Parfois il m'est utile de le dire !

                                                                                                          Oh! Colombe, transmets mon salut d...

Maroc : le peuple n’est pas acteur, mais spectateur d’une marche royale

 

Un article royaliste, voulait donner une leçon de loyauté, mais la vraie loyauté, c’est de dire la vérité, même quand elle dérange, publié récemment, s’en est pris violemment au mouvement GenZ 212, accusant ses membres “d’insulter la Nation” pour avoir adressé une lettre ouverte au Roi Mohammed VI. Sous couvert de défendre le respect de la monarchie, ce texte révèle surtout une vérité plus sombre, au ton royaliste et moralisateur, s’est permis de cracher son mépris sur une jeunesse qui ose parler. Ce texte, dégoulinant de condescendance, s’indigne   qu’ils osent tout simplement exister politiquement au Maroc, la jeunesse n’a plus le droit de parler, ni même de rêver à un dialogue avec le pouvoir

Eh bien, oui : la jeunesse marocaine parle, et elle a raison de le faire.

Parce que se taire, c’est mourir à petit feu. Parce qu’au Maroc, des milliers de jeunes n’ont plus de voix, plus de travail, plus de place dans la décision publique. Et parce qu’on ne construit pas une Nation sur la peur, le silence et la soumission.
Et cela, c’est une honte nationale. Qu’on le comprenne une fois pour toutes : le silence n’est pas le respect. La soumission n’est pas la loyauté et la critique n’est pas la trahison. Parce qu’un Maroc qui refuse d’écouter sa jeunesse court à sa perte et parce qu’un Roi fort ne craint jamais la parole libre de son peuple.

La parole des jeunes n’est pas un crime

Dans un pays qui se veut “en réforme”, exiger la transparence ou le visage découvert avant d’écouter un message social est une hypocrisie. Quand la parole publique est risquée, l’anonymat n’est pas une fuite, c’est une protection.
Combien ont été harcelés, arrêtés, voire emprisonnés pour un simple post, un slogan, une pancarte ?

Alors, qu’on ne vienne pas moraliser une génération qu’on a privée d’espace politique et de perspectives.
L’anonymat des jeunes de GenZ 212 est une réponse à la peur, une peur créée par un système qui n’aime la jeunesse que lorsqu’elle se tait, applaudit ou sert d’image moderniste à l’étranger.

Que des jeunes, souvent sans voix, osent rédiger un manifeste, même anonyme, est un acte de courage, pas de trahison.
Quand les canaux institutionnels sont verrouillés, quand manifester expose à la répression, quand chaque critique devient “atteinte à la stabilité du Royaume”, parler devient un acte de résistance.

L’article qu’on nous sert voudrait nous faire croire que la légitimité vient du cachet, du tampon, du titre officiel.
Mais non : la légitimité naît du vécu, de la précarité, de l’exclusion, de cette frustration que vivent des millions de jeunes Marocains oubliés par les politiques publiques.
Et c’est précisément parce qu’ils aiment ce pays qu’ils refusent de s’y taire.

Un discours d’un autre siècle

Le texte royaliste invoque “le respect”, “la loyauté”, “les traditions millénaires”.
Autant de mots destinés à fermer la bouche à une génération entière.
Mais derrière ces mots nobles, il y a une logique brutale : interdire toute contestation.
On ne discute pas, on ne critique pas, on ne propose pas : on “fait confiance”.
Et si tu ne fais pas confiance, tu es suspect, “infiltré”, “manipulé par l’étranger”.

Ce réflexe de diabolisation est dangereux. Il infantilise tout un peuple, réduit les citoyens à des sujets, et transforme la critique sociale en crime contre la patrie.
Aimer son pays, c’est vouloir le changer, pas le regarder s’enliser en silence.

Parler au Roi ne devrait pas être un privilège réservé à une élite docile.
C’est un droit citoyen, un droit démocratique.

Ce discours paternaliste prétend protéger la monarchie, mais en réalité il l’affaiblit, car il la coupe de la jeunesse, de sa vitalité et de son avenir.
Un État fort ne craint pas la parole de sa jeunesse ; il l’écoute, il la transforme en énergie politique.

Le paternalisme comme prison politique

Cette idée que le peuple doit “faire confiance” et “laisser le Roi conduire” traduit une vision profondément infantilisante du citoyen marocain. Cette vision du Maroc, où le Roi guide et le peuple suit, appartient à un autre siècle.
On parle d’un “Royaume millénaire”, comme si la tradition justifiait la stagnation.
Mais la jeunesse marocaine, elle, vit dans un monde nouveau : numérique, globalisé, libre dans ses idées, et profondément consciente de ses droits.

Ce paternalisme, cette manière de parler “pour” les jeunes sans jamais leur parler “avec”, est une violence symbolique.
Il réduit le citoyen à un enfant qu’on gronde dès qu’il lève la tête.
Or, le Maroc d’aujourd’hui n’a pas besoin de pères, mais de partenaires dans la construction démocratique.


On parle comme à des enfants qu’il faut gronder dès qu’ils osent questionner.
Mais la jeunesse marocaine n’est plus cette génération soumise aux discours officiels : elle s’informe, elle s’organise, elle se réveille.

La monarchie ne peut pas éternellement se présenter comme un père bienveillant face à des enfants ingrats.
Le Maroc n’a pas besoin d’un tuteur. Il a besoin de citoyens libres, conscients, et responsables.
Et cette maturité, c’est précisément ce que GenZ 212 incarne — même à travers l’anonymat.

Anonymat ne veut pas dire lâcheté

Dans un contexte où la répression est réelle, l’anonymat est un outil de survie politique, pas un masque de traîtres.
Les jeunes se cachent parce qu’ils savent que dire la vérité au Maroc coûte cher : la convocation, le procès, l’humiliation médiatique.
Alors oui, ils signent “GenZ 212”, parce qu’ils savent que le système ne protège pas la parole libre, il la punit.

Demander justice sociale, emploi, transparence politique, ou respect des libertés n’est pas “insulter la Nation”. C’est l’aimer assez pour vouloir la sauver.
Quand une génération ose écrire au Roi, ce n’est pas un manque de respect, c’est un cri de détresse, un geste de foi dans la possibilité du dialogue.

Mais la réponse qu’on lui renvoie, c’est la répression, le dénigrement, la diffamation.
On traite des jeunes Marocains comme des ennemis, simplement parce qu’ils refusent de rester spectateurs.
Voilà la vraie imposture : celle d’un système qui se dit réformiste mais méprise la parole populaire.

Ceux qui dénoncent leur anonymat devraient d’abord dénoncer le climat de peur qui le rend nécessaire.

Revendiquer, ce n’est pas trahir

Le texte royaliste accuse les jeunes de “vouloir semer le chaos”.
Mais le vrai chaos, c’est l’injustice.
C’est de voir une génération diplômée, compétente, lucide, condamnée au chômage et au mépris politique.
C’est de transformer des citoyens en spectateurs d’un théâtre où tout est décidé d’avance.

Demander des comptes au pouvoir, ce n’est pas le renverser, c’est lui rappeler ses promesses.
Et si la jeunesse écrit au Roi, c’est parce qu’elle croit encore, quelque part, que sa voix peut être entendue.
Ce n’est pas de la rébellion, c’est de l’espérance.

Écoutez la jeunesse, pas les courtisans

La génération GenZ212 ne demande ni privilèges ni médailles.
Elle demande d’exister, d’être reconnue, d’avoir le droit de participer à la construction du pays.
Elle ne veut pas casser le Maroc, elle veut le réveiller.

La jeunesse GenZ212 marocaine n’est ni manipulée ni naïve.
Elle voit, comprend et exige, parce qu’elle aime ce pays, justement.
Et si elle doit parler derrière un écran, c’est parce qu’on lui a fermé la rue, les syndicats, les médias, les partis.

Il n’y a pas de démocratie sans voix multiples.
Il n’y a pas de stabilité sans justice sociale.
Et il n’y a pas de Roi fort sans citoyens libres.

Le Maroc de demain ne se construira pas à coups de sermons royalistes, mais à coups de dialogues sincères, de courage politique et de respect mutuel.

Que le pouvoir entende ceci clairement :
On ne sauve pas un pays en faisant taire sa jeunesse.
On le sauve en l’écoutant.

Ceux qui traitent ces jeunes de “voyous masqués” ou d’“agents étrangers” devraient se demander :
qui sont les vrais ennemis du pays ?
Ceux qui réclament dignité et justice, ou ceux qui veulent que rien ne change ?

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 


La mauvaise chapelle médiatique : quand les mots protègent le pouvoir

 

Face à la tragédie palestinienne, la presse dominante continue de réciter son catéchisme moral et géopolitique. Les “fact-checkers” vérifient les marges mais jamais les fondements. On ne questionne pas la colonisation, on la reformule. Derrière la neutralité revendiquée, c’est une guerre du langage qui s’exerce et les Palestiniens en paient le prix.

La presse dominante n’a plus besoin de censure : elle s’en charge elle-même. Les rédactions ne manquent pas de moyens, mais d’audace. De l’aube au soir, on “vérifie”, on “contextualise”, on “neutralise, autant de mots pour dire qu’on détourne le regard. Le rôle du journalisme n’est plus d’informer, mais de rassurer le lecteur que rien d’essentiel ne change.

Quand il s’agit d’Israël et de la Palestine, le lexique dit tout : “affrontements” au lieu de bombardements, “ripostes” au lieu de massacres, “conflit” pour ne pas dire colonisation. La presse a troqué la précision contre la prudence. Elle ne nomme plus, elle blanchit. Et quand quelqu’un ose rappeler le droit, l’histoire ou simplement la vérité, la machine morale se met en branle : “radical”, “antisémite”, “complotiste”. L’étiquette tient lieu de réfutation.

Ce conformisme a ses gardiens : les fact-checkers, ces nouveaux inquisiteurs de la pensée. Leur mission affichée la vérité s’arrête toujours au seuil du pouvoir. On corrige une citation, jamais une politique. On recadre une émotion, jamais une injustice. Leur zèle sélectif devient un outil idéologique : ils servent de tampon entre l’opinion publique et le réel.

Pendant ce temps, la population palestinienne s’enfonce dans un désespoir sans nom, et les médias occidentaux s’enferment dans leurs studios pour débattre du “niveau de proportionnalité” des bombardements. L’indécence est devenue méthode.

La “chapelle médiatique” occidentale si prompte à donner des leçons de démocratie, tremble dès qu’il faut questionner ses propres alliances symboliques. Elle s’abrite derrière la morale pour éviter la politique. Et quand la vérité heurte l’allié occidental, elle préfère le silence.

Mais un système d’information qui ne tolère que la version des puissants ne fait pas du journalisme : il fabrique du consentement. Le pluralisme n’est pas une menace. C’est sa disparition qui en est une.

Le pire, c’est cette certitude satisfaite des fact-checkers, ces nouveaux gardiens du temple médiatique, qui prétendent traquer la désinformation tout en confortant le mensonge d’État. Ils “corrigent” les marges, mais jamais le centre. Ils ne débattent pas : ils sanctifient. Leur zèle à défendre l’ordre symbolique remplace toute recherche de vérité.

Et gare à celui ou celle qui s’écarte du script : les étiquettes tombent aussitôt. “Radical”, “antisémite”, “pro-Hamas”. Peu importe la rigueur, peu importe le droit international : on ne conteste pas l’orthodoxie de la narration occidentale. Le débat devient une police de la pensée, et la pensée, un champ miné.

Pendant que les éditorialistes s’interrogent sur la “proportionnalité” des bombardements, Gaza s’effondre. Des milliers de civils sont enterrés sous les décombres, pendant qu’en Europe on débat du ton à adopter. L’indécence devient méthode, la prudence devient complicité.

Je ne parle pas ici de haine, mais de responsabilité. De cette lâcheté collective qui consiste à maquiller la violence derrière le langage. Car dans cette guerre, les mots ne sont pas neutres : ils choisissent un camp. Dire “terroriste” ou dire “résistant”, ce n’est pas une nuance, c’est un verdict.

Les rédactions qui se drapent dans leur morale progressiste refusent d’admettre qu’elles participent à la fabrication du consentement. Ce qu’elles appellent “objectivité” n’est souvent que la défense du statu quo. Et tant qu’elles s’en tiendront à cette neutralité mensongère, elles seront, qu’elles le veuillent ou non, du côté du pouvoir pas de la vérité.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »


Netanyahou se voulait stratège, semble écrasé par le petit Qatar

Sous la pression du plan de cessez-le-feu soutenu par Donald Trump et le Qatar, Benjamin Netanyahou tente de sauver son gouvernement fracturé tout en dissimulant un échec stratégique majeur. Entre le poids de l’extrême droite, la colère des familles d’otages et la menace d’une mise en cause par la Cour pénale internationale, le Premier ministre israélien se retrouve pris dans un engrenage dont il ne maîtrise plus les leviers.

Un «oui de Netanyahou qui cache un refus

Netanyahou pris au piège de sa propre guerre, sous la pression conjointe de Washington et du Qatar, Benjamin Netanyahou se voit contraint d’accepter un cessez-le-feu qu’il s’efforce de maquiller en victoire. Mais derrière les annonces diplomatiques, Israël apparaît plus divisé, isolé et vulnérable que jamais.

Après des semaines de tractations, Benjamin Netanyahou a officiellement approuvé les grandes lignes du plan de cessez-le-feu élaboré par Donald Trump et soutenu par le Qatar, l’Égypte et la Turquie. Mais derrière les formules diplomatiques, la réalité est tout autre : ce « oui » n’est qu’un refus déguisé.
Le chef du gouvernement israélien cherche avant tout à gagner du temps une stratégie qui lui permet de ménager ses alliés d’extrême droite tout en évitant de s’opposer frontalement à Washington.

Le plan Trump, présenté comme une initiative pour « restaurer la stabilité régionale », prévoit une trêve en plusieurs phases : libération progressive des otages, retrait partiel des troupes israéliennes de la bande de Gaza, et ouverture de couloirs humanitaires sous supervision internationale.
Mais ces conditions, perçues par l’aile droite israélienne comme une capitulation, menacent la survie politique du Premier ministre. C’est là le point cardinal et le principal piège tendu à Netanyahou. Nul ne sait ce qui se jouera dans les jours et les semaines à venir.

Une coalition au bord de l’implosion

À Jérusalem, les fissures au sein du gouvernement Netanyahou se transforment en fractures ouvertes.
Le ministre Itamar Ben-Gvir, figure emblématique de l’extrême droite, a prévenu qu’il quitterait la coalition si le Hamas « survit » à l’accord.
De son côté, Bezalel Smotrich, a dénoncé une « erreur stratégique » et un « cadeau offert au terrorisme ». Ces menaces ne sont pas symboliques : sans le soutien de leurs partis, le gouvernement de Netanyahou s’effondrerait.

Cette situation crée une équation insoluble pour Netanyahou.
S’il cède aux pressions internationales, il perd sa base politique.
S’il poursuit la guerre, il s’enfonce dans un conflit qui a déjà coûté la vie à des dizaines de milliers de Palestiniens et provoqué une condamnation mondiale.
Il tente donc de concilier l’inconciliable : afficher un semblant d’ouverture diplomatique tout en prolongeant la logique de guerre.

Le Qatar, acteur clé de la diplomatie du cessez-le-feu

Le Qatar s’impose aujourd’hui comme un pivot incontournable dans la médiation du conflit.En exploitant sa position de dialogue à la fois avec Washington et le Hamas, Doha a réussi à imposer un canal diplomatique que Netanyahou n’a pas pu ignorer.La coordination entre le Qatar, l’Égypte et la Turquie soutenue par l’administration Trump  a créé un front international favorable à la trêve.

Pour les États-Unis, l’objectif est clair : obtenir la libération des otages et désamorcer un conflit devenu ingérable sur le plan humanitaire et politique.
Mais pour Netanyahou, accepter cette pression étrangère revient à reconnaître implicitement qu’Israël ne contrôle plus le cours de la guerre. L’armée la plus puissante du Moyen-Orient n’a pas réussi à atteindre ses objectifs : ni la destruction du Hamas, ni la récupération totale des otages par la force.

Un échec militaire et moral

Depuis le début de la guerre à Gaza, l’armée israélienne a mené une campagne d’une intensité sans précédent. Pourtant, malgré la supériorité technologique et l’appui américain, le résultat est ambigu : le Hamas n’a pas été éradiqué, les tunnels demeurent, et l’image d’Israël sur la scène internationale s’est gravement détériorée.
La stratégie du tout-militaire s’est heurtée à la réalité politique et humanitaire d’un territoire densément peuplé et sous blocus depuis plus de quinze ans.

Sur le plan intérieur, les critiques montent. Le Forum des familles d’otages accuse le Premier ministre de retarder délibérément les négociations pour des motifs politiques. L’opinion publique, lassée par la guerre, commence à douter de la promesse d’une « victoire totale ». Les manifestations à Tel-Aviv se multiplient, mêlant familles d’otages, anciens militaires et jeunes Israéliens exaspérés par la corruption et la dérive autoritaire du gouvernement.

L’isolement diplomatique d’Israël

Jamais Israël n’a été aussi isolé sur la scène internationale.
La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une procédure visant Benjamin Netanyahou et plusieurs responsables militaires pour crimes de guerre présumés à Gaza.
En parallèle, la Cour internationale de Justice (CIJ) a reconnu la plausibilité d’un « risque de génocide » dans la bande de Gaza et exigé des mesures de protection immédiates pour les civils.
Ces décisions, même symboliques, marquent un tournant : pour la première fois, le gouvernement israélien fait face à une double mise en cause juridique internationale.

Dans le même temps, plusieurs pays européens — dont l’Espagne, l’Irlande et la Norvège — ont reconnu officiellement l’État de Palestine.
Des pays d’Amérique latine ont rompu leurs relations diplomatiques avec Israël.
Les grandes ONG humanitaires, de Human Rights Watch à Amnesty International, dénoncent la disproportion des attaques et appellent à des sanctions ciblées.
L’image d’Israël comme « seule démocratie du Moyen-Orient » s’effrite rapidement.

Le piège de l’idéologie

Netanyahou est l’architecte d’un système politique fondé sur la peur : peur de l’ennemi extérieur, peur de la division interne, peur de la perte de contrôle. Mais ce système atteint aujourd’hui ses limites.
L’idéologie sécuritaire qui a longtemps permis au Premier ministre de rassembler l’opinion se retourne contre lui.
À force de diaboliser toute négociation et de présenter la guerre comme unique solution, il a enfermé Israël dans une impasse stratégique.

Depuis la création de l’État en 1948, chaque tentative de règlement politique — d’Oslo à l’Initiative de paix arabe — s’est heurtée à la même résistance interne : celle d’une droite convaincue qu’aucune paix durable n’est possible sans domination militaire.
Netanyahou a hérité de cette doctrine et l’a perfectionnée, jusqu’à en faire un outil électoral.
Mais les faits sont têtus : ni la guerre, ni l’occupation, ni les colonies n’ont apporté la sécurité promise.

La justice internationale en embuscade

L’ouverture d’enquêtes par la CPI représente une menace inédite pour le gouvernement israélien.
Si les mandats d’arrêt sont validés, Netanyahou et certains de ses ministres pourraient être visés à titre personnel.
Même si Israël ne reconnaît pas la juridiction de la Cour, le symbole serait dévastateur.
Des diplomates israéliens craignent déjà que ce processus ne dissuade certains pays alliés de coopérer militairement ou économiquement avec Tel-Aviv.

À cela s’ajoutent les procédures en cours pour corruption et abus de pouvoir, qui poursuivent le Premier ministre depuis plusieurs années.
Ces affaires, un temps éclipsées par la guerre, refont surface à mesure que sa popularité s’effondre.
L’homme qui se présentait comme le garant de la sécurité d’Israël devient, aux yeux d’une partie de la population, l’obstacle principal à sa stabilité.

Un cessez-le-feu fragile et incomplet

Malgré les annonces, le plan Trump reste imprécis sur plusieurs points essentiels.
Aucune date n’a été fixée pour le retrait total de l’armée israélienne de Gaza.
Les mécanismes de contrôle humanitaire demeurent flous.
Et rien ne garantit que les livraisons de nourriture, d’eau et de médicaments soient suffisantes pour répondre à la crise humanitaire. Beaucoup redoutent qu’il ne s’agisse que d’une trêve tactique avant une nouvelle offensive.

Pour les Palestiniens, pourtant, cette pause représente un répit vital.
Après des mois de bombardements et de destructions massives, la population de Gaza survit dans des conditions dramatiques : infrastructures détruites, hôpitaux débordés, famine imminente.
Dans ce contexte, même un cessez-le-feu temporaire est accueilli comme une victoire de la vie sur la mort.

La fin d’un cycle

Benjamin Netanyahou a bâti sa carrière sur la promesse d’une sécurité inébranlable et d’une Israël forte face à ses ennemis. Mais la guerre de Gaza révèle l’échec de ce récit.
En cherchant à prolonger le conflit pour sauver son pouvoir, il a fracturé son pays, affaibli son armée et isolé Israël. Ses alliés le pressent de continuer la guerre ; la communauté internationale l’exhorte d’y mettre fin ; et l’opinion publique israélienne vacille entre peur, colère et lassitude.

L’histoire retiendra peut-être cette séquence comme le moment où Netanyahou, maître du jeu politique israélien depuis plus de vingt ans, a perdu la main. Non pas par la force d’un ennemi extérieur, mais par les contradictions de son propre système.
Car aucune puissance, aussi armée soit-elle, ne peut éternellement gouverner par la peur et le mensonge.

Conclusion : l’heure des comptes

Netanyahou se voulait stratège ; il n’est plus qu’un survivant politique.
Le cessez-le-feu qu’il prétend avoir négocié marque moins une victoire qu’un aveu d’impuissance.
Le prix humain de cette guerre des milliers de civils palestiniens tués, des otages toujours détenus, une société israélienne divisée restera comme une cicatrice durable.
L’avenir de la région dépend désormais de la capacité des deux camps à rompre avec la logique de la vengeance et à reconstruire sur la base du droit et de l’égalité.

Mais une chose est sûre : le mythe de l’invincibilité israélienne s’est brisé à Gaza.
Et avec lui, peut-être, la légende politique de Benjamin Netanyahou. Bien que ce dernier ait déclaré qu'Israël se préparait à mettre en œuvre la proposition de cessez-le-feu de Trump à Gaza, les manifestants craignent que les ministres d'extrême droite ne forcent le gouvernement à revenir sur son accord. Cependant Nul ne sait ce qui se jouera dans les jours et les semaines à venir pour le Gouvernement de Netanyahou.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

 

 

Gaza : la maturité politique d’une résistance consciente : la nouvelle équation du Hamas

Cette tribune rend hommage à une déclaration rare et historique du Hamas, qui dépasse la logique militaire pour affirmer une vision politique courageuse. En posant des lignes rouges claires, fin de la guerre, refus du déplacement, libération des prisonniers, retrait total et acheminement de l’aide et en proposant une gouvernance de consensus national, le mouvement démontre qu’il sait conjuguer fermeté des principes et intelligence diplomatique. Une leçon stratégique adressée à l’ennemi, mais aussi au monde entier


La récente déclaration du Hamas ne peut être lue comme une simple réponse technique à la proposition américaine. Elle constitue un tournant politique majeur, une démonstration que la résistance palestinienne n’est pas une réaction instinctive, mais une force stratégique consciente, capable de conjuguer puissance militaire, fermeté morale et intelligence diplomatique.

Dans un contexte marqué par une guerre impitoyable menée contre Gaza, où la population civile paie le prix le plus lourd, ce texte brise les clichés qui réduisent le Hamas à la seule logique des armes. Il rappelle au monde entier que la résistance, avant d’être une kalachnikov ou un missile, est d’abord une vision politique enracinée dans les droits fondamentaux d’un peuple qui refuse d’être effacé.

Des lignes rouges claires et non négociables

La déclaration a fixé un plafond limpide aux exigences palestiniennes :

-          la fin immédiate de la guerre et des massacres ;

-          le refus catégorique de tout déplacement de population ;

-          la libération de tous les prisonniers, vivants ou morts ;

-          le retrait total de l’occupation hors de Gaza ;

-          l’entrée urgente et massive de l’aide humanitaire.

Ces points ne sont pas des caprices diplomatiques ni des conditions de façade : ils sont l’expression d’un droit naturel, d’un minimum vital sans lequel aucune négociation ne peut être envisagée. En les formulant avec fermeté, le Hamas envoie un message clair : la dignité et la survie du peuple palestinien ne sont pas marchandables.

Une ouverture politique audacieuse

Mais l’élément le plus marquant de cette déclaration réside dans la volonté affichée de remettre l’administration de Gaza à un organisme de technocrates indépendants, choisi par consensus national. Ce geste n’est pas banal. Il marque un dépassement de la logique partisane : le Hamas affirme qu’il n’est pas attaché au pouvoir pour le pouvoir, mais qu’il est prêt à céder l’administration quotidienne au profit d’une structure consensuelle, soutenue par les Palestiniens eux-mêmes et leurs partenaires arabes et islamiques.

Là où certains s’attendaient à une posture d’obstruction, le Hamas surprend par un choix de responsabilité. Ce n’est pas une concession dictée par la faiblesse : c’est une décision stratégique qui redonne l’initiative politique au peuple palestinien, tout en plaçant Israël face à ses contradictions.

Une charge politique retournée contre l’adversaire

Par cette ouverture, le Hamas a déplacé la responsabilité : désormais, ce n’est plus lui qui bloque, mais l’ennemi. En se déclarant prêt à négocier et en fixant des conditions conformes au droit international et aux principes humanitaires les plus élémentaires, le mouvement met Netanyahou et ses alliés dans une position délicate.

S’ils refusent, le monde verra clairement où se situe l’obstruction et qui porte la responsabilité de la poursuite de la guerre. S’ils acceptent, c’est la preuve que la résistance a su imposer ses règles du jeu, en combinant fermeté et pragmatisme. Dans les deux cas, le Hamas a transféré la charge politique et morale à l’occupant.

Une maturité politique rarement observée

Cette déclaration révèle une maturité politique rarement observée dans des conflits aussi complexes. Elle montre que la force militaire peut coexister avec une intelligence diplomatique, que la résistance armée peut s’accompagner d’une stratégie politique cohérente. Elle démontre aussi que, contrairement à l’image véhiculée par certains discours occidentaux, le Hamas sait articuler une vision qui unit protection du peuple, respect des principes et recherche d’une solution politique.

En se plaçant à la fois sur le terrain militaire, politique et diplomatique, le mouvement prouve qu’il sait jouer simultanément plusieurs cartes : la dissuasion sur le champ de bataille, la défense des droits sur la scène internationale, et l’ouverture à une gestion interne collective et responsable.

 

Une leçon adressée au monde arabe et à la communauté internationale

Au-delà du contenu immédiat, cette déclaration est aussi un message adressé aux peuples arabes et musulmans : la résistance palestinienne ne se contente plus de survivre, elle impose des règles et un langage politique que beaucoup d’États de la région n’ont jamais su manier face à Israël. Là où des régimes se sont limités à des slogans ou à des compromis stériles, le Hamas combine combat, diplomatie et vision stratégique, prouvant qu’il est possible d’imposer un agenda palestinien dans l’arène internationale.

Conclusion : une résistance consciente et responsable

La déclaration du Hamas ne doit pas être comprise comme une simple étape dans des pourparlers. Elle est un moment de bascule, où la résistance palestinienne affirme sa capacité à penser au-delà du fusil, à protéger son peuple non seulement par les armes, mais par l’intelligence politique.

Ce texte est un hommage à la fermeté et à la sagesse : fermeté des principes, sagesse de l’ouverture. Il incarne une vérité simple mais puissante : la résistance palestinienne n’est pas une réaction éphémère à l’agression, mais une force consciente, organisée, capable de négocier d’égal à égal et d’imposer une nouvelle équation dans laquelle l’occupant n’est plus le seul maître du jeu.

En résumé, cette déclaration n’est pas seulement une réponse. C’est une victoire politique en soi, un moment où la puissance de la lutte s’est alliée à la raison stratégique, et où le peuple palestinien a montré, par la voix de sa résistance, qu’il refuse d’être effacé et qu’il continuera à imposer son existence, avec intelligence et dignité.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

 

 

 

 

 

Manchester, Gaza : l’instrumentalisation du terrorisme devient propagande

Un attentat antisémite est toujours un drame. Deux morts à Manchester, plusieurs blessés,  un schéma typique d’un film d’action. Voilà qui choque, bouleverse, indigne. Mais faut-il, sous couvert d’émotion, accepter sans critique le récit qui nous est servi ? Faut-il se contenter de la version officielle, qui érige l’acte d’un individu en preuve d’une guerre mondiale contre les Juifs, et qui désigne d’avance les coupables collectifs : Palestiniens, musulmans, manifestants, opposants ? Car derrière les pleurs légitimes, un autre discours se glisse : celui qui amalgame, qui manipule et qui instrumentalise.

L’amalgame comme méthode

On nous dit : un Syrien armé attaque une synagogue, donc tous les Palestiniens, tous les manifestants pro-Gaza, tous ceux qui critiquent Israël sont dans le même camp que l’assassin. C’est l’art du raccourci. On juxtapose les faits hétérogènes – un couteau sanglant à Manchester, une banderole à Downing Street, une chanson radicale dans un concert pour créer l’impression d’une seule et même menace. Le terrorisme devient une ombre gigantesque qui engloutit tout : la critique politique, la solidarité, l’expression artistique.

Mais cette logique est un piège. Elle transforme la lutte contre l’antisémitisme nécessaire, urgente en arme de propagande pour museler toute contestation. Qui dénonce la colonisation devient complice du terrorisme. Qui ose manifester devient suspect.

Le double standard moral

Et pendant ce temps, qui pleure les morts de Gaza ? Qui s’indigne des dizaines de victimes quotidiennes, balayées comme un bruit de fond ? Les journaux s’enflamment pour Manchester, mais se taisent devant Rafah. La hiérarchie des vies est claire : un mort en Europe vaut mille morts palestiniens.

On parle pudiquement de « déplacements » quand il s’agit de déportations massives. On justifie les bombardements par la « sécurité d’Israël » quand il s’agit en réalité de punition collective. Les habitants de Gaza vivent sous ultimatum, sommés de fuir, de se soumettre, de disparaître. On les enferme dans un ghetto moderne, et quiconque ose employer ce mot est aussitôt accusé de blasphème.

L’attentat, lui, fait plus de bruit que les dizaines de morts, routiniers, du jour à Gaza. Voilà la violence du double standard : l’horreur, d’un côté, mérite les pleurs et les caméras ; l’horreur, de l’autre, est devenue invisible.

Le terrorisme, une arme politique

Non, il n’y a pas aujourd’hui de « terrorisme palestinien » en Europe. Répéter le contraire, c’est entretenir un mensonge utile. Car le terrorisme qui frappe les villes n’est pas l’extension de la résistance palestinienne : il est le fruit pourri des guerres impériales, des manipulations et des hypocrisies des puissances occidentales et israéliennes.

Daech ne s’est pas auto-engendré dans un désert abstrait. Il est né dans les décombres de Bagdad, après que les chars américains ont pulvérisé l’Irak en 2003. Washington a dissous l’armée, humilié des millions de sunnites, livré des territoires entiers au chaos. Dans ce marécage, le salafisme armé a prospéré. Les États-Unis criaient « guerre contre le terrorisme », mais en vérité ils en façonnaient le terreau.

Et quel usage en ont-ils fait ensuite ?

Daech a servi de prétexte à toutes les interventions militaires, de l’Irak à la Syrie, de l’Afrique au Moyen-Orient. Chaque attentat devenait la preuve qu’il fallait « rester », « bombarder », « sécuriser ». La peur était recyclée en stratégie : un monstre utile pour justifier l’occupation perpétuelle.

Israël, de son côté, n’a jamais perdu une occasion d’instrumentaliser cette menace. Qu’un couteau frappe dans une synagogue en Europe, et voilà la propagande confortée : les Juifs ne seraient nulle part en sécurité, sauf derrière les murs de l’État hébreu. Qu’un kamikaze se fasse exploser à Mossoul ou à Raqqa, et aussitôt la guerre de Gaza passe au second plan. Le spectre djihadiste efface la réalité coloniale : l’annexion, les blocus, les expulsions.

Faut-il rappeler que, dans les premières années de la guerre syrienne, plusieurs factions affiliées à Al-Qaïda ont été soutenues, armées ou tolérées par les Occidentaux et leurs alliés du Golfe ? Que les services de renseignement savaient dès 2012 qu’un « État islamique » se préparait et ont laissé faire, parce que ce chaos affaiblissait Damas et servait leurs calculs ? Les terroristes d’hier étaient des « alliés » provisoires, recyclés en ennemis absolus le lendemain. Le double jeu est permanent : fabriquer des monstres, puis se poser en rempart contre eux.

Voilà la vérité : le terrorisme n’est pas seulement combattu, il est utilisé. Utilisé pour museler la contestation, pour criminaliser la solidarité avec la Palestine, pour imposer en Europe un climat d’exception sécuritaire. Pendant que les médias braquent leurs projecteurs sur Manchester, les bombes continuent de pleuvoir sur Gaza dans un silence normalisé.

Ne pas céder à la peur

Il est trop facile, après chaque attentat, de désigner les suspects habituels : musulmans, Palestiniens, étrangers. Trop facile de criminaliser les manifestations et de brandir l’accusation d’« antisémitisme » contre toute critique d’Israël. Trop facile, enfin, d’oublier que la machine de guerre occidentale et israélienne porte une responsabilité directe dans le chaos qui nourrit Daech et ses avatars.

La peur est une arme politique. Si nous acceptons que la douleur légitime des victimes serve de prétexte à museler la critique, alors nous aurons perdu deux fois : une fois face au terrorisme réel, une autre fois face à la propagande qui prétend le combattre.

Le courage, aujourd’hui, n’est pas de répéter les slogans sécuritaires. Le courage est de dire : les morts de Manchester comptent, mais les morts de Gaza comptent aussi. Le terrorisme n’est pas une essence qui jaillit d’un peuple, c’est une arme façonnée, utilisée, recyclée par les puissants. Et l’antisémitisme, véritable, doit être combattu mais non pas instrumentalisé pour justifier l’injustice.

Conclusion : la lucidité comme devoir

Il y a eu, au fil des années, tant de fausses alertes, de manipulations, d’attaques simulées et d’opérations sous faux drapeau qu’il devient impossible d’aborder le « terrorisme antisémite » sans prudence. Certaines attaques sont commises par des déséquilibrés isolés, d’autres par de véritables organisations, d’autres encore par des mains invisibles dont l’objectif est politique. Devant ce brouillard, nous devons traiter chaque information avec la plus grande distance critique.

L’arborescence, elle, est simple : dans le cas rare d’une attaque intracommunautaire un membre de la communauté juive contre une synagogue, on ne pourrait exclure ni l’hypothèse d’un acte antisémite réel, ni celle d’une mise en scène sous faux drapeau destinée à alimenter un récit. Dans tous les autres cas, on nous sert le schéma habituel : un « loup solitaire » agissant pour une nébuleuse islamiste. Mais même cette version n’est plus crédible sans examen. Car le terrorisme ne vit pas en vase clos : il est instrumentalisé, recyclé, infiltré par des réseaux étatiques et paraétatiques.

Daech, présenté comme l’ennemi absolu, a été dès le départ toléré, financé ou détourné par des puissances régionales et occidentales. Ses alliances fluctuantes – y compris avec des forces que l’on disait combattre – sont connues de tous les analystes sérieux depuis 2011, même si la presse mainstream continue de l’ignorer, car cela brise son narratif binaire. Le Mossad et l’armée israélienne eux-mêmes ne viennent pas d’un néant immaculé : leur histoire plonge dans des réseaux issus de la lutte armée clandestine. Depuis le 7 octobre, et les failles sécuritaires spectaculaires qui ont précédé l’attaque du Hamas, des voix israéliennes dénoncent publiquement ces dysfonctionnements et ces complicités au sommet.

Ce constat n’invite pas au complotisme facile ; il invite à la lucidité. À comprendre que, face au terrorisme et à l’antisémitisme, l’émotion immédiate ne suffit pas. À exiger des enquêtes, des preuves, une parole publique honnête. Et à ne jamais oublier que la peur, dans les mains des puissants, est toujours une arme.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

 

 

GénérationZ212 : Le cri de la jeunesse marocaine pour la dignité

 

On croyait avoir tout vu : les slogans du Hirak, les espoirs du printemps arabe, les illusions vite refermées. Mais aujourd’hui, une génération refuse d’attendre son tour. Elle ne brandit pas des fleurs. Elle brandit des écrans. Et ces écrans montrent au monde ce que le pouvoir voudrait cacher : des hôpitaux délabrés, des écoles saturées, une jeunesse humiliée. Trois mots suffisent : Santé. Éducation. Dignité.

C’est la GenZ 212 crée en septembre 2025 sur la plateforme Discord. Elle est à l'origine des manifestations de 2025 au. Elle n’a ni parti, ni chef, ni slogan marxiste ou islamiste. Elle a mieux : TikTok, Instagram, des vidéos de dix secondes qui ridiculisent les ministres et exposent la hogra. Ce qui se joue aujourd’hui, c’est plus qu’une colère : c’est une rupture.

Depuis fin septembre, des manifestations secouent Rabat, Casablanca, Oujda, Agadir et d’autres villes. Les jeunes ne réclament pas la lune. Ils réclament le droit de se soigner sans mourir dans une salle d’attente. D’étudier sans mendier. De travailler sans s’exiler. Ils réclament ce que le pouvoir promet depuis des décennies sans jamais le livrer.

La réponse des autorités a été brutale. Arrestations massives. Charges policières. Des blessés graves. Des morts. Les fourgons ont foncé dans les foules. Ce n’était pas une bavure : c’était une méthode. Comme si la peur pouvait remplacer la dignité. Mais un État peut réprimer des corps, il ne peut pas réprimer un hashtag. Il peut enfermer un militant, il ne peut pas enfermer une vidéo déjà partagée des milliers de fois.

GenZ 212 dénonce un choix politique clair. Des milliards pour des stades et des projets de prestige, zéro investissement réel pour les hôpitaux et les écoles. C’est un contraste insupportable : des tribunes flambant neuves sous les projecteurs de la Coupe du monde, pendant que des malades meurent dans des couloirs insalubres. Des autoroutes vers les palais, pendant que les campagnes sont abandonnées. Cette injustice n’est pas une fatalité. C’est une décision.

Ce système profite à une élite arrogante qui vit dans une bulle, exhibe son luxe à Rabat ou Marrakech, tandis que la majorité ploie sous la misère. Et quand cette jeunesse dit stop, le régime sort les matraques. Mais qu’il le comprenne : la répression ne fait pas taire. Elle radicalise. Chaque blessé devient un témoin. Chaque arrestation devient une preuve. Chaque image devient une barricade numérique.

Cette génération refuse d’être la chair à harga. Refuse d’être une monnaie d’échange dans les négociations avec l’Europe. Refuse de voir son avenir réduit à l’exil ou à la survie. Elle est née connectée, consciente que la dignité existe ailleurs, et qu’elle la mérite ici.

Ce n’est pas une émeute passagère. C’est une rupture totale. Le Maroc ne se tient pas debout avec des stades vides et des palais fermés. Il se tient debout avec des hôpitaux, des écoles, un peuple digne. Tant que cela n’existe pas, aucune répression ne restaurera l’ordre.

Aux dirigeants : vos projets pharaoniques ne sont que des vitrines pour masquer vos faillites. Vous pouvez bien foncer sur un manifestant avec un fourgon, vous ne foncerez jamais sur une génération entière. À chaque coup que vous donnez, vous affaiblissez votre propre légitimité.

Aux citoyens : la dignité n’est pas une marchandise. La jeunesse a rompu le silence. Elle n’attend plus. Elle exige. Et cette exigence, c’est la nôtre. Soutenons-la. Portons ses récits. Refusons l’humiliation.

On peut réprimer des corps. On ne peut pas réprimer une génération connectée. GenZ 212 a rompu le silence. Son mot d’ordre est clair : la dignité. Et la dignité ne négocie pas.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »