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Le triomphalisme prématuré de la presse du Makhzen Marocain

Avant même que le Conseil de sécurité des Nations unies ne se prononce sur le projet de résolution 2025 concernant le Sahara occidental, les médias du Makhzen marocain  proclament déjà une victoire historique. Présenté comme un “tournant diplomatique”, le texte américain devient, dans leur récit, la consécration de la souveraineté marocaine. Cette lecture prématurée, au ton propagandiste et triomphaliste, témoigne d’une dérive où la communication politique supplante l’information, et où la désinformation devient un outil d’influence régionale

La publication d’un article marocain annonçant un « tournant historique » dans le dossier du Sahara occidental, avant même toute décision du Conseil de sécurité, illustre une dérive de plus en plus visible dans les médias régionaux : la confusion entre information et propagande.
Sous des airs de reportage diplomatique, ce texte — comme d’autres avant lui — se présente en réalité comme une pièce de communication politique visant à imposer un récit national plutôt qu’à informer le lecteur.

L’article se fonde sur un projet de résolution américain (le « draft » 2025) présenté à titre de document de travail, en amont du vote prévu au Conseil de sécurité. Rien n’a encore été adopté, ni discuté formellement par les membres permanents. Pourtant, le texte est présenté comme un fait accompli : le plan d’autonomie marocain deviendrait « la seule voie reconnue vers la paix », le reste n’étant qu’« agitation » et « déni de l’histoire ».

Cette anticipation outrancière constitue un procédé classique de désinformation : annoncer une victoire avant qu’elle n’existe pour influencer la perception du public et créer un effet d’inévitabilité politique. Dans ce cas précis, l’objectif est clair : préempter le débat onusien et installer dans les esprits l’idée que la question du Sahara est déjà tranchée par la “communauté internationale”.

Or, en diplomatie, les mots ont un poids. Le terme “draft” désigne un document préliminaire susceptible d’être modifié, amendé, voire rejeté. En le présentant comme une “résolution historique”, le média marocain outrepasse la vérité pour servir un récit : celui d’un Maroc victorieux et d’une Algérie isolée.

Les procédés d’un discours propagandiste

L’analyse du texte révèle plusieurs techniques caractéristiques de la propagande contemporaine :

1.        Le glissement lexical :
Le vocabulaire utilisé — « coup de massue diplomatique », « régime algérien », « milice séparatiste », « parasite créé de toutes pièces » — vise moins à décrire qu’à discréditer. Ce langage émotionnel, saturé de jugements de valeur, ne relève pas du journalisme d’analyse, mais du discours de combat. Il construit un univers moral où le Maroc incarne la paix, la raison et la légitimité, tandis que l’Algérie et le Front Polisario symbolisent la trahison et la déstabilisation.

2.        La fausse universalité :
L’article parle au nom de « la communauté internationale » en affirmant que celle-ci soutient unanimement la souveraineté marocaine. En réalité, la position mondiale sur le Sahara demeure divisée : plusieurs États d’Amérique latine, d’Afrique ou d’Europe du Nord continuent de défendre le principe de l’autodétermination du peuple sahraoui, en conformité avec la Charte des Nations unies.

3.        La criminalisation de l’adversaire :
Le Polisario est présenté comme une “milice terroriste”, un qualificatif jamais reconnu par les Nations unies. Ce procédé vise à neutraliser le débat politique en transformant un mouvement indépendantiste en menace sécuritaire.
Ce type de raccourci rhétorique éloigne le débat du terrain juridique et diplomatique pour l’enfermer dans le registre émotionnel de la peur.

La désinformation comme stratégie d’influence

La désinformation n’est pas seulement une manipulation des faits : c’est une stratégie d’influence.
Dans le contexte du Sahara, elle sert à façonner le narratif dominant : celui d’un Maroc présenté comme seul acteur de stabilité et d’ouverture, face à une Algérie accusée d’obstruction et d’agitation. Ce récit, martelé dans les médias nationaux, cherche à renforcer la légitimité interne du pouvoir tout en consolidant l’image du Royaume auprès de ses alliés occidentaux.

Mais cette stratégie comporte un risque majeur : la rupture du lien de confiance entre information et citoyen.
À force de manipuler la narration, le discours officiel perd en crédibilité, tant sur la scène internationale que dans l’opinion publique régionale. La diplomatie de l’image ne peut durablement remplacer la diplomatie du dialogue.

La responsabilité journalistique en question

Le traitement de cette question met aussi en lumière une fragilité structurelle des médias maghrébins : leur proximité excessive avec le Palais.
Dans les dossiers sensibles — Sahara, sécurité, relations bilatérales — la presse se transforme souvent en chambre d’écho du discours du Makhzen. Or, cette dépendance éditoriale tue le journalisme critique et alimente la polarisation.

Informer, ce n’est pas “défendre la nation”, c’est rendre les faits intelligibles, même lorsqu’ils dérangent. La rigueur journalistique repose sur trois piliers : la vérification, la contextualisation et la pluralité des sources.
Aucun de ces trois éléments n’apparaît dans le texte marocain : pas de citation contradictoire, pas de référence juridique, pas d’analyse indépendante.
Le résultat est un récit à sens unique, conçu pour mobiliser l’émotion plutôt que la raison.

Le conflit du Sahara occidental, qui dure depuis près d’un demi-siècle, ne se réglera ni dans les colonnes des journaux, ni dans les effets de manche diplomatiques.
Il exige une approche fondée sur le respect du droit international, la coopération régionale et la bonne foi des acteurs.
En travestissant les faits, la propagande médiatique ne fait que rendre ce chemin plus difficile.

Les médias, du Makhzen, portent une responsabilité éthique : celle de préserver la possibilité du dialogue. Chaque mot excessif, chaque titre triomphaliste, chaque caricature de l’adversaire creuse un peu plus le fossé entre les peuples voisins.

Il est temps de redonner à la presse son rôle premier : non pas chanter les victoires supposées, mais dire la vérité des faits, même quand elle dérange les certitudes.

En guise de conclusion

Ce que révèle cet épisode, ce n’est pas tant la vigueur du débat diplomatique que la fragilité de l’espace médiatique maghrébin, pris entre patriotisme et professionnalisme.

Si le Conseil de Sécurité retient l’autonomie comme seule solution à ce problème, c’est qu’il reconnaît la souveraineté du Maroc sur ses provinces du sud. Les négociations doivent donc avoir lieu entre le Maroc et les séparatistes. Que viennent faire alors l’Algérie et la Mauritanie dans une affaire Maroco-marocaine.

Le monde médiatique sait trop bien que le Maroc n'a aucun besoin du Sahara Occidental, il n'y a pas d'erreur, toutes les armées d'invasion violent. Les Marocains aussi, c'est pourquoi on sait qu'ils ne sont pas des libérateurs, mais des envahisseurs au Sahara Occidental. Le Maroc aurait plus besoin de maitriser sa démographie, de construire des écoles, de former des enseignants et d'alphabétiser son peuple, notamment la population rural, qui est encore très largement illettrée et abandonnée à elle-même et aux traditions médiévales.

L’avenir du Sahara ne dépendra ni des slogans ni des manchettes triomphales, mais de la capacité des acteurs à revenir à la raison diplomatique et au respect des principes universels de l’ONU. La propagande, elle, ne fabrique que des illusions — et les illusions, dans la durée, se payent toujours cher.

A/Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet                                                                                                    « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. » 
https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

 

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