Parfois il m'est utile de le dire !

                                                                                                          Oh! Colombe, transmets mon salut d...

L’islamophobie n’est pas un accident culturel — c’est une stratégie politique.

Une fuite révélée par Drop Site News expose une stratégie de communication cynique : promouvoir la peur de “l’islam radical” pour redorer l’image d’Israël et de ses alliés.
Pendant que les médias occidentaux rejouent l’hystérie islamophobe, les puissances impériales bombardent, affament et renversent des gouvernements.
Et si le véritable terrorisme venait d’en haut — de ceux qui fabriquent la peur pour dissimuler leurs guerres
?

Il y a quelques semaines, un article de Drop Site News a révélé une fuite sidérante : un rapport commandé par le ministère israélien des Affaires étrangères identifie la promotion de la peur de “l’islam radical” comme la méthode la plus efficace pour regagner le soutien de l’opinion internationale. Selon cette étude citée par le journaliste Ryan Grim, la meilleure stratégie de communication d’Israël consiste à « fomenter la peur du djihadisme » tout en soulignant son soutien aux droits des femmes ou des minorités sexuelles. Résultat : un gain de plus de vingt points d’image dans plusieurs pays testés.  

Cette révélation n’étonnera que ceux qui croient encore que la peur collective naît spontanément. Dans les faits, la haine se fabrique, se mesure, se finance. Les discours anxiogènes sur “les musulmans”, “l’ennemi intérieur” ou “le choc des civilisations” ne sont pas de simples dérapages : ce sont des instruments de gouvernement. En excitant la peur de l’autre, les puissances occidentales redirigent l’angoisse sociale et masquent leurs propres violences. Pendant que nous discutons du voile d’une écolière, les États-Unis bombardent la Somalie, Israël rase Gaza, la France arme des régimes autoritaires, et personne ne parle des morts.

Regardons la scène mondiale telle qu’elle est. L’armée américaine dispose de plus de 750 bases militaires réparties sur tous les continents. En 2024 encore, Washington a multiplié les frappes aériennes en Somalie sous prétexte de “lutte antiterroriste”. Le plus grand porte-avions du monde, le Gerald R. Ford, a été envoyé au large de l’Amérique latine pour “surveiller les narcoterroristes” — une formule commode pour justifier la pression permanente sur les gouvernements insoumis comme celui du Venezuela.

Ces interventions ne sont ni ponctuelles ni défensives : elles constituent un système d’expansion impériale. L’empire américain — prolongé par ses alliés européens et israéliens — bombarde, affame, asphyxie des pays entiers à coups de sanctions et de blocus. Il renverse des gouvernements élus, manipule des élections, soutient des coups d’État quand les urnes lui résistent. Pourtant, on répète que la menace viendrait “du monde musulman” et de l’Islam radical. Quelle ironie : les pays les plus meurtriers du XXIᵉ siècle sont ceux qui se disent défenseurs de la civilisation et des droits humains.

Les chiffres sont implacables. La coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis au Yémen, soutenue logistiquement et militairement par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, a provoqué depuis 2015 des centaines de milliers de morts et une famine de masse. Ces deux régimes — parmi les plus répressifs du monde — sont pourtant présentés comme des “alliés fiables”. Au même moment, leurs fonds alimentent des conflits régionaux, notamment au Soudan, dans l’indifférence quasi totale des chancelleries occidentales.

Autrement dit : les États musulmans les plus violents sont précisément ceux que l’Occident finance et arme. La narration dominante — celle du “monde libre” menacé par l’Islam — s’effondre sous le poids des faits. Si l’on comptait honnêtement les morts, les sanctions, les occupations et les famines provoquées par les grandes puissances, l’“axe du mal” changerait d’adresse.

Mais la guerre ne se mène pas seulement avec des bombes. Elle se mène aussi avec des récits. Les services de communication étatiques, les groupes de lobbying et certains médias ont perfectionné l’art de la désignation de l’ennemi intérieur. Dans chaque crise, on exhume la même figure : l’homme musulman, supposé porteur d’une menace, incapable de s’intégrer, hostile aux valeurs occidentales. Ce discours n’est pas né du vide : il est le reflet d’un système économique et militaire qui a besoin d’un danger permanent pour justifier ses budgets, ses alliances et ses guerres.

L’islamophobie de masse n’est donc pas seulement du racisme ; c’est un outil de stabilisation de l’ordre impérial. Elle détourne l’attention des crimes commis par nos propres gouvernements, et elle empêche la solidarité des peuples opprimés. Tant que nous nous haïrons entre pauvres, nous ne regarderons pas vers le haut : vers ceux qui pillent, bombardent et exploitent au nom de notre sécurité.

Refuser cette logique, c’est d’abord refuser la peur fabriquée. C’est exiger des médias qu’ils cessent de relayer sans critique les narratifs d’État. C’est soutenir les enquêtes indépendantes — celles d’Amnesty, de The Intercept, de Human Rights Watch — qui documentent les frappes, les ventes d’armes, les complicités diplomatiques. C’est aussi défendre les associations et collectifs qui protègent les minorités visées par cette haine planifiée.

La tâche peut sembler immense, mais elle commence ici : par une lucidité politique. Nous devons oser dire que nos propres dirigeants sont les premiers producteurs de terreur. Que les véritables “terroristes” ne vivent pas dans les ruelles de Mossoul ou de Gaza, mais dans les bureaux climatisés où se signent les contrats d’armement et les embargos. Que les guerres ne sont pas des fatalités culturelles, mais des décisions économiques et stratégiques prises au nom de leurs démocraties.

On dit de craindre les musulmans. Ils devront craindre le mensonge qui rend la guerre acceptable, la propagande qui transforme la victime en menace, et le silence qui tue deux fois. L’ennemi n’est pas à nos frontières ; il est dans les structures de pouvoir qui se servent de leur peur pour continuer à régner.

A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »   https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

 

 

 

Aucun commentaire: