Parfois il m'est utile de le dire !

                                                                                                          Oh! Colombe, transmets mon salut d...

Deux ans après le 7 octobre : Gaza, le miroir brisé de notre humanité


 

Deux ans. Deux ans de feu, de ruines et de silences. Deux ans que le 7 octobre hante les consciences et structure un récit officiel où les Israéliens ont droit aux visages, aux prénoms, à la compassion et où les Palestiniens n’existent qu’en chiffres. Dans la plupart des tribunes, des discours et des plateaux télé, l’émotion est devenue un outil de sélection morale. On pleure à géométrie variable, on s’indigne selon les frontières. Et ce déséquilibre, plus encore que la guerre elle-même, révèle la faillite éthique d’un monde.

Deux ans ont passé depuis le 7 octobre 2023. Deux années sans fin. Deux années de sang, de ruines et de mensonges.
On nous demande de commémorer, de pleurer, d’unir nos voix à celles qui évoquent la barbarie du Hamas, les otages, les morts israéliens et c’est juste.
Mais qu’on ne nous demande pas d’oublier, dans le même souffle, les dizaines de milliers de civils palestiniens ensevelis sous les bombes, ni de participer à ce grand silence complice qui étouffe la conscience du monde.

Le discours que je dénonce ici se présente comme un hommage. Il n’est qu’un manifeste de parti pris. Sous couvert de compassion, il réécrit l’histoire, il blanchit la violence d’État, il sacralise la vengeance en la rebaptisant « légitime défense ». Il parle des victimes israéliennes avec émotion, des victimes palestiniennes avec suspicion. Il cite des prénoms israéliens, mais pas un seul palestinien. Il nous raconte l’humanité des uns et le chiffre des autres. Ce déséquilibre n’est pas une maladresse : c’est une idéologie.

Le tri des larmes

Depuis deux ans, l’Occident trie ses morts.
Il a inventé une hiérarchie des larmes : celles qu’on pleure en direct sur les plateaux télé, et celles qu’on ignore, déshumanisées, effacées sous le mot « riposte ».
À Gaza, des enfants meurent par milliers mais on préfère parler de « boucliers humains ». Des hôpitaux explosent, des familles sont rayées de la carte  mais on nous explique que « c’est complexe ».
Cette complexité-là est devenue le plus confortable des mensonges.

Ce que nous vivons n’est pas un « conflit », c’est une destruction méthodique, planifiée, assumée. Appelons les choses par leur nom : colonisation, apartheid, punition collective. Un peuple entier est enfermé dans un territoire coupé du monde, privé d’eau, de soins, d’avenir, pendant que des commentateurs occidentaux continuent de parler de « zones à pacifier ».
Gaza n’est pas un champ de bataille : c’est une tombe à ciel ouvert.

Le cynisme du récit dominant

L’auteur du discours que je critique parle de « nouvelle donne stratégique », comme si le massacre d’un peuple pouvait être un tournant diplomatique.
Il se réjouit que « le plan Trump » ait affaibli les Palestiniens, comme si la paix pouvait se bâtir sur l’effacement d’un peuple. Il se félicite de la « riposte » israélienne, comme si des milliers de civils morts étaient le prix raisonnable de la sécurité.
Ce n’est pas de la politique, c’est du cynisme.
Et le cynisme tue.

Quand il évoque « le tsunami antisémite » pour désigner toute critique d’Israël, il franchit une ligne morale : celle qui confond antisémitisme et dénonciation de la colonisation.
Oui, l’antisémitisme existe, et il doit être combattu sans relâche. Mais le réduire à une arme de disqualification politique, c’est trahir sa mémoire. C’est refuser de voir que des milliers de Juifs dans le monde y compris en Israël se battent justement contre ce système d’apartheid, au nom de la justice universelle.

Deux ans sans fin

Il devient presque impossible d’être optimiste. Gaza n’est plus une guerre : c’est une punition, un rituel de destruction renouvelé à chaque génération. Ce qui s’y joue dépasse la politique — c’est la faillite d’une civilisation qui s’obstine à regarder ailleurs pendant qu’un peuple entier est broyé dans le silence. Ce n’est pas la haine qui a conduit à ce désastre, mais l’indifférence, plus profonde, plus glaciale, enracinée dans l’histoire et désormais transmise comme une maladie héréditaire. Les enfants qui survivent grandiront au milieu des ruines, avec pour héritage la certitude d’avoir été abandonnés du monde.

Comment pardonner à un État qui persiste à nier l’existence même de ceux qu’il opprime ? Un État qui parle de morale tout en réduisant à néant une population sans défense ? Comment croire à la paix quand les dirigeants qui prétendent la vouloir continuent de bénir les bombes ? Rien de bon ne peut venir d’un pouvoir qui se nourrit du désespoir, d’un système qui a troqué la justice pour la domination et la compassion pour le calcul. Le langage du pouvoir israélien n’est plus celui de la sécurité : c’est celui de la possession, de la peur et du mépris.

Le 7 octobre fut une horreur, un basculement, un cri. Mais il fut aussi, tragiquement, la conséquence inévitable de décennies d’enfermement, de colonisation, d’humiliation. Toute force coloniale finit un jour par rencontrer la résistance qu’elle a engendrée. Et si l’histoire a une constante, c’est celle-ci : les colons ne gagnent jamais à la fin. Ils imposent, ils détruisent, ils tuent mais ils ne gagnent pas. Parce qu’aucune domination ne survit éternellement à la vérité qu’elle étouffe.

Ce n’est pas la “résistance” qui a anéanti Gaza, mais la logique impitoyable d’un État persuadé que tout peut se justifier au nom de sa survie. Ce ne sont pas des terroristes qui ont rasé les hôpitaux, les écoles, les quartiers ; c’est un système politique qui a choisi la vengeance plutôt que la justice, le feu plutôt que la parole. Et le plus effrayant n’est pas ce qui a été détruit : c’est l’acceptation du monde, sa passivité, son confort moral devant les cadavres qu’on ne montre plus.

En des temps “normaux”, un tel massacre aurait provoqué une onde de honte et de compassion. Mais notre époque n’a plus de “temps normaux”. Elle trie les morts, elle hiérarchise les douleurs, elle explique les crimes au lieu de les condamner. Les Palestiniens, eux, ne demandent pas des larmes : ils réclament qu’on reconnaisse simplement qu’ils existent, qu’ils ont le droit de vivre, d’aimer, d’avoir un avenir.

Et tant que cette évidence sera niée, tant que le monde acceptera que la souffrance d’un peuple puisse être une variable stratégique, alors oui ! Gaza restera le miroir brisé de notre humanité.

 

Deux ans après le 7 octobre, rien n’est réglé, rien n’est apaisé.
Les civils israéliens vivent toujours dans la peur, les Palestiniens dans l’enfer. Les discours officiels parlent de paix, mais ce qu’ils entretiennent, c’est la guerre éternelle.
Et pendant ce temps, la colonisation continue, méthodique, froide, administrative mètre par mètre, maison par maison, vie par vie.

Il est difficile d’être optimiste, disais-je.
Mais le désespoir, lui aussi, est un luxe. Les habitants de Gaza, privés de tout, continuent pourtant de vivre, d’aimer, d’espérer. Ils continuent de rêver de liberté, et c’est cela, le vrai miracle.
Le 7 octobre n’est pas le début d’une histoire : c’est le symptôme d’un monde malade de sa lâcheté. Un monde qui préfère la géopolitique à la justice, la puissance aux droits, le silence à la honte.

Pour une mémoire entière

Le 7 octobre doit être commémoré, mais dans sa totalité humaine.
Pleurer les victimes israéliennes, oui ! mais pleurer aussi les milliers de Palestiniens.
Refuser le terrorisme, oui ! Mais refuser aussi l’apartheid et la colonisation.
Reconnaître le droit à la sécurité d’Israël, oui ! Mais reconnaître surtout le droit à la vie des Palestiniens.
Sinon, cette mémoire restera mutilée, et nos commémorations ne seront que des rituels de mauvaise conscience.

Deux ans ont passé.
Et tant que le monde n’aura pas le courage de regarder Gaza en face, tant qu’il continuera à justifier l’injustifiable, nous serons complices.
La paix ne se fera pas sur les ruines d’un peuple.
Elle ne viendra que lorsque la vérité cessera d’être une option.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 

Quand la défense d’un écrivain devient une attaque contre tout un pays

 

Ce travail propose une analyse critique d’un article de presse présentant Boualem Sansal comme victime emblématique du régime algérien. Sous une apparente défense de la liberté d’expression, le texte étudié véhicule une vision manichéenne et postcoloniale qui réduit l’Algérie à un État oppressif et arriéré. L’étude met en lumière les biais idéologiques, la rhétorique émotionnelle et la fabrication médiatique d’un “symbole Sansal” déconnecté de la réalité culturelle algérienne. En tant qu’Algérien, l’auteur de cette analyse souligne la déformation du discours journalistique qui, sous couvert de compassion, instrumentalise un écrivain pour attaquer tout un pays. L’objectif est de rétablir une lecture nuancée, respectueuse de la complexité historique, sociale et intellectuelle de l’Algérie contemporaine

Introduction

Très souvent la presse française prétend défendre la liberté d’expression à travers le cas de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison en Algérie. Sous un ton indigné, le texte dénonce la censure et l’autoritarisme du « régime algérien », qu’il oppose à la figure héroïque d’un intellectuel libre et persécuté. Cependant, une lecture critique révèle un ensemble de partis pris idéologiques, postcoloniaux et médiatiques, qui réduisent la complexité du contexte algérien à une opposition simpliste entre barbarie et modernité.
En tant qu’Algérien, il apparaît nécessaire de nuancer cette vision binaire et de replacer Boualem Sansal et sa réception dans une perspective historique, culturelle et sociale plus juste.

Ainsi, cette analyse s’articulera autour de trois axes :

Dans un premier temps, nous montrerons que l’article adopte une rhétorique manichéenne et militante.

Dans un second temps, nous analyserons le biais postcolonial et la fabrication médiatique du “symbole Sansal”.

Enfin, nous proposerons une réponse critique depuis une perspective algérienne, qui met en lumière la déformation du discours médiatique et son instrumentalisation politique.

Une rhétorique manichéenne et militante

Dès les premières lignes, le ton de l’article s’inscrit dans une logique de confrontation morale : d’un côté, le « régime » autoritaire et obscurantiste ; de l’autre, l’écrivain libre, victime d’un système répressif. Ce schéma narratif binaire transforme une situation politique complexe en drame moral simplifié. Les formulations répétées — « le régime pardonne les armes mais redoute les idées », « il déchaîne la pensée » — visent à susciter l’émotion plutôt qu’à informer.

Aucune donnée factuelle, aucune source indépendante n’est mobilisée pour appuyer les accusations de censure ou les détails de la condamnation. Le texte relève davantage du pamphlet militant que de l’analyse journalistique ou politique.
Cette approche émotionnelle, centrée sur l’indignation, réduit l’Algérie à un espace d’oppression et d’irrationalité, où toute pensée libre serait immédiatement punie. Elle occulte la pluralité du champ intellectuel algérien, où de nombreux écrivains, journalistes et chercheurs s’expriment ouvertement sans contraintes.

Le biais postcolonial et la fabrication médiatique du “symbole Sansal”

L’article s’inscrit dans une tradition discursive française postcoloniale qui tend à se réapproprier les “voix dissidentes” du Maghreb comme symboles de liberté face à la tyrannie supposée de leurs pays d’origine. Boualem Sansal, écrivain francophone et laïc, y est présenté comme le “Camus algérien” contemporain, incarnation d’une rationalité héritée de la pensée européenne.
Ce discours reconduit une forme de paternalisme culturel, où l’Occident s’arroge le droit de définir ce qui est moderne, libre ou éclairé.

En réalité, Boualem Sansal, avant sa récente arrestation, était très peu connu du grand public, aussi bien en France qu’en Algérie. Son œuvre, dense et exigeante, touche un lectorat limité, souvent universitaire. En Algérie, ses livres sont peu diffusés, et son discours sur la société est parfois perçu comme pessimiste, élitiste ou condescendant. La soudaine “canonisation” médiatique de Sansal comme martyr de la pensée libre apparaît donc comme une construction opportuniste, davantage liée à la volonté de dénoncer l’État algérien qu’à un véritable intérêt pour la littérature ou pour la liberté d’expression.

Cette récupération médiatique illustre un mécanisme récurrent : la transformation d’une figure individuelle en outil de légitimation d’un discours global contre un pays. L’écrivain devient ainsi un prétexte pour relancer un vieux récit occidental sur l’Algérie — celui d’une nation incapable de se moderniser sans l’influence de la France.

Une réponse critique depuis une perspective algérienne

En tant qu’Algérien, je ne peux que constater le décalage entre la réalité perçue de Boualem Sansal dans son pays et l’image construite par certains médias étrangers. Avant son arrestation, Sansal était, pour la majorité des Algériens comme des Français, un illustre inconnu. Sa notoriété actuelle doit beaucoup à la mise en scène médiatique de son “martyre” plutôt qu’à la réception réelle de son œuvre.

Les “larmes de crocodile” versées aujourd’hui par la presse occidentale témoignent moins d’une empathie sincère que d’un réflexe idéologique ancien : utiliser le cas d’un intellectuel algérien pour condamner l’Algérie tout entière. Cette posture, en prétendant défendre la liberté, occulte les transformations internes du pays, la diversité de ses écrivains, et la vitalité d’une jeunesse critique, connectée et désireuse de changement.

Mon cri de douleur

Ce type d’article instrumentalise la figure de Boualem Sansal qui, rappelons-le, n’a pas revendiqué être victime de quoi que ce soit récemment pour faire passer un message anti-algérien globalisant, aux relents parfois néocoloniaux.
Boualem Sansal, né en Algérie et devenu franco-algérien en 2024, reste justiciable pour des activités pouvant relever de « l’intelligence avec l’ennemi ». Comment peut-on, au nom de la libre pensée, construire un appel public sur une base aussi manifestement fausse ?
L’indignation ne dispense pas de rigueur, surtout lorsque l’on invoque l’héritage de ceux qui, comme Zola dans l’affaire Dreyfus, ont précisément mis la vérité au-dessus des passions.

Ce texte, dont l’intention affichée est la défense de la liberté, relève en réalité d’une instrumentalisation politique d’un écrivain que l’on érige, malgré lui, en symbole d’un combat simplifié : celui de la lumière de l’Occident contre l’obscurantisme supposé d’un régime algérien caricaturé. Une vision binaire et surjouée, qui enferme toute pensée critique dans des stéréotypes idéologiques et postcoloniaux.

Qu’on le veuille ou non, la pensée libre commence par le doute, la prudence et la vérification. Elle n’est ni posture, ni cri vide, ni indignation aveugle. À vouloir brandir à tout prix des symboles, on oublie parfois l’essentiel : la vérité.
La pensée française s’indigne pour Boualem Sansal emprisonné par l’Algérie, mais ne se gêne pas de poursuivre Alain Soral pour « provocation publique à la commission d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ». Le régime de Paris pratique le deux poids, deux mesures avec constance.
L’“humanisme” ainsi invoqué ne devient plus un idéal, mais une matière première pour justifier l’ingérence et la déstabilisation des pays jugés non conformes.

Conclusion

L’article analysé, sous couvert de défendre la liberté d’expression, reproduit en réalité une vision idéologique et postcoloniale de l’Algérie. Sa rhétorique manichéenne, sa glorification hâtive de Boualem Sansal et son absence de contextualisation en font un texte plus militant que journalistique.
Mon propos, en tant qu’Algérien, n’est pas de nier les difficultés du pays, mais de refuser que celles-ci soient instrumentalisées pour servir des logiques d’ingérence ou de supériorité morale.
La vraie liberté intellectuelle ne consiste pas à juger de l’extérieur, mais à écouter, comprendre et respecter la complexité des peuples.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Rappeler Gaza à la conscience

Tandis que la guerre de Gaza s’enlise dans la destruction et l’impunité, certains discours prétendument « critiques » d’Israël continuent de centrer toute l’analyse sur les états d’âme de Tel-Aviv et de Washington. Sous couvert de lucidité politique, ils relèguent les Palestiniens au silence, transformant leur agonie en simple décor d’une tragédie israélo-américaine.
Cet article démonte la mécanique rhétorique d’un texte publié sur un site israélien, un condensé de mépris, de cynisme et d’aveuglement et dénonce l’indécence d’une parole publique qui instrumentalise la douleur des uns pour effacer celle des autres.

Un texte qui parle de Gaza sans jamais parler des Gazaouis

« Il n’y a pas de guerre juste quand la compassion est sélective. Quand les morts de l’un deviennent l’excuse pour ignorer les morts de l’autre, il ne reste plus de morale, seulement le vacarme des bombes et le silence des consciences


L’article initial se présente comme une analyse politique sérieuse sur l’accord de Trump et la fin supposée du conflit. En réalité, il ne parle pas de Gaza, mais d’Israël.
Les Palestiniens n’existent que comme décor ou menace : « le Hamas », « la population de Gaza », « les hostilités ». Aucun visage, aucun nom, aucun cri.

Mais même lorsqu’il se veut critique, ce discours ne quitte jamais le centre gravitationnel d’Israël.
Il se regarde parler de lui-même, fasciné par ses propres fractures : Netanyahou contre ses ministres, les “faucons” contre les “modérés”, les “serfs” du pouvoir contre les “lucides” de la société civile. Tout y est question d’Israël, de son âme, de sa survie, de sa morale — jamais des Palestiniens comme peuple à part entière, encore moins comme sujet politique légitime.
Les Gazaouis n’existent qu’à travers la lentille de ce narcissisme national : objets de sécurité, variables de négociation, menaces démographiques ou dommages collatéraux.

Israël inventera un prétexte pour rompre le cessez-le-feu… Israël pense que les Arabes ont suffisamment de territoire.”

cette phrase, apparemment lucide, illustre la contradiction morale du texte : elle reconnaît le projet d’expansion coloniale sans jamais le ressentir comme une injustice humaine.
C’est une lucidité sans compassion — un savoir froid, sans responsabilité.
Le narrateur voit le mal, mais il ne le pleure pas. Il décrit la mécanique du pouvoir israélien avec cynisme, sans jamais regarder les visages qu’elle broie.
Ainsi, même la critique se fait dans le langage du dominant : on dénonce la folie stratégique de Netanyahou, mais non la tragédie humaine de Gaza.
C’est la limite tragique d’une parole qui se veut morale mais qui reste enfermée dans le miroir de sa propre nation : une conscience sans altérité.

La douleur d’un peuple transformée en bouclier moral

Les commentaires publiés sous l’article dévoilent un ressort émotionnel plus profond : la monopolisation de la souffrance.
Les crimes du 7 octobre  supposés réels, atroces, inacceptables  deviennent un capital moral absolu, utilisé pour neutraliser toute critique du massacre de Gaza.

Vous pensez que le Hamas est une bande de combattants de la liberté…”

La phrase résume une logique implacable : qui pleure Gaza est complice du terrorisme.
Dans cette rhétorique, la compassion devient suspecte. L’empathie se transforme en trahison.
Le deuil israélien, légitime et nécessaire, se mue ainsi en arme discursive. On ne le partage plus : on l’impose. Et quiconque rappelle qu’à Gaza aussi, des enfants meurent, est accusé d’insensibilité ou d’hostilité.
C’est le triomphe d’une morale sélective, où l’émotion ne guérit plus, mais tue une seconde fois par effacement.

Quand le cynisme politique remplace la compassion

Les passages sur Trump, Netanyahou et Kushner ajoutent à cette indécence : au milieu du sang et des ruines, le texte disserte sur les rivalités d’influence, sur les manœuvres immobilières à Gaza, sur les ambitions électorales américaines.
Cette juxtaposition du drame et du calcul — des morts d’enfants face à des spéculations immobilières — révèle le stade ultime de la déshumanisation : le commerce de la guerre devient plus concret que ses victimes.
L’émotion est remplacée par la stratégie, la honte par la realpolitik.
Ce cynisme n’est pas seulement choquant : il est dangereux. Car il prépare l’opinion à accepter la barbarie comme une fatalité, et l’injustice comme un prix nécessaire.

Trump va doucement comprendre ce que la planète sait déjà depuis longtemps : dans la mesure ou l'objectif d'Israël n'est pas de vivre en paix à côté de la Palestine mais bien d'effacer la Palestine, toute recherche de paix sincère reviens à tordre le bras d'Israël. Bien entendu Bibi n'à que faire des otages mais cela tout le monde le sait : on ne bombarde pas ses otages quand on veut les récupérer en vie.

Le silence comme arme : effacer Gaza du langage

L’une des violences les plus profondes de ce texte, et de tant d’autres, réside dans le choix des mots.
“Opérations”, “cesser-le-feu”, “accord”, “réaménagement”… autant de termes neutres, aseptisés, qui dissimulent des massacres. Ce langage bureaucratique de la guerre ne décrit pas : il anesthésie.
En niant la dimension humaine du désastre, il rend le monde complice du silence.
Chaque mot mal choisi devient un écran entre la réalité et notre conscience.
C’est ainsi que l’on fabrique l’indifférence : non pas en niant la mort, mais en la rendant abstraite.

Conclusion – Pour une morale sans frontières

Instrumentaliser la souffrance israélienne pour effacer celle de Gaza, c’est commettre une double trahison : envers les victimes israéliennes, dont la mémoire est utilisée comme alibi et envers les victimes palestiniennes, condamnées à mourir deux fois sous les bombes, puis dans l’oubli.

les otages ont pu vivre la vie des Palestiniens pendant quelques mois... ils pourront témoigner des atrocités qu'ils ont subies de l'armée israélienne qui a essayé par tous les moyens de les assassiner et de les supprimer, en ayant aucune pitié pour leurs propres ressortissants. Une partie des otages libérés au début avaient d'ailleurs commencé à presque tresser des louanges à leurs geôliers, les prenant mêmes dans leurs brais en partant!

On se souvient des images qu'Israël ne voulait surtout pas qu'on voie. Comme quoi...

Game Over pour Israël dans cette guerre: la terre entière a pu voir tous les crimes qu'ils commettent, et ils n'ont aucune victoire militaire sur 7 fronts où ils se sont pris à chaque fois une défaite, avec des milliers de soldats neutralisés facilement. Que des meurtres de civils innocents, personne n'écoute plus leurs arguments.

Aucune paix ne peut naître d’une telle asymétrie morale.
Aucune réconciliation n’est possible tant que la compassion restera sélective.
Pleurer les uns n’exige pas d’oublier les autres.
Car si l’humanité doit encore signifier quelque chose, c’est dans la capacité de regarder la souffrance sans lui donner de drapeau.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

 

Maroc : le peuple n’est pas acteur, mais spectateur d’une marche royale

 

Un article royaliste, voulait donner une leçon de loyauté, mais la vraie loyauté, c’est de dire la vérité, même quand elle dérange, publié récemment, s’en est pris violemment au mouvement GenZ 212, accusant ses membres “d’insulter la Nation” pour avoir adressé une lettre ouverte au Roi Mohammed VI. Sous couvert de défendre le respect de la monarchie, ce texte révèle surtout une vérité plus sombre, au ton royaliste et moralisateur, s’est permis de cracher son mépris sur une jeunesse qui ose parler. Ce texte, dégoulinant de condescendance, s’indigne   qu’ils osent tout simplement exister politiquement au Maroc, la jeunesse n’a plus le droit de parler, ni même de rêver à un dialogue avec le pouvoir

Eh bien, oui : la jeunesse marocaine parle, et elle a raison de le faire.

Parce que se taire, c’est mourir à petit feu. Parce qu’au Maroc, des milliers de jeunes n’ont plus de voix, plus de travail, plus de place dans la décision publique. Et parce qu’on ne construit pas une Nation sur la peur, le silence et la soumission.
Et cela, c’est une honte nationale. Qu’on le comprenne une fois pour toutes : le silence n’est pas le respect. La soumission n’est pas la loyauté et la critique n’est pas la trahison. Parce qu’un Maroc qui refuse d’écouter sa jeunesse court à sa perte et parce qu’un Roi fort ne craint jamais la parole libre de son peuple.

La parole des jeunes n’est pas un crime

Dans un pays qui se veut “en réforme”, exiger la transparence ou le visage découvert avant d’écouter un message social est une hypocrisie. Quand la parole publique est risquée, l’anonymat n’est pas une fuite, c’est une protection.
Combien ont été harcelés, arrêtés, voire emprisonnés pour un simple post, un slogan, une pancarte ?

Alors, qu’on ne vienne pas moraliser une génération qu’on a privée d’espace politique et de perspectives.
L’anonymat des jeunes de GenZ 212 est une réponse à la peur, une peur créée par un système qui n’aime la jeunesse que lorsqu’elle se tait, applaudit ou sert d’image moderniste à l’étranger.

Que des jeunes, souvent sans voix, osent rédiger un manifeste, même anonyme, est un acte de courage, pas de trahison.
Quand les canaux institutionnels sont verrouillés, quand manifester expose à la répression, quand chaque critique devient “atteinte à la stabilité du Royaume”, parler devient un acte de résistance.

L’article qu’on nous sert voudrait nous faire croire que la légitimité vient du cachet, du tampon, du titre officiel.
Mais non : la légitimité naît du vécu, de la précarité, de l’exclusion, de cette frustration que vivent des millions de jeunes Marocains oubliés par les politiques publiques.
Et c’est précisément parce qu’ils aiment ce pays qu’ils refusent de s’y taire.

Un discours d’un autre siècle

Le texte royaliste invoque “le respect”, “la loyauté”, “les traditions millénaires”.
Autant de mots destinés à fermer la bouche à une génération entière.
Mais derrière ces mots nobles, il y a une logique brutale : interdire toute contestation.
On ne discute pas, on ne critique pas, on ne propose pas : on “fait confiance”.
Et si tu ne fais pas confiance, tu es suspect, “infiltré”, “manipulé par l’étranger”.

Ce réflexe de diabolisation est dangereux. Il infantilise tout un peuple, réduit les citoyens à des sujets, et transforme la critique sociale en crime contre la patrie.
Aimer son pays, c’est vouloir le changer, pas le regarder s’enliser en silence.

Parler au Roi ne devrait pas être un privilège réservé à une élite docile.
C’est un droit citoyen, un droit démocratique.

Ce discours paternaliste prétend protéger la monarchie, mais en réalité il l’affaiblit, car il la coupe de la jeunesse, de sa vitalité et de son avenir.
Un État fort ne craint pas la parole de sa jeunesse ; il l’écoute, il la transforme en énergie politique.

Le paternalisme comme prison politique

Cette idée que le peuple doit “faire confiance” et “laisser le Roi conduire” traduit une vision profondément infantilisante du citoyen marocain. Cette vision du Maroc, où le Roi guide et le peuple suit, appartient à un autre siècle.
On parle d’un “Royaume millénaire”, comme si la tradition justifiait la stagnation.
Mais la jeunesse marocaine, elle, vit dans un monde nouveau : numérique, globalisé, libre dans ses idées, et profondément consciente de ses droits.

Ce paternalisme, cette manière de parler “pour” les jeunes sans jamais leur parler “avec”, est une violence symbolique.
Il réduit le citoyen à un enfant qu’on gronde dès qu’il lève la tête.
Or, le Maroc d’aujourd’hui n’a pas besoin de pères, mais de partenaires dans la construction démocratique.


On parle comme à des enfants qu’il faut gronder dès qu’ils osent questionner.
Mais la jeunesse marocaine n’est plus cette génération soumise aux discours officiels : elle s’informe, elle s’organise, elle se réveille.

La monarchie ne peut pas éternellement se présenter comme un père bienveillant face à des enfants ingrats.
Le Maroc n’a pas besoin d’un tuteur. Il a besoin de citoyens libres, conscients, et responsables.
Et cette maturité, c’est précisément ce que GenZ 212 incarne — même à travers l’anonymat.

Anonymat ne veut pas dire lâcheté

Dans un contexte où la répression est réelle, l’anonymat est un outil de survie politique, pas un masque de traîtres.
Les jeunes se cachent parce qu’ils savent que dire la vérité au Maroc coûte cher : la convocation, le procès, l’humiliation médiatique.
Alors oui, ils signent “GenZ 212”, parce qu’ils savent que le système ne protège pas la parole libre, il la punit.

Demander justice sociale, emploi, transparence politique, ou respect des libertés n’est pas “insulter la Nation”. C’est l’aimer assez pour vouloir la sauver.
Quand une génération ose écrire au Roi, ce n’est pas un manque de respect, c’est un cri de détresse, un geste de foi dans la possibilité du dialogue.

Mais la réponse qu’on lui renvoie, c’est la répression, le dénigrement, la diffamation.
On traite des jeunes Marocains comme des ennemis, simplement parce qu’ils refusent de rester spectateurs.
Voilà la vraie imposture : celle d’un système qui se dit réformiste mais méprise la parole populaire.

Ceux qui dénoncent leur anonymat devraient d’abord dénoncer le climat de peur qui le rend nécessaire.

Revendiquer, ce n’est pas trahir

Le texte royaliste accuse les jeunes de “vouloir semer le chaos”.
Mais le vrai chaos, c’est l’injustice.
C’est de voir une génération diplômée, compétente, lucide, condamnée au chômage et au mépris politique.
C’est de transformer des citoyens en spectateurs d’un théâtre où tout est décidé d’avance.

Demander des comptes au pouvoir, ce n’est pas le renverser, c’est lui rappeler ses promesses.
Et si la jeunesse écrit au Roi, c’est parce qu’elle croit encore, quelque part, que sa voix peut être entendue.
Ce n’est pas de la rébellion, c’est de l’espérance.

Écoutez la jeunesse, pas les courtisans

La génération GenZ212 ne demande ni privilèges ni médailles.
Elle demande d’exister, d’être reconnue, d’avoir le droit de participer à la construction du pays.
Elle ne veut pas casser le Maroc, elle veut le réveiller.

La jeunesse GenZ212 marocaine n’est ni manipulée ni naïve.
Elle voit, comprend et exige, parce qu’elle aime ce pays, justement.
Et si elle doit parler derrière un écran, c’est parce qu’on lui a fermé la rue, les syndicats, les médias, les partis.

Il n’y a pas de démocratie sans voix multiples.
Il n’y a pas de stabilité sans justice sociale.
Et il n’y a pas de Roi fort sans citoyens libres.

Le Maroc de demain ne se construira pas à coups de sermons royalistes, mais à coups de dialogues sincères, de courage politique et de respect mutuel.

Que le pouvoir entende ceci clairement :
On ne sauve pas un pays en faisant taire sa jeunesse.
On le sauve en l’écoutant.

Ceux qui traitent ces jeunes de “voyous masqués” ou d’“agents étrangers” devraient se demander :
qui sont les vrais ennemis du pays ?
Ceux qui réclament dignité et justice, ou ceux qui veulent que rien ne change ?

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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La mauvaise chapelle médiatique : quand les mots protègent le pouvoir

 

Face à la tragédie palestinienne, la presse dominante continue de réciter son catéchisme moral et géopolitique. Les “fact-checkers” vérifient les marges mais jamais les fondements. On ne questionne pas la colonisation, on la reformule. Derrière la neutralité revendiquée, c’est une guerre du langage qui s’exerce et les Palestiniens en paient le prix.

La presse dominante n’a plus besoin de censure : elle s’en charge elle-même. Les rédactions ne manquent pas de moyens, mais d’audace. De l’aube au soir, on “vérifie”, on “contextualise”, on “neutralise, autant de mots pour dire qu’on détourne le regard. Le rôle du journalisme n’est plus d’informer, mais de rassurer le lecteur que rien d’essentiel ne change.

Quand il s’agit d’Israël et de la Palestine, le lexique dit tout : “affrontements” au lieu de bombardements, “ripostes” au lieu de massacres, “conflit” pour ne pas dire colonisation. La presse a troqué la précision contre la prudence. Elle ne nomme plus, elle blanchit. Et quand quelqu’un ose rappeler le droit, l’histoire ou simplement la vérité, la machine morale se met en branle : “radical”, “antisémite”, “complotiste”. L’étiquette tient lieu de réfutation.

Ce conformisme a ses gardiens : les fact-checkers, ces nouveaux inquisiteurs de la pensée. Leur mission affichée la vérité s’arrête toujours au seuil du pouvoir. On corrige une citation, jamais une politique. On recadre une émotion, jamais une injustice. Leur zèle sélectif devient un outil idéologique : ils servent de tampon entre l’opinion publique et le réel.

Pendant ce temps, la population palestinienne s’enfonce dans un désespoir sans nom, et les médias occidentaux s’enferment dans leurs studios pour débattre du “niveau de proportionnalité” des bombardements. L’indécence est devenue méthode.

La “chapelle médiatique” occidentale si prompte à donner des leçons de démocratie, tremble dès qu’il faut questionner ses propres alliances symboliques. Elle s’abrite derrière la morale pour éviter la politique. Et quand la vérité heurte l’allié occidental, elle préfère le silence.

Mais un système d’information qui ne tolère que la version des puissants ne fait pas du journalisme : il fabrique du consentement. Le pluralisme n’est pas une menace. C’est sa disparition qui en est une.

Le pire, c’est cette certitude satisfaite des fact-checkers, ces nouveaux gardiens du temple médiatique, qui prétendent traquer la désinformation tout en confortant le mensonge d’État. Ils “corrigent” les marges, mais jamais le centre. Ils ne débattent pas : ils sanctifient. Leur zèle à défendre l’ordre symbolique remplace toute recherche de vérité.

Et gare à celui ou celle qui s’écarte du script : les étiquettes tombent aussitôt. “Radical”, “antisémite”, “pro-Hamas”. Peu importe la rigueur, peu importe le droit international : on ne conteste pas l’orthodoxie de la narration occidentale. Le débat devient une police de la pensée, et la pensée, un champ miné.

Pendant que les éditorialistes s’interrogent sur la “proportionnalité” des bombardements, Gaza s’effondre. Des milliers de civils sont enterrés sous les décombres, pendant qu’en Europe on débat du ton à adopter. L’indécence devient méthode, la prudence devient complicité.

Je ne parle pas ici de haine, mais de responsabilité. De cette lâcheté collective qui consiste à maquiller la violence derrière le langage. Car dans cette guerre, les mots ne sont pas neutres : ils choisissent un camp. Dire “terroriste” ou dire “résistant”, ce n’est pas une nuance, c’est un verdict.

Les rédactions qui se drapent dans leur morale progressiste refusent d’admettre qu’elles participent à la fabrication du consentement. Ce qu’elles appellent “objectivité” n’est souvent que la défense du statu quo. Et tant qu’elles s’en tiendront à cette neutralité mensongère, elles seront, qu’elles le veuillent ou non, du côté du pouvoir pas de la vérité.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »


Netanyahou se voulait stratège, semble écrasé par le petit Qatar

Sous la pression du plan de cessez-le-feu soutenu par Donald Trump et le Qatar, Benjamin Netanyahou tente de sauver son gouvernement fracturé tout en dissimulant un échec stratégique majeur. Entre le poids de l’extrême droite, la colère des familles d’otages et la menace d’une mise en cause par la Cour pénale internationale, le Premier ministre israélien se retrouve pris dans un engrenage dont il ne maîtrise plus les leviers.

Un «oui de Netanyahou qui cache un refus

Netanyahou pris au piège de sa propre guerre, sous la pression conjointe de Washington et du Qatar, Benjamin Netanyahou se voit contraint d’accepter un cessez-le-feu qu’il s’efforce de maquiller en victoire. Mais derrière les annonces diplomatiques, Israël apparaît plus divisé, isolé et vulnérable que jamais.

Après des semaines de tractations, Benjamin Netanyahou a officiellement approuvé les grandes lignes du plan de cessez-le-feu élaboré par Donald Trump et soutenu par le Qatar, l’Égypte et la Turquie. Mais derrière les formules diplomatiques, la réalité est tout autre : ce « oui » n’est qu’un refus déguisé.
Le chef du gouvernement israélien cherche avant tout à gagner du temps une stratégie qui lui permet de ménager ses alliés d’extrême droite tout en évitant de s’opposer frontalement à Washington.

Le plan Trump, présenté comme une initiative pour « restaurer la stabilité régionale », prévoit une trêve en plusieurs phases : libération progressive des otages, retrait partiel des troupes israéliennes de la bande de Gaza, et ouverture de couloirs humanitaires sous supervision internationale.
Mais ces conditions, perçues par l’aile droite israélienne comme une capitulation, menacent la survie politique du Premier ministre. C’est là le point cardinal et le principal piège tendu à Netanyahou. Nul ne sait ce qui se jouera dans les jours et les semaines à venir.

Une coalition au bord de l’implosion

À Jérusalem, les fissures au sein du gouvernement Netanyahou se transforment en fractures ouvertes.
Le ministre Itamar Ben-Gvir, figure emblématique de l’extrême droite, a prévenu qu’il quitterait la coalition si le Hamas « survit » à l’accord.
De son côté, Bezalel Smotrich, a dénoncé une « erreur stratégique » et un « cadeau offert au terrorisme ». Ces menaces ne sont pas symboliques : sans le soutien de leurs partis, le gouvernement de Netanyahou s’effondrerait.

Cette situation crée une équation insoluble pour Netanyahou.
S’il cède aux pressions internationales, il perd sa base politique.
S’il poursuit la guerre, il s’enfonce dans un conflit qui a déjà coûté la vie à des dizaines de milliers de Palestiniens et provoqué une condamnation mondiale.
Il tente donc de concilier l’inconciliable : afficher un semblant d’ouverture diplomatique tout en prolongeant la logique de guerre.

Le Qatar, acteur clé de la diplomatie du cessez-le-feu

Le Qatar s’impose aujourd’hui comme un pivot incontournable dans la médiation du conflit.En exploitant sa position de dialogue à la fois avec Washington et le Hamas, Doha a réussi à imposer un canal diplomatique que Netanyahou n’a pas pu ignorer.La coordination entre le Qatar, l’Égypte et la Turquie soutenue par l’administration Trump  a créé un front international favorable à la trêve.

Pour les États-Unis, l’objectif est clair : obtenir la libération des otages et désamorcer un conflit devenu ingérable sur le plan humanitaire et politique.
Mais pour Netanyahou, accepter cette pression étrangère revient à reconnaître implicitement qu’Israël ne contrôle plus le cours de la guerre. L’armée la plus puissante du Moyen-Orient n’a pas réussi à atteindre ses objectifs : ni la destruction du Hamas, ni la récupération totale des otages par la force.

Un échec militaire et moral

Depuis le début de la guerre à Gaza, l’armée israélienne a mené une campagne d’une intensité sans précédent. Pourtant, malgré la supériorité technologique et l’appui américain, le résultat est ambigu : le Hamas n’a pas été éradiqué, les tunnels demeurent, et l’image d’Israël sur la scène internationale s’est gravement détériorée.
La stratégie du tout-militaire s’est heurtée à la réalité politique et humanitaire d’un territoire densément peuplé et sous blocus depuis plus de quinze ans.

Sur le plan intérieur, les critiques montent. Le Forum des familles d’otages accuse le Premier ministre de retarder délibérément les négociations pour des motifs politiques. L’opinion publique, lassée par la guerre, commence à douter de la promesse d’une « victoire totale ». Les manifestations à Tel-Aviv se multiplient, mêlant familles d’otages, anciens militaires et jeunes Israéliens exaspérés par la corruption et la dérive autoritaire du gouvernement.

L’isolement diplomatique d’Israël

Jamais Israël n’a été aussi isolé sur la scène internationale.
La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une procédure visant Benjamin Netanyahou et plusieurs responsables militaires pour crimes de guerre présumés à Gaza.
En parallèle, la Cour internationale de Justice (CIJ) a reconnu la plausibilité d’un « risque de génocide » dans la bande de Gaza et exigé des mesures de protection immédiates pour les civils.
Ces décisions, même symboliques, marquent un tournant : pour la première fois, le gouvernement israélien fait face à une double mise en cause juridique internationale.

Dans le même temps, plusieurs pays européens — dont l’Espagne, l’Irlande et la Norvège — ont reconnu officiellement l’État de Palestine.
Des pays d’Amérique latine ont rompu leurs relations diplomatiques avec Israël.
Les grandes ONG humanitaires, de Human Rights Watch à Amnesty International, dénoncent la disproportion des attaques et appellent à des sanctions ciblées.
L’image d’Israël comme « seule démocratie du Moyen-Orient » s’effrite rapidement.

Le piège de l’idéologie

Netanyahou est l’architecte d’un système politique fondé sur la peur : peur de l’ennemi extérieur, peur de la division interne, peur de la perte de contrôle. Mais ce système atteint aujourd’hui ses limites.
L’idéologie sécuritaire qui a longtemps permis au Premier ministre de rassembler l’opinion se retourne contre lui.
À force de diaboliser toute négociation et de présenter la guerre comme unique solution, il a enfermé Israël dans une impasse stratégique.

Depuis la création de l’État en 1948, chaque tentative de règlement politique — d’Oslo à l’Initiative de paix arabe — s’est heurtée à la même résistance interne : celle d’une droite convaincue qu’aucune paix durable n’est possible sans domination militaire.
Netanyahou a hérité de cette doctrine et l’a perfectionnée, jusqu’à en faire un outil électoral.
Mais les faits sont têtus : ni la guerre, ni l’occupation, ni les colonies n’ont apporté la sécurité promise.

La justice internationale en embuscade

L’ouverture d’enquêtes par la CPI représente une menace inédite pour le gouvernement israélien.
Si les mandats d’arrêt sont validés, Netanyahou et certains de ses ministres pourraient être visés à titre personnel.
Même si Israël ne reconnaît pas la juridiction de la Cour, le symbole serait dévastateur.
Des diplomates israéliens craignent déjà que ce processus ne dissuade certains pays alliés de coopérer militairement ou économiquement avec Tel-Aviv.

À cela s’ajoutent les procédures en cours pour corruption et abus de pouvoir, qui poursuivent le Premier ministre depuis plusieurs années.
Ces affaires, un temps éclipsées par la guerre, refont surface à mesure que sa popularité s’effondre.
L’homme qui se présentait comme le garant de la sécurité d’Israël devient, aux yeux d’une partie de la population, l’obstacle principal à sa stabilité.

Un cessez-le-feu fragile et incomplet

Malgré les annonces, le plan Trump reste imprécis sur plusieurs points essentiels.
Aucune date n’a été fixée pour le retrait total de l’armée israélienne de Gaza.
Les mécanismes de contrôle humanitaire demeurent flous.
Et rien ne garantit que les livraisons de nourriture, d’eau et de médicaments soient suffisantes pour répondre à la crise humanitaire. Beaucoup redoutent qu’il ne s’agisse que d’une trêve tactique avant une nouvelle offensive.

Pour les Palestiniens, pourtant, cette pause représente un répit vital.
Après des mois de bombardements et de destructions massives, la population de Gaza survit dans des conditions dramatiques : infrastructures détruites, hôpitaux débordés, famine imminente.
Dans ce contexte, même un cessez-le-feu temporaire est accueilli comme une victoire de la vie sur la mort.

La fin d’un cycle

Benjamin Netanyahou a bâti sa carrière sur la promesse d’une sécurité inébranlable et d’une Israël forte face à ses ennemis. Mais la guerre de Gaza révèle l’échec de ce récit.
En cherchant à prolonger le conflit pour sauver son pouvoir, il a fracturé son pays, affaibli son armée et isolé Israël. Ses alliés le pressent de continuer la guerre ; la communauté internationale l’exhorte d’y mettre fin ; et l’opinion publique israélienne vacille entre peur, colère et lassitude.

L’histoire retiendra peut-être cette séquence comme le moment où Netanyahou, maître du jeu politique israélien depuis plus de vingt ans, a perdu la main. Non pas par la force d’un ennemi extérieur, mais par les contradictions de son propre système.
Car aucune puissance, aussi armée soit-elle, ne peut éternellement gouverner par la peur et le mensonge.

Conclusion : l’heure des comptes

Netanyahou se voulait stratège ; il n’est plus qu’un survivant politique.
Le cessez-le-feu qu’il prétend avoir négocié marque moins une victoire qu’un aveu d’impuissance.
Le prix humain de cette guerre des milliers de civils palestiniens tués, des otages toujours détenus, une société israélienne divisée restera comme une cicatrice durable.
L’avenir de la région dépend désormais de la capacité des deux camps à rompre avec la logique de la vengeance et à reconstruire sur la base du droit et de l’égalité.

Mais une chose est sûre : le mythe de l’invincibilité israélienne s’est brisé à Gaza.
Et avec lui, peut-être, la légende politique de Benjamin Netanyahou. Bien que ce dernier ait déclaré qu'Israël se préparait à mettre en œuvre la proposition de cessez-le-feu de Trump à Gaza, les manifestants craignent que les ministres d'extrême droite ne forcent le gouvernement à revenir sur son accord. Cependant Nul ne sait ce qui se jouera dans les jours et les semaines à venir pour le Gouvernement de Netanyahou.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »