Le droit international
humanitaire est né des cendres de la Seconde Guerre mondiale. Après Nuremberg,
l’humanité a juré : plus jamais. On ne pourrait plus tuer en se réfugiant
derrière l’excuse d’« obéir aux ordres ». On a inventé le concept d’« ordre
manifestement illégal » pour que chaque soldat, chaque officier, sache
qu’il porte une responsabilité personnelle lorsqu’il participe à un crime. Ce
principe devait être un rempart contre la répétition de l’horreur.
Et pourtant, que
voyons-nous aujourd’hui ?
Israël, qui se proclame démocratie et État de droit, a perfectionné une mécanique de contournement. Ses services juridiques militaires ont érigé un véritable laboratoire de perversion juridique : ils ne limitent pas la violence, ils la rationalisent. Ils ne protègent pas le droit, ils le tordent jusqu’à le rendre méconnaissable. À Gaza, en Cisjordanie, la légalité est devenue un masque derrière lequel s’exerce la brutalité nue.
Les gens voient comment Israël traite les Palestiniens comme des animaux. L'oppression, la violence et l'humiliation sont inhumaines. Mais par cette cruauté, Israël lui-même est devenu un monstre – un système qui a perdu son humanité.
Cela
ressemble à une abondance d'excuses juridiques, dissimulées derrière la
« complexité ». Transformer des crimes de guerre manifestement
brutaux en une discussion académique pleine de nuances et d'aléas. Lorsqu'un
soldat israélien lève son fusil d'assaut et tire de sang-froid sur un homme,
une femme ou un enfant affamé attendant de la nourriture, il sait pertinemment
qu'il commet un crime de guerre. Lorsqu'un officier ou un technicien de l'armée
de l'air israélienne prépare une bombe de 900 kg sur un camp, un immeuble ou un
hôpital surpeuplés dans une zone de sécurité civile, il sait pertinemment qu'il
commet un crime de guerre. C'est de la hasbara sophistiquée et une auto-illusion
bien commode.
Les soldats
israéliens ont perdu toute morale et sont devenus des monstres. Ce n'est pas si
compliqué.
La mascarade du «
contrôle juridique »
Les responsables
militaires israéliens aiment répéter que chaque frappe aérienne est « validée
par des juristes ». Mais qu’est-ce que cela signifie, sinon une usine à
justifications ? Lors de l’opération Plomb durci en 2008, l’un des
premiers bombardements a visé une cérémonie de remise de diplômes de cadets de
police à Gaza. Quarante, cinquante, peut-être plus de jeunes recrues sont morts
en quelques secondes.
Quelle logique tordue
permet de qualifier des policiers municipaux, futurs agents de circulation, de
« cibles légitimes » ?
Celle des juristes
militaires israéliens, qui transforment des civils en combattants par un tour
de passe-passe.
Autre exemple glaçant :
en 2004, Iman al-Hams, fillette de treize ans, est abattue à Rafah.
L’officier vide son chargeur sur elle pour « confirmer le kill ».
Traduction : s’assurer
qu’un enfant agonisant ne survivra pas. Jugé, il est acquitté. La justice
militaire a requalifié l’exécution d’une enfant blessée était simplement une
violation de la loi sur l'usage d'armes.
Et chaque fois qu’un soldat
israélien appuie sur la gâchette ou largue une bombe, il sait qu’il sera
couvert. Parce qu’en amont, un juriste militaire aura déjà écrit que ce n’était
pas un crime. C’est ainsi que l’impunité devient système, que l’État tout
entier bascule dans la monstruosité. Voilà la fonction réelle de ce système :
produire de l’impunité, faire disparaître le crime derrière un rideau de
procédure.
La colonisation
comme matrice du crime
C'est la colonisation, Elle transforme les Israéliens en monstres suprémacistes incapables d'envisager les Palestiniens comme des êtres humains à part entière. Ils en sont incapables, car si les Palestiniens sont des êtres humains à part entière, alors la colonisation, le régime martial et l'oppression transgénérationnelle sont monstrueusement injustes, et les Israéliens ne veulent pas être des monstres, alors ils s'enfoncent dans la déshumanisation, comme toutes les autres tribus génocidaires de l'histoire.
Traitez les
gens comme des animaux assez longtemps et certains d'entre eux finiront par se
comporter comme tel : rendez-vous le 7 octobre.
Traitez les
gens comme des animaux pendant assez longtemps et Israël finira par se comporter
comme tel..
Il ne faut pas s’y
tromper : ce n’est pas une succession de « bavures ». C’est la logique même de
la colonisation. Depuis 1948, depuis la Nakba, Israël a avancé maison après
maison, champ après champ, colonie après colonie. Pour maintenir cette
expansion, il faut déshumaniser ceux qui sont déplacés, enfermés, bombardés. On
leur nie leur humanité pour justifier l’injustifiable. Et plus le temps passe,
plus Israël se perd lui-même dans ce processus : en traitant les Palestiniens
comme des bêtes, il devient lui-même un monstre.
Cette dynamique est
celle de tous les régimes coloniaux. Les États-Unis ont réduit les peuples
autochtones à des « sauvages », l’Afrique du Sud a inventé l’apartheid.
Israël, à son tour, s’est englué dans un système d’ethnocratie où
l’appartenance ethnique détermine l’accès à la terre, aux droits, à la vie
même. Amnesty, Human Rights Watch, B’Tselem : toutes ces organisations parlent
désormais d’apartheid. Israël rejette ce mot, mais il colle à sa peau comme une
évidence.
Le droit retourné
contre lui-même
Le seul « droit » dont disposait Israël après l'incursion était de mettre fin à l'occupation, de dissoudre son ethnocratie d'apartheid et de garantir à tous les Palestiniens exactement les mêmes droits que ceux accordés aux Juifs israéliens. La prétention de l'article à découvrir quelque chose de nouveau et d'intéressant (que les signatures légales ne feraient qu'accroître le nombre de crimes commis par Israël) est une tromperie.
Je n'ai aucun droit de qualifier cet article de mensonge. Je suppose que l'auteur l'a écrit de bonne foi. Mais il se trompe lui-même au point de croire que n'importe laquelle des actions menées pendant la campagne d'extermination israélienne à Gaza pourrait être considérée comme juste, justifiable et moralement saine…
L’horreur ici est
double. D’un côté, il y a la violence matérielle : les bombes, les
check-points, les démolitions de maisons, les colons armés, les enfants morts
sous les gravats. De l’autre, il y a la violence symbolique : des juristes,
censés protéger le droit, qui l’utilisent comme une arme. Ils écrivent des
mémos, ils peaufinent des doctrines, ils « repoussent les limites » pour
élargir la liste des cibles. Ce qu’ils produisent n’est pas du droit, c’est un
manuel de génocide au compte-gouttes.
Et chaque fois qu’un soldat
israélien appuie sur la gâchette ou largue une bombe, il sait qu’il sera
couvert. Parce qu’en amont, un juriste militaire aura déjà écrit que ce n’était
pas un crime. C’est ainsi que l’impunité devient système, que l’État tout
entier bascule dans la monstruosité.
Une impasse morale
et historique
Israël aime se
présenter comme un refuge pour les Juifs persécutés. Mais quel refuge se
construit sur l’expulsion d’un autre peuple ? Quel refuge bombarde des hôpitaux
et affame des enfants ? En prétendant se défendre, Israël s’est condamné à
devenir bourreau. Il s’est enfoncé dans un apartheid armé qui ne peut produire
que deux issues : l’effondrement moral ou l’effondrement politique.
Le monde doit cesser
d’accepter les contes juridiques que lui sert Israël. Le droit international
n’est pas une boîte à outils pour coloniser en toute impunité. Le droit
humanitaire n’est pas un menu dans lequel on pioche pour justifier
l’injustifiable. Le droit fut créé pour protéger les plus faibles. En le
retournant, Israël en fait un instrument de domination.
Briser l’illusion
Il est temps de
regarder le monstre en face. Israël n’a pas le « droit de se défendre »
en occupant, en colonisant, en enfermant. Le seul droit qu’il ait est celui de
mettre fin à l’occupation, de démanteler l’apartheid, et de reconnaître aux
Palestiniens la pleine égalité.
Jusqu’à ce jour, toutes
les fictions juridiques produites par Tsahal ne sont que des mensonges
raffinés, des illusions de papier qui ne cachent pas les cris des enfants, la
poussière des maisons effondrées, les charniers improvisés. Israël est devenu
un monstre parce qu’il a choisi de l’être. Et tant que la communauté
internationale continuera à se laisser hypnotiser par la pseudo-légalité de ses
crimes, ce monstre continuera de dévorer des vies.
Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient
comme ça. »
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