L’article d’un
média d’extrémiste prétend dénoncer la tragédie de Gaza. En réalité, il ne la décrit
pas : il la falsifie. Ce texte, relayé par un média d’extrême droite, n’est pas
une analyse, mais une arme rhétorique déguisée en compassion. Derrière une
apparente indignation morale se cache une justification politique : celle de la
punition collective et de la guerre sans fin.
L’auteur ne
cherche pas à comprendre la catastrophe, mais à la purifier de tout contexte,
de toute complexité, de toute responsabilité partagée. Il érige une morale du
glaive — Israël serait la victime éternelle, les Palestiniens les complices de
leur propre malheur — et tout le reste serait mensonge. Il faut pourtant
remettre les faits à leur place, les mots à leur juste poids, et la vérité
au-dessus de la propagande.
L’histoire tronquée d’un siège
L’auteur
parle d’un « siège depuis plus de 10 ans ». La formule sonne dramatique, mais
elle trahit à la fois l’ignorance et le mépris des faits. Le blocus imposé à la
Bande de Gaza n’a pas dixt ans, mais dix-huit : il a été renforcé après
la prise du pouvoir par le Hamas en 2007. Depuis, Israël — avec l’appui
de l’Égypte — contrôle la quasi-totalité des entrées et sorties de personnes et
de biens.
Les Nations Unies le rappellent : ce blocus a détruit l’économie locale, fait
exploser le chômage, et transformé Gaza en prison à ciel ouvert (OCHA, The
Humanitarian Impact of 15 Years of Blockade on Gaza, 2022).
Ignorer ce
contexte, c’est mentir par omission. C’est effacer la responsabilité d’une
politique de confinement et de privation qui a préparé, depuis des années, la
tragédie actuelle.
Le chiffre des morts : quand le cynisme devient
méthode
L’article
rejette d’un revers de plume le chiffre de « 67 000 morts », le qualifiant «
d’évidemment faux ». Évidemment ? Non.
Selon les rapports de l’Office des Nations Unies pour la coordination des
affaires humanitaires (OCHA), au 4 mars 2025, le nombre de morts
palestiniens recensés à Gaza dépassait 111 000 personnes, un bilan
catastrophique, dont une majorité de femmes et d’enfants.
Qualifier de
« faux » un bilan humain simplement parce qu’il dérange la narration, c’est
l’essence même du négationnisme contemporain : l’incrédulité sélective.
Il n’existe aucune source israélienne ou internationale crédible proposant un
chiffre radicalement différent ; la seule différence réside dans les méthodes
de comptage. Refuser le nombre, c’est refuser de voir les morts.
Quand la
haine remplace la pensée
L’auteur
accuse le Hamas d’avoir « détruit la Palestine ». Ce raccourci sert à tout
effacer : le blocus, les frappes récurrentes, les destructions
d’infrastructures civiles, la misère d’une population enfermée depuis presque
deux décennies.
Oui, le Hamas a commis des crimes le 7 octobre 2023. Oui, il a pris des otages,
massacré des civils, et provoqué l’horreur. Mais confondre le Hamas et la
population de Gaza est une violence supplémentaire : c’est condamner un
peuple entier pour les actes d’une milice.
Ce n’est pas
le Hamas qui a rasé des quartiers entiers de Rafah, de Khan Younès ou de Gaza
City ; ce sont des bombardements aériens d’une intensité sans précédent. Ce
n’est pas le Hamas qui a interdit aux ambulances de circuler ; c’est un blocus
militaire. Ce n’est pas le Hamas qui a coupé l’eau, l’électricité, les
médicaments ; ce sont des décisions gouvernementales assumées. Faire de la
victime un coupable, c’est le plus vieux tour rhétorique de la guerre.
Le grand amalgame : critique d’Israël = haine des
juifs
Autre pilier
de cette tribune extrémiste : assimiler toute critique de la politique
israélienne à de l’antisémitisme. L’auteur prétend que « le 7 octobre a
réveillé la bête antisémite » et accuse les défenseurs de la Palestine d’être
des « idiots utiles ».
Ce procédé est doublement pervers. D’abord, il instrumentalise la mémoire de la
Shoah pour bâillonner toute discussion politique. Ensuite, il banalise
l’antisémitisme réel en le diluant dans le désaccord politique.
Il est tout
à fait possible — et nécessaire — de condamner les crimes du Hamas tout
en dénonçant les crimes de guerre d’Israël. Refuser cette dualité, c’est
trahir la vérité.
L’antisémitisme est une haine millénaire ; il ne doit pas devenir un bouclier
moral derrière lequel on justifie des massacres contemporains.
L’islamisme comme épouvantail universel
Enfin,
l’article se termine sur une vision apocalyptique : « les islamistes auront la
bombe atomique », « ils aiment la mort », « ils veulent conquérir le monde ».
Cette rhétorique, copiée mot pour mot des pamphlets colonialistes du XXᵉ
siècle, sert à une seule chose : justifier l’exception permanente, la
peur, la surveillance, la répression.
Comparer
l’islamisme au nazisme n’est pas une analyse ; c’est un cri de guerre. Ce
parallèle, répété depuis vingt ans, a produit quoi ? Des murs, des lois
d’exception, des bombes, et surtout : l’effacement de la distinction entre
islamisme, islam, et musulmans. L’amalgame devient système.
Quand le mensonge se pare de vertu
L’auteur
feint la compassion — il pleure « les larmes à sécher » — mais son texte suinte
le mépris.
Pas une ligne pour les hôpitaux détruits.
Pas un mot pour les 2 millions d’habitants privés d’eau potable.
Pas un souffle pour les familles qui dorment sous les décombres.
Juste une obsession : sauver l’honneur d’Israël, effacer la souffrance des
Palestiniens, transformer le deuil en plaidoirie géopolitique.
C’est cela,
la vraie ruine : celle du langage et de la pensée. Quand la compassion devient
propagande, la vérité devient une victime de plus.
Pour une parole lucide et humaine
Être lucide,
c’est refuser les simplismes. C’est pouvoir dire deux choses à la fois :
que le Hamas est une organisation criminelle, et qu’Israël a commis des actes
contraires au droit humanitaire. C’est refuser la logique de vengeance comme
substitut à la justice.
Ceux qui
s’obstinent à décrire Gaza comme une « plaie qu’elle s’est infligée à
elle-même » contribuent à déshumaniser un peuple. Ils prolongent la guerre
par le verbe.
Or, les mots comptent : ce sont eux qui, avant les bombes, construisent les
murs.
La dignité,
aujourd’hui, consiste à refuser la déshumanisation — quelle que soit la
bannière qui la pratique.
Conclusion : le devoir d’humanité
Le rôle du
journaliste, de l’écrivain, du citoyen, n’est pas d’attiser la peur, mais
d’éclairer la conscience. L’article « Ruines et mensonges » échoue à
cette mission : il recycle les clichés, travestit les faits, flatte les
instincts les plus bas.
Rétablir la
vérité n’est pas un exercice académique ; c’est un acte moral.
Parce que chaque mot faux, chaque caricature, chaque chiffre nié, prépare le
terrain aux prochains morts.
La ruine
véritable n’est pas à Gaza. Elle est dans les colonnes de ceux qui ont choisi
l’idéologie contre l’humanité.
A/Kader
Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet « Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. » https://kadertahri.blogspot.com/

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