Une tribune moins important nous dit des prouesses de Tsahal et du Mossad, au demeurant impressionnantes que par le énième rappel nous fait de la puissance de la propagande. Pourtant comme toujours les alliés d’Israël s’épuisent par des contre-récits qui ne convainquent guère au-delà du cercle sioniste. Mais en assimilant systématiquement le Hamas au nazisme et en généralisant ses accusations, le texte de cette tribune illustre lui-même ce qu’il prétend combattre : une bataille de récits où la nuance disparaît et où la complexité est sacrifiée au profit d’une rhétorique binaire.
Dans une
récente tribune à tendance sioniste célèbre les « prouesses » du Mossad et de
Tsahal dans l’élimination de figures stratégiques du Hamas, du Hezbollah ou des
Houthis. Mais au-delà de cette énumération de succès militaires, le texte
cherche surtout à dénoncer la puissance de la propagande adverse, accusée
d’avoir transformé le Hamas en symbole de résistance et d’avoir relégué les
victoires israéliennes au second plan.
Pourtant, ce
texte dit finalement peu de chose de nouveau sur les prouesses israéliennes.
Son véritable apport est ailleurs : il illustre, à son insu, la manière dont le
débat sur la propagande du Hamas se mue lui-même en un exercice de propagande
inversée.
Le constat
est juste : Israël gagne ses batailles tactiques, mais perd la guerre des
récits. La résistance du Mouvement Hamas, sans disposer d’armées régulières
comparables, s’impose dans l’opinion mondiale grâce à une narration fondée sur
l’injustice et la souffrance. Mais c’est justement sur ce terrain que la
tribune se révèle contre-productive.
Car pour
démontrer la nocivité de la propagande palestinienne, l’auteur en adopte
lui-même les armes : analogies extrêmes avec le nazisme, figure de Goebbels
convoquée pour qualifier Abou Obeida, dénonciation globale de l’ONU, de
l’UNRWA ou encore des journalistes gazaouis assimilés à des « complices ».
Cette rhétorique, binaire et saturée d’accusations, ne convainc pas au-delà du
cercle acquis. Elle enferme le débat dans une opposition manichéenne : Israël
serait synonyme de vérité et d’efficacité, La résistance du Mouvement Hamas, et
ses soutiens n’incarneraient que haine et mensonge.
Or c’est
précisément cette absence de nuance qui alimente la défiance. Réfuter les
accusations de « génocide » ou « d’apartheid » en les qualifiant
simplement de « mots mensonge » ne suffit pas. Il faudrait s’interroger
sur les raisons profondes pour lesquelles ces termes trouvent une telle
résonance dans l’opinion internationale : images d’enfants blessés, quartiers
détruits, blocage de l’aide humanitaire. Les ignorer ou les balayer d’un revers
de main renforce le soupçon de déni.
La guerre
des récits ne se gagne pas par une contre-propagande encore plus martiale. Elle
suppose de reconnaître la complexité, d’admettre les zones grises, et de parler
un langage crédible, au lieu de se réfugier dans un discours défensif et
moralisateur. La supériorité militaire d’Israël ne fait aucun doute. Mais sa
parole reste enfermée dans un registre technocratique et accusatoire, incapable
de rivaliser avec la charge émotionnelle de la narration adverse.
En dénonçant
la propagande de la résistance du Mouvement Hamas, tout en y répondant par une
autre propagande, cette tribune illustre un piège récurrent : transformer un
constat lucide en discours aveugle. Si Israël et ses alliés veulent un jour
inverser la tendance, ils devront comprendre que convaincre ne consiste pas
seulement à vaincre. La guerre de l’opinion exige autre chose qu’une liste de
frappes réussies ou de mensonges dénoncés : elle exige un récit humain,
complexe, capable d’émouvoir sans manipuler, et de convaincre sans écraser.
Lorsque l’article affirme que « les enfants palestiniens ont été élevés dans
la haine », il ne décrit pas une réalité, il construit une image totale et
immuable de l’ennemi. Tout est amalgamé : La résistance du Mouvement Hamas, Autorité
Palestinienne, UNRWA, familles, enseignants. L’école palestinienne ne serait
plus qu’un laboratoire de haine, l’UNRWA complice criminelle, les parents
simples relais d’un endoctrinement religieux impitoyable. Mais cette
présentation caricaturale sert moins à informer qu’à délégitimer.
Oui, l’instrumentalisation des enfants dans les conflits est une tragédie,
et personne ne peut nier que certains manuels scolaires palestiniens ou
certains discours officiels entretiennent un imaginaire de confrontation. Mais
réduire toute une génération à une « haine incrustée » revient à nier leur
humanité, à ignorer les témoignages d’enseignants, d’associations, de familles
qui aspirent à autre chose qu’à la guerre.
Là encore, la dénonciation de la propagande adverse se transforme en
propagande miroir : on essentialise, on généralise, on enferme. Ce procédé
empêche toute réflexion sérieuse sur la manière dont la violence, l’occupation,
la misère ou le désespoir façonnent les représentations. La haine n’est pas une
essence héréditaire, elle est le fruit d’un contexte politique et social qui,
lui, peut changer. Mais pour le reconnaître, encore faut-il sortir du confort
du récit binaire.
« L’éducation dans la haine » : un récit trop commode
L’article
affirme que les enfants palestiniens sont « élevés dans la haine
» par leurs familles, leurs écoles, l’Autorité Palestinienne, La résistance du
Mouvement Hamas et même l’UNRWA. Cette généralisation radicale n’analyse pas
une réalité : elle fabrique une image essentialisée de l’adversaire.
Certes, il
est incontestable que des manuels, des prêches et certains discours officiels
entretiennent une vision antagoniste et véhiculent des stéréotypes dangereux.
Mais réduire toute une société à une « haine incrustée » revient à nier la
diversité des trajectoires, à effacer les initiatives éducatives alternatives
et les voix palestiniennes qui aspirent à autre chose qu’à l’affrontement
permanent.
Qualifier
l’UNRWA de « complice criminelle » relève davantage du procès idéologique que
de l’enquête rigoureuse : aucune organisation internationale ne résiste à la
tentation de la critique, mais balayer son rôle en bloc occulte aussi son
action quotidienne auprès de millions de réfugiés.
Ce type de
discours ne combat pas la propagande, il la mime : il essentialise, généralise,
délégitime. En enfermant les enfants palestiniens dans une identité de « haine
», il rend impossible toute perspective de réconciliation future. Or la haine
n’est pas un gène transmis à la naissance, c’est un produit de contextes
politiques et sociaux — et c’est précisément parce qu’elle est produite qu’elle
peut, à terme, être déconstruite.
Abou Obeida n’était pas seulement un porte-parole : il incarnait la
stratégie médiatique du Hamas, celle qui transforme chaque événement en arme
narrative. Sa mort, pour symbolique qu’elle soit, ne met pas fin à ce système.
Car la véritable force du Hamas ne réside pas seulement dans ses combattants ou
ses infrastructures souterraines, mais dans sa capacité à imposer un récit qui
dépasse les frontières de Gaza.
Cette propagande fonctionne d’autant mieux qu’elle trouve un terrain fertile
à l’international. Dans nos sociétés, où l’émotion collective précède souvent
l’analyse, les images de destructions et de souffrances se substituent aux
explications, et le Hamas sait les instrumentaliser. L’essentiel de la
bataille, dès lors, ne se joue plus seulement au Proche-Orient : il se déroule
aussi dans l’espace médiatique et politique occidental, où les récits circulent,
se simplifient et façonnent l’opinion.
La résistance du Mouvement Hamas a su développer une stratégie de
communication singulière : présenter ses actions armées comme des actes de
résistance, tout en exploitant médiatiquement les conséquences des ripostes
israéliennes. Là où d’autres mouvements révolutionnaires du XXe siècle misaient
sur l’héroïsme ou la pureté idéologique, La résistance du Mouvement Hamas combine
deux registres : la fierté interne d’avoir frappé l’ennemi et l’image externe
d’un peuple écrasé qui réclame justice. Ce « double discours » lui permet de
fédérer ses partisans tout en séduisant une opinion internationale sensible aux
récits de victimisation.
Pourtant, ce texte dit finalement peu de chose de nouveau sur les prouesses
israéliennes. Son véritable apport est ailleurs : il illustre, à son insu, la
manière dont le débat sur la propagande La résistance du Mouvement Hamas se mue
lui-même en un exercice de certitude inversée.
L’article de la tribune en question
reste juste une suite de périphrases intellectuelles visant encore une fois à
transformer les assassins sionistes en victimes juives. Ils ne mentent pas, ils
sont en quelque sorte le mensonge.
Qu’est-ce que ça va être quand les gens vont
comprendre que leurs mensonges ne se limitent pas aux 40 bébés de
décapités ?
Il faudrait tout de même qu’un jour, ils changent de disque car celui-ci est
usé jusqu’à la trame, car il est aisément palpable que mise à
part les Palestiniens, pour beaucoup de société monde autour du
globe, la disparition d’Israël est devenue promesse de rachat.
Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. »
https://kadertahri.blogspot.com/

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