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Frères musulmans : la menace fantôme qui fait trembler la République

 

Faire peur, un art de gouverner à la française

La France adore avoir peur. Peur des banlieues, peur des jeunes, peur du voile, peur de l’« islamisme rampant ». C’est presque un sport national : quand le pouvoir patine sur l’économie, la justice sociale ou la crise démocratique, il ressort un épouvantail pratique. Dernier joujou en date ? Les Frères musulmans.

Un rapport classé confidentiel défense, révélé par Le Figaro (évidemment), explique que cette organisation transnationale représente une « menace pour la cohésion nationale ». Rien que ça. Sauf que, détail cocasse : ce même rapport reconnaît que le mouvement est en perte de vitesse, qu’il ne regroupe que 7 % des mosquées, et qu’il ne prône pas la violence. Une menace fantôme, donc. Mais une menace bien utile.

Les Frères Musulmans sont une création des services secrets britanniques ; après la chute de l’Empire Ottoman, les pays musulmans nouvellement créés étaient politiquement occupés à devenir économiquement indépendants, dans une équation où la modernité qui devait rendre au développement ce qui revenait au développement, et à Dieu ce qui revient à Dieu, était l’équivalent de la laïcité, et les élites politiques de ces pays étaient imperméables à l’idéologie franc maçonne.

Les FM ont été des mouvements d’opposition utilisés contre les dirigeants arabes modernistes et non alignés, tout comme la FM est utilisée pour sélectionner et neutraliser les acteurs politiques dans les pays occidentaux.

Nasser avait été le premier à dénoncer l’arnaque, en pointant l’absurdité du fait de centrer le débat politique sur des revendications musulmanes pour prôner l’islamisation d’un pays musulman, aux dépens des vrais enjeux économiques, industriels, éducatifs...


Islamisme municipal ou peur municipale ?

L’expression a tout pour faire frissonner : « islamisme municipal ». On imagine déjà des mairies transformées en califats locaux, des conseils municipaux votant la charia à l’unanimité. En réalité ? Rien de tout ça. On parle d’associations locales, de mosquées de quartier, d’un réseau militant qui tente d’exister dans le jeu démocratique.

Mais pour les stratèges de la peur, la discrétion devient suspecte : si ça se voit, c’est dangereux ; si ça ne se voit pas, c’est encore pire. Autrement dit : les Frères musulmans sont coupables par nature, coupables d’exister.


Le sport national : faire trembler les gens

Soyons clairs : faire trembler les Français est devenu une technique de gouvernance. Le scénario est toujours le même :

Un rapport classifié sort par une fuite opportune.

Un grand quotidien relaie l’alerte (souvent le même).

Un ministre indigné promet des mesures fermes.

L’opinion publique, nourrie de peur, applaudit ou s’inquiète.

Et le problème de fond – chômage, inflation, fracture sociale – passe au second plan.


Une inversion accusatoire bien connue

Certains observateurs rappellent que pendant qu’on nous parle de la « pieuvre islamiste », personne ne s’inquiète des réseaux communautaires pro-israéliens qui, eux, influencent ouvertement la vie politique et médiatique française. On détourne l’attention avec le Hamas pour mieux oublier Gaza. C’est le vieux principe de l’inversion accusatoire : accuser l’autre de ce qu’on pratique soi-même.

Qu’on adhère ou pas à cette lecture, elle met en lumière un point : le discours officiel n’est pas neutre. Il est instrumentalisé par des rapports de force géopolitiques.


Une menace utile, pas une menace réelle

Ce rapport ne démontre pas que les Frères musulmans vont instaurer la charia à Marseille ou à Roubaix. Ce qu’il démontre, c’est que le pouvoir a besoin d’un ennemi intérieur pour justifier son autorité. Peu importe que l’ennemi soit faible ou marginal : il doit être présenté comme redoutable.

Résultat : une peur rentable politiquement. Rentable pour détourner l’attention, rentable pour serrer les rangs autour de la « République en danger », rentable pour nourrir les plateaux télé.


Conclusion : la République menacée… par sa propre propagande

Au fond, les Frères musulmans ne sont pas le problème majeur de la France. Le vrai problème, c’est un État qui confond vigilance et paranoïa, analyse et propagande.
La menace fantôme des Frères musulmans est moins un danger pour la République qu’une aubaine pour un pouvoir en quête d’ennemis imaginaires.

Les acteurs politiques s’entendent tous pour capitaliser sur la segmentation par l’islamisme, alors que quand il faut déterminer les causes du déclassement de la France, de sa vassalisation et de son dépeçage programmé, tous les irresponsables politiques sont bien embêtés de ne pouvoir coller ça sur le dos des musulmans, mais bien contents que les diversions par l’islamisme neutralisent le temps qui ne sera jamais utilisé pour aborder les frais sujets en rapport avec les préoccupations de tous les Français.

La France n’est pas menacée par un califat municipal. Elle est menacée par une gouvernance de la peur, où l’on brandit sans cesse un danger fantôme pour éviter de parler du réel. La véritable question est donc :

Qui la peur protège-t-elle ? La République… ou ses dirigeants ?

Comme toujours, on finit par se demander : la peur, c’est pour protéger les citoyens… ou pour protéger les gouvernants ?

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

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