Parfois, il m'est utile de le dire ?

Relations France–Algérie : Réponse aux critiques et analyse de la crise diplomatique 2025

En août 2025, les relations diplomatiques entre la France et l’Algérie ont connu une nouvelle phase de tension, marquée par la lettre d’Emmanuel Macron appelant à des mesures fermes sur les visas et la réadmission des ressortissants algériens. Certains éditorialistes ont présenté la réaction algérienne comme faible et désorganisée. Cette analyse propose une lecture différente, replacée dans son contexte diplomatique et historique.

Un contexte diplomatique complexe

L’histoire franco-algérienne et les accords bilatéraux qui la traversent rendent toute lecture simpliste des événements impossible. La suspension de l’accord de 2013 concernant l’exemption de visa pour les passeports officiels s’inscrit dans un débat plus large sur la migration, la sécurité et la coopération économique.

La position de l'Algérie – Une diplomatie institutionnelle et mesurée

La réponse du ministère des Affaires étrangères, relayée par les canaux officiels, traduit un choix stratégique. Plutôt que d’entrer dans une surenchère médiatique, l’Algérie privilégie la préservation de marges de négociation et le respect des usages diplomatiques internationaux.

  • Respect des protocoles diplomatiques.
  • Volonté d’éviter l’escalade publique.
  • Préservation de la marge de manœuvre pour des négociations ultérieures.

La question migratoire – Une responsabilité partagée

La gestion des flux migratoires est multifactorielle : réalités économiques, politiques de visas et contextes sécuritaires régionaux se combinent. Accuser uniquement l’Algérie d’« abus » ne rend pas compte de cette complexité.

L’européanisation de la crise – Un pari risqué

En cherchant à mobiliser ses partenaires européens, la France élargit un différend bilatéral. Ce choix comporte des risques : il peut bloquer les discussions bilatérales et réduire la marge de manœuvre diplomatique de Paris dans la région.

Conclusion – La fermeté dans la continuité

La diplomatie n’est pas un concours de rhétorique. L’Algérie adopte une posture de continuité et de responsabilité, privilégiant la discrétion des négociations aux effets d’annonce. Cette stratégie vise à protéger ses intérêts stratégiques tout en laissant ouverte la possibilité d’un règlement apaisé.

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Discussion: Que pensez-vous de la stratégie adoptée par l’Algérie ? Commentez et participez au débat.

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Crise diplomatique Algérie–France : fin de l’exemption de visas pour diplomates et dénonciation de l’accord de 2013

 

Un durcissement annoncé, mais un contexte occulté

Dans une lettre adressée à François Bayrou et relayée par Le Figaro et Reuters, Emmanuel Macron a demandé la suspension de l’accord de 2013 sur les exemptions de visa pour les passeports diplomatiques et de service algériens. Le président français appelle à une « grande fermeté » face à Alger, invoquant des difficultés « migratoires et sécuritaires ». Mais cette lecture unilatérale occulte des éléments essentiels du contexte diplomatique.

Deux notes verbales ont été remises au régime français par les voies diplomatiques,   L'une a eu pour objet de «notifier formellement la dénonciation par la partie algérienne de l'Accord algéro-français de 2013 relatif à l'exemption réciproque des visas pour les titulaires de passeports diplomatiques et de service».

Une dénonciation qui «va plus loin que la simple suspension notifiée par la partie française et met définitivement un terme à l'existence même de cet accord», tient-on à préciser. Dans ce contexte, le communiqué a souligné qu'»en conséquence, et sans préjudice des délais prévus dans l'accord, le gouvernement algérien a décidé de soumettre, avec effet immédiat, les titulaires de passeports diplomatiques et de service français à l'obligation de visas.

Il se réserve, par ailleurs, le droit de soumettre l'octroi de ces visas aux mêmes conditions que celles que le gouvernement français arrêtera pour les ressortissants algériens. Il s'agit là d'une stricte application du principe de réciprocité qui exprime, avant tout, le rejet par l'Algérie des velléités françaises de provocation, d'intimidation et de marchandage». Quant à la seconde note verbale, elle concerne «la décision des autorités algériennes de mettre fin à la mise à disposition, à titre gracieux, de biens immobiliers appartenant à l'Etat algérien au profit de l'ambassade de France en Algérie. Cette note annonce, également, le réexamen des baux, considérablement avantageux, contractés par l'ambassade avec les OPGI d'Algérie et invite la partie française à dépêcher une délégation à Alger pour entamer les discussions à ce sujet», souligne le communiqué

Le déclencheur : le dossier du Sahara occidental

En juillet 2024, la France a reconnu le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental, en rupture avec la position traditionnelle de neutralité. Cette décision a été perçue par Alger comme une atteinte directe à ses intérêts stratégiques et une ingérence dans un dossier soutenu par des résolutions onusiennes. Ce choix politique français a provoqué un refroidissement brutal des relations bilatérales.

L’accord de 2013 : un symbole plus qu’un instrument

Signé pour faciliter la mobilité des diplomates, l’accord de 2013 avait une portée pratique limitée. Sa suspension est surtout un signal politique adressé à l’opinion publique française, dans un contexte où la question migratoire est instrumentalisée à des fins électorales.

C'est la France, également, qui a manqué au respect de ses engagements au triple titre de l'accord algéro-français de 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, de la convention consulaire algéro-française de 1974 et de l'accord algéro-français de 2013 relatif à l'exemption des visas pour les détenteurs de passeports diplomatiques et de service. C'est la France, en outre, qui s'est donné pour seule et unique objet de fixation l'accord algéro-français de 1994 relatif à la réadmission des ressortissants algériens vivants en situation irrégulière en France, accord dont elle a dénaturé la raison d'être et détourné les objectifs véritables. C'est la France, enfin, qui s'est affranchie de ses devoirs contractés au titre de la convention européenne des droits de l'homme de 1950".

A maintes reprises, c'est la France, et elle seule, qui a été à l'origine d'une telle demande. En décidant la suspension de cet accord, la France offre à l'Algérie l'opportunité idoine d'annoncer, quant à elle, la dénonciation pure et simple de ce même accord.

Des cas individuels utilisés comme levier politique

Les affaires Boualem Sansal et Christophe Gleizes, évoquées comme motifs de durcissement, relèvent de décisions judiciaires algériennes. Les instrumentaliser dans le champ diplomatique revient à nier la souveraineté judiciaire d’un État indépendant et  de faire de la France l’arbitre moral des libertés dans le monde arabe, au mépris des souverainetés nationales et des réalités politiques locales. C’est là l’ombre portée d’un réflexe néocolonial qu’on croyait pourtant dépassé dans les milieux progressistes pour s’interroger aussi si la France va extrader les délinquants politiques algériens réfugiés chez elle, allusion à l’ancien ministre Abdeslam Bouchouareb qui a été condamné plusieurs fois pour corruption en Algérie, mais la justice française a rejeté la demande d’extradition d’Alger. Une rhétorique post-coloniale persistante

Les termes choisis par Emmanuel Macron – « respect », « fermeté », « détermination » – s’inscrivent dans une grammaire diplomatique verticale, héritée d’une histoire coloniale non soldée. Une approche moderne exigerait une relation équilibrée, basée sur des partenariats mutuellement bénéfiques dans les domaines de l’énergie, de la sécurité et de la coopération culturelle.

Des accusations de manquements aux accords bilatéraux

Dans un communiqué, le ministère algérien des Affaires étrangères reproche à Paris d’avoir violé plusieurs accords internationaux et bilatéraux :

  • Accord algéro-français de 1968 sur la circulation et le séjour des ressortissants,
  • Convention consulaire de 1974,
  • Accord de 2013 sur l’exemption de visas diplomatiques,
  • Convention européenne des droits de l’homme de 1950.

L’Algérie dénonce aussi des entraves à l’acheminement de ses valises diplomatiques, le blocage d’accréditations pour ses consuls (trois consuls généraux et cinq consuls), ainsi que la politique de réadmission des ressortissants algériens jugée contraire aux engagements franco-algériens.

Une crise diplomatique assumée

Alger considère que la crise diplomatique avec la France est née des « provocations et pressions » françaises, et affirme que ses réponses s’inscrivent dans le strict principe de réciprocité diplomatique. L’Algérie précise qu’elle n’a jamais été à l’initiative de l’accord de 2013, soulignant que la demande venait de Paris, et se réserve le droit d’ouvrir d’autres dossiers contentieux à la négociation.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
«
Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 

 #Relations algéro-françaises, #crise diplomatique Algérie France, #accord bilatéral 2013,

 

 


Israël et la famine à Gaza : quand la victimisation devient un outil pour fuir la responsabilité

 


La mentalité de victime comme stratégie politique

Dans l’histoire contemporaine, peu de nations ont autant ancré leur identité sur la mémoire d’un traumatisme que l’État d’Israël. La Shoah, drame absolu du XXe siècle, est devenue une composante indélébile de la conscience nationale. Mais cette mémoire, lorsqu’elle se transforme en posture de victime permanente, peut servir à protéger l’État de toute critique morale, même lorsqu’il commet l’inacceptable.

Dans ce mécanisme, la culpabilité historique est mobilisée pour inverser les rôles : ceux qui dénoncent les crimes commis à Gaza sont accusés d’antisémitisme, détournant le débat et neutralisant la remise en question.

La culpabilité et la mentalité de victime sont fondamentalement des mécanismes d'évasion. Tant que vous vous sentez coupable, vous pouvez vous accrocher à l'idée que votre conscience vous permet de ressentir la culpabilité. Mais si vous n'agissez pas pour éliminer la cause de votre culpabilité et ne pas répéter votre erreur à l'avenir (c'est ce qu'on appelle l'apprentissage), vous ne faites qu'échapper à la réalité.

Jouer la victime a un objectif similaire : éviter la réalité et les responsabilités personnelles qui y sont inévitablement liées. Rien n'est plus irritant que d'avoir affaire à des victimes accros à la mentalité de victime. Elles se maintiennent dans un état infantile, attendant que les autres règlent leurs problèmes. Lorsque des individus, ou une nation, tombent dans ce piège, ils se tournent vers le chantage affectif et la fourberie pour exercer un certain contrôle sur leur environnement – un spectacle peu réjouissant et très dangereux pour tous

A l’indifférence face à la famine à Gaza  un sondage israélien récent, près de 79 % des citoyens se déclarent indifférents à la famine qui frappe la population de Gaza. Ce chiffre, glaçant, révèle une déconnexion morale profonde.

Cette indifférence n’est pas le fruit du hasard. Elle est alimentée par :

  • La déshumanisation des Palestiniens dans le discours politique et médiatique israélien.
  • Le récit sécuritaire qui présente chaque geste humanitaire comme une faiblesse exploitable par “l’ennemi”.
  • L’autosuffisance morale, où l’histoire passée d’Israël devient un bouclier contre toute critique présente.

Lorsqu’une majorité reste insensible à la souffrance qu’elle contribue à engendrer, il ne s’agit plus seulement de passivité. C’est une forme de complicité.

La famine imposée à Gaza, qualifiée par des juristes internationaux de crime de guerre et potentiellement de crime contre l’humanité, ne se déroule pas dans le secret. Les images, les rapports d’ONG, les alertes de l’ONU circulent largement. Le choix de détourner le regard est donc un acte politique, même lorsqu’il se veut apolitique.

En fermant les yeux, la société israélienne se place face à un risque historique : celui d’être perçue, dans les décennies à venir, comme complice d’un crime de masse. Ce basculement moral ne se mesure pas seulement en termes juridiques, mais aussi en termes de mémoire collective.

Les sentiments ne comptent pas. Seuls les actes comptent. le peuple juif s'en fiche !

Mais attention, un jour, la situation changera !

Les Israéliens juifs s'inquiètent le moins du monde de la famine massive qui frappe les Gazaouis. Or, un récent sondage indique que 79 % d'entre eux n'en sont absolument pas préoccupés. En Israël, on ressent très peu de culpabilité face à cette famine massive. La plupart des Israéliens se réjouissent de la souffrance des Palestiniens et ne souhaitent rien d'autre que son aggravation

L’histoire jugera non seulement les décideurs, mais aussi la société civile qui aura choisi le confort du déni.

Sortir de cette spirale suppose une double rupture :

  1. Reconnaître la réalité des crimes en cours et leur impact humain.
  2. Dissocier la mémoire des tragédies passées de l’usage politique qui en est fait pour justifier l’injustifiable.

Des analyses théoriques comme celle-ci sont utiles pour comprendre la situation, mais elles n'auront aucun effet sur les dirigeants ni sur la majorité de la population juive. Ils sont protégés par leur déni et ne changeront pas, à moins d'être profondément secoués. Et peut-être même pas.

Le droit international est clair : provoquer intentionnellement une famine est un crime. La morale l’est tout autant : rester indifférent, c’est s’en rendre complice.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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Appel à l’action : Partagez cet article pour briser le silence, informez-vous auprès de sources indépendantes et soutenez les organisations humanitaires œuvrant à Gaza.

 

 



Gaza : trahison internationale et silence complice face au génocide.

Le texte percutant de Ramy Abdul, La justice manquante : comment la communauté internationale a trahi Gaza, expose avec force ce que beaucoup refusent de nommer : un génocide en direct, protégé par la complicité active des puissances mondiales.

Depuis plus de deux ans, la population de Gaza subit bombardements, famine organisée, destructions massives – et le monde, au lieu d’intervenir, offre au régime occupant une couverture diplomatique et militaire ininterrompue.

Sur la scène internationale, aucune lutte de libération moderne n'a connu une trahison aussi profonde que celle subie par Gaza. Aucun génocide récent n'a non plus été accueilli avec une complicité aussi flagrante et un silence aussi assourdissant. Pendant plus de deux ans, le monde a adhéré au discours de la puissance occupante, lui fournissant une couverture politique et morale qui a permis aux atrocités de se poursuivre sans relâche. Pendant ce temps, ses chaînes d'approvisionnement militaire n'ont rencontré aucune entrave, bien au contraire.

La complicité active de la communauté internationale et surtout ce n’est pas seulement l’inaction qui scandalise : c’est l’obstruction délibérée aux mécanismes de justice.

ONU, CIJ, CPI : incapables ou non désireuses d’imposer des sanctions ou d’obtenir des comptes.

Union européenne : incapable de suspendre ne serait-ce qu’un programme scientifique marginal, tout en maintenant des accords commerciaux avec l’occupant.

Chaînes d’approvisionnement militaires : intactes, voire renforcées.

Cet Même dans le domaine juridique, les États qui prétendent défendre la justice et les droits de l’homme ont activement entravé tous les efforts visant à obtenir des comptes, que ce soit devant la Cour internationale de justice ou la Cour pénale internationale.

 Après deux années de villes entières réduites en ruines, de dizaines de milliers de morts en direct à la télévision et de civils délibérément affamés, l'Union européenne n'a guère fait plus qu'envisager de revoir son partenariat avec le régime génocidaire. Même l'idée symbolique de suspendre un programme marginal de coopération scientifique comme Horizon Europe n'a reçu le soutien que de 10 des 27 États membres.

Au niveau local, la mobilisation mondiale a été faible – un échec moral de la conscience mondiale, qui s’est limitée à des manifestations tièdes et à des déclarations creuses, sans aucune grève sérieuse, mouvement de masse ou campagne de pression soutenue.

Aujourd'hui, depuis plus de deux mois, la même communauté internationale s'est montrée incapable de contraindre le régime génocidaire à autoriser l'entrée humaine de nourriture, à protéger les agences humanitaires de l'ONU, ni même à garantir la survie de l'UNRWA – un démantèlement envisagé de longue date par le projet sioniste. L'occupation a bien compris cette situation ; elle alimente la poursuite et l'escalade du génocide, l'encourageant à explorer des scénarios encore plus brutaux, notamment la restitution des colonies, l'annexion des territoires de Gaza et la domination totale sur la Cisjordanie et Jérusalem.

Après deux années d’annihilation systématique, le maximum que la communauté internationale ait réussi à offrir sont de faibles propositions pour un État palestinien dépouillé de souveraineté, de dignité et de sens, conditionnées au désarmement, à l’obéissance et à la renonciation complète aux droits historiques, politiques et moraux. Bien que la cause palestinienne ait retrouvé une partie de son importance en tant que lutte de libération mondiale, le régime occupant a largement réussi à dépeindre la résistance palestinienne – et le peuple palestinien dans son ensemble – comme violents et terroristes, en inscrivant son récit fabriqué dans le discours mondial. Comprendre la dynamique de l'opinion publique mondiale révèle une dure réalité : la solidarité, aussi large soit-elle, est éphémère si elle n'est pas canalisée stratégiquement et immédiatement.

Cette complicité institutionnelle est le carburant qui alimente la poursuite du massacre et une mémoire collective menacée d’effacement, la solidarité mondiale est éphémère si elle n’est pas canalisée.
L’histoire l’a montré :

1982 : Sabra et Chatila – indignation mondiale, puis oubli et normalisation.

2008 : offensive contre Gaza – soutien initial, puis silence médiatique.

2018 : Rohingyas – indignation massive, puis disparition de la cause des gros titres.

Aujourd’hui, le mot “génocide” s’impose davantage, mais le risque est grand que Gaza rejoigne la liste des injustices abandonnées à la poussière de l’oubli.

 

Briser le cycle de l’oubli : de la colère à l’action

Les causes justes ne triomphent pas par leur seule légitimité. Elles gagnent par la constance, la stratégie et la pression organisée.

Cela signifie :

Lancer et maintenir des campagnes internationales coordonnées.

Construire des réseaux de solidarité transnationaux capables de contourner les blocages institutionnels.

Documenter, archiver, diffuser inlassablement la réalité du terrain.

Gaza ne peut se contenter de hashtags ou de marches symboliques. Il faut une action persistante qui dépasse l’émotion passagère. Sans campagnes organisées pour maintenir la visibilité et la pression, même les causes les plus justes risquent de disparaître des mémoires une fois les gros titres passés. En 1982, l'indignation mondiale a atteint son paroxysme après l'invasion du Liban par Israël et le massacre de Sabra et Chatila, mais elle s'est rapidement dissipée et Israël a rétabli des relations normalisées en toute impunité. En 2008, Gaza a bénéficié d'un élan de soutien international, qui s'est ensuite dissipé dès la fin de l'assaut. Aujourd’hui, même si le mot « génocide » est plus fréquemment associé à Gaza, le danger d’un oubli mondial plane – tout comme ce fut le cas pour les Rohingyas au Myanmar en 2018, ou pour la Namibie en 1971, lorsque la CIJ a déclaré illégale l’occupation de l’Afrique du Sud, une décision restée lettre morte pendant deux décennies.

Conclusion : l’heure du choix

Les causes justes ne triomphent pas uniquement en raison de leur justice, ni par le nombre de hashtags ou de sympathisants en ligne, mais par la capacité de leurs membres à maintenir leur élan, à faire pression et à saisir l’instant présent. Le monde n'a pas de mémoire ; il évolue au gré de l'instant. Et si cet instant n'est pas saisi avec sagesse et force, il s'estompera, telle une vague perdue dans le vaste océan de l'oubli.

Ce texte est une gifle nécessaire à notre conscience collective. Gaza n’est pas seulement victime d’un génocide ; elle est aussi victime d’un abandon moral orchestré. Les États, les grandes institutions et même une partie de la société civile mondiale ont échoué, non par ignorance, mais par choix.

Là où la justice devait s’imposer, nous avons vu l’obstruction volontaire. Là où la solidarité devait s’organiser, nous avons vu l’indifférence. Ce n’est pas seulement un échec politique — c’est un effondrement de l’humanité face à l’évidence.

L’histoire récente nous avertit : les vagues de soutien s’écrasent vite si elles ne sont pas canalisées en campagnes organisées, persistantes et massives. La Palestine ne peut se contenter de hashtags et de marches symboliques. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement sa survie physique, mais la préservation de sa mémoire, de ses droits et de son existence politique.

Gaza nous met au défi de choisir : laisserons-nous cette cause rejoindre la longue liste des injustices oubliées, ou la transformerons-nous en une lutte victorieuse grâce à notre constance et notre action ? Ce choix ne peut plus attendre.

Si cet instant n’est pas saisi avec détermination, Gaza sera effacée des écrans et des consciences, comme tant d’autres peuples avant elle. Nous avons un choix : Laisser cette cause disparaître dans l’océan de l’oubli, ou en faire une lutte victorieuse grâce à notre constance et notre action.

Gaza nous met face à ce choix. Et ce choix ne peut plus attendre.

 Kader Tahri

Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

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L’antisémitisme, cache-misère d’un génocide télévisé


C’est à cause du génocide qu’Israël se coupe de l’humanité car la majorité de ses habitants valide le massacre des Palestiniens.

Il y a deux sortes de gens : ceux qui voient le génocide, et ceux qui voient l’antisémitisme pour ne pas voir le génocide.

Pour les génocidaires, le camp d’en face est forcément judéocentré. C’est sûr que de voir jour après jour des femmes et des enfants assassinés, un pays entier écrasé sous les bombes, ça interroge, ça obsède. Ce qui obsède les êtres humains, ce n’est pas les juifs, mais une armée moderne qui procède à un génocide.

 Le conflit israélo-palestinien se traduit chez nous en un conflit verbal assez dérisoire, mais qui a le mérite de montrer deux choses : qu’il y a une présence médiatique israéliste complètement disproportionnée, avec des valeurs antirépublicaines et antifrançaises, et une résistance croissante à cette occupation

Alors que les opérations militaires israéliennes ont provoqué une destruction massive à Gaza, une partie significative du débat public en France se focalise sur l'antisémitisme supposément croissant. Cette focalisation fonctionne comme une stratégie d’évitement face aux réalités d’un conflit asymétrique, et révèle une crise profonde du discours moral et médiatique français.

Depuis plusieurs mois, les faits sont documentés : frappes ciblant des hôpitaux, infrastructures civiles anéanties, famine organisée, morts massives parmi les femmes et les enfants. Des centaines d’organisations internationales alertent sur ce qui pourrait constituer un génocide. Pourtant, en France, le cœur du débat public semble porter ailleurs : sur le prétendu regain d’antisémitisme.

Cette inversion des priorités ne repose pas sur une analyse rigoureuse de la situation, mais sur une instrumentalisation rhétorique. Elle permet d’éluder la responsabilité politique de l’État israélien, de délégitimer la solidarité avec les Palestiniens, et de recadrer le débat autour d’un prisme moral unique : la protection d’Israël, quel qu’en soit le coût humanitaire.

Dans ce cadre, toute critique de l’intervention militaire israélienne est rapidement soupçonnée d’antisémitisme. Cette confusion volontaire entre critique politique du sionisme et haine des juifs rend toute discussion sereine impossible. Elle permet surtout d’étouffer toute remise en cause du projet colonial israélien et de sa mise en œuvre actuelle à Gaza.

La France, en particulier, souffre d’un climat intellectuel dégradé où le soupçon prime sur l’analyse. Un discours critique, même modéré, est immédiatement suspecté de complicité avec des idéologies extrémistes. Ce réflexe produit un effet paralysant sur les milieux universitaires, les rédactions, et les institutions religieuses.

La disproportion de traitement médiatique est évidente. Très peu de médias généralistes français donnent la parole à des chercheurs, intellectuels ou témoins palestiniens. À l’inverse, les représentants institutionnels pro-israéliens jouissent d’un accès régulier aux plateaux télévisés, aux tribunes de grands quotidiens et aux relais politiques.

Ce déséquilibre n’est pas une simple question d’orientation éditoriale. Il révèle un verrouillage idéologique, où la défense de la ligne israélienne devient un impératif moral, et toute déviation est considérée comme une faute. Il ne s’agit plus d’informer, mais de faire taire. Et cette asymétrie contribue à la perte de crédibilité progressive des médias dominants.

Le journal La Croix, historiquement ancré dans une tradition catholique, offre un exemple particulièrement révélateur de cette difficulté à nommer l’injustice. Dans un article publié récemment, le quotidien évoque la « proximité religieuse et historique avec Israël » comme facteur de malaise parmi les catholiques, face à la situation dramatique à Gaza.

Cette formulation, sous couvert de nuance, traduit en réalité une difficulté à affronter les contradictions morales. Comment une foi fondée sur l’Évangile peut-elle rester neutre face à des crimes contre l’humanité ? Comment une proximité historique justifie-t-elle le silence ou la prudence, lorsqu’un peuple est broyé sous les bombes ? Ce malaise n’est pas moral. Il est politique.

Le soutien massif de la population israélienne à l’offensive militaire actuelle, tel que révélé par plusieurs sondages, pose une question de fond : un État peut-il rester moralement légitime lorsqu’il cautionne, à grande échelle, l’écrasement d’un autre peuple ? La réponse universelle devrait être négative. Or, c’est précisément cette question que l’on refuse d’aborder en France.

En se coupant de toute exigence universaliste, Israël adopte une logique de séparation radicale : entre ses intérêts et ceux du reste du monde, entre sa mémoire et celle des autres, entre son droit à la sécurité et les droits fondamentaux des Palestiniens. Il ne s’agit plus de sécurité, mais d’effacement.   Ils sont aujourd’hui littéralement en train de se suicider, ce qui constitue un spectacle à la fois gratuit et moral assez réjouissant.

Mon Dieu, youpi !  Tu peux bien prendre Gaza, la raser pierre après pierre, croire qu’en effaçant la carte, tu redessineras l’histoire. Mais c’est une illusion pour enfants mal sevrés. Ce chemin-là, une fois emprunté, transforme le conquérant en créature de poussière : ce n’est pas la terre qui change, c’est la mentalité. Et elle ne connaît que deux issues : la fureur ou la folie.

On t’a vendu l’idée d’un paradis à reconquérir. Un mirage. Car si c’était vraiment l’Eden, tu n’attendrais pas un messie pour y poser ton trône. Il n’y a pas de paix là où le sol est pavé de mensonges et d’exils. Et ceux que tu accuses de voler ta lumière ? Ce ne sont pas des ombres étrangères, mais les reflets de ta propre trahison. Des fils perdus, grimés en ennemis, que tu préfères haïr plutôt que reconnaître.

Alors, pour ne pas sombrer, tu t’accroches à une vieille promesse, à l’idée qu’un jour viendra un sauveur, un type sans prépuce, selon la tradition, surgissant dans les cendres comme une mauvaise fable biblique version Disney. On attend la magie, on ferme les yeux sur la boucherie, et on continue le conte, en espérant que cette fois, il finira bien.

Mais les contes ne mentent qu’à ceux qui les écoutent. Les autres voient la main derrière le rideau, le sang sous le vernis, et comprennent que le royaume n’est pas en danger. Il est déjà tombé.

L’idée d’un Israël porteur d’un destin exceptionnel, moralement inattaquable, est aujourd’hui fragilisée. La destruction de Gaza n’est pas seulement une tragédie humaine. Elle marque aussi la faillite d’un récit fondateur, celui d’un État-victime devenu à son tour État-perpétrateur. Ce basculement historique est encore nié par certains, mais il est visible pour quiconque regarde les faits.

Ce ne sont pas les ennemis d’Israël qui ternissent son image. Ce sont ses propres actes, documentés, diffusés, archivés. Aucun contrôle médiatique ne pourra à long terme masquer ce que les satellites, les ONG, les rapports d’experts, les témoignages locaux ont déjà établi.

La période que nous vivons n’appelle pas à la vengeance, mais à la lucidité. Comme après 1945, lorsque les médias français ont dû rendre des comptes sur leur collaboration, un moment de refondation morale s’imposera. Pas forcément sous forme de procès ou de sanctions, mais par une reconquête de la parole publique, libre, argumentée, courageuse.

Le discours anti Palestinien n’est pas un simple désaccord idéologique. Il est devenu un dispositif d’occultation, de disqualification, d’aveuglement. À l’inverse, la défense des Palestiniens ne relève pas d’un projet identitaire, mais d’un réflexe éthique élémentaire. Il ne s’agit pas d’être pro-musulman, ni anti-juif, mais simplement humain.

La priorité du moment n’est pas de dénoncer une vague d’antisémitisme souvent fantasmée, mais de nommer un génocide en cours. De refuser la neutralité face à une destruction planifiée. Et d’assumer que la défense du droit international, de la dignité humaine, de la vérité, ne peut être subordonnée à aucune loyauté géopolitique ou religieuse.

Ce n’est pas Israël qui est en danger. C’est notre capacité collective à voir, nommer, juger.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
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Le désarmement du Hamas : un prétexte pour une guerre sans fin

 

Alors que les appels internationaux à la fin des hostilités à Gaza se multiplient, une exigence revient avec insistance : que le Hamas se désarme. Ce mot d’ordre, présenté comme une condition préalable à tout cessez-le-feu, révèle en réalité une logique perverse, celle d’une guerre conçue pour ne jamais s’arrêter. Car pourquoi le Hamas devrait-il déposer les armes, alors qu’Israël, puissance occupante et colonisatrice, continue de mener une politique d’agression systématique contre les Palestiniens, où qu’ils soient ?

Une paix juste, pas une reddition avec un désarmement à sens unique

Depuis des décennies, les gouvernements israéliens successifs ont refusé toute reconnaissance sérieuse de leur responsabilité historique : l’expulsion des Palestiniens en 1948, l’occupation de 1967, la colonisation effrénée des terres cisjordaniennes, le siège inhumain de Gaza. Jamais Israël n’a reconnu ses crimes ni indemnisé ses victimes. Le désarmement des groupes de résistance, dans ce contexte, n’est pas un pas vers la paix : c’est une capitulation unilatérale exigée d’un peuple occupé, sous menace constante.

Loin d’être un accident ou une dérive, la guerre actuelle est le prolongement logique d’un projet colonial. Le gouvernement Netanyahou, soutenu par une coalition kahaniste d’extrême droite, ne veut ni de l’Autorité palestinienne à Gaza, ni de souveraineté palestinienne à quelque niveau que ce soit. Sa stratégie ? Gagner du territoire, détruire l’infrastructure sociale palestinienne, étendre la colonisation, et perpétuer la domination juive exclusive sur toute la terre entre le Jourdain et la mer.

Cette politique n’est pas seulement meurtrière. Elle est suicidaire, comme le rappellent 600 anciens responsables de la sécurité israélienne qui ont récemment averti que la poursuite de la guerre mènerait Israël à la ruine. Ils dénoncent un cabinet de guerre qui, au mépris même des avis militaires de Tsahal, impose une logique maximaliste, où le nettoyage ethnique est envisagé comme solution stratégique.

Ceux qui réclament aujourd’hui la reddition du Hamas oublient (ou feignent d’oublier) le précédent d’Arafat et de l’OLP. En 1982, après avoir accepté l’exil à Tunis, les combattants palestiniens laissaient derrière eux leurs familles dans les camps libanais. Quelques semaines plus tard, à Sabra et Chatila, sous les yeux de l’armée israélienne, les milices phalangistes ont massacré 2 000 civils palestiniens. Ce n’est pas une opinion : une commission israélienne a reconnu la responsabilité indirecte d’Ariel Sharon dans ce crime. Comment demander à un peuple de se désarmer quand son passé lui rappelle que même la reddition ne garantit rien, si ce n’est le massacre ?

La guerre ne se joue pas seulement à Gaza. Elle secoue aussi l’intérieur d’Israël, où les fractures s’aggravent entre familles d’otages, opposition pacifiste, conscrits ultra-orthodoxes, et partisans messianiques de la colonisation. Le rêve d’un « État juif démocratique » se disloque sous le poids de ses contradictions. Israël est peut-être militairement dominant, mais il perd sur les fronts politiques, moraux, économiques et internationaux.

Dès le début de cette campagne génocidaire, de nombreux personnels médicaux juifs israéliens ont salué le bombardement des hôpitaux de Gaza. Ce qui est écrit ici ne devrait pas surprendre. Le déni de l'entreprise sioniste, perçue comme une entreprise raciste, est profondément ancré, même parmi ceux qui apportent une aide humanitaire – à l'exception des rivaux palestiniens. La responsabilité des citoyens de protester et d’agir est d’autant plus lourde lorsque c’est leur propre pays qui commet ou aide ou encourage un génocide.

 

Comme l'écrivait G. Levy il y a de nombreuses années, « les Israéliens sont des spécialistes de l'aide humanitaire dans des zones éloignées, mais pas dans leur propre arrière-cour ».

 

C'est simplement que le cerveau humain est fragile et préfère les histoires aux faits, que tant de gens s'emballent et se vantent de vertu à propos de Gaza, alors qu'ils ignorent ou ne reconnaissent même pas que le 7 octobre a eu lieu, ni que le Hamas existe principalement pour répéter ces violences contre les Israéliens et les Juifs.

Il est important de reconnaître et même de protester contre le fait que le gouvernement israélien soit odieux, mais le temps d'antenne dont il bénéficie est encore largement disproportionné par rapport aux autres conflits et catastrophes humanitaires mentionnés, sans parler de la dystonie qui se déroule aux États-Unis, qui n'est pas encore aussi grave au niveau national, mais qui explique en grande partie pourquoi il est si difficile pour l'humanité de corriger le tir aujourd'hui.

Il est vrai qu’Israël fait une mauvaise chose et qu’il est également utilisé comme bouc émissaire.

Les médecins israéliens, comme la majorité des Juifs israéliens, sont d'accord avec Netanyahou pour faire disparaître les Palestiniens. Ils peuvent encore se considérer comme des personnes morales, la morale juive, l'armée morale, mais ils sont complices d'un génocide. Après avoir tué près de 20 000 enfants palestiniens, la place d'Israël est bannie des nations.

Résister n’est pas un crime, c’est une nécessité

Accuser les Palestiniens de violence sans jamais interroger l’origine de cette violence, l’occupation, l’humiliation, le blocus – relève d’un renversement obscène. Il n’y a aucune rationalité à demander à un peuple d’abandonner ses moyens de défense tant que la violence coloniale, elle, demeure intacte et impunie.  Le Hamas est-il responsable de ce qu'il appelle « le massacre de la farine » ? Vraiment ?

Il y a eu quelques signes avant-coureurs,  

Le sort des Gazaouis et des Palestiniens au cours des décennies sous la botte sioniste, et ensuite, plus important encore, son récit de ce que serait l’avenir des Gazaouis et des Palestiniens sous le statu quo régnant avant l’incursion du déluge d’Al-Aqsa.

Le Hamas a peut-être mal évalué le degré de cruauté et de violence de la réponse de la colonie sioniste à l'incursion, mais qualifier cette erreur de « trahison » est une expression qui, si elle est facile à prononcer pour un sioniste refusant de reconnaître que le sort des Palestiniens a été une brutalité et une humiliation écrasantes, et que leur destin est un effacement progressif et implacable, n'en est pas moins une manifestation d'une obtusité symptomatique. Trahison non génocide. Et les dés ne sont pas encore tombés.

Ce qui est en jeu n’est pas seulement la survie du Hamas, mais la possibilité pour les Palestiniens d’exister, de résister, de refuser l’effacement. À Gaza aujourd’hui, l’alternative n’est pas entre la guerre et la paix, mais entre la soumission et la dignité.

Le cessez-le-feu ne doit pas être conditionné à une reddition unilatérale. Il doit permettre :

  • La levée immédiate du blocus de Gaza.
  • L’arrêt des bombardements et du nettoyage ethnique en cours.
  • Le retour des otages et la libération des prisonniers politiques.
  • Une reconnaissance claire de la cause palestinienne dans sa dimension historique et politique.

 . La communauté internationale, les opinions publiques, les journalistes, les élus, doivent cesser de faire semblant : il n’y a pas de paix possible sans justice, pas de justice sans mémoire, et pas de mémoire sans vérité.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 

La paix n’est possible que si le droit à la dignité et à la souveraineté est reconnu.
Résister, ce n’est pas refuser la paix. C’est refuser l’humiliation.