C’est à
cause du génocide qu’Israël se coupe de l’humanité car la majorité de ses
habitants valide le massacre des Palestiniens.
Il y a deux sortes de gens :
ceux qui voient le génocide, et ceux qui voient l’antisémitisme pour ne pas
voir le génocide.
Pour les
génocidaires, le camp d’en face est forcément judéocentré. C’est sûr que de
voir jour après jour des femmes et des enfants assassinés, un pays entier
écrasé sous les bombes, ça interroge, ça obsède. Ce qui obsède les êtres humains,
ce n’est pas les juifs, mais une armée moderne qui procède à un génocide.
Le conflit
israélo-palestinien se traduit chez nous en un conflit verbal assez dérisoire,
mais qui a le mérite de montrer deux choses : qu’il y a une présence
médiatique israéliste complètement disproportionnée, avec des valeurs
antirépublicaines et antifrançaises, et une résistance croissante à cette
occupation
Alors que les opérations militaires israéliennes ont
provoqué une destruction massive à Gaza, une partie significative du débat
public en France se focalise sur l'antisémitisme supposément croissant. Cette
focalisation fonctionne comme une stratégie d’évitement face aux réalités d’un
conflit asymétrique, et révèle une crise profonde du discours moral et
médiatique français.
Depuis plusieurs mois, les faits sont documentés :
frappes ciblant des hôpitaux, infrastructures civiles anéanties, famine
organisée, morts massives parmi les femmes et les enfants. Des centaines
d’organisations internationales alertent sur ce qui pourrait constituer un
génocide. Pourtant, en France, le cœur du débat public semble porter ailleurs :
sur le prétendu regain d’antisémitisme.
Cette inversion des priorités ne repose pas sur une
analyse rigoureuse de la situation, mais sur une instrumentalisation
rhétorique. Elle permet d’éluder la responsabilité politique de l’État
israélien, de délégitimer la solidarité avec les Palestiniens, et de recadrer
le débat autour d’un prisme moral unique : la protection d’Israël, quel qu’en
soit le coût humanitaire.
Dans ce cadre, toute critique de l’intervention
militaire israélienne est rapidement soupçonnée d’antisémitisme. Cette
confusion volontaire entre critique politique du sionisme et haine des juifs
rend toute discussion sereine impossible. Elle permet surtout d’étouffer toute
remise en cause du projet colonial israélien et de sa mise en œuvre actuelle à
Gaza.
La France, en particulier, souffre d’un climat
intellectuel dégradé où le soupçon prime sur l’analyse. Un discours critique,
même modéré, est immédiatement suspecté de complicité avec des idéologies
extrémistes. Ce réflexe produit un effet paralysant sur les milieux
universitaires, les rédactions, et les institutions religieuses.
La disproportion de traitement médiatique est
évidente. Très peu de médias généralistes français donnent la parole à des
chercheurs, intellectuels ou témoins palestiniens. À l’inverse, les
représentants institutionnels pro-israéliens jouissent d’un accès régulier aux
plateaux télévisés, aux tribunes de grands quotidiens et aux relais politiques.
Ce déséquilibre n’est pas une simple question
d’orientation éditoriale. Il révèle un verrouillage idéologique, où la défense
de la ligne israélienne devient un impératif moral, et toute déviation est
considérée comme une faute. Il ne s’agit plus d’informer, mais de faire taire.
Et cette asymétrie contribue à la perte de crédibilité progressive des médias
dominants.
Le journal La Croix, historiquement ancré dans
une tradition catholique, offre un exemple particulièrement révélateur de cette
difficulté à nommer l’injustice. Dans un article publié récemment, le quotidien
évoque la « proximité religieuse et historique avec Israël » comme facteur de malaise
parmi les catholiques, face à la situation dramatique à Gaza.
Cette formulation, sous couvert de nuance, traduit en
réalité une difficulté à affronter les contradictions morales. Comment une foi
fondée sur l’Évangile peut-elle rester neutre face à des crimes contre
l’humanité ? Comment une proximité historique justifie-t-elle le silence ou la
prudence, lorsqu’un peuple est broyé sous les bombes ? Ce malaise n’est pas
moral. Il est politique.
Le soutien massif de la population israélienne à
l’offensive militaire actuelle, tel que révélé par plusieurs sondages, pose une
question de fond : un État peut-il rester moralement légitime lorsqu’il
cautionne, à grande échelle, l’écrasement d’un autre peuple ? La réponse
universelle devrait être négative. Or, c’est précisément cette question que
l’on refuse d’aborder en France.
En se
coupant de toute exigence universaliste, Israël adopte une logique de
séparation radicale : entre ses intérêts et ceux du reste du monde, entre sa
mémoire et celle des autres, entre son droit à la sécurité et les droits
fondamentaux des Palestiniens. Il ne s’agit plus de sécurité, mais
d’effacement. Ils sont
aujourd’hui littéralement en train de se suicider, ce qui constitue un
spectacle à la fois gratuit et moral assez réjouissant.
Mon Dieu, youpi !
Tu peux bien prendre Gaza, la raser pierre après pierre, croire
qu’en effaçant la carte, tu redessineras l’histoire. Mais c’est une illusion
pour enfants mal sevrés. Ce chemin-là, une fois emprunté, transforme le
conquérant en créature de poussière : ce n’est pas la terre qui change,
c’est la mentalité. Et elle ne connaît que deux issues : la fureur ou la
folie.
On t’a vendu l’idée d’un paradis à reconquérir. Un
mirage. Car si c’était vraiment l’Eden, tu n’attendrais pas un messie pour y
poser ton trône. Il n’y a pas de paix là où le sol est pavé de mensonges et
d’exils. Et ceux que tu accuses de voler ta lumière ? Ce ne sont pas des
ombres étrangères, mais les reflets de ta propre trahison. Des fils perdus,
grimés en ennemis, que tu préfères haïr plutôt que reconnaître.
Alors, pour ne pas sombrer, tu t’accroches à une
vieille promesse, à l’idée qu’un jour viendra un sauveur, un type sans prépuce,
selon la tradition, surgissant dans les cendres comme une mauvaise fable
biblique version Disney. On attend la magie, on ferme les yeux sur la
boucherie, et on continue le conte, en espérant que cette fois, il finira bien.
Mais les contes ne mentent qu’à ceux qui les écoutent.
Les autres voient la main derrière le rideau, le sang sous le vernis, et
comprennent que le royaume n’est pas en danger. Il est déjà tombé.
L’idée d’un Israël porteur d’un destin exceptionnel,
moralement inattaquable, est aujourd’hui fragilisée. La destruction de Gaza
n’est pas seulement une tragédie humaine. Elle marque aussi la faillite d’un
récit fondateur, celui d’un État-victime devenu à son tour État-perpétrateur.
Ce basculement historique est encore nié par certains, mais il est visible pour
quiconque regarde les faits.
Ce ne sont pas les ennemis d’Israël qui ternissent son
image. Ce sont ses propres actes, documentés, diffusés, archivés. Aucun
contrôle médiatique ne pourra à long terme masquer ce que les satellites, les
ONG, les rapports d’experts, les témoignages locaux ont déjà établi.
La période que nous vivons n’appelle pas à la
vengeance, mais à la lucidité. Comme après 1945, lorsque les médias français
ont dû rendre des comptes sur leur collaboration, un moment de refondation
morale s’imposera. Pas forcément sous forme de procès ou de sanctions, mais par
une reconquête de la parole publique, libre, argumentée, courageuse.
Le discours anti Palestinien n’est pas un simple
désaccord idéologique. Il est devenu un dispositif d’occultation, de
disqualification, d’aveuglement. À l’inverse, la défense des Palestiniens ne
relève pas d’un projet identitaire, mais d’un réflexe éthique élémentaire. Il
ne s’agit pas d’être pro-musulman, ni anti-juif, mais simplement humain.
La priorité du moment n’est pas de dénoncer une vague
d’antisémitisme souvent fantasmée, mais de nommer un génocide en cours. De
refuser la neutralité face à une destruction planifiée. Et d’assumer que la
défense du droit international, de la dignité humaine, de la vérité, ne peut
être subordonnée à aucune loyauté géopolitique ou religieuse.
Ce n’est pas Israël qui est en danger. C’est notre
capacité collective à voir, nommer, juger.
Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme
ça. »
https://kadertahri.blogspot.com/