Parfois il m'est utile de le dire !

                                                                                                          Oh! Colombe, transmets mon salut d...

Oran, ma ville… Splendeurs et décadences !

« La nostalgie revient quand le présent n’est pas à la hauteur du passé. »

Ce texte est un cri du cœur, une lettre ouverte à ma ville, Oran.
Une ville qui m’a vu grandir, rire, pleurer et rêver.
Entre nostalgie et espoir, je partage ici mes souvenirs d’une époque où la vie avait le goût de la simplicité, et ma tristesse face à ce qu’elle est devenue.
Mais au fond de moi, je garde la certitude qu’Oran retrouvera un jour sa lumière.

Les années d’insouciance

Oran… rien que de prononcer son nom, mon cœur se serre et mes souvenirs affluent.
C’est ma ville, celle de ma jeunesse, de mes premières joies, de mes plus grandes peines aussi. Là où j’ai appris à vivre, à aimer, à rire aux éclats, à pleurer parfois. Oran, c’était plus qu’un lieu c’était une âme, un battement de vie.

Dans le quartier où j’ai grandi, tout le monde se connaissait. Les voisins étaient comme une famille. On partageait le pain, les soucis et les moments de fête. On se sentait en sécurité, entouré de regards bienveillants. Les gens étaient simples, sincères, et surtout vrais.
On n’essayait pas d’impressionner, on vivait avec ce qu’on avait, fiers d’être oranais.

Les familles d’Oran portaient leur ville dans le cœur. Le civisme, le respect et l’éducation étaient des valeurs sacrées. On apprenait très tôt ce que voulait dire la propreté, le respect du bien commun. Malheur à celui qui salissait la rue il recevait une bonne leçon de morale, et parfois plus !
C’était ça, l’esprit oranais : la fierté, la dignité, la simplicité et la discipline mêlées à une joie de vivre unique.

Une époque bénie

Quand on est vrai et authentique, on n’a rien à cacher. À cette époque, les êtres naturels fleurissaient dans leur environnement.
Oran vibrait d’une énergie pure : la liberté, la camaraderie, les plaisirs simples. On riait sans raison, on profitait du coucher du soleil sur la mer, on se retrouvait entre amis autour d’un café ou d’une partie de cartes.

Les rues sentaient la menthe et la fleur d’oranger, les soirées d’été résonnaient de musique et de bonne humeur.
Vivre, c’était simplement être là, ensemble.
Et moi, j’ai aimé la vie avec ses joies, ses excès, ses éclats de rire et ses amitiés sincères.

On me disait souvent :
« Ne cherche pas trop, les plus belles choses arrivent quand on ne les attend pas. »
Et c’est vrai. La vie m’a appris à savourer chaque instant, à tirer des leçons de mes erreurs sans m’y enfermer. Car certaines fautes, si on les rumine, finissent par nous empêcher d’avancer.

Le désenchantement

Mais aujourd’hui… qu’en est-il ?
Je regarde ma ville et je ne la reconnais plus. On me dit qu’elle moderne, elle n’avait pas besoin de changer, elle était déjà moderne.

Oran, jadis perle du bassin méditerranéen, est devenue méconnaissable. Une grande partie de ses habitants a perdu le sens du civisme, de la responsabilité et du respect.
Les rues sont jonchées d’ordures, les façades s’effritent, le patrimoine tombe en ruine. Là où autrefois la vie bouillonnait, je ne vois plus que désordre et abandon.

Ce qui me blesse le plus, c’est cette indifférence générale.
Personne ne bouge le petit doigt, comme si tout cela était normal.
Notre ville, autrefois un rêve oranais, est devenu une ville morte — vidée de son âme, trahie par ceux qui devaient la protéger.

Pendant des décennies, Oran a été livrée à des élus incompétents, corrompus, plus soucieux de leurs sièges que du bien commun. Ils ont détruit ce qui faisait la fierté oranaise : la beauté, la culture, le respect et la convivialité.
Mais malgré tout, je veux croire que le changement est possible.

Un espoir, encore

Oui, j’espère encore.
J’espère voir émerger une nouvelle génération d’Oranais fiers, honnêtes et responsables.
J’espère qu’ils sauront redonner à notre ville son éclat, son âme et son honneur.

Nous, citoyens d’Oran, devons bannir pour toujours cette mentalité du « takhti rassi wetfout » — ce “tant que ça ne me concerne pas”.
Notre ville a besoin de vigilance, de civisme, d’amour.
Nous devons respecter nos rues, nos parcs, notre histoire, pour offrir un avenir meilleur à nos enfants et petits-enfants.

La transmission

Moi, je sais que le temps m’est compté. Cela ne m’effraie pas.
Ce qui me préoccupe, c’est l’avenir de mes petits-enfants, ce monde dans lequel ils grandissent — un monde dur, intolérant, où la curiosité s’éteint et où la liberté se rétrécit.

Je voudrais qu’un jour, eux aussi puissent dire :
« J’ai connu Oran, ma belle, ma fière, ma vivante. »
Qu’ils puissent rire sans crainte, aimer sans honte, rêver sans peur du jugement.

Aurons-nous su leur laisser ce droit ?
Je l’espère, de tout cœur.

Et pour finir… Que Dieu éclaire nos cœurs, qu’Il guide nos pas vers un avenir meilleur.
Qu’Il protège Oran, notre ville, notre fierté, notre mémoire collective.
Et qu’Il nous rappelle que rien n’est perdu tant qu’il reste un peu d’amour à offrir.

Incha’Allah.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

 

Gaza, mémoire du monde et honte de notre siècle

 

Deux ans après le 7 octobre 2023, Gaza reste le miroir brisé de notre humanité.
Sous les ruines et la faim, un peuple refuse de disparaître tandis que le monde détourne le regard.
Ce silence, plus que les bombes, est devenu la honte de notre siècle.


Deux ans déjà. Deux ans depuis le 7 octobre 2023, ce jour où Gaza a surgi à nouveau dans la conscience du monde, non pas comme un territoire abstrait ou une « zone de conflit », mais comme le lieu d’une tragédie humaine et politique dont nous portons tous la responsabilité. Deux ans depuis qu’un peuple enfermé depuis seize ans a explosé dans un cri que l’Occident a refusé d’entendre.

Le 7 octobre ne peut être compris sans la mémoire longue du colonialisme. Gaza n’est pas née du Hamas ni du dernier bombardement : elle est le produit de soixante-quinze ans de dépossession, de murs, de blocus, d’humiliations quotidiennes. Ce n’est pas une guerre entre deux armées ; c’est l’affrontement d’une puissance coloniale et d’un peuple occupé. C’est l’histoire, encore une fois, de ceux qui réclament simplement le droit de vivre, et de ceux qui croient pouvoir écraser un peuple pour conserver la terre.

La prison la plus dense du monde

Depuis 2007, plus de deux millions de Palestiniens vivent enfermés sur 365 km², sans liberté de circulation, sans port, sans aéroport, sans accès libre à l’eau ou à l’électricité. Gaza, c’est la plus grande prison à ciel ouvert du XXIe siècle.
Chaque entrée ou sortie y dépend d’une autorisation militaire israélienne. Chaque cargaison de médicaments, chaque litre de carburant, chaque sac de farine traverse le blocus au compte-gouttes. Les enfants y grandissent sans jamais voir autre chose que la mer et les ruines. Les pêcheurs ne peuvent s’éloigner à plus de quelques milles de la côte. Les étudiants, les malades, les familles séparées vivent dans l’attente de permis qui n’arrivent jamais.

Depuis plus de quinze ans, les bombardements se succèdent avec une régularité mécanique : 2008–2009, 2012, 2014, 2021, 2023… À chaque offensive, des milliers de morts, et à chaque cessez-le-feu, un nouveau cycle d’attente, de reconstruction impossible, d’enfants traumatisés, de promesses brisées. La vie à Gaza n’est pas un accident : c’est une politique.

L’asymétrie absolue

La disproportion des forces ne peut plus être dissimulée.
Face à une puissance nucléaire, dotée de drones, de chars et de satellites, un peuple enfermé tente de survivre sous les bombes. À chaque attaque, des quartiers entiers sont rasés, des hôpitaux ciblés, des journalistes tués, des civils fauchés en pleine fuite.
Les chiffres parlent : des dizaines de milliers de morts palestiniens, dont une majorité d’enfants et de femmes, pour quelques centaines de victimes israéliennes. Ce rapport d’écrasement n’est pas un hasard ; il traduit une logique coloniale où la vie de l’occupé vaut moins que celle de l’occupant.

On appelle cela la « guerre ». Ce n’en est pas une. C’est un siège permanent ponctué d’expéditions punitives. C’est la guerre d’un État sur un peuple qu’il administre, contrôle et bombarde à la fois.
Le droit international humanitaire interdit les châtiments collectifs, la privation de nourriture, la destruction d’infrastructures civiles. Pourtant, à Gaza, tout cela est devenu la norme. Et le monde détourne le regard.

Le 7 octobre, symptôme d’un enfermement

L’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 ne fut pas un début, mais une explosion d’un désespoir accumulé.
Depuis des années, les Palestiniens demandent à vivre libres, à lever le blocus, à pouvoir commercer, étudier, respirer. On leur a répondu par des murs, par le mépris et par le feu.
Quand un peuple est privé de tout horizon, il finit par briser ses chaînes, quel qu’en soit le prix.
Rappeler cela ne revient pas à justifier la mort de civils israéliens, mais à rappeler la cause de la cause : le refus obstiné de reconnaître les droits fondamentaux du peuple palestinien.

La tragédie de Gaza est donc le miroir de notre échec collectif : incapables d’imposer le droit, nous avons laissé croître la vengeance.

La guerre contre les vivants

Depuis deux ans, Gaza n’est plus seulement bombardée : elle est affamée. Le blocus s’est transformé en instrument de famine, les hôpitaux sont privés de carburant, les champs d’oliviers brûlés, les ambulances visées. Les Palestiniens fuient par les routes que les drones surveillent, avant d’être frappés une seconde fois.
C’est une guerre contre tout ce qui vit, contre tout ce qui respire encore. Dans ce territoire déjà mutilé, les écoles servent d’abris, les mosquées deviennent des morgues, les tentes remplacent les maisons. Le ciel est un bruit constant de guerre.

Les Israéliens ont commencé le massacre – des dizaines de milliers de Palestiniens ont été tués, des milliers d’enfants et de nourrissons, des milliers de femmes… Aucune tactique abjecte n’a été épargnés, ils ont forcé les Palestiniens à fuir vers le sud par une route spécifique et les ont bombardés alors qu’ils se retiraient.

La famine est utilisée comme arme – à Gaza, ancien grenier à blé de la Palestine, des enfants meurent de faim. Il n’y a plus de nourriture – tout a été bombardé. Plus de bombes ont été larguées sur Gaza que sur Dresde et Hambourg, Hiroshima et Nagasaki ensemble. Ils ont transformé Gaza, autrefois camp de concentration, en camp d’extermination. Et ils ont abondamment menti sur le 7 octobre, devenu leur justification favorite du carnage.

Le style israélien est toujours le même et cela ne change pas. D’abord, ils inventent un fantasme sadique et loufoque : quarante têtes coupées, un bébé cuit au four, des viols et des meurtres en masse. Mais il devient vite évident que tout cela est mensonger. Même l’armée israélienne admet désormais que cela n’a pas eu lieu. Ils n’ont pas trouvé une seule femme ayant porté plainte pour viol. Pas une seule ! Et quant aux bébés, pas quarante, pas même un bébé torturé. L’édifice mensonger s’est vite effondré, mais la propagande sévit toujours. C’est un élément essentiel de la façon juive de faire la guerre. Enfant, on me racontait que les Allemands fabriquaient du savon avec de la graisse juive et leur arrachaient la peau pour en faire des abat-jours. Plus tard, ces légendes ont été dissipées, mais le sombre mythe a perduré.

Même si les peuples du Moyen-Orient, d’Europe et d’Amérique sympathisent avec la Palestine, les autorités de la plupart des pays s’efforcent de ne pas irriter Israël. Le silence ou la complicité des puissances occidentales restera comme une tache indélébile dans l’histoire contemporaine.

Et pourtant, au milieu des ruines, Gaza résiste. Les médecins opèrent sans anesthésie, les professeurs enseignent sans école, les journalistes filment jusqu’à leur dernier souffle.
La résistance n’est pas une option, c’est une forme de survie.

L’Occident et le miroir brisé de ses valeurs

Le silence ou la complicité des puissances occidentales restera comme une tache indélébile dans l’histoire contemporaine.
Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France ou l’Allemagne ont choisi le camp de la puissance, pas celui du droit. Ils ont armé Israël, bloqué les résolutions de l’ONU, criminalisé la solidarité avec la Palestine.
Comment parler de démocratie, de droits humains, de liberté, quand on justifie les bombes sur des enfants affamés ?
Comment invoquer la mémoire des génocides passés pour fermer les yeux sur celui qui se déroule sous nos yeux ?

Les sociétés civiles, elles, ont compris. Des millions de personnes manifestent de Londres à Paris, de Johannesburg à Santiago, pour réclamer justice. Des voix juives, arabes, chrétiennes, athées s’élèvent ensemble pour dire : plus jamais ça, pour qu’aucune oppression, d’où qu’elle vienne, ne soit excusée.

Gaza, mémoire du monde

Ce qui se joue à Gaza dépasse les frontières d’un conflit.
C’est le dernier combat du monde contre le colonialisme, la répétition d’un scénario que l’histoire semblait avoir clos : un peuple nié, réduit à la misère, déclaré « terroriste » pour avoir résisté.
Mais Gaza, comme l’Afrique du Sud hier, révèle la vérité : l’apartheid finit toujours par tomber, parce qu’aucun mur ne peut étouffer éternellement la dignité humaine.

Les Palestiniens paient aujourd’hui le prix que d’autres ont payé avant eux : celui d’avoir osé dire non. Non à l’effacement, non à la soumission, non à l’oubli.
Et c’est pour cela que Gaza parle à l’humanité tout entière. Ce n’est pas seulement la cause d’un peuple, mais le test moral de notre époque.

Un choix historique

Deux ans après, la question n’est plus de savoir qui a raison.
La question est : que reste-t-il de notre humanité si nous acceptons l’inacceptable ?
Ceux qui se taisent aujourd’hui, par peur, par cynisme ou par calcul diplomatique, deviendront demain les témoins honteux de leur propre lâcheté.
Les peuples, eux, n’oublieront pas. L’histoire finit toujours par juger ceux qui ont préféré la force au droit, le mensonge à la justice, la peur à la vérité.

La sécurité d’un peuple ne se construira jamais sur la destruction d’un autre.
La paix ne viendra pas des canons, mais du courage de reconnaître le droit des Palestiniens à vivre libres, égaux et souverains sur leur terre.

La dignité comme horizon

Gaza n’est pas morte.
Sous les décombres, dans le sable, dans les cris et les prières, elle continue de battre.
Elle nous rappelle que la dignité humaine ne se bombarde pas, qu’elle renaît de chaque pierre brisée, de chaque enfant rescapé, de chaque mère qui refuse d’abandonner.
Elle nous oblige à regarder le monde autrement, à choisir le camp de la justice, à refuser la hiérarchie des vies.

Deux ans après le 7 octobre, le combat pour la Palestine est celui de toute l’humanité : celui de la vérité contre la propagande, du droit contre la force, de la mémoire contre l’effacement.
Car si Gaza venait à disparaître, c’est notre propre conscience qui s’éteindrait avec elle.
Il est trop tôt pour parler du plan Trump pour Gaza. Bien que la chose ressemble davantage à un moyen de duper les Palestiniens pour les contraindre à capituler, il existe une chance de parvenir à un accord de paix. Peut-être pas le jour de la «conclusion de 3000 ans d’histoire», mais au moins de quoi mettre un terme aux tirs.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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Ahmed Muin Abu Amsha, ou la musique plus forte que la guerre

 



 Sous un ciel traversé par les drones, un homme s’avance, calme, grave : un professeur de musique palestinien nommé Ahmed Muin Abu Amsha. Là où d’autres n’entendent que la peur, lui perçoit la possibilité d’un chant. En transformant la rumeur de la guerre en musique, il offre au monde une leçon d’humanité. Ce texte lui rend hommage.


La beauté au cœur du fracas

Il est des instants où la beauté surgit là où l’on ne l’attend plus, au cœur même du vacarme. À Gaza, sous le grondement continu des drones, un homme a choisi de ne pas se taire. Ahmed Muin Abu Amsha, professeur de musique palestinien, s’avance parmi les ruines comme un maître ancien.

Son instrument n’est pas un piano ni un violon, mais la rumeur métallique qui plane au-dessus des têtes. Cette rumeur, il ne la fuit pas : il l’écoute, l’apprivoise, et en fait la base d’un chant. Ce qui pourrait n’être qu’un geste de survie devient un acte de création.

Le bourdon des drones, un nouvel orgue

Le bourdonnement du drone – cet écho de mort – se transforme sous ses doigts en bourdon musical, ce son continu qui, depuis des siècles, soutient les prières des hommes. Autour de lui, les voix d’enfants s’élèvent, fragiles et pures, dessinant une polyphonie d’espérance sur la trame du danger.

Là où l’on attendait la peur, naît la musique ; là où le ciel résonne de menaces, s’élève un hymne à la vie. En métamorphosant la rumeur guerrière en chant, le professeur accomplit un retournement à la fois esthétique et moral. Il rappelle que l’art n’est pas un refuge hors du monde, mais une manière d’y tenir debout.

L’art comme acte de résistance

Son geste dit que la création n’ignore pas la guerre : elle la traverse, la transforme, et en tire la preuve la plus éclatante de la dignité humaine. Le texte des chants qu’il enseigne évoque la mémoire des martyrs, le parfum de la cardamome et la veille sous les étoiles.

Ce n’est pas un cri de vengeance, mais une prière de fidélité — fidélité aux disparus, à la terre, à l’espérance. Chanter ces mots, c’est maintenir vivante la mémoire collective ; c’est refuser que le vacarme des armes soit la seule voix du monde.

La leçon d’humanité

Dans son école, devenue atelier de lumière, Ahmed Abu Amsha enseigne plus que la musique : il enseigne la persistance de l’humain. Ses élèves apprennent qu’un peuple ne meurt pas tant qu’il continue à chanter, que la beauté peut être un abri, et même une forme de résistance.

Il y a dans sa démarche la gravité d’un prêtre et la douceur d’un père. En mêlant les voix des enfants au souffle des drones, il ne cherche pas l’effet : il cherche la vérité — celle qui dit que la musique n’appartient pas aux temps paisibles, mais aux cœurs qui refusent la défaite.

La musique, dernier rempart de la dignité

Ainsi, au milieu de la nuit de Gaza, un homme rappelle au monde que la musique demeure le plus ancien des remparts et le plus simple des miracles. Dans ce fragile équilibre entre le bruit et le chant, entre le métal et la chair, Ahmed Muin Abu Amsha élève un temple invisible : celui de la dignité humaine.

Car un peuple qui répond au bourdonnement de la mort par la mélodie de la vie, n’offre-t-il pas la plus éclatante des leçons de paix ?

Source d’inspiration : vidéo d’Ahmed Muin Abu Amsha et ses élèves, Gaza, 2024

Chroniqueur engagé, observateur inquiet
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Le Prix Nobel : Aux candidatures et fausses icones improbables.

 

Depuis plusieurs années, le comité Nobel est critiqué pour ses choix controversés : Abiy Ahmed, récompensé avant de plonger l’Éthiopie dans la guerre civile, ou Barack Obama, honoré avant même d’avoir agi. La candidature de Boualem Sansal s’inscrit dans cette logique d’un prix trop rapide à couronner les symboles plutôt que les résultats.
Face à ces dérives, un mot d’ordre s’impose : retrouver la rigueur éthique et la lucidité morale qui faisaient autrefois la grandeur du Nobel de la paix. Quand la notoriété remplace l’action, et la polémique l’engagement.

Les exemples choisis sont éloquents : Donald Trump, figure de division et de tension internationale, ou encore Teodoro Obiang, autocrate au pouvoir depuis plus de quarante ans ou encore Boualem Sansal écrivain médiocre. Ces cas illustrent la contradiction flagrante entre le discours de paix et les actes politiques des candidats. Une dimension cynique de ces démarches : ces dirigeants cherchent moins à promouvoir la paix qu’à redorer leur image internationale.
Le prix devient alors un outil de communication politique, une stratégie de « blanchiment » symbolique qui détourne la finalité morale du Nobel en dérive : celle d’un prix prestigieux devenu le théâtre d’ambitions personnelles et géopolitiques. Longtemps présenté comme une voix courageuse de la liberté, Boualem Sansal incarne aujourd’hui la dérive d’un Prix Nobel de la paix de plus en plus attiré par la lumière médiatique. Son nom, souvent cité parmi les candidats, symbolise le glissement d’une récompense morale vers un trophée d’influence

Un écrivain célébré, mais loin de l’esprit de réconciliation

Chaque automne, le Prix Nobel de la paix relance les spéculations et les polémiques. Parmi les prétendants, celui de Boualem Sansal surprend autant qu’il interroge.
Romancier reconnu, auteur d’œuvres marquantes comme Le Village de l’Allemand ou 2084, Sansal s’est forgé une image d’intellectuel libre, refusant le consensus. Mais cette liberté s’est souvent muée en provocation.
Ses déclarations tranchantes, ses jugements sans nuance sur le monde arabo-musulman, son ton volontiers accusateur font de lui un écrivain de rupture, pas de réconciliation.
Or, le Nobel de la paix n’est pas une médaille pour esprits rebelles : il devrait consacrer ceux
qui rassemblent, apaisent, réparent.

Car s’il est un écrivain courageux, il n’est pas un artisan de réconciliation. L’homme manie la provocation avec talent, mais la paix ne se nourrit pas de colère. Son discours, volontiers moralisateur et souvent teinté de méfiance envers le monde arabo-musulman, divise bien plus qu’il ne rassemble. On peut saluer son audace littéraire sans pour autant lui prêter des vertus qu’il n’incarne pas.

Cette candidature symptomatique révèle un glissement du Nobel vers le spectacle médiatique. À une époque où la visibilité tient lieu de mérite, un romancier connu vaut mieux, aux yeux de certains, que des militants anonymes qui œuvrent réellement pour la réconciliation. Pendant qu’on vante la liberté de ton d’un intellectuel parisien, des femmes, des médiateurs, des défenseurs des droits humains risquent leur vie dans l’ombre pour éviter les massacres ou restaurer le dialogue. Ces figures-là n’ont pas d’attaché de presse, mais elles changent le monde.

Le Nobel dévoyé par le spectacle médiatique

Non. On ne donne pas le Nobel sous prétexte que le récipiendaire est prisonnier. Il faut le talent. Le talent d'abord et avant tout. Sinon le prix perdra son aura.

Le Nobel n’est pas fait pour faire de la politique, ça devient n’importe quoi

La mise en avant de Sansal révèle une dérive inquiétante : celle de la notoriété qui remplace la vertu.
Le comité Nobel, trop souvent influencé par la visibilité médiatique, semble oublier les véritables artisans de la paix — ces femmes, militants et médiateurs africains qui, dans l’ombre, désarment les conflits au prix de leur sécurité.
Pendant que les projecteurs se braquent sur des figures intellectuelles connues à Paris ou Oslo, ceux qui agissent réellement n’obtiennent ni tribune ni reconnaissance.
Récompenser Sansal reviendrait à confondre le talent littéraire avec l’action morale, le verbe avec l’acte, l’indignation avec la construction.

Un Nobel ne se décerne pas au talent, mais à la décence

Reconnaissons à Boualem Sansal son courage d’expression. Mais ne confondons pas liberté de ton et travail de paix. Le Nobel n’est pas une médaille de prestige culturel ; c’est une récompense éthique, destinée à celles et ceux qui apaisent le monde, pas à ceux qui en commentent les fractures.
Couronner Sansal reviendrait à transformer le Nobel de la paix en simple trophée médiatique. Ce serait la victoire du verbe sur l’action, de l’ego sur l’humilité.

La paix mérite mieux que des provocations

À l’heure où des millions d’Africains et de Moyen-Orientaux paient chaque jour le prix de la guerre, il serait indécent de récompenser un écrivain qui se complaît dans la polémique.
Le Nobel de la paix ne doit pas être un prix pour les commentateurs du chaos, mais pour ceux qui essaient vraiment d’y mettre fin.

La paix n’est pas un concept littéraire mais de rappeler une vérité simple : écrire ne suffit pas à construire la paix.
La paix demande de l’écoute, de la modestie, du dialogue — autant de vertus éloignées du ton polémique et parfois hautain de Sansal.

Récompenser Sansal reviendrait à transformer le Nobel de la paix en prix de littérature contestataire. Ce serait confondre la liberté d’écrire avec la responsabilité d’agir. La paix, la vraie, demande patience, écoute, humilité — tout le contraire de la posture d’écrivain solitaire qui juge le monde du haut de sa lucidité.

Le comité Nobel devrait s’en souvenir : la paix n’est pas un concept de roman, ni un slogan médiatique. C’est une œuvre concrète, faite de mains tendues et de vies risquées. Et dans ce domaine, Boualem Sansal n’à rien d’un modèle
En faire un symbole du Nobel reviendrait à dénaturer ce prix : un prix né pour récompenser les bâtisseurs, pas les commentateurs du chaos.

Un appel à la vigilance et au retour à l’éthique du Nobel

Le monde souverain en appelle à la responsabilité morale du comité Nobel, sommé de « trier avec rigueur » et de résister aux pressions politiques et médiatiques.
Le texte met en garde contre une dérive fatale : si le Nobel continue à récompenser des dirigeants autoritaires ou des figures controversées, il risque de « perdre ce qui fait sa force », à savoir son statut de symbole universel de la paix et de la justice.
Cette conclusion réaffirme donc une exigence éthique : le prix Nobel ne doit pas devenir une « médaille d’honneur pour carrières controversées », mais demeurer le sanctuaire de la sincérité, du courage moral et du dialogue véritable.
L’auteur réinscrit ainsi sa réflexion dans une perspective plus large : celle de la crédibilité des institutions internationales et de la valeur morale des symboles dans un monde saturé de communication et de cynisme.

Conclusion

La bonne perception dénonce avec vigueur la perte de sens du Prix Nobel de la paix, détourné de sa vocation originelle par des ambitions politiques et des calculs d’image. En s’appuyant notamment sur les dérives africaines — entre autocraties en quête de respectabilité et héros de la paix ignorés —, il révèle une crise de légitimité qui touche l’ensemble du processus de nomination.
Ce texte est donc autant une critique des impostures contemporaines qu’un plaidoyer pour la réhabilitation du véritable esprit du Nobel : celui qui récompense la justice, la réconciliation et le courage moral, loin des feux médiatiques et des manipulations politiques.
L’auteur nous rappelle enfin que la paix ne se proclame pas, elle se construit, et que les institutions chargées de l’honorer doivent rester fidèles à cet idéal.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
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L’Italie en ébullition : le réveil d’une conscience populaire

 

Sous le mot d’ordre « On bloque tout », l’Italie a vu surgir un mouvement d’une ampleur inattendue.
Grèves générales, manifestations massives, gares bloquées : selon les organisateurs, plus de deux millions d’Italiens ont défilé pour Gaza.
À Rome, un million de personnes ont réclamé la fin des bombardements, la reconnaissance de la Palestine et des sanctions contre Israël.

Ce n’était pas une mobilisation de circonstance, mais une révolte morale.
Les manifestants, de tous horizons, expriment une indignation profonde devant le désastre humanitaire à Gaza : des milliers de morts, des hôpitaux détruits, des civils piégés.
Ce cri collectif ne demande pas la victoire d’un camp, mais la fin d’une impunité devenue insupportable.

Dans toute l’Europe, la même colère gronde : à Amsterdam, Paris, Berlin ou Londres, des foules immenses descendent dans la rue pour rappeler que la compassion ne doit pas dépendre de la géopolitique.
L’émotion devient acte politique.

La colère et ses ambiguïtés

Ce mouvement, cependant, n’échappe pas aux tensions.
Certains slogans — « Du fleuve à la mer », « Nous sommes tous antisionistes » — ont été utilisés pour disqualifier les manifestants, accusés de soutenir le Hamas ou d’attiser l’antisémitisme.

Or, la plupart d’entre eux ne s’en prennent pas au judaïsme, mais à la politique d’un État.
Ils dénoncent la punition collective d’un peuple et la négation de son droit à l’existence.
Mais les mots eux-mêmes sont devenus des champs de bataille : « sionisme », « antisionisme », « génocide ».
L’absence de nuance nourrit la confusion.
Il faut donc le dire clairement : critiquer Israël n’est pas nier le droit des Juifs à la sécurité, c’est refuser qu’un État instrumentalise ce droit pour légitimer l’occupation et la mort.

La colère populaire ne peut être réduite à la haine ; elle est aussi un appel à la cohérence.

Israël, entre peur existentielle et dérive morale

En Israël, la société est traversée de contradictions profondes.
Depuis plusieurs années, des centaines de milliers de citoyens manifestent contre Benjamin Netanyahou, contre la corruption, contre la dérive autoritaire.
Mais la guerre a refermé cet espace de dissidence : toute critique du gouvernement devient suspecte.

Les sondages indiquent qu’une majorité d’Israéliens soutient les opérations militaires.
Ce soutien repose sur une peur existentielle, celle de disparaître dans un environnement perçu comme hostile.
Pourtant, cette peur — historiquement compréhensible — se transforme en aveuglement moral : les bombardements de civils sont justifiés au nom de la sécurité.

Critiquer cette dérive n’est pas remettre en cause l’existence d’Israël, mais rappeler une évidence : aucune sécurité ne peut naître de l’injustice.
La mémoire de la souffrance juive devrait interdire toute politique de domination.
Or, c’est cette mémoire-là que le gouvernement israélien trahit aujourd’hui.

L’Occident face à ses contradictions

La guerre à Gaza agit comme un miroir cruel pour les démocraties occidentales.
L’Europe invoque les droits humains en Ukraine, mais reste muette face à Gaza.
Les États-Unis parlent de paix tout en livrant des armes.
La France condamne les crimes de guerre… mais refuse de nommer ceux commis par son allié.

Ce double discours mine la crédibilité morale de l’Occident.
La realpolitik l’emporte sur la justice, et la peur de paraître « partial » devient justification du silence.
Mais la neutralité, face à l’injustice, n’est pas une vertu : c’est une fuite.

En Italie, comme ailleurs, la rue rappelle au pouvoir que la diplomatie sans éthique est une forme d’abdication.
Les citoyens ne croient plus aux mots creux. Ils exigent une politique étrangère cohérente, fondée sur le droit international et non sur la complicité.

De la colère à la responsabilité

L’émotion, à elle seule, ne suffit pas.
La solidarité doit s’incarner dans des actes :

Appel à un cessez-le-feu immédiat.

Reconnaissance officielle de l’État de Palestine.

Suspension des ventes d’armes à tout acteur violant le droit international.

Soutien renforcé aux ONG humanitaires.

Réaffirmation du rôle du droit comme socle des relations internationales.

Ces mesures ne sont pas radicales : elles relèvent du bon sens moral.
Elles rappellent que la dignité humaine ne peut être conditionnelle.

Le conflit israélo-palestinien ne trouvera pas d’issue sans égalité politique réelle entre deux peuples condamnés à vivre ensemble.
Ni apartheid, ni vengeance, mais partage — de la terre, des droits, de la mémoire.

 

Une question de conscience

Au fond, la question posée par les manifestations italiennes est simple :
que vaut encore la conscience européenne ?

Peut-on se dire défenseur du droit international tout en fermant les yeux sur Gaza ?
Peut-on parler de justice sans universalisme ?
La mobilisation italienne n’est pas une haine d’un peuple, mais une exigence : celle de rester humain dans un monde qui s’habitue à l’horreur.

Conclusion

L’Italie s’est levée pour Gaza — mais, au-delà, pour elle-même.
Pour défendre une idée de la justice, pour rappeler que la politique n’est pas qu’une affaire d’intérêts, mais aussi de conscience.
Ce mouvement populaire n’est ni marginal ni naïf : il témoigne d’un besoin profond de cohérence entre valeurs et actes.

On peut débattre des slogans, des nuances ou des chiffres.
Mais il reste une vérité : lorsqu’un peuple meurt sous les bombes, le silence devient complicité, et c’est ce silence que les rues italiennes refusent aujourd’hui.

Car ce n’est pas seulement Gaza qui brûle. C’est notre humanité tout entière.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

 


Quand la France se regarde encore dans le miroir algérien

 

Face à la polémique autour des visas étudiants algériens, cette analyse démonte les ressorts d’un discours médiatique empreint de mépris postcolonial et de fantasmes anti-immigration, révélateur d’un imaginaire français de supériorité morale et culturelle.

La presse dénonçant la hausse du nombre de visas étudiants algériens pour 2025 n’a rien d’une position neutre. Sous le vernis d’une réflexion diplomatique, il constitue une production discursive idéologique, porteuse de jugements de valeur explicites sur l’Algérie et sur les mobilités estudiantines.
La presse ne se contente pas d’exposer des faits : elle fabrique une perception, celle d’une France victime de sa propre ouverture et d’une Algérie présentée comme un fardeau moral et politique.

En cela, elle s’inscrit dans une logique de discours anti-immigration, nourrie d’un imaginaire de supériorité morale et culturelle. Ce discours, typique de certaines mouvances de droite et d’extrême droite, recycle les vieux réflexes coloniaux : hiérarchiser, juger, disqualifier l’autre pour mieux affirmer une identité nationale supposée menacée.

Le lexique du mépris : “la grisaille algérienne

La phrase selon laquelle “on éprouve peu d’envie de retourner dans la grisaille algérienne” est le point nodal du texte. Ce n’est pas une simple image : c’est un condensé de jugement moral, un geste de dévalorisation culturelle.
La “grisaille” n’est pas ici une description objective mais une construction symbolique : elle renvoie à une Algérie terne, stérile, sans avenir un pays réduit à une condition quasi naturelle d’échec.

Ce regard essentialiste transforme une situation socio-économique complexe en fatalité civilisationnelle. La jeunesse algérienne, pourtant dynamique et connectée, est ramenée à une caricature de désespoir. C’est le retour du regard colonial, qui naturalise la domination : la France éclaire, l’Algérie subit. Derrière l’analyse politique, on retrouve l’ombre du mythe civilisateur, recyclé sous une forme contemporaine.

L’opposition biaisée Maroc / Algérie : une hiérarchisation implicite

Le texte compare les étudiants algériens aux Marocains, jugés plus enclins à rentrer dans leur pays, car les “perspectives économiques du Maroc sont plus attrayantes”.
Cette comparaison n’est pas fortuite : elle sert une hiérarchie politique conforme à la géopolitique française. Le Maroc, partenaire docile, serait la réussite ; l’Algérie, partenaire critique, serait l’échec.

Ainsi, le discours médiatique devient le prolongement symbolique de la diplomatie : il distribue les bons et les mauvais points selon l’alignement politique des États.
Ce procédé relève d’un orientalisme contemporain, qui continue d’évaluer les pays du Sud à travers les attentes du Nord.

L’étudiant comme figure du soupçon

En assimilant les visas étudiants à une “voie d’émigration banale”, l’auteur confond délibérément mobilité académique et migration illégitime.
Ce glissement rhétorique alimente le fantasme du “visa étudiant détourné” un thème récurrent dans les discours anti-immigration. Les étudiants algériens cessent alors d’être des acteurs du savoir pour devenir des suspects, des “profiteurs” potentiels.

Or, les données officielles montrent l’inverse : Les étudiants étrangers représentent une ressource économique majeure pour les universités françaises. Ils participent à la recherche, à l’innovation et à la vitalité culturelle. Ils sont, souvent, les meilleurs ambassadeurs du rayonnement intellectuel français à l’international.

Mais dans cette chronique, ces réalités sont effacées au profit d’une vision obsédée par la frontière. Le savoir devient suspect, l’ouverture devient faiblesse, et la jeunesse étrangère devient menace.

Le poids du passé : regard colonial

Au fond, ce texte ne parle pas d’éducation ni même de politique migratoire : il parle d’une relation historique non résolue.
Chaque tension franco-algérienne réactive les mêmes réflexes : le mépris, la condescendance, la suspicion. L’Algérie continue d’être regardée à travers le prisme de la culpabilité inversée : l’ancienne colonie doit gratitude et docilité à l’ancienne métropole.

C’est là que se déploie le regard colonial : la France se veut juge et gardienne du “bon sens politique”, pendant que l’Algérie, supposée irrationnelle, serait condamnée à l’ingratitude. Ce rapport vertical empêche toute diplomatie d’égal à égal.
Il enferme le débat dans un imaginaire figé où la France parle, et l’Algérie est parlée.

Les institutions culturelles instrumentalisées

L’auteur accuse Campus France et l’ambassade de France d’un “manque de sens politique”.
Mais cette accusation illustre une dérive : celle d’une politisation excessive de la diplomatie éducative. Campus France n’est pas un instrument de punition mais un outil de coopération académique. En le soupçonnant de “naïveté”, l’auteur révèle sa propre logique : celle qui confond politique d’influence et politique de puissance.

La culture, dans ce cadre, n’est plus un espace de dialogue, mais un champ de rivalité symbolique et l’étudiant étranger cesse d’être un apprenant pour devenir un indicateur de rapport de force.

Un miroir déformant de la France contemporaine

En réalité, cette chronique en dit moins sur l’Algérie que sur la France elle-même.
Lorsqu’un pays projette sur l’autre ses angoisses démographiques, identitaires, diplomatiques, il parle de sa propre fragilité.
Le texte trahit une nostalgie post-impériale : la peur de perdre la maîtrise du récit.
L’Algérie n’est plus le “territoire perdu de la République”, mais le miroir d’une France en doute sur sa place dans le monde.

La crispation autour de quelques milliers de visas étudiants révèle un malaise plus profond : celui d’une société tentée par le repli, obsédée par ses frontières, et incapable de penser la circulation du savoir autrement qu’en termes de contrôle.

Conclusion : Décoloniser le regard

Le texte étudié n’est pas seulement polémique : il est symptomatique. Il illustre comment une partie du discours médiatique français continue de recycler l’imaginaire colonial sous des formes pseudo-rationnelles. Sous prétexte de défendre l’intérêt national, il réactive les hiérarchies culturelles d’autrefois. Sous prétexte d’analyser une politique de visas, il disqualifie toute une jeunesse, tout un pays.

Face à cette parole saturée de mépris et d’angoisse, il est nécessaire d’opposer un autre récit : celui du respect mutuel, de la mobilité partagée, de la connaissance comme espace d’égalité.
Car l’avenir des relations franco-algériennes ne se jouera pas dans la peur de l’autre, mais dans la capacité à décoloniser le regard, à reconnaître, enfin, que la lumière ne vient plus d’un seul côté de la Méditerranée.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/