Parfois, il m'est utile de le dire ?

Israël et la famine à Gaza : quand la victimisation devient un outil pour fuir la responsabilité

 


La mentalité de victime comme stratégie politique

Dans l’histoire contemporaine, peu de nations ont autant ancré leur identité sur la mémoire d’un traumatisme que l’État d’Israël. La Shoah, drame absolu du XXe siècle, est devenue une composante indélébile de la conscience nationale. Mais cette mémoire, lorsqu’elle se transforme en posture de victime permanente, peut servir à protéger l’État de toute critique morale, même lorsqu’il commet l’inacceptable.

Dans ce mécanisme, la culpabilité historique est mobilisée pour inverser les rôles : ceux qui dénoncent les crimes commis à Gaza sont accusés d’antisémitisme, détournant le débat et neutralisant la remise en question.

La culpabilité et la mentalité de victime sont fondamentalement des mécanismes d'évasion. Tant que vous vous sentez coupable, vous pouvez vous accrocher à l'idée que votre conscience vous permet de ressentir la culpabilité. Mais si vous n'agissez pas pour éliminer la cause de votre culpabilité et ne pas répéter votre erreur à l'avenir (c'est ce qu'on appelle l'apprentissage), vous ne faites qu'échapper à la réalité.

Jouer la victime a un objectif similaire : éviter la réalité et les responsabilités personnelles qui y sont inévitablement liées. Rien n'est plus irritant que d'avoir affaire à des victimes accros à la mentalité de victime. Elles se maintiennent dans un état infantile, attendant que les autres règlent leurs problèmes. Lorsque des individus, ou une nation, tombent dans ce piège, ils se tournent vers le chantage affectif et la fourberie pour exercer un certain contrôle sur leur environnement – un spectacle peu réjouissant et très dangereux pour tous

A l’indifférence face à la famine à Gaza  un sondage israélien récent, près de 79 % des citoyens se déclarent indifférents à la famine qui frappe la population de Gaza. Ce chiffre, glaçant, révèle une déconnexion morale profonde.

Cette indifférence n’est pas le fruit du hasard. Elle est alimentée par :

  • La déshumanisation des Palestiniens dans le discours politique et médiatique israélien.
  • Le récit sécuritaire qui présente chaque geste humanitaire comme une faiblesse exploitable par “l’ennemi”.
  • L’autosuffisance morale, où l’histoire passée d’Israël devient un bouclier contre toute critique présente.

Lorsqu’une majorité reste insensible à la souffrance qu’elle contribue à engendrer, il ne s’agit plus seulement de passivité. C’est une forme de complicité.

La famine imposée à Gaza, qualifiée par des juristes internationaux de crime de guerre et potentiellement de crime contre l’humanité, ne se déroule pas dans le secret. Les images, les rapports d’ONG, les alertes de l’ONU circulent largement. Le choix de détourner le regard est donc un acte politique, même lorsqu’il se veut apolitique.

En fermant les yeux, la société israélienne se place face à un risque historique : celui d’être perçue, dans les décennies à venir, comme complice d’un crime de masse. Ce basculement moral ne se mesure pas seulement en termes juridiques, mais aussi en termes de mémoire collective.

Les sentiments ne comptent pas. Seuls les actes comptent. le peuple juif s'en fiche !

Mais attention, un jour, la situation changera !

Les Israéliens juifs s'inquiètent le moins du monde de la famine massive qui frappe les Gazaouis. Or, un récent sondage indique que 79 % d'entre eux n'en sont absolument pas préoccupés. En Israël, on ressent très peu de culpabilité face à cette famine massive. La plupart des Israéliens se réjouissent de la souffrance des Palestiniens et ne souhaitent rien d'autre que son aggravation

L’histoire jugera non seulement les décideurs, mais aussi la société civile qui aura choisi le confort du déni.

Sortir de cette spirale suppose une double rupture :

  1. Reconnaître la réalité des crimes en cours et leur impact humain.
  2. Dissocier la mémoire des tragédies passées de l’usage politique qui en est fait pour justifier l’injustifiable.

Des analyses théoriques comme celle-ci sont utiles pour comprendre la situation, mais elles n'auront aucun effet sur les dirigeants ni sur la majorité de la population juive. Ils sont protégés par leur déni et ne changeront pas, à moins d'être profondément secoués. Et peut-être même pas.

Le droit international est clair : provoquer intentionnellement une famine est un crime. La morale l’est tout autant : rester indifférent, c’est s’en rendre complice.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 

Appel à l’action : Partagez cet article pour briser le silence, informez-vous auprès de sources indépendantes et soutenez les organisations humanitaires œuvrant à Gaza.

 

 



Gaza : trahison internationale et silence complice face au génocide.

Le texte percutant de Ramy Abdul, La justice manquante : comment la communauté internationale a trahi Gaza, expose avec force ce que beaucoup refusent de nommer : un génocide en direct, protégé par la complicité active des puissances mondiales.

Depuis plus de deux ans, la population de Gaza subit bombardements, famine organisée, destructions massives – et le monde, au lieu d’intervenir, offre au régime occupant une couverture diplomatique et militaire ininterrompue.

Sur la scène internationale, aucune lutte de libération moderne n'a connu une trahison aussi profonde que celle subie par Gaza. Aucun génocide récent n'a non plus été accueilli avec une complicité aussi flagrante et un silence aussi assourdissant. Pendant plus de deux ans, le monde a adhéré au discours de la puissance occupante, lui fournissant une couverture politique et morale qui a permis aux atrocités de se poursuivre sans relâche. Pendant ce temps, ses chaînes d'approvisionnement militaire n'ont rencontré aucune entrave, bien au contraire.

La complicité active de la communauté internationale et surtout ce n’est pas seulement l’inaction qui scandalise : c’est l’obstruction délibérée aux mécanismes de justice.

ONU, CIJ, CPI : incapables ou non désireuses d’imposer des sanctions ou d’obtenir des comptes.

Union européenne : incapable de suspendre ne serait-ce qu’un programme scientifique marginal, tout en maintenant des accords commerciaux avec l’occupant.

Chaînes d’approvisionnement militaires : intactes, voire renforcées.

Cet Même dans le domaine juridique, les États qui prétendent défendre la justice et les droits de l’homme ont activement entravé tous les efforts visant à obtenir des comptes, que ce soit devant la Cour internationale de justice ou la Cour pénale internationale.

 Après deux années de villes entières réduites en ruines, de dizaines de milliers de morts en direct à la télévision et de civils délibérément affamés, l'Union européenne n'a guère fait plus qu'envisager de revoir son partenariat avec le régime génocidaire. Même l'idée symbolique de suspendre un programme marginal de coopération scientifique comme Horizon Europe n'a reçu le soutien que de 10 des 27 États membres.

Au niveau local, la mobilisation mondiale a été faible – un échec moral de la conscience mondiale, qui s’est limitée à des manifestations tièdes et à des déclarations creuses, sans aucune grève sérieuse, mouvement de masse ou campagne de pression soutenue.

Aujourd'hui, depuis plus de deux mois, la même communauté internationale s'est montrée incapable de contraindre le régime génocidaire à autoriser l'entrée humaine de nourriture, à protéger les agences humanitaires de l'ONU, ni même à garantir la survie de l'UNRWA – un démantèlement envisagé de longue date par le projet sioniste. L'occupation a bien compris cette situation ; elle alimente la poursuite et l'escalade du génocide, l'encourageant à explorer des scénarios encore plus brutaux, notamment la restitution des colonies, l'annexion des territoires de Gaza et la domination totale sur la Cisjordanie et Jérusalem.

Après deux années d’annihilation systématique, le maximum que la communauté internationale ait réussi à offrir sont de faibles propositions pour un État palestinien dépouillé de souveraineté, de dignité et de sens, conditionnées au désarmement, à l’obéissance et à la renonciation complète aux droits historiques, politiques et moraux. Bien que la cause palestinienne ait retrouvé une partie de son importance en tant que lutte de libération mondiale, le régime occupant a largement réussi à dépeindre la résistance palestinienne – et le peuple palestinien dans son ensemble – comme violents et terroristes, en inscrivant son récit fabriqué dans le discours mondial. Comprendre la dynamique de l'opinion publique mondiale révèle une dure réalité : la solidarité, aussi large soit-elle, est éphémère si elle n'est pas canalisée stratégiquement et immédiatement.

Cette complicité institutionnelle est le carburant qui alimente la poursuite du massacre et une mémoire collective menacée d’effacement, la solidarité mondiale est éphémère si elle n’est pas canalisée.
L’histoire l’a montré :

1982 : Sabra et Chatila – indignation mondiale, puis oubli et normalisation.

2008 : offensive contre Gaza – soutien initial, puis silence médiatique.

2018 : Rohingyas – indignation massive, puis disparition de la cause des gros titres.

Aujourd’hui, le mot “génocide” s’impose davantage, mais le risque est grand que Gaza rejoigne la liste des injustices abandonnées à la poussière de l’oubli.

 

Briser le cycle de l’oubli : de la colère à l’action

Les causes justes ne triomphent pas par leur seule légitimité. Elles gagnent par la constance, la stratégie et la pression organisée.

Cela signifie :

Lancer et maintenir des campagnes internationales coordonnées.

Construire des réseaux de solidarité transnationaux capables de contourner les blocages institutionnels.

Documenter, archiver, diffuser inlassablement la réalité du terrain.

Gaza ne peut se contenter de hashtags ou de marches symboliques. Il faut une action persistante qui dépasse l’émotion passagère. Sans campagnes organisées pour maintenir la visibilité et la pression, même les causes les plus justes risquent de disparaître des mémoires une fois les gros titres passés. En 1982, l'indignation mondiale a atteint son paroxysme après l'invasion du Liban par Israël et le massacre de Sabra et Chatila, mais elle s'est rapidement dissipée et Israël a rétabli des relations normalisées en toute impunité. En 2008, Gaza a bénéficié d'un élan de soutien international, qui s'est ensuite dissipé dès la fin de l'assaut. Aujourd’hui, même si le mot « génocide » est plus fréquemment associé à Gaza, le danger d’un oubli mondial plane – tout comme ce fut le cas pour les Rohingyas au Myanmar en 2018, ou pour la Namibie en 1971, lorsque la CIJ a déclaré illégale l’occupation de l’Afrique du Sud, une décision restée lettre morte pendant deux décennies.

Conclusion : l’heure du choix

Les causes justes ne triomphent pas uniquement en raison de leur justice, ni par le nombre de hashtags ou de sympathisants en ligne, mais par la capacité de leurs membres à maintenir leur élan, à faire pression et à saisir l’instant présent. Le monde n'a pas de mémoire ; il évolue au gré de l'instant. Et si cet instant n'est pas saisi avec sagesse et force, il s'estompera, telle une vague perdue dans le vaste océan de l'oubli.

Ce texte est une gifle nécessaire à notre conscience collective. Gaza n’est pas seulement victime d’un génocide ; elle est aussi victime d’un abandon moral orchestré. Les États, les grandes institutions et même une partie de la société civile mondiale ont échoué, non par ignorance, mais par choix.

Là où la justice devait s’imposer, nous avons vu l’obstruction volontaire. Là où la solidarité devait s’organiser, nous avons vu l’indifférence. Ce n’est pas seulement un échec politique — c’est un effondrement de l’humanité face à l’évidence.

L’histoire récente nous avertit : les vagues de soutien s’écrasent vite si elles ne sont pas canalisées en campagnes organisées, persistantes et massives. La Palestine ne peut se contenter de hashtags et de marches symboliques. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement sa survie physique, mais la préservation de sa mémoire, de ses droits et de son existence politique.

Gaza nous met au défi de choisir : laisserons-nous cette cause rejoindre la longue liste des injustices oubliées, ou la transformerons-nous en une lutte victorieuse grâce à notre constance et notre action ? Ce choix ne peut plus attendre.

Si cet instant n’est pas saisi avec détermination, Gaza sera effacée des écrans et des consciences, comme tant d’autres peuples avant elle. Nous avons un choix : Laisser cette cause disparaître dans l’océan de l’oubli, ou en faire une lutte victorieuse grâce à notre constance et notre action.

Gaza nous met face à ce choix. Et ce choix ne peut plus attendre.

 Kader Tahri

Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/




L’antisémitisme, cache-misère d’un génocide télévisé


C’est à cause du génocide qu’Israël se coupe de l’humanité car la majorité de ses habitants valide le massacre des Palestiniens.

Il y a deux sortes de gens : ceux qui voient le génocide, et ceux qui voient l’antisémitisme pour ne pas voir le génocide.

Pour les génocidaires, le camp d’en face est forcément judéocentré. C’est sûr que de voir jour après jour des femmes et des enfants assassinés, un pays entier écrasé sous les bombes, ça interroge, ça obsède. Ce qui obsède les êtres humains, ce n’est pas les juifs, mais une armée moderne qui procède à un génocide.

 Le conflit israélo-palestinien se traduit chez nous en un conflit verbal assez dérisoire, mais qui a le mérite de montrer deux choses : qu’il y a une présence médiatique israéliste complètement disproportionnée, avec des valeurs antirépublicaines et antifrançaises, et une résistance croissante à cette occupation

Alors que les opérations militaires israéliennes ont provoqué une destruction massive à Gaza, une partie significative du débat public en France se focalise sur l'antisémitisme supposément croissant. Cette focalisation fonctionne comme une stratégie d’évitement face aux réalités d’un conflit asymétrique, et révèle une crise profonde du discours moral et médiatique français.

Depuis plusieurs mois, les faits sont documentés : frappes ciblant des hôpitaux, infrastructures civiles anéanties, famine organisée, morts massives parmi les femmes et les enfants. Des centaines d’organisations internationales alertent sur ce qui pourrait constituer un génocide. Pourtant, en France, le cœur du débat public semble porter ailleurs : sur le prétendu regain d’antisémitisme.

Cette inversion des priorités ne repose pas sur une analyse rigoureuse de la situation, mais sur une instrumentalisation rhétorique. Elle permet d’éluder la responsabilité politique de l’État israélien, de délégitimer la solidarité avec les Palestiniens, et de recadrer le débat autour d’un prisme moral unique : la protection d’Israël, quel qu’en soit le coût humanitaire.

Dans ce cadre, toute critique de l’intervention militaire israélienne est rapidement soupçonnée d’antisémitisme. Cette confusion volontaire entre critique politique du sionisme et haine des juifs rend toute discussion sereine impossible. Elle permet surtout d’étouffer toute remise en cause du projet colonial israélien et de sa mise en œuvre actuelle à Gaza.

La France, en particulier, souffre d’un climat intellectuel dégradé où le soupçon prime sur l’analyse. Un discours critique, même modéré, est immédiatement suspecté de complicité avec des idéologies extrémistes. Ce réflexe produit un effet paralysant sur les milieux universitaires, les rédactions, et les institutions religieuses.

La disproportion de traitement médiatique est évidente. Très peu de médias généralistes français donnent la parole à des chercheurs, intellectuels ou témoins palestiniens. À l’inverse, les représentants institutionnels pro-israéliens jouissent d’un accès régulier aux plateaux télévisés, aux tribunes de grands quotidiens et aux relais politiques.

Ce déséquilibre n’est pas une simple question d’orientation éditoriale. Il révèle un verrouillage idéologique, où la défense de la ligne israélienne devient un impératif moral, et toute déviation est considérée comme une faute. Il ne s’agit plus d’informer, mais de faire taire. Et cette asymétrie contribue à la perte de crédibilité progressive des médias dominants.

Le journal La Croix, historiquement ancré dans une tradition catholique, offre un exemple particulièrement révélateur de cette difficulté à nommer l’injustice. Dans un article publié récemment, le quotidien évoque la « proximité religieuse et historique avec Israël » comme facteur de malaise parmi les catholiques, face à la situation dramatique à Gaza.

Cette formulation, sous couvert de nuance, traduit en réalité une difficulté à affronter les contradictions morales. Comment une foi fondée sur l’Évangile peut-elle rester neutre face à des crimes contre l’humanité ? Comment une proximité historique justifie-t-elle le silence ou la prudence, lorsqu’un peuple est broyé sous les bombes ? Ce malaise n’est pas moral. Il est politique.

Le soutien massif de la population israélienne à l’offensive militaire actuelle, tel que révélé par plusieurs sondages, pose une question de fond : un État peut-il rester moralement légitime lorsqu’il cautionne, à grande échelle, l’écrasement d’un autre peuple ? La réponse universelle devrait être négative. Or, c’est précisément cette question que l’on refuse d’aborder en France.

En se coupant de toute exigence universaliste, Israël adopte une logique de séparation radicale : entre ses intérêts et ceux du reste du monde, entre sa mémoire et celle des autres, entre son droit à la sécurité et les droits fondamentaux des Palestiniens. Il ne s’agit plus de sécurité, mais d’effacement.   Ils sont aujourd’hui littéralement en train de se suicider, ce qui constitue un spectacle à la fois gratuit et moral assez réjouissant.

Mon Dieu, youpi !  Tu peux bien prendre Gaza, la raser pierre après pierre, croire qu’en effaçant la carte, tu redessineras l’histoire. Mais c’est une illusion pour enfants mal sevrés. Ce chemin-là, une fois emprunté, transforme le conquérant en créature de poussière : ce n’est pas la terre qui change, c’est la mentalité. Et elle ne connaît que deux issues : la fureur ou la folie.

On t’a vendu l’idée d’un paradis à reconquérir. Un mirage. Car si c’était vraiment l’Eden, tu n’attendrais pas un messie pour y poser ton trône. Il n’y a pas de paix là où le sol est pavé de mensonges et d’exils. Et ceux que tu accuses de voler ta lumière ? Ce ne sont pas des ombres étrangères, mais les reflets de ta propre trahison. Des fils perdus, grimés en ennemis, que tu préfères haïr plutôt que reconnaître.

Alors, pour ne pas sombrer, tu t’accroches à une vieille promesse, à l’idée qu’un jour viendra un sauveur, un type sans prépuce, selon la tradition, surgissant dans les cendres comme une mauvaise fable biblique version Disney. On attend la magie, on ferme les yeux sur la boucherie, et on continue le conte, en espérant que cette fois, il finira bien.

Mais les contes ne mentent qu’à ceux qui les écoutent. Les autres voient la main derrière le rideau, le sang sous le vernis, et comprennent que le royaume n’est pas en danger. Il est déjà tombé.

L’idée d’un Israël porteur d’un destin exceptionnel, moralement inattaquable, est aujourd’hui fragilisée. La destruction de Gaza n’est pas seulement une tragédie humaine. Elle marque aussi la faillite d’un récit fondateur, celui d’un État-victime devenu à son tour État-perpétrateur. Ce basculement historique est encore nié par certains, mais il est visible pour quiconque regarde les faits.

Ce ne sont pas les ennemis d’Israël qui ternissent son image. Ce sont ses propres actes, documentés, diffusés, archivés. Aucun contrôle médiatique ne pourra à long terme masquer ce que les satellites, les ONG, les rapports d’experts, les témoignages locaux ont déjà établi.

La période que nous vivons n’appelle pas à la vengeance, mais à la lucidité. Comme après 1945, lorsque les médias français ont dû rendre des comptes sur leur collaboration, un moment de refondation morale s’imposera. Pas forcément sous forme de procès ou de sanctions, mais par une reconquête de la parole publique, libre, argumentée, courageuse.

Le discours anti Palestinien n’est pas un simple désaccord idéologique. Il est devenu un dispositif d’occultation, de disqualification, d’aveuglement. À l’inverse, la défense des Palestiniens ne relève pas d’un projet identitaire, mais d’un réflexe éthique élémentaire. Il ne s’agit pas d’être pro-musulman, ni anti-juif, mais simplement humain.

La priorité du moment n’est pas de dénoncer une vague d’antisémitisme souvent fantasmée, mais de nommer un génocide en cours. De refuser la neutralité face à une destruction planifiée. Et d’assumer que la défense du droit international, de la dignité humaine, de la vérité, ne peut être subordonnée à aucune loyauté géopolitique ou religieuse.

Ce n’est pas Israël qui est en danger. C’est notre capacité collective à voir, nommer, juger.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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Le désarmement du Hamas : un prétexte pour une guerre sans fin

 

Alors que les appels internationaux à la fin des hostilités à Gaza se multiplient, une exigence revient avec insistance : que le Hamas se désarme. Ce mot d’ordre, présenté comme une condition préalable à tout cessez-le-feu, révèle en réalité une logique perverse, celle d’une guerre conçue pour ne jamais s’arrêter. Car pourquoi le Hamas devrait-il déposer les armes, alors qu’Israël, puissance occupante et colonisatrice, continue de mener une politique d’agression systématique contre les Palestiniens, où qu’ils soient ?

Une paix juste, pas une reddition avec un désarmement à sens unique

Depuis des décennies, les gouvernements israéliens successifs ont refusé toute reconnaissance sérieuse de leur responsabilité historique : l’expulsion des Palestiniens en 1948, l’occupation de 1967, la colonisation effrénée des terres cisjordaniennes, le siège inhumain de Gaza. Jamais Israël n’a reconnu ses crimes ni indemnisé ses victimes. Le désarmement des groupes de résistance, dans ce contexte, n’est pas un pas vers la paix : c’est une capitulation unilatérale exigée d’un peuple occupé, sous menace constante.

Loin d’être un accident ou une dérive, la guerre actuelle est le prolongement logique d’un projet colonial. Le gouvernement Netanyahou, soutenu par une coalition kahaniste d’extrême droite, ne veut ni de l’Autorité palestinienne à Gaza, ni de souveraineté palestinienne à quelque niveau que ce soit. Sa stratégie ? Gagner du territoire, détruire l’infrastructure sociale palestinienne, étendre la colonisation, et perpétuer la domination juive exclusive sur toute la terre entre le Jourdain et la mer.

Cette politique n’est pas seulement meurtrière. Elle est suicidaire, comme le rappellent 600 anciens responsables de la sécurité israélienne qui ont récemment averti que la poursuite de la guerre mènerait Israël à la ruine. Ils dénoncent un cabinet de guerre qui, au mépris même des avis militaires de Tsahal, impose une logique maximaliste, où le nettoyage ethnique est envisagé comme solution stratégique.

Ceux qui réclament aujourd’hui la reddition du Hamas oublient (ou feignent d’oublier) le précédent d’Arafat et de l’OLP. En 1982, après avoir accepté l’exil à Tunis, les combattants palestiniens laissaient derrière eux leurs familles dans les camps libanais. Quelques semaines plus tard, à Sabra et Chatila, sous les yeux de l’armée israélienne, les milices phalangistes ont massacré 2 000 civils palestiniens. Ce n’est pas une opinion : une commission israélienne a reconnu la responsabilité indirecte d’Ariel Sharon dans ce crime. Comment demander à un peuple de se désarmer quand son passé lui rappelle que même la reddition ne garantit rien, si ce n’est le massacre ?

La guerre ne se joue pas seulement à Gaza. Elle secoue aussi l’intérieur d’Israël, où les fractures s’aggravent entre familles d’otages, opposition pacifiste, conscrits ultra-orthodoxes, et partisans messianiques de la colonisation. Le rêve d’un « État juif démocratique » se disloque sous le poids de ses contradictions. Israël est peut-être militairement dominant, mais il perd sur les fronts politiques, moraux, économiques et internationaux.

Dès le début de cette campagne génocidaire, de nombreux personnels médicaux juifs israéliens ont salué le bombardement des hôpitaux de Gaza. Ce qui est écrit ici ne devrait pas surprendre. Le déni de l'entreprise sioniste, perçue comme une entreprise raciste, est profondément ancré, même parmi ceux qui apportent une aide humanitaire – à l'exception des rivaux palestiniens. La responsabilité des citoyens de protester et d’agir est d’autant plus lourde lorsque c’est leur propre pays qui commet ou aide ou encourage un génocide.

 

Comme l'écrivait G. Levy il y a de nombreuses années, « les Israéliens sont des spécialistes de l'aide humanitaire dans des zones éloignées, mais pas dans leur propre arrière-cour ».

 

C'est simplement que le cerveau humain est fragile et préfère les histoires aux faits, que tant de gens s'emballent et se vantent de vertu à propos de Gaza, alors qu'ils ignorent ou ne reconnaissent même pas que le 7 octobre a eu lieu, ni que le Hamas existe principalement pour répéter ces violences contre les Israéliens et les Juifs.

Il est important de reconnaître et même de protester contre le fait que le gouvernement israélien soit odieux, mais le temps d'antenne dont il bénéficie est encore largement disproportionné par rapport aux autres conflits et catastrophes humanitaires mentionnés, sans parler de la dystonie qui se déroule aux États-Unis, qui n'est pas encore aussi grave au niveau national, mais qui explique en grande partie pourquoi il est si difficile pour l'humanité de corriger le tir aujourd'hui.

Il est vrai qu’Israël fait une mauvaise chose et qu’il est également utilisé comme bouc émissaire.

Les médecins israéliens, comme la majorité des Juifs israéliens, sont d'accord avec Netanyahou pour faire disparaître les Palestiniens. Ils peuvent encore se considérer comme des personnes morales, la morale juive, l'armée morale, mais ils sont complices d'un génocide. Après avoir tué près de 20 000 enfants palestiniens, la place d'Israël est bannie des nations.

Résister n’est pas un crime, c’est une nécessité

Accuser les Palestiniens de violence sans jamais interroger l’origine de cette violence, l’occupation, l’humiliation, le blocus – relève d’un renversement obscène. Il n’y a aucune rationalité à demander à un peuple d’abandonner ses moyens de défense tant que la violence coloniale, elle, demeure intacte et impunie.  Le Hamas est-il responsable de ce qu'il appelle « le massacre de la farine » ? Vraiment ?

Il y a eu quelques signes avant-coureurs,  

Le sort des Gazaouis et des Palestiniens au cours des décennies sous la botte sioniste, et ensuite, plus important encore, son récit de ce que serait l’avenir des Gazaouis et des Palestiniens sous le statu quo régnant avant l’incursion du déluge d’Al-Aqsa.

Le Hamas a peut-être mal évalué le degré de cruauté et de violence de la réponse de la colonie sioniste à l'incursion, mais qualifier cette erreur de « trahison » est une expression qui, si elle est facile à prononcer pour un sioniste refusant de reconnaître que le sort des Palestiniens a été une brutalité et une humiliation écrasantes, et que leur destin est un effacement progressif et implacable, n'en est pas moins une manifestation d'une obtusité symptomatique. Trahison non génocide. Et les dés ne sont pas encore tombés.

Ce qui est en jeu n’est pas seulement la survie du Hamas, mais la possibilité pour les Palestiniens d’exister, de résister, de refuser l’effacement. À Gaza aujourd’hui, l’alternative n’est pas entre la guerre et la paix, mais entre la soumission et la dignité.

Le cessez-le-feu ne doit pas être conditionné à une reddition unilatérale. Il doit permettre :

  • La levée immédiate du blocus de Gaza.
  • L’arrêt des bombardements et du nettoyage ethnique en cours.
  • Le retour des otages et la libération des prisonniers politiques.
  • Une reconnaissance claire de la cause palestinienne dans sa dimension historique et politique.

 . La communauté internationale, les opinions publiques, les journalistes, les élus, doivent cesser de faire semblant : il n’y a pas de paix possible sans justice, pas de justice sans mémoire, et pas de mémoire sans vérité.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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La paix n’est possible que si le droit à la dignité et à la souveraineté est reconnu.
Résister, ce n’est pas refuser la paix. C’est refuser l’humiliation.

 


Gaza : l’eau utilisée comme arme de guerre.

 

En soutien à Ahmad Abushawish et au peuple palestinien de Gaza

Le cri lancé par Ahmad Abushawish dans sa tribune « À Gaza, l’eau tue aussi ! » ne peut laisser aucune conscience humaine intacte. Ce n’est pas un simple témoignage : c’est un acte d’accusation, un constat clinique de la barbarie contemporaine, menée non pas à coups de slogans mais à coups de soif, de maladie et de privation.

À Gaza, boire peut tuer. Se laver peut tuer. Réparer un puits peut tuer. Attendre sa ration d’eau, sous un soleil de plomb, peut tuer.

Ce n’est pas une métaphore. Depuis octobre 2023, l’armée israélienne a détruit plus de 85 % des infrastructures hydrauliques de la bande de Gaza. Elle a bloqué l’entrée des matériaux nécessaires à leur réparation. Elle a bombardé des stations de dessalement, ciblé les dépôts d’équipements, et tué des techniciens de maintenance. En quelques mois, Gaza est passée de la survie à l’agonie.

Les chiffres sont accablants : entre 2 et 9 litres d’eau par jour et par personne, contre les 100 litres recommandés par l’Organisation mondiale de la santé – et les 247 litres consommés quotidiennement en Israël. Le contraste est saisissant : pendant qu’une population suffoque dans la chaleur sans eau, l’autre se baigne librement à quelques kilomètres de là, dans la même Méditerranée.

Ce n’est pas un désastre naturel. C’est une politique. Une politique qui transforme un bien vital en instrument de soumission. En décembre 2024, Human Rights Watch affirmait que « la privation d’eau à Gaza par Israël constitue un acte délibéré » relevant du crime de génocide. L’eau est utilisée comme arme, non pas pour vaincre une armée, mais pour briser un peuple.

Le témoignage d’Ahmad est glaçant : contaminé par l’eau d’un puits, il a survécu à une hépatite A, tandis que d’autres succombent chaque jour à des maladies d’origine hydrique. Il n’écrit pas au passé : il écrit depuis le front d’un effondrement organisé, méthodique, où l’inaction de la communauté internationale devient une complicité active.

Combien faudra-t-il encore de morts silencieuses – par déshydratation, par infection, par fatigue – pour que cesse cette politique d’asphyxie ?

À ce titre, nous affirmons que :

  • Privatiser l’accès à l’eau dans une zone sous blocus est un crime.
  • Cibler les infrastructures hydrauliques est un crime.
  • Empêcher la réparation de ces infrastructures, ou tuer ceux qui s’y emploient, est un crime.
  • Laisser mourir une population par soif est un crime.

Le droit international n’est pas un texte théorique. Il est fait pour des situations comme celle-ci. Il est fait pour que les responsables répondent. Il est fait pour que les États complices soient interpellés. Il est fait pour que la vie ait un sens même dans les coins les plus sombres de notre histoire.

Nous demandons :

  • La levée immédiate du blocus sur les matériaux et équipements liés à l’eau à Gaza ;
  • La protection internationale du personnel humanitaire et des infrastructures civiles ;
  • La poursuite judiciaire des responsables israéliens des attaques contre les services essentiels ;
  • Une enquête indépendante sur la stratégie de destruction de l’accès à l’eau à Gaza.

Cette tribune n’est pas une opinion : c’est un devoir de parole. Parce que se taire face à un tel crime, c’est déjà en devenir complice.

Et à Ahmad Abushawish, nous voulons dire ceci : votre voix est la nôtre. Vous portez la vérité nue, que tant refusent de voir. Nous ne serons pas de ceux qui détournent le regard.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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Antisémitisme instrumentalisé, palestinocide invisibilisé une stratégie pour occulter le génocide à Gaza ?

 

Depuis le début de l’offensive militaire israélienne sur Gaza en octobre 2023, les autorités françaises et la majorité des grands médias ont choisi de concentrer leur discours public sur une prétendue flambée d’antisémitisme. Ce glissement discursif, qui tend à reléguer au second plan le sort des Palestiniens, interroge profondément. Non pas parce que l’antisémitisme ne serait pas une réalité il l’est, et doit être combattu sans concession mais parce que son invocation systématique sert ici à détourner l’attention de la guerre en cours, à neutraliser la critique légitime de l’État d’Israël et à museler la solidarité avec un peuple colonisé, bombardé, affamé.

En droit, un acte ne devient antisémite qu’à l’issue d’une enquête et d’un jugement. Or, en France, les chiffres relayés par le ministère de l’Intérieur et par de puissants relais communautaires ne font pas toujours cette distinction essentielle : ils englobent signalements, déclarations ou plaintes, sans attendre que la justice établisse les faits. On appelle cela un effet d’annonce, qui n’est pas anodin. Car dans un contexte où la parole critique est criminalisée, où des manifestations pro-palestiniennes sont interdites ou violemment réprimées, l’amalgame entre antisémitisme et antisionisme devient un outil politique de premier plan.

Ce glissement, désormais institutionnalisé, ne vise pas seulement à protéger les citoyens juifs contre des actes de haine (ce qui est légitime), mais à délégitimer toute critique du sionisme, même lorsqu’il s’exerce dans ses formes les plus violentes et racistes. En brandissant l’antisémitisme comme un écran de fumée, on cherche à effacer du champ visuel et émotionnel les milliers de civils tués à Gaza – majoritairement des femmes et des enfants – par des bombardements massifs, la famine imposée, la destruction des infrastructures vitales, les attaques contre les hôpitaux.

Ce n’est pas l’antisémitisme qui est remis en cause ici, mais son instrumentalisation politique. Il ne s’agit pas de nier la réalité de la haine antijuive – elle existe, elle tue, et elle doit être combattue fermement. Mais il faut aussi oser dire que cette haine est souvent décontextualisée, hypertrophiée médiatiquement, et orientée de manière à servir un agenda idéologique précis : étouffer la mobilisation internationale pour la Palestine.

Comment expliquer, sinon, ce silence assourdissant sur les conclusions de la Cour pénale internationale, qui a estimé recevables les accusations de crimes de guerre, voire de génocide, à l’encontre des autorités israéliennes ? Pourquoi les images insoutenables de Gaza, diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux, ne déclenchent-elles pas la même émotion ni la même indignation dans les médias français que certaines inscriptions sur un mur parisien ? Pourquoi la compassion est-elle à géométrie variable ?

Le plus grave, c’est que cette stratégie produit l’effet inverse de celui qu’elle prétend rechercher. Elle affaiblit la lutte contre l’antisémitisme, en la mêlant à des enjeux qui ne relèvent pas de la protection des citoyens juifs mais de la défense inconditionnelle d’un État. En criminalisant toute critique du sionisme, elle désarme les esprits démocrates et encourage la défiance à l’égard des institutions. Elle rend suspect tout soutien au peuple palestinien, comme si l’humanisme devait passer un test de loyauté.

Il faut le dire avec force : la critique du sionisme n’est pas un délit, c’est un devoir moral face à une idéologie d’occupation, d’apartheid et d’expulsion. La solidarité avec les Palestiniens n’est pas une forme déguisée d’antisémitisme, c’est une exigence de justice.

Nous ne pouvons accepter que le mot "antisémitisme", qui désigne une réalité tragique de l’histoire européenne, soit instrumentalisé pour justifier l’injustifiable et couvrir les crimes commis à Gaza. Nous ne pouvons accepter que la mémoire de la Shoah soit mobilisée pour protéger un projet colonial. Et nous ne pouvons, surtout, détourner les yeux d’un peuple qui meurt à huis clos, au nom d’une sécurité israélienne qui confond paix et domination.

En cette heure tragique, il est plus urgent que jamais de dissocier la lutte contre l’antisémitisme de toute tentative de blanchiment politique ou de chantage à la parole. C’est à cette condition que nous pourrons faire reculer à la fois la haine des juifs… et l’oubli des Palestiniens.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/


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Israël–Gaza : au-delà de la propagande, pour une critique contre toutes les haines:

 

Alors qu’Israël mène à Gaza une offensive d’une brutalité inédite, certains éditorialistes continuent de mobiliser un discours de victimisation stratégique, assimilant toute critique à de l’antisémitisme dissimulé, et présentant l’État israélien comme un îlot de démocratie assiégée dans un océan de haine. Ce renversement narratif, largement relayé dans certaines sphères médiatiques, mérite une réponse factuelle, rigoureuse et dénuée de passion idéologique.

1. Antisionisme ≠ Antisémitisme : un raccourci politique dangereux : Le cœur de la tribune pro-israélienne repose sur un postulat simple, mais fallacieux : critiquer Israël, ce serait haïr les Juifs. Cet amalgame – politiquement utile mais intellectuellement malhonnête – vise à neutraliser toute critique de l’État israélien en la disqualifiant moralement.

Or, de nombreuses voix juives, israéliennes ou universitaires dénoncent cette confusion. Des figures comme Noam Chomsky, Judith Butler ou l’historien israélien Ilan Pappé expliquent que l’antisionisme est une position politique, souvent fondée sur le rejet de l’occupation, du colonialisme et de la discrimination systémique. La critique de l’idéologie sioniste, comme de toute idéologie politique, est légitime dans un débat démocratique.

2. Israël, une démocratie ? Pas pour tout le monde : L’article défend l’image d’un État démocratique, protecteur des minorités, inventif et civilisé. Mais cette démocratie est à géométrie variable.

  • En Cisjordanie, Israël exerce un régime d’apartheid, comme l’ont démontré Amnesty International, Human Rights Watch et même l’ONG israélienne B’Tselem.
  • À Gaza, Israël maintient un blocus illégal depuis 2007, condamné par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
  • À l’intérieur de ses frontières, les citoyens arabes israéliens sont légalement discriminés, comme en témoigne la loi fondamentale de 2018 qui définit Israël comme l’État-nation du peuple juif uniquement.

Une démocratie ne peut être jugée sur ses institutions formelles seulement, mais sur la manière dont elle garantit les droits égaux à tous ses habitants.

3. Le droit international comme boussole : Le texte ignore systématiquement le cadre juridique international, qui est pourtant le seul repère objectif dans les conflits asymétriques. Or, depuis le début de l’offensive israélienne à Gaza :

  • La Cour internationale de Justice a estimé qu’il existe un risque plausible de génocide.
  • L’ONU parle de crimes de guerre répétés (attaques contre les hôpitaux, écoles, journalistes).
  • Des ONG comme Oxfam et Médecins Sans Frontières alertent sur une situation de famine orchestrée.

Brandir la menace du Hamas ne suffit pas à justifier des représailles massives et indiscriminées contre des civils, interdits par les Conventions de Genève.

4. La guerre de l’image n’est pas un complot médiatique : la tribune regrette que « l’opinion publique » se retourne contre Israël. Mais ce changement n’est pas le fruit d’un complot woke ou islamo-gauchiste : il est la conséquence directe de ce que les caméras montrent à Gaza.

  • Des enfants mutilés,
  • Des hôpitaux détruits,
  • Des cadavres sortis des décombres,
  • Des civils piégés et privés d’eau, d’électricité, de soins.

Les images parlent d’elles-mêmes. Elles provoquent une indignation universelle, non parce que le monde hait Israël, mais parce que le massacre de civils innocents est inacceptable, partout, tout le temps.

5. Le 7 octobre ne justifie pas l’anéantissement de Gaza : Le Hamas a commis des crimes de guerre le 7 octobre. Rien ne justifie ces actes. Mais ces crimes ne donnent pas à Israël un blanc-seing pour violer le droit international.

La notion de légitime défense invoquée par Tel Aviv ne saurait justifier :

  • L’emploi d’armes incendiaires (phosphore blanc),
  • Les frappes sur des zones densément peuplées sans évacuation préalable,
  • L’assassinat de journalistes, d’ambulanciers et de familles entières.

Israël ne cherche pas seulement à se défendre, comme l’affirme la tribune : il punit collectivement un territoire tout entier, ce qui constitue un crime au regard du droit humanitaire.

6. Non, la critique d’Israël n’est pas dictée par le vote musulman : L’auteur accuse les démocraties européennes de s’aligner sur une prétendue stratégie clientéliste en faveur du vote musulman. Cette thèse, sans preuve, repose sur une vision condescendante et islamophobe des électeurs musulmans, comme s’ils formaient un bloc homogène, manipulable, incapable d’avoir des convictions citoyennes sincères.

Les condamnations des actions israéliennes viennent aussi :

  • De juristes internationaux,
  • De hauts fonctionnaires onusiens,
  • De centaines de députés, diplomates et chercheurs non-musulmans.

Il s’agit donc d’un consensus juridique et moral, pas d’une manœuvre électorale.

7. La posture morale inversée : un leurre  : Enfin, la tribune tente d’imposer un renversement moral : Israël serait en réalité le véritable martyr, mal compris, détesté parce qu’il réussit. Cette posture victimaire, paradoxale venant d’une puissance nucléaire, militairement surarmée et soutenue par les États-Unis, vise à se soustraire à toute responsabilité.

Mais Israël ne peut réclamer les vertus démocratiques sans en assumer les exigences : la transparence, la proportionnalité, la recevabilité. Être un État démocratique signifie accepter la critique, y compris quand elle est dérangeante.

Conclusion : pour une justice universelle, pas à géométrie variable : La défense aveugle d’Israël, telle qu’exprimée dans cette tribune, participe d’un aveuglement idéologique dangereux, qui fait passer la solidarité politique avant la justice, l’émotion identitaire avant le droit.

Il ne s’agit pas de nier les souffrances israéliennes, ni de minimiser la violence du Hamas. Il s’agit de rappeler que tous les peuples ont droit à la dignité, à la vie, à la paix – et que le droit international doit s’appliquer à tous, sans exception.

Car si la démocratie, la morale et la liberté ne sont valables que pour certains, alors elles ne sont plus universelles. Et sans universalité, elles ne sont plus des valeurs, mais des privilèges.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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