Quand Rabat instrumentalise Washington et diabolise Alger pour enterrer le droit du peuple sahraoui
À la veille
du vote attendu au Conseil de sécurité sur la résolution dite « 2025 »
concernant le Sahara occidental, la presse officielle marocaine s’est livrée à
une opération médiatique de célébration prématurée.
À lire les manchettes de Rabat, on croirait que la « victoire diplomatique »
est déjà acquise, que l’ONU s’apprête à entériner la souveraineté marocaine sur
un territoire pourtant reconnu par la communauté internationale comme non
autonome.
Ce triomphalisme, loin d’être anodin, révèle le grand zèle d’un régime
obsédé par la reconnaissance internationale d’un fait accompli colonial, au
mépris du droit, de la vérité et de la dignité des peuples.
L’instrumentalisation flagrante du rôle américain
Le texte
relayé par la presse du Royaume érige les États-Unis en arbitre et garant d’un
« règlement définitif » du conflit, citant même « le leadership du président
Trump » comme tournant historique.
Faut-il le rappeler ? Cette reconnaissance unilatérale du plan marocain par
Donald Trump, en décembre 2020, fut un acte politique opportuniste,
échangé contre la normalisation des relations du Maroc avec Israël — une monnaie
d’échange diplomatique et non une reconnaissance de principe fondée sur le
droit international.
Depuis lors,
ni l’ONU, ni l’Union européenne, ni même l’administration Biden n’ont entériné
cette position.
Le droit international, lui, demeure inchangé : le Sahara occidental
figure toujours sur la liste des territoires non autonomes des Nations Unies,
en attente de décolonisation.
L’invocation récurrente du soutien américain relève donc de la pure instrumentalisation
politique — un moyen pour Rabat de travestir une relation d’allégeance
diplomatique en caution morale mondiale.
Ce zèle
pro-américain trahit la fragilité du narratif marocain.
Car plus Rabat s’appuie sur des soutiens circonstanciels, plus elle révèle
l’absence d’un véritable consensus international autour de son plan d’autonomie.
L’effacement programmé du peuple sahraoui
Plus grave
encore, la propagande marocaine s’emploie à nier l’existence même du peuple
sahraoui.
Le texte évoque avec satisfaction « l’invisibilisation du Polisario », comme si
la marginalisation du représentant légitime du peuple du Sahara occidental
constituait une victoire diplomatique.
Cette phrase résume à elle seule la dérive morale et politique de Rabat :
effacer la voix d’un peuple pour lui imposer un destin.
Le Front
Polisario est pourtant reconnu par les Nations Unies et l’Union africaine comme
le représentant légitime du peuple sahraoui.
Le réduire à une marionnette d’Alger, c’est nier le principe fondateur de la
Charte des Nations Unies : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
C’est aussi une manière cynique de détourner l’attention de l’essentiel : la
question du Sahara occidental n’est pas un contentieux bilatéral, mais une
question de décolonisation inachevée.
Ce silence
organisé autour du peuple sahraoui n’est pas accidentel : il est au cœur de la
stratégie marocaine.
Rendre invisible, c’est tenter d’effacer ; et effacer, c’est espérer légitimer
la domination.
Mais aucun artifice diplomatique ne saurait dissoudre un peuple de son droit à
la liberté.
La diabolisation obsessionnelle de l’Algérie
La
propagande marocaine ne se contente pas de travestir le droit international ;
elle s’emploie également à diaboliser l’Algérie, qualifiée de « régime
hystérique » ou d’« acteur manipulateur ».
Une rhétorique digne des temps coloniaux, où l’on cherche à désigner un ennemi
extérieur pour masquer l’échec intérieur.
Rabat tente de transformer un différend entre un peuple colonisé et une
puissance occupante en une rivalité géopolitique entre deux États voisins.
L’objectif
est clair : faire oublier la nature coloniale du conflit et bilatéraliser
une question qui relève, par essence, du droit des peuples à l’autodétermination.
Mais l’Algérie n’a jamais revendiqué le Sahara occidental.
Elle soutient — et continuera de soutenir — le principe intangible du droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes, fondement du système international issu
de 1945.
Qualifier ce soutien de « provocation » ou de « manipulation », c’est attaquer
le cœur même du droit international.
Cette
obsession anti-algérienne révèle une diplomatie en perte de repères, où le
voisin devient bouc émissaire, et la vérité, simple variable d’ajustement
médiatique.
Une diplomatie de l’illusion
Raccourcir
le mandat de la MINURSO, annoncer des délais irréalistes, parler de « fin du
conflit » avant même le vote du Conseil de sécurité : tout cela relève d’une
diplomatie de l’illusion.
Le Maroc cherche à créer un sentiment d’irréversibilité, alors que le
processus onusien demeure fondé sur la négociation entre les parties
concernées, sous l’égide de l’ONU.
Cette précipitation, ce triomphalisme de façade, masquent une angoisse
politique : celle de voir la communauté internationale revenir à la seule base
légitime du règlement — le référendum d’autodétermination.
Pour une vérité sans mascarade
Le peuple
sahraoui n’est pas une variable de communication, ni un pion sur l’échiquier
des ambitions régionales. Son droit à l’autodétermination est inaliénable.
Et l’Algérie, loin d’être le déstabilisateur que Rabat décrit, demeure le
dernier rempart maghrébin du principe de souveraineté populaire et de légalité
internationale.
Face au zèle
marocain, au silence complice de certaines puissances et aux manipulations
médiatiques, il appartient aux voix libres du Maghreb et du monde de rappeler
une évidence :
aucune paix durable ne peut naître du mensonge, et aucun peuple ne disparaît
parce qu’un voisin le décrète invisible.
En somme, la diplomatie marocaine s’illustre
moins par sa force que par son excès : excès d’ambition, excès de zèle, excès
de manipulation.
Mais l’histoire, elle, ne se réécrit pas à coups de communiqués triomphalistes.
Le Sahara occidental demeurera, jusqu’à son autodétermination, le miroir de
la conscience du droit international — et la mesure réelle du courage moral
des nations.
A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. » https://kadertahri.blogspot.com/
.jpg)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire