Ah ! Cette Algérie, qui n’en finit
pas de perturber le sommeil des sujets du Makhzen Marocain et sa presse
courtisane, en quête de ragots de caniveau et de nouvelles diffamatoires. C’est
le journalisme des applaudissements au Palais, abreuve pour satisfaire ses
pulsions dans un bazar de bric et de brac, cela permet au moins de faire
oublier leur extraordinaire incurie ?
Une partie
de la presse marocaine transforme le dossier du Sahara occidental en récit
triomphaliste, confondant diplomatie et storytelling. Derrière les insultes et
les annonces d’une « victoire inévitable », la réalité reste celle d’un
processus onusien ouvert, où ni la panique ni la capitulation n’existent
Un article
paru récemment dans la presse marocaine prétend que « la panique gagne Alger »
à propos du dossier du Sahara occidental. Il y décrit une Algérie fébrile, un
Front Polisario aux abois, et même une hypothétique « intégration au Maroc
» qui serait, selon lui, désormais envisagée. Derrière les formules bravaches
et les insultes, l’article révèle surtout une mécanique bien connue :
transformer une analyse diplomatique complexe en récit manichéen, où le Maroc
serait le camp de la raison et l’Algérie celui du désarroi.
Le vocabulaire de l’injure, arme d’une faiblesse
argumentative
Le texte
abonde en termes tels que « baltaji », « voyou », « pantin
», « proxy ». Ce registre émotionnel ne relève pas de l’analyse mais de
la propagande. En rhétorique, on appelle cela un argument ad hominem :
discréditer la personne pour éviter de discuter le fond.
Or, la question du Sahara occidental ne se résume pas à des querelles
d’individus ; elle engage le droit international et la stabilité régionale.
Traiter un interlocuteur de « voyou » n’invalide pas son argument
; cela révèle simplement l’incapacité de celui qui écrit à lui répondre sur le
terrain des faits.
Confusion volontaire entre faits et pronostics
L’article
affirme que « le Conseil de sécurité s’apprête à consacrer le plan d’autonomie
marocain comme seule issue viable ». C’est inexact.
Les résolutions successives du Conseil, jusqu’à celle en préparation pour
octobre 2025, parlent d’une « solution politique, réaliste et durable,
fondée sur le compromis ». Nulle part le plan d’autonomie marocain n’est
décrit comme unique ou exclusif.
Les travaux préparatoires, consultables sur le site du Security Council
Report, montrent au contraire que les membres du Conseil débattent toujours
de la formulation finale ; les États-Unis, la Russie, l’Afrique du Sud et
d’autres pays y défendent des lectures différentes.
Présenter un résultat diplomatique non encore voté comme acquis relève donc
d’une manipulation de l’opinion, pas d’un travail d’information.
L’omission du texte original du Polisario : le biais
majeur
Le cœur de
l’article prétend commenter la « proposition élargie » adressée par le
Front Polisario au Secrétaire général de l’ONU. Mais à aucun moment il ne cite
le texte en question.
Le communiqué officiel, publié par l’agence sahraouie SPS le 21 octobre 2025,
affirme au contraire la volonté du mouvement « de contribuer à une solution
politique fondée sur le libre exercice du droit à l’autodétermination du peuple
sahraoui ».
Aucune phrase ne parle d’« intégration au Maroc ».
En inventant ce passage, le journaliste fait passer une interprétation
partisane pour une information. C’est contraire à toute déontologie.
Le cliché du « proxy » algérien
Qualifier le
Front Polisario de simple « proxy » de l’Algérie est un raccourci politique
commode mais historiquement faux. Depuis 1979, le Polisario est reconnu par les
Nations unies comme partie au conflit. Il administre les camps de
réfugiés de Tindouf sous supervision du HCR et entretient des relations
officielles avec de nombreux États.
L’Algérie soutient ouvertement la cause sahraouie — comme elle l’a fait pour
nombre de mouvements de libération nationale — mais la réduire à une direction
à distance est une négation de la réalité institutionnelle et historique du
mouvement.
Une « panique » médiatique sans fondement
Aucune
déclaration officielle, ni à Alger ni à Tindouf, ne fait état d’inquiétude ou
de revirement. Les positions demeurent identiques : soutien au processus
onusien, rejet des solutions unilatérales et appel au respect du droit à
l’autodétermination.
Il n’y a donc pas de « panique », simplement la continuité d’une ligne
politique constante. Le terme n’a qu’un objectif : psychologiser la diplomatie,
pour donner à l’opinion publique marocaine l’illusion d’un basculement
irréversible.
Les faits diplomatiques : Washington, l’ONU et la
réalité
L’article
invoque une prétendue « implication directe du président américain » et même un
« accord de paix sous 60 jours ». Aucune source publique, ni à la
Maison-Blanche ni à l’ONU, ne corrobore de telles affirmations.
Les États-Unis considèrent le plan d’autonomie marocain comme « sérieux et
crédible » — ce qui ne signifie pas exclusif. Leur position officielle demeure
le soutien à une solution négociée sous l’égide des Nations unies.
La diplomatie n’est pas un match de football où l’on proclame la victoire avant
le coup de sifflet final. La réalité internationale est faite de nuances, de
compromis et de rapports de force évolutifs.
Une presse disposée plutôt qu’informée
L’article
dont il est ici question illustre un phénomène plus large : la dérive d’une
partie de la presse régionale vers le rôle d’organe de communication d’État.
Lorsque le journalisme devient instrument de propagande, l’information cesse
d’éclairer pour ne plus que conforter. Les mots « paix », « autonomie » ou «
autodétermination » sont vidés de leur contenu juridique pour n’être plus que
des slogans.
Pourtant, la région maghrébine a besoin d’autre chose : d’un débat de fond, de
transparence, et d’une presse capable de dépasser le réflexe nationaliste pour
informer ses lecteurs avec rigueur.
Pour une approche lucide et apaisée
Ni l’Algérie
ni le Maroc n’ont intérêt à s’enfermer dans des guerres médiatiques. Le seul
terrain utile est celui du dialogue sous l’égide de l’ONU, où toutes les
parties — y compris le Polisario — sont appelées à participer.
Le respect du droit international, la coopération régionale et la stabilité du
Maghreb valent mieux que des campagnes d’invectives. La paix se construit sur
la reconnaissance mutuelle, pas sur l’humiliation de l’autre.
Conclusion
L’article
qui prétend voir « la panique à Alger » révèle surtout l’inverse : la fébrilité
d’une propagande qui cherche à maquiller la complexité en victoire totale.
La vérité, c’est qu’aucune solution durable ne naîtra de la désinformation.
Tant que le Conseil de sécurité n’aura pas tranché, tant que le peuple sahraoui
n’aura pas pu exercer son droit de choisir, rien n’est clos.
Informer, ce n’est pas exulter ; c’est éclairer.
Et dans cette affaire, la seule panique visible est celle de ceux qui
confondent communication et diplomatie.
A/Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. » https://kadertahri.blogspot.com/

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