Chaque fois
que la France cherche un exutoire à ses angoisses, elle ressort le même spectre
: l’Algérien. Toujours lui. Toujours cet étranger supposé irréductible,
menaçant, envahissant — l’ombre commode sur laquelle on projette les peurs et
les lâchetés d’une nation en perte de repères.
Et voici
que, sous couvert de « remettre en question les accords franco-algériens de
1968 », on rejoue le vieux théâtre de la haine. Une fois encore, des tribunes
d’extrême droite recyclent le fantasme de l’« invasion », le mythe de la «
remigration », la rengaine de l’« Algérie coupable ». Derrière le
prétexte administratif, c’est toujours la même musique : faire des descendants
des colonisés les boucs émissaires des malaises français, c’est derrière la dénonciation des accords
franco-algériens de 1968, la même vieille rengaine colonialiste et xénophobe que
L’extrême droite, héritière de l’OAS,
n’a jamais digéré l’indépendance algérienne, elle n’a que la haine à offrir.
La colonisation n’est pas finie : elle a changé de
costume
Le racisme
d’aujourd’hui ne parle plus la langue brutale du colonialisme ; il se pare
d’une respectabilité parlementaire, d’une indignation patriotique.
Les mots ont changé, pas la logique : « invasion », « insécurité », «
islamisation », « retour chez eux » — tout cela traduit la même pulsion de
domination, la même nostalgie d’un ordre blanc et sûr de lui.
Sous couvert
de « souveraineté nationale », c’est la vieille supériorité coloniale
qu’on ressuscite : celle d’une France qui s’imagine encore pouvoir trier entre
les bons et les mauvais étrangers, entre ceux qui méritent la République et
ceux qu’elle rejette au nom de leur origine.
C’est une France en miroir, qui ne supporte pas de voir dans l’Algérien le
reflet de son propre passé impérial.
Une manipulation politique déguisée en débat
d’idées
Qu’on ne s’y
trompe pas : cette prétendue « remise en question des accords de 1968 » n’a
rien d’un débat juridique.
C’est un signal politique, un test de ralliement à la droite dure et à
l’extrême droite. On ne parle plus d’économie, ni de diplomatie : on désigne
des coupables.
Les chiffres
sont manipulés, les réalités sociales déformées, les nuances effacées.
On ne distingue plus entre les Algériens, les Franco-Algériens, les musulmans,
les immigrés — tout est fondu dans un même bloc menaçant. C’est ainsi que
l’on fabrique une peur. C’est ainsi que l’on prépare les esprits à la haine.
Les héritiers du mépris colonial
Le plus
insupportable, c’est cette inversion morale : ceux-là mêmes qui refusent
de regarder la colonisation en face se posent désormais en victimes.
Ils crient à la « revanche coloniale », osent parler de « colonisation à
rebours », comme si les quartiers populaires de Seine-Saint-Denis étaient des
armées d’occupation.
C’est le mensonge le plus obscène de notre époque : transformer les enfants de
l’exil et de la misère en conquérants.
La vérité,
c’est que la France n’a jamais vraiment décolonisé sa tête.
Elle a retiré son drapeau d’Alger, mais elle garde dans ses discours
l’arrogance d’hier.
Elle se refuse à comprendre que les liens entre les deux peuples sont
indélébiles, faits de mémoire, de sang, de travail, de culture et de douleur
partagée.
Ce que certains veulent « couper », c’est ce cordon symbolique qui relie la
France à sa propre histoire — une histoire qu’ils détestent parce qu’elle leur
rappelle leur responsabilité.
La remigration : euphémisme pour purification
Le mot est
lâché, tranquillement : «rémigration». Sous cette apparente neutralité se cache
la tentation la plus sinistre — celle d’un nettoyage ethnique à la française,
maquillé en programme politique.
Ce terme n’a rien d’un concept : c’est un mot de haine, forgé pour rendre présentable
l’impensable.
Ce n’est
plus la République qui parle, c’est la revanche de la peur, l’appel du sang.
Et pendant que les plateaux télé déroulent le tapis rouge à ces idées morbides,
la société s’habitue. Petit à petit, la violence verbale prépare la violence
réelle.
La question
n’est pas de savoir si les accords de 1968 doivent être modernisés.
La vraie question est : quelle France voulons-nous être ?
Une France qui érige des murs, ou une France qui regarde son passé en face et
construit des ponts ?
Une France qui reproduit la hiérarchie coloniale sous des mots neufs, ou une
France capable d’égalité réelle ?
Il est temps
de dire non.
Non à cette obsession morbide de « l’Algérien » qui hante encore
la conscience française. La République ne sera fidèle à elle-même que
lorsqu’elle cessera de confondre justice et vengeance, mémoire et amnésie,
identité et exclusion.
L’Algérien comme alibi de la décadence française :
Chaque fois
que la France échoue à se penser, elle accuse l’Algérien.
Chaque fois que son modèle économique se fissure, que ses banlieues brûlent,
que sa jeunesse s’égare, elle ressort le vieux coupable colonial.
Car il est plus facile d’accuser les fils de l’immigration que d’affronter les
trahisons sociales, la corruption, les inégalités, l’abandon républicain.
Ce n’est pas
l’Algérien qui hante la France — c’est la honte française.
A/Kader
Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. » https://kadertahri.blogspot.com/
.jpg)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire