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L’accord franco-algérien de 1968, bouc émissaire d’une dérive de l’extrême droite

L’Assemblée nationale a adopté, à une voix près, une proposition de résolution du Rassemblement national demandant la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968. Le RN s’en félicite, voyant dans ce vote une victoire idéologique ; mais au-delà de ce succès symbolique, c’est une autre réalité, bien plus préoccupante, qui se dessine : la banalisation des thèses de l’extrême droite et le brouillage des repères républicains dans le débat politique français.

Un texte juridiquement vide  

Rappelons-le : une résolution parlementaire ne lie pas le gouvernement. Elle exprime une opinion, rien de plus. En droit international, un traité bilatéral comme l’accord de 1968 ne peut être dénoncé qu’en cas de violation manifeste par l’une des parties. Or, les reproches adressés à l’Algérie – notamment son prétendu refus de reprendre ses ressortissants sous OQTF – ne reposent sur aucune clause du traité.
L’accord de 1968 ne traite ni des expulsions, ni des obligations de quitter le territoire français. L’argument juridique du RN s’effondre donc à la première lecture.

Ce vote n’aura aucune conséquence pratique, mais il marque un tournant : pour la première fois, une partie de la droite républicaine, y compris des élus du groupe Horizons, a choisi de voter avec le RN. La ligne de défense républicaine, construite depuis quarante ans pour contenir la rhétorique nationaliste, s’effrite sous nos yeux.

Un accord mal compris, instrumentalisé depuis cinquante ans

Il faut aussi rappeler ce qu’est réellement cet accord de 1968. Conclu dans un contexte post-colonial, il visait à encadrer l’immigration algérienne, non à la favoriser. Il mettait fin à la liberté totale de circulation héritée des accords d’Évian, et introduisait un régime de visas et d’autorisations de travail.

Trois avenants successifs (1985, 1994, 2001) et l’instauration du visa obligatoire en 1986 ont encore restreint les droits des ressortissants algériens. Ce texte, souvent présenté comme un “privilège migratoire”, est en réalité l’outil d’un contrôle renforcé, non d’un avantage.
C’est dire combien le débat actuel repose sur une méconnaissance historique alimentée par la démagogie.

Des “avantages” imaginaires

Les opposants à l’accord dénoncent régulièrement de prétendus “passe-droits” accordés aux Algériens : un visa de court séjour qui ouvrirait tous les droits, un statut de commerçant trop facile à obtenir, un regroupement familial plus souple.
La réalité administrative dément ces affirmations :

  • le visa de court séjour ne permet ni de s’installer ni de travailler ;
  • le statut de commerçant nécessite un visa long séjour et reste difficile à obtenir ;
  • le regroupement familial, certes accessible après douze mois au lieu de dix-huit, reste soumis à des conditions strictes de logement et de ressources.

Il est même des domaines où les Algériens sont désavantagés, comme celui des étudiants ou des travailleurs temporaires. Bref, l’accord ne confère pas des privilèges : il crée un régime particulier, aujourd’hui largement neutralisé par le droit commun des étrangers.

Un symptôme inquiétant du brouillage politique

Le plus préoccupant n’est pas le contenu du texte voté, mais la symbolique politique du scrutin. Que des députés issus de la droite modérée ou du centre aient pu voter une proposition du RN montre combien les frontières idéologiques se sont estompées.
Le front républicain, jadis ciment de la vie politique française, se délite dans l’indifférence générale.
Et le plus frappant est la démobilisation des autres groupes parlementaires : sur 92 députés du groupe présidentiel, seuls 30 étaient présents. Ce silence est un signal : la fatigue démocratique ouvre un espace au populisme.

La tentation du simplisme

Derrière la querelle sur un accord vieux de cinquante ans, se cache une autre bataille : celle du récit national. En s’attaquant à un texte symbolisant la relation franco-algérienne, certains cherchent à rejouer l’histoire coloniale sous les habits de la souveraineté retrouvée.
Mais réduire la diplomatie à un instrument électoral, c’est confondre fermeté politique et fermeture identitaire.
Ce glissement – qualifié à juste titre de “tentation trumpiste” – met en péril la rationalité juridique et le sens de l’État.

Conclusion

L’accord de 1968 n’est ni la cause des déséquilibres migratoires, ni un obstacle à la souveraineté française. Son maintien ou sa renégociation relève du dialogue diplomatique, non du réflexe idéologique.
La France a besoin d’un débat sur l’immigration, certes, mais fondé sur les faits, non sur les fantasmes.
À force de céder aux discours simplistes, la démocratie risque de perdre ce qui la distinguait : la primauté du raisonnement sur la peur, du droit sur le ressentiment

En somme, le vote du 30 octobre 2025 ne change rien en droit, mais il change beaucoup en symbole : il révèle une classe politique qui se détourne de la complexité au profit de slogans.
Face à la démagogie, il est urgent de rappeler que la République ne se défend pas par la peur, mais par la raison.

Rappelons-le : une résolution parlementaire ne lie pas le gouvernement. Elle exprime une opinion, rien de plus. En droit international, un traité bilatéral comme l’accord de 1968 ne peut être dénoncé qu’en cas de violation manifeste par l’une des parties. Or, les reproches adressés à l’Algérie – notamment son prétendu refus de reprendre ses ressortissants sous OQTF – ne reposent sur aucune clause du traité.
L’accord de 1968 ne traite ni des expulsions, ni des obligations de quitter le territoire français. L’argument juridique du RN s’effondre donc à la première lecture.

Ce vote n’aura aucune conséquence pratique, mais il marque un tournant : pour la première fois, une partie de la droite républicaine, y compris des élus du groupe Horizons, a choisi de voter avec le RN. La ligne de défense républicaine, construite depuis quarante ans pour contenir la rhétorique nationaliste, s’effrite sous les yeux des politiques français

A/Kader Tahri / Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »  
https://kadertahri.blogspot.com/

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