Parfois il m'est utile de le dire !

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Flottille pour Gaza: Les pèlerins de la bonne conscience

 

Il y a, dans une partie de la presse française, une étrange jubilation à tourner en dérision toute expression de solidarité envers les Palestiniens. Les participants à la dernière flottille pour Gaza ont ainsi été décrits comme des “Croisés sans Dieu”, des “repus de bonne conscience”, des militants “subventionnés par leur indignation”. Sous couvert de lucidité, ce discours ne révèle rien d’autre qu’une lassitude morale : celle d’un monde qui préfère moquer la compassion plutôt que d’affronter sa responsabilité.

L’indignation comme résistance

Dans un moment où la guerre de Gaza s’achève à peine, où les décombres couvrent encore la bande côtière et où les familles comptent leurs morts, ces attaques contre des militants humanitaires ont quelque chose d’indécent.
On peut débattre des méthodes, on peut contester l’efficacité symbolique d’une flottille, mais réduire cet engagement à une mise en scène narcissique, c’est refuser de voir ce qu’il représente : une résistance morale à l’indifférence.

L’indignation n’est pas un luxe.
C’est la condition de toute société démocratique qui refuse de se soumettre à la fatalité du plus fort.
Elle ne relève pas d’une religion laïque, mais d’une conscience civique : celle qui rappelle qu’aucun État, quel qu’il soit, ne peut s’exonérer du droit international et de la morale humaine.

Défendre Gaza n’est pas haïr Israël

L’un des procédés rhétoriques les plus utilisés par les soutiens inconditionnels de la politique israélienne consiste à assimiler toute critique à de l’antisémitisme.
Ce glissement sémantique permanent permet d’éviter le fond du débat : les crimes de guerre, le blocus, les destructions massives et la négation des droits fondamentaux des Palestiniens.

Critiquer un État, ce n’est pas haïr un peuple.
C’est refuser qu’un gouvernement quel qu’il soit transformé la peur en doctrine politique.
C’est affirmer que la liberté, si chère à Israël, ne peut pas être confisquée par la violence.
La vraie amitié entre peuples, c’est celle qui ose dire la vérité, pas celle qui justifie l’injustifiable.

La fabrication de l’ennemi

L’article auquel nous répondons accuse “les indignés” de “fabriquer un ennemi” : Israël.
Mais c’est précisément l’inverse qui s’y joue.
L’auteur construit, pièce par pièce, la figure repoussoir de “la gauche européenne inféodée”, des “humanitaires hypocrites”, des “militants doudous”.
Cette fabrication d’un ennemi intérieur permet de détourner le regard des véritables responsabilités : celles de l’occupation, de l’impunité militaire et de la cécité diplomatique de l’Occident.

Ce procédé n’est pas nouveau.
Il s’inscrit dans une longue tradition de disqualification morale des mouvements de solidarité internationale, accusés de “faiblesse” dès lors qu’ils rappellent l’universalité des droits humains.
Mais cette faiblesse supposée est, en réalité, une force : celle de continuer à croire que la dignité ne se négocie pas.

La vraie imposture

La véritable imposture morale n’est pas du côté de ceux qui s’indignent, mais de ceux qui ont cessé de le faire.
Derrière la posture du “réalisme”, il y a souvent la résignation.
Derrière la dénonciation des “indignés professionnels”, il y a le confort de ceux qui n’ont rien à perdre ni proches sous les bombes, ni illusions à défendre.

Moquer la compassion, c’est se protéger de la honte.
Mais la honte, parfois, est le début du courage.
Ceux qui prennent la mer pour Gaza ne prétendent pas changer le monde ; ils refusent seulement qu’on continue à le laisser couler.

Redonner sens à la parole publique

Dans un temps saturé de discours sécuritaires et d’inversions accusatoires, maintenir vivante la parole humaniste est déjà un acte politique.
Il ne s’agit pas de choisir un camp contre un autre, mais de refuser le cynisme comme horizon.
De rappeler que la démocratie ne se défend pas par la censure de l’empathie, mais par la reconnaissance de l’autre.

Ceux qu’on raille aujourd’hui comme “pèlerins de la bonne conscience” sont, en réalité, les derniers à croire que les mots peuvent encore empêcher les murs.
Et si cela dérange tant, c’est peut-être parce que leur indignation nous renvoie à notre propre silence.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

 

 


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