La presse française aime se présenter comme le rempart de la démocratie et le garant de la liberté d’expression. Pourtant, elle se replie trop souvent sur une pensée uniforme, se tait sur certains drames et se soumet à des pressions invisibles. Cette dérive, nourrie par la concentration des médias et l’autocensure, menace directement notre pluralisme et notre vie démocratique. Elle se drape dans les habits de la liberté, mais vend sa plume aux puissants. Elle se proclame vigie de la démocratie, mais choisit ses indignations selon l’agenda des lobbies. La presse française n’est plus un contre-pouvoir : elle est devenue un rouage du système
Tribune : La presse française aime se
présenter comme le quatrième pouvoir, garante de la démocratie et
de la liberté d’expression. Pourtant, force est de constater qu’elle
peine à remplir ce rôle essentiel. L’article d’A.M., qui compare la presse à
une « maison close de l’opinion », choque par son image, mais il met le doigt
sur une réalité trop souvent passée sous silence :
La presse
française s’uniformise, s’autocensure et finit par trahir sa mission de contre-pouvoir.
La presse française aime à donner des leçons. Elle s’érige en gardienne des
valeurs démocratiques, en phare de la liberté d’expression. Mais derrière ce
masque, que reste-t-il ? Une profession alignée, soumise, servile. Une
presse qui prétend informer alors qu’elle formate. Qui se prétend
indépendante alors qu’elle obéit.
Un pluralisme de façade ; En démocratie, nous devrions pouvoir
compter sur une presse diverse, capable de confronter les idées et de nourrir
le débat. La diversité médiatique est un mythe. Du Monde au Figaro, du Parisien
à Libération, le même discours s’impose, la même lecture s’impose, les mêmes
indignations sont servies à la chaîne. Les débats contradictoires sont une
illusion : la pensée unique a colonisé les colonnes. La démocratie exige
la confrontation des idées, mais la presse française a choisi la conformité.
Les éditoriaux se ressemblent, les angles se répètent, les indignations sont
sélectives. Cette uniformité, que nous dénonçons dans les régimes autoritaires,
est devenue la norme confortable de nos propres médias.
Deux poids, deux mesures ; Cette indignation sélective
est particulièrement visible dans le traitement des drames internationaux.
Lorsque la journaliste russe Anna Politkovskaïa a été assassinée, la presse
française a unanimement exprimé son émotion. Mais face aux centaines de
journalistes palestiniens tués ces derniers mois, le silence est assourdissant.
Pas de grandes Unes, pas d’éditoriaux enflammés, pas de mobilisation syndicale.
Comme si la valeur d’une vie journalistique dépendait de son origine ou du
contexte politique. Cette attitude nourrit un profond malaise. Pas d’Unes
indignées. Pas de mobilisation. Pas de larmes publiques. Deux poids, deux
mesures. Deux humanités. La vie d’un journaliste ne devrait pas valoir plus
ou moins selon sa nationalité ou son camp. Une presse qui hiérarchise les
victimes perd une part de son humanité et de sa crédibilité. Pourtant, c’est exactement ce que fait notre
presse. :
Autocensure et pressions invisibles. Contrairement aux dictatures, il
n’existe pas en France de censure officielle par décret. Mais une censure plus
subtile agit : pressions éditoriales, peur de perdre sa place,
dépendance aux actionnaires, influence des lobbies. Les exemples ne
manquent pas : journalistes écartés pour avoir défendu une vision moins
conforme, intellectuels contraints de nuancer leurs propos pour rester publiés,
débats étouffés. Cette autocensure insidieuse réduit l’espace du débat
démocratique et appauvrit la pensée collective. L’autocensure fait le
travail. Les pressions économiques, la peur de déplaire aux actionnaires, les
lobbies omniprésents suffisent à museler. Des journalistes sont écartés pour
avoir osé briser le consensus. Des intellectuels tempèrent leurs propos par
peur d’être bannis des colonnes ou des plateaux télé. Ici, pas de prison. Mais
la sanction est tout aussi efficace : le silence, l’exclusion, l’oubli
Quand le pouvoir économique dicte la ligne éditoriale :
Le cœur du
problème est là : la presse française appartient à une poignée de milliardaires
– Bolloré, Arnault, Niel, Dassault. Comment croire à l’indépendance quand les
propriétaires des médias sont aussi les grands bénéficiaires de décisions
politiques et économiques ? Un journaliste dépendant de son patron ne peut
pas être un contre-pouvoir. Cette dépendance structurelle a transformé la
presse en outil de domination.
Le problème
est structurel : fragilise l’indépendance éditoriale. Comment croire à une information
libre quand la survie financière d’un journal dépend de la bienveillance de son
propriétaire ou de ses annonceurs ? Cette dépendance crée un climat de
servilité où l’indépendance journalistique devient un luxe, non une
règle.
Pour une presse réellement indépendante : Il ne suffit pas de dénoncer. Il
faut agir. Plusieurs pistes existent :
- Soutenir les médias
indépendants
financés directement par leurs lecteurs (Mediapart, Blast, Reporterre,
etc.).
- Exiger une transparence
totale sur les liens entre rédactions et actionnaires.
- Défendre les journalistes
victimes de pressions ou menacés pour leurs enquêtes.
- Promouvoir l’éducation
critique aux médias, afin que les citoyens ne se contentent pas d’une
seule source d’information.
Il est temps
de rompre avec cette servitude volontaire. De soutenir les médias indépendants
qui vivent de leurs lecteurs, pas des annonceurs. D’exiger une transparence
totale sur les financements et les influences. De protéger les voix dissidentes
au lieu de les faire taire. Et surtout, d’éduquer les citoyens à ne jamais
consommer l’information comme un produit fini, mais à la questionner, la
comparer, la contester.
Conclusion : le courage de l’information : Une démocratie sans presse libre est
une démocratie malade. Lorsque la presse devient un relais de propagande ou un
instrument de domination, elle cesse d’être un pilier républicain pour devenir
un outil de contrôle. La presse peut être deux choses : un contre-pouvoir ou
un outil de propagande. Aujourd’hui, en France, elle a choisi son camp.
Elle s’est couchée. Elle a vendu son âme. Mais une démocratie sans presse libre
n’est plus une démocratie : c’est une façade. Alors, face à ce naufrage, le
choix est simple : ou bien nous reprenons la presse, ou bien nous perdons la
démocratie. C’est dans cette circonstance déplorable, que je n’accorde
aucune confiance à cette presse française. L’habit ne fait pas le moine.
Il est
urgent de rappeler que la liberté d’informer n’est pas une option, mais
une nécessité vitale. Défendre une presse réellement indépendante, pluraliste
et courageuse, ce n’est pas seulement protéger les journalistes : c’est
protéger la démocratie elle-même.
Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. »
https://kadertahri.blogspot.com/

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