La beauté au cœur du fracas
Il est des
instants où la beauté surgit là où l’on ne l’attend plus, au cœur même du
vacarme. À Gaza, sous le grondement continu des drones, un homme a choisi de ne
pas se taire. Ahmed Muin Abu Amsha, professeur de musique palestinien, s’avance
parmi les ruines comme un maître ancien.
Son
instrument n’est pas un piano ni un violon, mais la rumeur métallique qui plane
au-dessus des têtes. Cette rumeur, il ne la fuit pas : il l’écoute,
l’apprivoise, et en fait la base d’un chant. Ce qui pourrait n’être qu’un geste
de survie devient un acte de création.
Le bourdon des drones, un
nouvel orgue
Le
bourdonnement du drone – cet écho de mort – se transforme sous ses doigts en bourdon
musical, ce son continu qui, depuis des siècles, soutient les prières des
hommes. Autour de lui, les voix d’enfants s’élèvent, fragiles et pures,
dessinant une polyphonie d’espérance sur la trame du danger.
Là où l’on
attendait la peur, naît la musique ; là où le ciel résonne de menaces, s’élève
un hymne à la vie. En métamorphosant la rumeur guerrière en chant, le
professeur accomplit un retournement à la fois esthétique et moral. Il rappelle
que l’art n’est pas un refuge hors du monde, mais une manière d’y tenir debout.
L’art comme acte de résistance
Son geste dit que la création n’ignore pas la guerre :
elle la traverse, la transforme, et en tire la preuve la plus éclatante de la
dignité humaine. Le texte des chants qu’il enseigne évoque la mémoire des
martyrs, le parfum de la cardamome et la veille sous les étoiles.
Ce n’est pas
un cri de vengeance, mais une prière de fidélité — fidélité aux disparus, à la
terre, à l’espérance. Chanter ces mots, c’est maintenir vivante la mémoire
collective ; c’est refuser que le vacarme des armes soit la seule voix du
monde.
La leçon d’humanité
Dans son
école, devenue atelier de lumière, Ahmed Abu Amsha enseigne plus que la musique
: il enseigne la persistance de l’humain. Ses élèves apprennent qu’un peuple ne
meurt pas tant qu’il continue à chanter, que la beauté peut être un abri, et
même une forme de résistance.
Il y a dans
sa démarche la gravité d’un prêtre et la douceur d’un père. En mêlant les voix
des enfants au souffle des drones, il ne cherche pas l’effet : il cherche la
vérité — celle qui dit que la musique n’appartient pas aux temps paisibles,
mais aux cœurs qui refusent la défaite.
La musique, dernier rempart de
la dignité
Ainsi, au
milieu de la nuit de Gaza, un homme rappelle au monde que la musique demeure le
plus ancien des remparts et le plus simple des miracles. Dans ce fragile
équilibre entre le bruit et le chant, entre le métal et la chair, Ahmed Muin
Abu Amsha élève un temple invisible : celui de la dignité humaine.
Car un
peuple qui répond au bourdonnement de la mort par la mélodie de la vie,
n’offre-t-il pas la plus éclatante des leçons de paix ?
https://kadertahri.blogspot.com/
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