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Gaza, mémoire du monde et honte de notre siècle

 

Deux ans après le 7 octobre 2023, Gaza reste le miroir brisé de notre humanité.
Sous les ruines et la faim, un peuple refuse de disparaître tandis que le monde détourne le regard.
Ce silence, plus que les bombes, est devenu la honte de notre siècle.


Deux ans déjà. Deux ans depuis le 7 octobre 2023, ce jour où Gaza a surgi à nouveau dans la conscience du monde, non pas comme un territoire abstrait ou une « zone de conflit », mais comme le lieu d’une tragédie humaine et politique dont nous portons tous la responsabilité. Deux ans depuis qu’un peuple enfermé depuis seize ans a explosé dans un cri que l’Occident a refusé d’entendre.

Le 7 octobre ne peut être compris sans la mémoire longue du colonialisme. Gaza n’est pas née du Hamas ni du dernier bombardement : elle est le produit de soixante-quinze ans de dépossession, de murs, de blocus, d’humiliations quotidiennes. Ce n’est pas une guerre entre deux armées ; c’est l’affrontement d’une puissance coloniale et d’un peuple occupé. C’est l’histoire, encore une fois, de ceux qui réclament simplement le droit de vivre, et de ceux qui croient pouvoir écraser un peuple pour conserver la terre.

La prison la plus dense du monde

Depuis 2007, plus de deux millions de Palestiniens vivent enfermés sur 365 km², sans liberté de circulation, sans port, sans aéroport, sans accès libre à l’eau ou à l’électricité. Gaza, c’est la plus grande prison à ciel ouvert du XXIe siècle.
Chaque entrée ou sortie y dépend d’une autorisation militaire israélienne. Chaque cargaison de médicaments, chaque litre de carburant, chaque sac de farine traverse le blocus au compte-gouttes. Les enfants y grandissent sans jamais voir autre chose que la mer et les ruines. Les pêcheurs ne peuvent s’éloigner à plus de quelques milles de la côte. Les étudiants, les malades, les familles séparées vivent dans l’attente de permis qui n’arrivent jamais.

Depuis plus de quinze ans, les bombardements se succèdent avec une régularité mécanique : 2008–2009, 2012, 2014, 2021, 2023… À chaque offensive, des milliers de morts, et à chaque cessez-le-feu, un nouveau cycle d’attente, de reconstruction impossible, d’enfants traumatisés, de promesses brisées. La vie à Gaza n’est pas un accident : c’est une politique.

L’asymétrie absolue

La disproportion des forces ne peut plus être dissimulée.
Face à une puissance nucléaire, dotée de drones, de chars et de satellites, un peuple enfermé tente de survivre sous les bombes. À chaque attaque, des quartiers entiers sont rasés, des hôpitaux ciblés, des journalistes tués, des civils fauchés en pleine fuite.
Les chiffres parlent : des dizaines de milliers de morts palestiniens, dont une majorité d’enfants et de femmes, pour quelques centaines de victimes israéliennes. Ce rapport d’écrasement n’est pas un hasard ; il traduit une logique coloniale où la vie de l’occupé vaut moins que celle de l’occupant.

On appelle cela la « guerre ». Ce n’en est pas une. C’est un siège permanent ponctué d’expéditions punitives. C’est la guerre d’un État sur un peuple qu’il administre, contrôle et bombarde à la fois.
Le droit international humanitaire interdit les châtiments collectifs, la privation de nourriture, la destruction d’infrastructures civiles. Pourtant, à Gaza, tout cela est devenu la norme. Et le monde détourne le regard.

Le 7 octobre, symptôme d’un enfermement

L’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 ne fut pas un début, mais une explosion d’un désespoir accumulé.
Depuis des années, les Palestiniens demandent à vivre libres, à lever le blocus, à pouvoir commercer, étudier, respirer. On leur a répondu par des murs, par le mépris et par le feu.
Quand un peuple est privé de tout horizon, il finit par briser ses chaînes, quel qu’en soit le prix.
Rappeler cela ne revient pas à justifier la mort de civils israéliens, mais à rappeler la cause de la cause : le refus obstiné de reconnaître les droits fondamentaux du peuple palestinien.

La tragédie de Gaza est donc le miroir de notre échec collectif : incapables d’imposer le droit, nous avons laissé croître la vengeance.

La guerre contre les vivants

Depuis deux ans, Gaza n’est plus seulement bombardée : elle est affamée. Le blocus s’est transformé en instrument de famine, les hôpitaux sont privés de carburant, les champs d’oliviers brûlés, les ambulances visées. Les Palestiniens fuient par les routes que les drones surveillent, avant d’être frappés une seconde fois.
C’est une guerre contre tout ce qui vit, contre tout ce qui respire encore. Dans ce territoire déjà mutilé, les écoles servent d’abris, les mosquées deviennent des morgues, les tentes remplacent les maisons. Le ciel est un bruit constant de guerre.

Les Israéliens ont commencé le massacre – des dizaines de milliers de Palestiniens ont été tués, des milliers d’enfants et de nourrissons, des milliers de femmes… Aucune tactique abjecte n’a été épargnés, ils ont forcé les Palestiniens à fuir vers le sud par une route spécifique et les ont bombardés alors qu’ils se retiraient.

La famine est utilisée comme arme – à Gaza, ancien grenier à blé de la Palestine, des enfants meurent de faim. Il n’y a plus de nourriture – tout a été bombardé. Plus de bombes ont été larguées sur Gaza que sur Dresde et Hambourg, Hiroshima et Nagasaki ensemble. Ils ont transformé Gaza, autrefois camp de concentration, en camp d’extermination. Et ils ont abondamment menti sur le 7 octobre, devenu leur justification favorite du carnage.

Le style israélien est toujours le même et cela ne change pas. D’abord, ils inventent un fantasme sadique et loufoque : quarante têtes coupées, un bébé cuit au four, des viols et des meurtres en masse. Mais il devient vite évident que tout cela est mensonger. Même l’armée israélienne admet désormais que cela n’a pas eu lieu. Ils n’ont pas trouvé une seule femme ayant porté plainte pour viol. Pas une seule ! Et quant aux bébés, pas quarante, pas même un bébé torturé. L’édifice mensonger s’est vite effondré, mais la propagande sévit toujours. C’est un élément essentiel de la façon juive de faire la guerre. Enfant, on me racontait que les Allemands fabriquaient du savon avec de la graisse juive et leur arrachaient la peau pour en faire des abat-jours. Plus tard, ces légendes ont été dissipées, mais le sombre mythe a perduré.

Même si les peuples du Moyen-Orient, d’Europe et d’Amérique sympathisent avec la Palestine, les autorités de la plupart des pays s’efforcent de ne pas irriter Israël. Le silence ou la complicité des puissances occidentales restera comme une tache indélébile dans l’histoire contemporaine.

Et pourtant, au milieu des ruines, Gaza résiste. Les médecins opèrent sans anesthésie, les professeurs enseignent sans école, les journalistes filment jusqu’à leur dernier souffle.
La résistance n’est pas une option, c’est une forme de survie.

L’Occident et le miroir brisé de ses valeurs

Le silence ou la complicité des puissances occidentales restera comme une tache indélébile dans l’histoire contemporaine.
Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France ou l’Allemagne ont choisi le camp de la puissance, pas celui du droit. Ils ont armé Israël, bloqué les résolutions de l’ONU, criminalisé la solidarité avec la Palestine.
Comment parler de démocratie, de droits humains, de liberté, quand on justifie les bombes sur des enfants affamés ?
Comment invoquer la mémoire des génocides passés pour fermer les yeux sur celui qui se déroule sous nos yeux ?

Les sociétés civiles, elles, ont compris. Des millions de personnes manifestent de Londres à Paris, de Johannesburg à Santiago, pour réclamer justice. Des voix juives, arabes, chrétiennes, athées s’élèvent ensemble pour dire : plus jamais ça, pour qu’aucune oppression, d’où qu’elle vienne, ne soit excusée.

Gaza, mémoire du monde

Ce qui se joue à Gaza dépasse les frontières d’un conflit.
C’est le dernier combat du monde contre le colonialisme, la répétition d’un scénario que l’histoire semblait avoir clos : un peuple nié, réduit à la misère, déclaré « terroriste » pour avoir résisté.
Mais Gaza, comme l’Afrique du Sud hier, révèle la vérité : l’apartheid finit toujours par tomber, parce qu’aucun mur ne peut étouffer éternellement la dignité humaine.

Les Palestiniens paient aujourd’hui le prix que d’autres ont payé avant eux : celui d’avoir osé dire non. Non à l’effacement, non à la soumission, non à l’oubli.
Et c’est pour cela que Gaza parle à l’humanité tout entière. Ce n’est pas seulement la cause d’un peuple, mais le test moral de notre époque.

Un choix historique

Deux ans après, la question n’est plus de savoir qui a raison.
La question est : que reste-t-il de notre humanité si nous acceptons l’inacceptable ?
Ceux qui se taisent aujourd’hui, par peur, par cynisme ou par calcul diplomatique, deviendront demain les témoins honteux de leur propre lâcheté.
Les peuples, eux, n’oublieront pas. L’histoire finit toujours par juger ceux qui ont préféré la force au droit, le mensonge à la justice, la peur à la vérité.

La sécurité d’un peuple ne se construira jamais sur la destruction d’un autre.
La paix ne viendra pas des canons, mais du courage de reconnaître le droit des Palestiniens à vivre libres, égaux et souverains sur leur terre.

La dignité comme horizon

Gaza n’est pas morte.
Sous les décombres, dans le sable, dans les cris et les prières, elle continue de battre.
Elle nous rappelle que la dignité humaine ne se bombarde pas, qu’elle renaît de chaque pierre brisée, de chaque enfant rescapé, de chaque mère qui refuse d’abandonner.
Elle nous oblige à regarder le monde autrement, à choisir le camp de la justice, à refuser la hiérarchie des vies.

Deux ans après le 7 octobre, le combat pour la Palestine est celui de toute l’humanité : celui de la vérité contre la propagande, du droit contre la force, de la mémoire contre l’effacement.
Car si Gaza venait à disparaître, c’est notre propre conscience qui s’éteindrait avec elle.
Il est trop tôt pour parler du plan Trump pour Gaza. Bien que la chose ressemble davantage à un moyen de duper les Palestiniens pour les contraindre à capituler, il existe une chance de parvenir à un accord de paix. Peut-être pas le jour de la «conclusion de 3000 ans d’histoire», mais au moins de quoi mettre un terme aux tirs.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

 


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