Parfois, il m'est utile de le dire ?

L’Algérie face à la France : souveraineté assumée contre visions biaisées

 

Depuis plusieurs décennies, les relations entre l’Algérie et la France oscillent entre rapprochements prudents et ruptures soudaines. Certains articles récents, notamment à propos de la reconnaissance française du Sahara occidental comme marocain, laissent croire que l’Algérie réagit de manière émotive et subordonnée aux aléas de la politique intérieure française. Cette lecture simpliste est réductrice, car elle occulte les dynamiques profondes de la diplomatie algérienne et les choix stratégiques opérés par l’État algérien depuis 1962.

La diplomatie algérienne : une doctrine de souveraineté, pas une réaction épidermique

Contrairement à l’image d’un pays « surpris » ou « vexé » par la décision française, l’Algérie suit une ligne diplomatique constante défense des principes de souveraineté et d’autodétermination, hérités de la lutte de libération nationale, engagement ferme en faveur des causes justes, comme celle du peuple sahraoui, appuyée par les résolutions de l’ONU et la jurisprudence de la Cour de justice européenne et surtout refus des ingérences étrangères et rejet de toute forme de tutelle néocoloniale.

Loin d’être réactive, l’Algérie applique une doctrine claire qui ne varie pas au gré des caprices de Paris.

Le Sahara occidental : une question de droit, non de rivalité

Réduire la position algérienne à une opposition mécanique au Maroc ou à une réaction « de surprise » face à la France est une contre-vérité. Depuis son indépendance, l’Algérie a toujours soutenu le principe de l’autodétermination des peuples. Le Sahara occidental n’est pas une querelle bilatérale mais une question de droit international : les Nations Unies considèrent ce territoire comme non autonome. Le soutien algérien n’est donc ni une invention récente, ni une « réaction à Macron », mais une position cohérente et constante.

La mémoire coloniale : une ligne rouge

Les propos du président Macron, reprenant des mythes tels que « les bienfaits de la colonisation » ou « l’Algérie, une création française », ne peuvent être réduits à de simples maladresses électoralistes. Ils constituent une atteinte frontale à la mémoire algérienne et une négation des crimes coloniaux. Ils trahissent la persistance, au sein de certaines élites françaises, d’une vision condescendante et coloniale. En Algérie, cette ligne rouge ne peut être franchie sans conséquences : elle touche à l’ADN même de la nation, forgée dans la lutte contre la colonisation.

Le Hirak et la refondation de l’Algérie : un choix de rupture

L’article évoque le Hirak de 2019 comme un simple facteur aggravant des tensions avec la France. Mais il s’agit d’un mouvement profond qui a réaffirmé la volonté du peuple algérien de disposer pleinement de son destin, favorisé l’émergence d’une nouvelle gouvernance, incarnée par le président Abdelmadjid Tebboune  qui a conduit à une reconfiguration des alliances internationales, avec une diversification assumée vers la Chine, la Russie, la Turquie, les BRICS, mais aussi l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, les États-Unis et l’Inde.

L’Algérie ne s’éloigne pas de la France par ressentiment, mais parce qu’elle construit une politique étrangère indépendante, adaptée aux réalités du XXIᵉ siècle.

Une puissance régionale en ascension

Aujourd’hui, l’Algérie est loin d’être une puissance périphérique dépendante, elle est un acteur clé en Méditerranée, au Maghreb et au Sahel, elle dispose de ressources stratégiques (hydrocarbures, minéraux) et d’un marché de 47 millions de consommateurs, elle est classée parmi les 25 premières puissances militaires mondiales, avec une expertise reconnue en matière de lutte contre le terrorisme, elle attire désormais l’attention de puissances qui rivalisent avec la France pour renforcer leurs relations (États-Unis, Chine, Russie, Turquie, Inde, Allemagne, Italie, Espagne).

Ce n’est pas l’Algérie qui reste prisonnière d’un lien colonial, mais bien la France qui peine à se défaire d’une vision réductrice et passéiste.

Conclusion : dépasser le prisme colonial

Les tensions actuelles entre l’Algérie et la France ne résultent pas d’une « susceptibilité » algérienne ou d’une réaction circonstancielle. Elles traduisent une réalité plus profonde l’Algérie refuse d’être perçue comme une ancienne colonie sous tutelle, elle affirme son indépendance diplomatique et stratégique, elle construit des partenariats diversifiés qui repositionnent la France au rang d’acteur parmi d’autres.

L’avenir des relations franco-algériennes dépendra de la capacité de Paris à abandonner ses réflexes coloniaux et à reconnaître l’Algérie comme un partenaire souverain, et non comme une extension de ses débats intérieurs.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 

 

 


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