Introduction : Depuis la fondation de l’État d’Israël en 1948, la
question israélo-palestinienne cristallise débats académiques et passions
politiques. Pour de nombreux chercheurs, ce conflit ne peut se comprendre sans
être situé dans le cadre du colonialisme de peuplement (Wolfe, 2006 ; Pappé,
2006), caractérisé par la dépossession des populations autochtones et
l’imposition d’un nouvel ordre socio-politique. Gaza, qualifiée de « prison à
ciel ouvert » (Finkelstein, 2018 ; Roy, 2016), incarne l’expression
contemporaine de cette logique coloniale.
Cet article
propose une analyse critique en quatre temps :
- Le colonialisme israélien, ses
continuités et mutations.
- La violence et la résistance
dans une dynamique de domination.
- La fracture morale entre
judaïsme israélien et judaïsme diasporique.
- Les perspectives éthiques et
politiques pour l’avenir.
Le
colonialisme israélien : continuités et transformations : L’établissement d’Israël s’est
accompagné de la Nakba, c’est-à-dire l’expulsion de plus de 700 000
Palestiniens (Pappé, 2006 ; Masalha, 2012). Ce processus fondateur a instauré
une dynamique de dépossession et de marginalisation qui perdure.
À Gaza,
malgré le retrait des colonies en 2005, Israël conserve un contrôle
territorial, maritime et aérien, ainsi qu’une domination économique et
militaire. Cette enclave de 365 km², peuplée de plus de deux millions
d’habitants, reste dépendante de décisions extérieures pour ses ressources
vitales. Human Rights Watch (2021) et B’Tselem (2021) qualifient ce système de régime
d’apartheid, fondé sur une discrimination structurelle et systématique.
Violence, résistance et cycles de représailles : Les violences du 7 octobre 2023,
condamnées au niveau international, s’inscrivent dans une histoire longue de
domination et de désespoir. Comme l’a montré Frantz Fanon (1961), la violence
coloniale engendre des formes violentes de résistance, perçues par les
colonisés comme une libération.
La doctrine
israélienne de « tondre la pelouse » (Eiland, 2010) illustre une gestion
militaire du conflit : affaiblir le Hamas régulièrement sans chercher de
solution politique durable. Les bombardements massifs, documentés par Amnesty
International (2023), ont provoqué des milliers de morts civils, renforçant la
perception d’un système colonial fondé sur la force brute.
Judaïsme israélien et judaïsme diasporique : une fracture morale ?
Le conflit
révèle une tension croissante entre :
- Le judaïsme israélien, marqué
par une logique de survie nationale et de durcissement identitaire.
- Le judaïsme diasporique, notamment
américain, qui continue de valoriser une éthique universaliste fondée sur
la justice et la compassion (Levinas, 1969).
Judith
Butler (2012) et Shaul Magid (2023) soulignent que le judaïsme en diaspora
cherche à se dissocier d’un sionisme perçu comme identitaire et exclusif. Cette
divergence pourrait annoncer un repositionnement du judaïsme mondial, où Israël
ne serait plus le centre unique de référence.
Colonialisme, morale et avenir : Comme le rappelle Schopenhauer, la
compassion est la base de toute morale. Un projet politique qui nie l’humanité
de l’Autre est condamné à l’échec. Des intellectuels palestiniens comme Rashid
Khalidi (2020) insistent sur la nécessité de dépasser le paradigme colonial
pour envisager une paix juste et durable.
La diaspora
juive, historiquement engagée dans des luttes pour les droits civiques
(Feingold, 1995), pourrait jouer un rôle central dans cette transformation, en
s’alliant à d’autres mouvements progressistes et en réaffirmant une tradition
éthique de justice et d’égalité.
Conclusion : L’histoire israélo-palestinienne illustre les logiques
du colonialisme de peuplement : dépossession, enfermement, cycles de violence.
Mais elle révèle également une fracture interne au judaïsme, entre un pôle
nationaliste centré sur Israël et un pôle diasporique fidèle à des valeurs
universelles. L’avenir dépendra de la capacité à dépasser ce paradigme colonial
et à inscrire la coexistence sur le fondement de l’égalité.
Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme
ça. »
https://kadertahri.blogspot.com/

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