, des mineurs.
Ce sont des réalités que le droit international condamne, mais que les
chancelleries préfèrent ignorer.
Des prisons
et des ruines
Les images
des échanges récents sont éloquentes : d’un côté, des civils israéliens
affaiblis mais entourés, pris en charge ; de l’autre, des Palestiniens libérés
après des années derrière les barreaux, marqués par la privation et la peur.
Cette comparaison ne vise pas à hiérarchiser la douleur, mais à rappeler
l’ampleur de la déshumanisation. On s’inquiète pour les captifs israéliens,
mais qui s’indigne encore du sort de ceux qu’Israël enferme chaque jour en
silence ?
Et pendant
que les caméras se tournent vers les célébrations de trêve, la vie continue de
s’éteindre à Gaza. Des dizaines de milliers de civils ont péri sous les bombes.
Les rapports de l’ONU, de Médecins sans Frontières et de Human
Rights Watch parlent de destructions massives d’habitations, d’écoles,
d’hôpitaux, d’infrastructures vitales. Une population entière broyée sous le
prétexte de la « sécurité ».
Le citoyen
algérien que je suis
Le citoyen
algérien que je suis, dénonce sans détour le projet colonial sioniste, ce
système d’expansion et de domination qui, depuis 1948, a effacé les
particularismes locaux et détruit la continuité historique du peuple
palestinien.
Je condamne fermement l’impérialisme qui a déraciné des générations entières au
nom d’une idéologie nationale excluante.
Il faut le
dire avec clarté : la colonisation n’est pas une politique, c’est un crime.
Elle nie le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, elle piétine le droit
international et elle pervertit toute idée de justice.
Lorsque l’entité sioniste d’Israël actuel affirme refuser toute perspective
d’État palestinien et toute souveraineté partagée sur Jérusalem, elle ne fait
qu’entretenir un système de domination sans horizon de paix. La « politique
du fait accompli » aggrave chaque jour un climat déjà saturé de souffrance
et d’injustice.
Dans ce
contexte, le mouvement Hamas, quelles que soient les divergences qu’on puisse
avoir avec sa ligne, reste perçu, pour une grande partie de la population
palestinienne, comme un mouvement de résistance né de l’occupation et de
l’enfermement. On ne peut comprendre sa raison d’être sans reconnaître la
violence structurelle de l’occupation qui l’a engendré.
Je le redis
: la colonisation de la Palestine est illégale, immorale et indéfendable.
Chaque balle tirée en Cisjordanie, chaque maison détruite à Jérusalem-Est,
chaque oliveraie arrachée ou citerne rasée est un acte contraire au droit
international, assimilable à un crime contre l’humanité. Les institutions
internationales l’ont jugé, les ONG l’ont documenté, et pourtant, le silence
persiste.
La société
israélienne, en grande partie unie dans la défense d’un projet colonial, porte
aujourd’hui une responsabilité morale : celle de refuser la servitude du
nationalisme et d’affronter la vérité de l’oppression commise en son nom.
Car résister à l’occupation, ce n’est pas nier la souffrance des civils
israélien c’est refuser que leur sécurité serve d’alibi à un régime
d’apartheid.
Cisjordanie
: la colonisation au grand jour
Alors qu’on
célèbre la suspension des bombardements, les colons israéliens poursuivent leur
avancée en Cisjordanie, soutenus par un gouvernement qui a fait de l’annexion
une doctrine. Les violences contre les Palestiniens s’intensifient, souvent en
toute impunité.
Yesh Din et Breaking the Silence documentent depuis des années
cette colonisation méthodique : confiscations, destructions, expulsions. Et
malgré cela, les alliés occidentaux d’Israël maintiennent leurs livraisons
d’armes et bloquent toute résolution contraignante au Conseil de sécurité.
L’hypocrisie
des puissances
Les
dirigeants occidentaux se veulent gardiens du droit international, défenseurs
des droits humains, chantres du « plus jamais ça ». Mais leur indignation
s’arrête aux frontières de Gaza.
Quand Israël bombarde des camps de réfugiés, c’est une « riposte ». Quand des
Palestiniens réclament leur liberté, c’est une « provocation ».
Cette hypocrisie n’est plus seulement morale : elle est politique. Elle mine
l’universalité des valeurs humanistes et révèle un ordre international à deux
vitesses — un ordre où la force dicte le droit.
Le silence,
complice du pouvoir
L’opinion
publique, lassée ou désorientée, finit par se taire. Le silence devient la
norme, l’indifférence une forme d’obéissance. Pourtant, chaque jour à Gaza, en
Cisjordanie, dans les camps du Liban, des Palestiniens continuent de croire que
leur vie vaut autant que celle d’un autre.
Ce n’est pas une revendication radicale : c’est une exigence de justice.
Pour une
égalité des vies
Refuser la
propagande, ce n’est pas refuser la compassion. C’est l’étendre à tous.
Il ne s’agit pas d’opposer des souffrances, mais de rétablir une vérité simple
: aucun peuple n’a le monopole de la douleur, et aucun État ne doit avoir le
droit d’écraser un autre au nom de sa sécurité.
La paix, si
elle doit venir un jour, ne naîtra pas des calculs militaires ni des trêves
imposées. Elle viendra du courage de dire que toutes les vies se valent — et
que c’est ce principe, trahi depuis des décennies, qu’il faut défendre avant
tout.
Conclusion
Le drame
palestinien n’est pas une fatalité historique : c’est un choix politique, rendu
possible par le silence des consciences.
Tant que les voix libres refuseront de se taire, il restera une chance — infime
mais réelle — de rendre à ce mot galvaudé, humanité, un peu de son sens.
Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. »
https://kadertahri.blogspot.com/

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