Face à la tragédie palestinienne, la presse dominante
continue de réciter son catéchisme moral et géopolitique. Les “fact-checkers”
vérifient les marges mais jamais les fondements. On ne questionne pas la colonisation,
on la reformule. Derrière la neutralité revendiquée, c’est une guerre du
langage qui s’exerce et les Palestiniens en paient le prix.
La presse
dominante n’a plus besoin de censure : elle s’en charge elle-même. Les
rédactions ne manquent pas de moyens, mais d’audace. De l’aube au soir, on
“vérifie”, on “contextualise”, on “neutralise, autant de mots pour dire qu’on
détourne le regard. Le rôle du journalisme n’est plus d’informer, mais de
rassurer le lecteur que rien d’essentiel ne change.
Quand il
s’agit d’Israël et de la Palestine, le lexique dit tout : “affrontements” au
lieu de bombardements, “ripostes” au lieu de massacres, “conflit” pour ne pas
dire colonisation. La presse a troqué la précision contre la prudence. Elle ne
nomme plus, elle blanchit. Et quand quelqu’un ose rappeler le droit, l’histoire
ou simplement la vérité, la machine morale se met en branle : “radical”,
“antisémite”, “complotiste”. L’étiquette tient lieu de réfutation.
Ce conformisme
a ses gardiens : les fact-checkers, ces nouveaux inquisiteurs de la pensée.
Leur mission affichée la vérité s’arrête toujours au seuil du pouvoir. On
corrige une citation, jamais une politique. On recadre une émotion, jamais une
injustice. Leur zèle sélectif devient un outil idéologique : ils servent de
tampon entre l’opinion publique et le réel.
Pendant ce
temps, la population palestinienne s’enfonce dans un désespoir sans nom, et les
médias occidentaux s’enferment dans leurs studios pour débattre du “niveau de
proportionnalité” des bombardements. L’indécence est devenue méthode.
La “chapelle
médiatique” occidentale si prompte à donner des leçons de démocratie,
tremble dès qu’il faut questionner ses propres alliances symboliques. Elle
s’abrite derrière la morale pour éviter la politique. Et quand la vérité heurte
l’allié occidental, elle préfère le silence.
Mais un
système d’information qui ne tolère que la version des puissants ne fait pas du
journalisme : il fabrique du consentement. Le pluralisme n’est pas une menace.
C’est sa disparition qui en est une.
Le pire, c’est cette certitude satisfaite des fact-checkers, ces nouveaux
gardiens du temple médiatique, qui prétendent traquer la désinformation tout en
confortant le mensonge d’État. Ils “corrigent” les marges, mais jamais le
centre. Ils ne débattent pas : ils sanctifient. Leur zèle à défendre l’ordre
symbolique remplace toute recherche de vérité.
Et gare à celui ou celle qui s’écarte du
script : les étiquettes tombent aussitôt. “Radical”, “antisémite”, “pro-Hamas”.
Peu importe la rigueur, peu importe le droit international : on ne conteste pas
l’orthodoxie de la narration occidentale. Le débat devient une police de la
pensée, et la pensée, un champ miné.
Pendant que les éditorialistes s’interrogent
sur la “proportionnalité” des bombardements, Gaza s’effondre. Des
milliers de civils sont enterrés sous les décombres, pendant qu’en Europe on
débat du ton à adopter. L’indécence devient méthode, la prudence devient
complicité.
Je ne parle pas ici de haine, mais de
responsabilité. De cette lâcheté collective qui consiste à maquiller la violence
derrière le langage. Car dans cette guerre, les mots ne sont pas neutres : ils
choisissent un camp. Dire “terroriste” ou dire “résistant”,
ce n’est pas une nuance, c’est un verdict.
Les rédactions qui se drapent dans leur morale
progressiste refusent d’admettre qu’elles participent à la fabrication du
consentement. Ce qu’elles appellent “objectivité” n’est souvent que la défense
du statu quo. Et tant qu’elles s’en tiendront à cette neutralité mensongère,
elles seront, qu’elles le veuillent ou non, du côté du pouvoir pas de la
vérité.
Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. »

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire